ADLC, 22 décembre 2017, n° 17-DCC-220
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Décision relative à la prise de contrôle exclusif de la société Gekko par la société Accor
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 22 novembre 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Gekko par la société Accor, formalisée par un protocole d'accord en date du 29 septembre 2017 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Accor est une société anonyme, tête du groupe AccorHotels. Ce dernier est actif dans le domaine de l'hôtellerie avec 4 100 établissements, dans plus de 95 pays. Le groupe AccorHotels détient notamment les marques Sofitel, Novotel, Mercure et Ibis. Accor SA n'est contrôlée par aucun de ses actionnaires1.
2. Gekko est une société par actions simplifiée de droit français. Elle est contrôlée conjointement par Messieurs Olivier Delouis et Stéphane de Laforcade d'une part et par le groupe HLD d'autre part. Gekko est active sur le marché de la réservation hôtelière avec les solutions Teldar (à destination des agences de voyages), Hotel Corporate System (à destination des entreprises), Infinite Hotel (référencement d'hôtels) et Miles Attack (programme d'incitation à destination des agences de voyages).
3. L'opération notifiée consiste en l'acquisition de [...] % du capital de Gekko par Accor, le capital restant étant détenu par Messieurs Delouis et de Laforcade. Le pacte d'actionnaires du 13 octobre 2017 prévoit qu'Accor désigne la majorité des membres du Conseil de surveillance, lequel adopte à la majorité simple les décisions stratégiques de Gekko et notamment son budget annuel et son plan d'affaires sur trois ans.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Gekko par Accor, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Accor : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Gekko : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Accor : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Gekko : [...] d'euros pour l'exercice clos le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
6. L'opération a été notifiée à l'autorité autrichienne de la concurrence le 21 novembre 2017.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. L'opération envisagée concerne le secteur du tourisme. AccorHotels fournit des services d'hôtellerie aux professionnels du tourisme, aux entreprises et aux particuliers. Gekko assure quant à elle des prestations d'intermédiation hôtelière, en agrégeant des offres de services d'hôtellerie pour les proposer à des professionnels du tourisme et à des entreprises.
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
1. SECTEUR DE L'HÔTELLERIE
8. Dans le secteur de l'hôtellerie, la pratique décisionnelle a envisagé plusieurs segmentations en fonction du prix et du niveau de confort, sur la base du classement des établissements, ainsi que de leur mode d'exploitation2. À cet égard, la pratique décisionnelle distingue les chaînes hôtelières intégrées, les chaînes volontaires et les hôtels indépendants.
9. S'agissant de la distinction des établissements hôteliers en fonction du niveau de confort, la pratique décisionnelle a envisagé plusieurs méthodes de segmentation3 : regroupement par paires d'étoiles (1-2 étoiles ; 2-3 étoiles ; 3-4 étoiles) ou en tenant compte de la catégorie immédiatement inférieure et de la catégorie immédiatement supérieure (1-3 étoiles, 2-4 étoiles). Le ministre chargé de l'économie a, quant à lui, envisagé une distinction entre l'hôtellerie économique (1-3 étoiles) et l'hôtellerie de luxe (4 étoiles et plus).
10. En l'espèce, seul le groupe AccorHotels est présent sur ce marché. Il dispose de marques d'hôtels présents sur l'ensemble des segmentations envisagées.
11. La question de la délimitation exacte des marchés de services peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.
2. SECTEUR DE L'INTERMÉDIATION HÔTELIÈRE
12. La Commission européenne a identifié un marché pour les systèmes de réservation informatique à destination des agences de voyage (ci-après, " GDS " - Global Distribution Systems). Les GDS sont définis comme des intermédiaires sur le marché biface où l'offre s'adresse, en amont, aux fournisseurs de services de voyage (compagnies aériennes, par exemple) et, en aval, aux agences de voyages4. L'inclusion des sites de fournisseurs de services de voyages dans ce marché a par ailleurs été envisagée5.
