CA Toulouse, 2e ch., 24 janvier 2018, n° 16-03893
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
FT Bat (SARL)
Défendeur :
Garonne Confort (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Truche
Conseillers :
MM. Sonneville, Delmotte
Faits et procédure
En 2010, la société Créalu a fait installer, suivant devis accepté par la société Garonne Confort, un aérotherme de marque Atlantic de 3 Kw distribué par la société Rexel.
En 2014, la société Créalu a reçu une facture d'électricité de 5 566,56 ; la société Garonne Confort est intervenue sur le site en présence d'un technicien Atlantic et a constaté un défaut de câblage, puis a procédé à la réparation.
Afin d'être dédommagée de la surconsommation électrique due au dysfonctionnement, la société Créalu a fait assigner la société Garonne Confort devant le Tribunal de commerce de Montauban, suivant acte extrajudiciaire en date du 20 avril 2015.
Par jugement du 2 mars 2016, le tribunal a:
- débouté la société Créalu de toutes ses demandes ;
- condamné la société Créalu à payer à la société Garonne Confort la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Créalu aux entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 27 juillet 2016, la société Crealu, devenue FT Bat, a relevé appel du jugement.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2017.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
* Par conclusions notifiées le 2 octobre 2017, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, la société FT Bat demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1603, 1641, 1643 et 1645 du Code civil, de :
- infirmer totalement le jugement dont appel et, statuant à nouveau ;
- débouter la société Garonne Confort de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Garonne Confort à payer à la société FT Bat (anciennement dénommée Créalu) la somme de 5 046 à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice correspondant à la surconsommation électrique provoquée par l'aérotherme vendue par la société Garonne Confort ;
- dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2014, date de la mise en demeure ;
- condamner la société Garonne Confort à lui payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Garonne Confort à lui rembourser les causes du jugement de première instance ;
- condamner la société Garonne Confort aux entiers dépens, dont ceux de première instance.
L'appelante fait essentiellement valoir que :
- elle fonde, en appel, sa demande sur l'action indemnitaire en garantie des vices cachés, soumise à une prescription de cinq ans, étant observé que le vice n'a été découvert qu'à la réception d'une facture d'électricité en 2014,
- l'ensemble des factures montre le lien de causalité entre la surconsommation et le vice affectant l'aérotherme,
- Garonne Confort est un vendeur professionnel, donc présumé de manière irréfragable de mauvaise foi.
* Par conclusions notifiées le 14 novembre 2016, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, la société Garonne Confort demande à la cour, au visa des articles 1645 et 1646 du Code civil, de :
- confirmer le jugement,
- dire qu'elle est de bonne foi,
- à défaut, dire que la société FT Bat ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité certain et exclusif entre le vice caché et le préjudice financier qu'elle allègue,
- débouter la société FT Bat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner à verser en application de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 3 000 outre les entiers frais et dépens de première instance dont appel.
L'intimée développe principalement les observations suivantes :
- en première instance, les demandes étaient fondées sur la responsabilité contractuelle ; concernant sa responsabilité au titre d'un vice caché, elle admet être professionnel, mais elle est revendeur et non fabricant,
- elle a appelé en cause le fabricant, mais l'appelante s'est opposée à la jonction et l'instance est pendante devant le Tribunal de commerce de Montauban,
- il n'y a pas de lien de causalité établi alors que les variations de consommation sont apparues indépendamment de l'installation de l'appareil et de sa réparation et peuvent résulter d'un surcroît d'activité qui ne lui serait pas imputable.
Motifs de la décision.
L'aérotherme a été acquis en décembre 2010 (devis du 29 novembre/facture du 18 décembre) et a, aux dires de l'acquéreur, fonctionné normalement jusqu'en début d'année 2014, lorsqu'il aurait constaté à réception de la facture d'EDF, une consommation d'électricité anormalement élevée, ayant donné lieu à une intervention du vendeur en avril 2014, qui a conduit au remplacement des pièces défectueuses et a permis de mettre fin au dysfonctionnement signalé.
Suivant courrier en date du 14 avril 2014, la société Garonne Confort indiquait avoir diagnostiqué l'origine de cette surconsommation, résidant en un " défaut de câblage interne à l'appareil lors de sa fabrication " et avoir procédé aux réparations permettant de la résoudre (pièce n° 3 de l'appelante), ce qui n'est pas contesté.
La société FT Bat invoquait en première instance, pour soutenir sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de cette surconsommation temporaire, la responsabilité contractuelle de la société Garonne Confort et se fonde, en cause d'appel, sur la garantie des vices cachés.
Les pièces versées aux débats font apparaître :
- que la chose vendue était affectée d'un vice, relevant d'un défaut de câblage interne, la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée, puisqu'une résistance restait en action même lorsque l'appareil était en position arrêt, ce qu'a reconnu le vendeur dans son courrier du 14 avril 2014, entraînant une consommation d'électricité en pure perte,
- que le vice, de par sa nature, n'était pas apparent et qu'il n'a produit ses effets qu'après une période d'utilisation sans qu'il n'apparaisse,
- que l'action a été engagée à bref délai après sa révélation, même si sa découverte n'est intervenue que trois ans après la vente et l'installation du matériel, l'assignation étant en date du 20 avril 2015, alors que la facture d'électricité dont le paiement est demandé est du 8 janvier 2014, soit dans le délai de deux ans fixé par l'article 1648 du Code civil,
- que la société Garonne Confort est vendeur professionnel et, en cette qualité, ne peut invoquer l'ignorance qu'elle aurait eu de l'existence du vice, laquelle ne saurait l'exonérer de son obligation de garantie, en application de l'article 1643 de ce même code.
Dès lors, la société FT Bat est fondée dans son principe a exercer une action estimatoire à l'encontre du vendeur, afin d'être indemnisée du préjudice résultant d'une surconsommation d'électricité imputable au vice, dont il lui appartient de prouver la réalité.
Pour y parvenir, elle produit l'ensemble des factures d'électricité dont elle a été redevable entre 2006 et 2014, dont la facture couvrant la période allant du 21 mai 2013 au 8 janvier 2014 pour un montant de 5 825,36 TTC, alors que sur six années, la consommation moyenne annuelle était de l'ordre de 500 , pièces dont la sincérité n'est pas contredite et qui viennent suffisamment établir la réalité du préjudice invoqué, pour le montant réclamé.
Le jugement sera infirmé et la société FT Bat sera condamnée à payer à la société Garonne Confort la somme de 5 046 , majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 18 décembre 2014.
La société Garonne Confort, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, ainsi que ses propres frais. En outre, l'équité commande de la faire participer aux frais irrépétibles exposés par l'intimée et elle sera condamnée au paiement d'une indemnité de 3 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau : Dit que la société Garonne Confort est tenue à la garantie du vice caché affectant le câblage interne de l'aérotherme vendu à la société FT Bat suivant facture datée du 18 décembre 2010; La condamne à payer à la société FT Bat la somme de 5 046 , qui sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 18 décembre 2014; Condamne la société Garonne Confort à payer à la société FT Bat la somme de 3 000 par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la société FT Bat aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.