13. De façon similaire, la pratique décisionnelle européenne a envisagé un marché biface de l'intermédiation hôtelière où l'offre s'adresse, en amont, aux fournisseurs de services hôteliers et, en aval, aux agences de voyages physiques et en ligne et aux tours opérateurs6. La Commission européenne a déjà envisagé ces marchés dans une acception large, c'est-à-dire incluant notamment les centrales hôtelières, les GDS, les agences de voyages en ligne (ci-après " OTA ", online travel agencies), les agrégateurs et les canaux de distribution des hôteliers comme par exemple accorhotels.com. Par ailleurs, elle a envisagé différentes segmentations plus restrictives avec (i) un marché excluant les canaux de distribution des hôtels7, (ii) un marché intégrant exclusivement les grossistes et les GDS et (iii) un marché intégrant uniquement les grossistes en hôtellerie8.
14. La partie notifiante a retenu une segmentation incluant exclusivement les agrégateurs.
15. En l'espèce, AccorHotels dispose de plateformes de réservation de nuitées à destination des agences de voyages et autres professionnels du tourisme. Le groupe Gekko référence les hôtels avec son service Infinite Hotels. Ces hôtels sont ensuite proposés aux professionnels du tourisme via sa plateforme Teldar.
16. La question de la délimitation exacte des marchés de services peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.
3. SECTEUR DES SERVICES D'AGENCES DE VOYAGES
17. La pratique constante des autorités de concurrence considère que le secteur des services d'agences de voyages doit être segmenté entre les voyages de loisir et les voyages d'affaires9. Par ailleurs, au sein des voyages d'affaires, la pratique décisionnelle a envisagé une segmentation en fonction du client entre les PME et PMI et les grands comptes10.
18. Une segmentation en fonction du canal de distribution des services d'agences de voyages (en ligne ou au moyen d'agences physiques) a également été envisagée11.
19. Au sein du marché des voyages de loisir distribués par les agences de voyages, le marché des voyages à forfait (incluant l'acheminement) constitue un marché distinct12. La Commission européenne a considéré que les évolutions récentes du secteur, notamment le développement des forfaits dynamiques, c'est-à-dire la composition au moment de la formulation du besoin par le client d'une offre de voyage incluant l'acheminement, pourraient limiter la pertinence d'un marché distinct des voyages à forfait. Elle a toutefois laissé cette question ouverte13.
20. Symétriquement, elle a défini un marché de la vente de services de voyages hors voyages à forfait14. Au sein de ce marché, elle a envisagé de distinguer des marchés spécifiques pour la vente de vols, d'une part, et de nuitées, d'autre part15.
21. Deux sous-segmentations additionnelles ont été envisagées pour les voyages à forfait, la vente de nuitées d'hôtel et de vols : (i) une segmentation en fonction du caractère domestique ou international de la destination et (ii) au sein des destinations internationales, une soussegmentation entre les destinations étrangères proches et lointaines (accessibles à plus de six heures d'avion)16.
22. En l'espèce, AccorHotels est présent sur le segment des voyages de loisir par son agence de voyages en ligne Verychic.com et marginalement par son offre de voyages à forfait en partenariat avec Mister Fly. Gekko est présent sur les services d'agences de voyages aux entreprises via son offre H-Corpo.
4. SECTEUR DE L'ORGANISATION D'ÉVÉNEMENTS HORS SALONS ET FOIRES
23. La pratique décisionnelle a envisagé un marché de l'organisation d'événements autres que les foires et les salons (congrès, expositions, colloques, conventions)17.
24. En l'espèce, les parties sont toutes les deux présentes sur ce segment.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
1. SECTEUR DE L'HÔTELLERIE
25. Les autorités de concurrence considèrent que les marchés de l'hôtellerie peuvent être analysés à la fois au niveau national, en particulier pour les chaînes d'hôtels, les conditions de concurrence étant homogènes sur l'ensemble du territoire métropolitain, et au niveau local, notamment parce que le critère de choix principal pour le client est la localisation de l'établissement18.
26. La question de la délimitation exacte des marchés géographiques peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
27. En l'espèce, en l'absence de chevauchement horizontal sur ce marché entre les parties, l'analyse sera effectuée au niveau national.
2. SECTEUR DE L'INTERMÉDIATION HÔTELIÈRE
28. Par analogie avec sa pratique décisionnelle sur les GDS, la Commission européenne a envisagé une dimension mondiale pour le marché amont, et une dimension au moins nationale pour le marché aval19, tout en laissant ouverte la définition exacte des marchés géographiques.
29. En tout état de cause, la délimitation géographique exacte de ce marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.
30. En l'espèce, l'analyse sera effectuée au niveau national sur le marché aval et aux niveaux national, européen, et mondial sur le marché amont.
3. SECTEUR DES SERVICES D'AGENCES DE VOYAGES
31. Les autorités de concurrence considèrent généralement que les services d'agences de voyages sont de dimension nationale, en raison notamment de barrières linguistiques et culturelles, la question d'une dimension régionale ou locale ayant été laissée ouverte20.
32. En l'espèce, les parties étant exclusivement actives sur internet, l'analyse sera menée au niveau national.
4. SECTEUR DE L'ORGANISATION D'ÉVÉNEMENTS HORS SALONS ET FOIRES
33. La pratique décisionnelle nationale n'a pas défini de marché géographique pour le marché de l'organisation d'événements hors foires et salons mais a retenu un marché de dimension nationale dans le cadre de l'organisation de foires et de salons21.
34. La Commission a envisagé une dimension européenne de l'organisation d'événements hors salons et foires22 tout en laissant ouverte la définition exacte des marchés géographiques.
35. En tout état de cause, la question de l'existence de la délimitation géographique exacte de ce marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.
36. En l'espèce, Gekko étant actif uniquement en France, l'analyse sera effectuée sur le marché national, qui constitue l'hypothèse la plus conservatrice.
III. Analyse concurrentielle
37. L'opération engendrera des chevauchements horizontaux sur les marchés de l'intermédiation hôtelière et de l'organisation d'événements hors foires et salons (A), plusieurs relations verticales entre les activités des parties (B) et des liens de connexité (C)23.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
38. Sur le marché aval de l'intermédiation hôtelière, les parties proposent toutes deux des solutions de réservation de nuitées à destination des professionnels du tourisme. Sur ce marché, quelles que soient les segmentations retenues, la part de marché cumulée des parties est inférieure à [10-20] %.
39. Sur le marché de l'organisation d'événements hors foires et salons, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [5-10] %.
40. En conséquence et au vu notamment du point 384 des lignes directrices, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de l'intermédiation hôtelière et de l'organisation d'événements hors foires et salons.
B. EFFETS VERTICAUX
41. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès des concurrents aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés avals, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amonts, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
42. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu'un risque d'effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %24.
43. En l'espèce, au regard des activités exercées par les parties, l'opération est susceptible d'engendrer des effets verticaux (i) entre le marché des services d'hôtellerie et les marchés de l'intermédiation hôtelière, (ii) entre les marchés de l'intermédiation hôtelière et les marchés des services d'agences de voyages et (iii) entre les marchés de l'intermédiation hôtelière et les marchés de l'organisation d'événements hors foires et salons.
44. Sur les marchés de l'intermédiation hôtelière, des services d'agences de voyages et des services d'organisation d'événements hors salons et foires, la nouvelle entité disposera d'une part de marché inférieure à 20 %. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter à atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur ces marchés.
45. En revanche, la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [40-50] % sur le marché de l'hôtellerie de chaînes, au sein du marché des services d'hôtellerie. Conformément aux lignes directrices de l'Autorité, il convient donc d'examiner la capacité et les incitations de la nouvelle entité à mettre en œuvre un verrouillage de l'accès à la clientèle (1) ou un verrouillage des intrants (offre hôtelière d'AccorHotels) (2).
1. VERROUILLAGE DE L'ACCÈS À LA CLIENTÈLE
46. La nouvelle entité pourrait souhaiter restreindre l'accès des concurrents d'AccorHotels aux services d'intermédiation hôtelière proposés par Gekko. La position forte d'AccorHotels sur le marché de l'hôtellerie de chaînes pourrait permettre à Gekko de ne plus référencer certains concurrents d'AccorHotels, l'offre hôtelière de la nouvelle entité étant suffisamment importante pour se substituer à une partie de l'offre concurrente.
47. Cependant, il apparaît que la nouvelle entité n'aura pas d'incitation à mettre en place une telle stratégie de verrouillage de la clientèle. En effet, AccorHotels ne représentant que [5-10] % des nuitées commercialisées par Gekko, la nouvelle entité n'aura pas d'incitation à déréférencer des concurrents d'AccorHotels pour ses services d'intermédiation hôtelière, la perte de revenus potentielle d'une telle stratégie étant bien trop élevée.
48. De plus, les incitations de la nouvelle entité à mettre en place un verrouillage de l'accès à la clientèle sont limitées par l'existence de plusieurs alternatives crédibles à la disposition des concurrents de la nouvelle entité. En effet, la part de marché de la nouvelle entité sur les marchés nationaux, européens et mondiaux de l'intermédiation ne dépassera pas [20-30] % quelles que soient les segmentations retenues. Ainsi, sur le marché national de l'intermédiation hôtelière limité aux agrégateurs où la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [20-30] %, la nouvelle entité fera face à des agrégateurs concurrents significatifs tels que, en amont HRS ([20-30] %) et BedsOnline ([30-40] %). De même, en aval, sur le segment de la distribution en ligne où la nouvelle entité disposera d'une part de marché inférieure à 10 %, elle fera face à des concurrents importants comme HRS ([20-30] %) et Egencia ([40-50] %). Par ailleurs, les agences de voyage en ligne (Booking, Expedia, Carlson Wagonlit Travel, American Express Global Business Traveler), des GDS (Amadeus, Sabre) et des centrales de réservation (HotelsBeds, JacTravel) constituent également des concurrents de la nouvelle entité sur le marché de l'intermédiation hôtelière. Enfin, la Commission européenne a déjà retenu les canaux directs de distribution des hôtels comme des alternatives en cas de verrouillage25.
49. Dès lors, le risque de verrouillage de l'accès à la clientèle peut être écarté.
2. VERROUILLAGE DE L'ACCÈS AUX INTRANTS
50. La nouvelle entité pourrait choisir de ne proposer le parc hôtelier d'AccorHotels qu'au travers des services de la nouvelle entité et donc de restreindre l'accès des concurrents à l'offre hôtelière d'AccorHotels. La nouvelle entité disposera ainsi d'une position significative sur le segment de l'hôtellerie de chaînes lui conférant la capacité de mettre en place un verrouillage des intrants. En effet, elle disposera d'une part de marché de [20-30] % sur le marché national de l'hôtellerie (tous modes de gestion confondus) et de [40-50] % sur le marché national de l'hôtellerie de chaînes.
51. En dépit de cette part de marché élevée, les incitations de la nouvelle entité à mettre en place un tel verrouillage de l'accès aux intrants sont limitées.
52. Tout d'abord, les concurrents disposent d'alternatives crédibles sur le marché de l'hôtellerie intégrée telles que Louvre Hotels (part de marché : [10-20] %), B&B Hotels ([5-10] %) et Best Western ([5-10] %). Par ailleurs, les concurrents disposent également, comme alternatives, des hôtels indépendants et des chaînes volontaires.
53. De plus, la part de Gekko dans le chiffre d'affaires d'AccorHotels réalisé auprès des professionnels (acteurs de l'intermédiation hôtelière) est très limitée, de l'ordre de [0-5] %, alors que [confidentiel] représente [10-20] % de ce chiffre et que [confidentiel] et [confidentiel] génèrent respectivement [10-20] % de ce chiffre d'affaires. De plus, AccorHotels réalise environ [confidentiel] de son chiffre d'affaires auprès des professionnels via des centrales hôtelières et agrégateurs concurrents de Gekko, tels que CDS, HRS, GTA et Hotelbeds. Ainsi, la part marginale de Gekko dans le chiffre d'affaires d'AccorHotels limitera les incitations à restreindre l'accès aux intrants à des concurrents engendrant une part importante du chiffre d'affaires de la nouvelle entité.
54. Par ailleurs, la partie notifiante précise que les contrats conclus entre un intermédiaire et un groupe hôtelier couvrent l'ensemble des pays où l'intermédiaire est présent. Or, si Gekko réalise la quasi-totalité de son activité en France (part de marché sur le marché européen : [0-5] %-[5- 10] %), il fait face à des acteurs internationaux comme Booking (part de marché sur le marché européen de l'intermédiation : [10-20] %-[20-30] %), Expedia ([5-10] %-[10-20] %) et HotelBeds ([5-10] %-[10-20] %). Ainsi, les incitations à verrouiller l'accès à l'offre hôtelière de la nouvelle entité sont réduites dans la mesure où un tel verrouillage ne pourrait avoir un effet positif que sur le marché national au risque de dégrader la position d'AccorHotels sur l'ensemble des marchés internationaux.
55. Enfin, une stratégie de verrouillage des intrants pourrait ne pas conduire à un accroissement de la position de la nouvelle entité sur les marchés de l'intermédiation hôtelière. En effet, AccorHotels réalisait en 2015 près de [60-70] % du chiffre d'affaires " hébergement " de l'ensemble de ses hôtels par les divers canaux de distribution centraux, dont le portail de réservation accorhotels.com et les sites de ses marques26. Ainsi, si AccorHotels cessait de référencer les hôtels du groupe auprès des concurrents de Gekko (intermédiaires B2C), cela ne saurait mécaniquement conduire à un accroissement de la part de marché de la nouvelle entité sur le marché de l'intermédiation hôtelière. En effet, les clients (agences de voyage et entreprises) pourraient toujours accéder à l'offre d'AccorHotels via les sites de distribution directe du groupe et le verrouillage ne pourrait pas avoir l'effet escompté.
56. Dès lors, le risque de verrouillage des intrants peut être écarté.
57. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur ces marchés.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
58. Une concentration est également susceptible d'entraîner des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Certaines concentrations conglomérales peuvent en effet produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes des produits de la nouvelle entité de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.
59. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relèvent toutefois qu'il est peu probable qu'une concentration entraîne un risque d'effet congloméral si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Les lignes directrices renvoient, à cet égard, à un seuil de 30 % de parts de marché pour l'appréciation de cette position de marché27.
60. En l'espèce, au regard des activités exercées par les parties, l'opération est susceptible d'engendrer des effets congloméraux entre les marchés des services d'agences de voyages (particuliers et entreprises) et les marchés de l'organisation d'événements hors foires et salon. Cependant, sur ces marchés, la part de marché de la nouvelle entité sera systématiquement inférieure à 10 %. Par ailleurs, la nouvelle entité sera en concurrence, sur chacun de ces marchés, avec de nombreux acteurs : GL Events, Capdel, Ideal Mettings & Events, AMT Organisation, Booking, Amex GBT et CWT. 61. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.
DÉCIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-224 est autorisée.
NOTES
1 Au 30 juin 2017, 65,41 % du capital social était détenu par des actionnaires flottants, 21,45 % par le conseil d'administration et les fondateurs du groupe, et 12,36 % par le groupe Jin Jiang, le reste étant détenu par les salariés.
2 Voir les décisions de la Commission européenne M.1596 Accor/Blackstone/Colony/Vivendi du 8 septembre 1999, M.3858 Lehman Brothers/SCG/Starwood/Le Méridien du 20 juillet 2005, M.6058 Bank of Scotland / Barclays Bank / Kew Green Hotels du 2 février 2011 et M.7902 Marriott international/Starwood Hotels & Resorts Worldwide du 27 juin 2016 ; les lettres du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi C2007-90 du 27 août 2007, au conseil de la société Blackstone, relative à une concentration dans le secteur de l'hôtellerie et C2007-63 du 29 mai 2007, aux conseils du Fonds d'investissement Withehall 2005 relative à une concentration dans le secteur de l'hôtellerie ; les décisions de l'Autorité n° 15-DCC-77 du 23 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif par la société LFPI de la société LSF6/Alliance Holding SAS et n° 17-DCC-71 du 26 mai 2017 relative à la prise en location-gérance par la Société Hôtelière de Montparnasse de l'hôtel Pullman Paris Montparnasse.
3 Voir les décisions de la Commission européenne M.2197 Hilton/Accor/Forte/Travel Service JV du 16 février 2001, M.2997 Accor/Erbetz/Dirint du 23 décembre 2002 ; voir la lettre C2007-90 précitée; les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-82 du 12 juin 2014 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Park&Suites et du groupe GMI par le groupe M Finance et le fonds d'investissement Equiston et n° 17-DCC-71 précitée..
4 Voir les décisions de la Commission européenne M.2197 précitée, M.4523 Travelport/Worldspan du 21 août 2007 et M.7802 Amadeus/Navitaire du 19 janvier 2016.
5 Voir la décision M.7802 précitée.
6 Voir les décisions de la Commission M.7968 EQT Services UK / Kuoni Travel Holding du 22 avril 2016, M.8231 Kuoni Travel Holding / MTS Globe du 15 novembre 2016 et M.8408 Cinven / CPPIB / Travel Holdings Parent Corporation du 22 mai 2017.
7 Voir la décision M.7968 précitée.
8 Voir la décision M.8231 précitée.
9 Voir les décisions de la Commission européennes M.334 Costa Crociere/Chargeurs/Accor du 19 juillet 1993, M.6163 Axa/Permira/Opodo/Go Voyages/Edreams du 30 mai 2011, M.7238 Amercian Express Company/Qatar Holding/GBT du 20 juin 2014, M.7358 Dnata/Stella du 9 octobre 2014, et M.8046 TUI/ Transat France du 20 octobre 2016, les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 15-DCC-183 du 24 décembre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société CWT Distribution par la société Marietton Développement, n° 16-DCC-35 du 16 mars 2016 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe FRAM par la société LBO France Gestion et n° 16-DCC-166 du 31 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Bazarchic par la société UPLIC (groupe Galeries Lafayette), et la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie C2008-110 du 12 novembre 2008 relative à une concentration dans le secteur de la vente de voyages en ligne.
10 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie C2004-005 du 29 mars 2004, aux conseils de la société SEAVT, relative à une concentration dans le secteur du tourisme.
11 Voir les décisions M.6163, M.7358, M.8046, n° 16-DCC-35 et n° 16-DCC-166 précitées
12 Voir les décisions M.6163, M.7238, M.7358, M.8046, et n°15-DCC-183 précitées.
13 Voir la décision M.8046 précitée.
14 Voir les décisions de la Commission européennes M. 5462 Thomas Cook Group/Gold Medal International du 30 mars 2009, et les décisions M.6163, M.8046, n° 16-DCC-35 et n° 16-DCC-166 précitées.
15 Voir les décisions M.6163 et M.8046 précitées.
16 Voir les décisions M.5462, M.8046, n° 16-DCC-35 et n° 16-DCC-166 précitées.
17 Voir la décision M.7968 précitée ; la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 13 novembre 2007 aux conseils de la société CCIP, relative à une concentration dans le secteur de l'organisation des foires et des salons.
18 Voir les décisions M.1596, M.3858, M.6058 et M.7902 précitées ; les lettres C2007-90 et C2007-63 précitées ; les décisions n° 15-DCC-77 et n° 17-DCC-71 précitées.
19 Voir les décisions M.2197, M.2794, M.4523, M.7802 et M.7968 précitées.
20 Voir les décisions M.7358, M.7238 et M.6163 et la lettre C2008-110 précitées.
21 Voir la lettre C2007-14 précitée.
22 Voir la décision M.7968 précitée.
23 La cible détient le programme de fidélité Miles Attack à destination des professionnels du tourisme. Ce programme permet à ces derniers d'acquérir des points pour chaque vente réalisée pour un des partenaires du programme (Hertz, MSC Croisières, TUI, Corsair, etc.). Cependant, l'existence d'un effet de levier lié à la détention d'un programme d'incitation peut être écartée dans la mesure où le règlement du programme précise que chaque partenaire fixe le niveau de points attribués pour la vente de ses prestations et que, en conséquence, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de fixer le barème des récompenses pour favoriser ses propres activités.
24 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, point 453.
25 Voir les décisions M.7968 et M.8231 précitées.
26 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvres par les sociétés Booking.com B.V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.
27 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 384.