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Décisions

ADLC, 18 décembre 2017, n° 17-DCC-208

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Décision relative à la prise de contrôle exclusif de La Martinière Groupe par Média-Participations

ADLC n° 17-DCC-208

18 décembre 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 13 novembre 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société La Martinière par la société Média-Participations, formalisée par une lettre d'intention en date du 20 juillet 2017 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. Média-Participations, à la tête du groupe Média-Participations, est une société en commandite par actions de droit belge, ultimement contrôlée par la famille [X]1 . Le groupe Média-Participations est actif dans les secteurs de l'édition, de la production audiovisuelle et de la presse. S'agissant de l'édition, le groupe Média-Participations est actif dans les quatre métiers suivants :

- l'édition, qui regroupe toutes les fonctions relatives à la publication d'un livre, à travers plusieurs maisons d'édition, notamment Les Nouvelles Éditions Anne Carrière (littérature générale), Fleurus Éditions (livres pour la jeunesse, beaux livres, livres pratiques et livres universitaires et professionnels), Dargaud (livres pour la jeunesse, beaux livres et bandes dessinées), Dargaud Lombard (bandes dessinées), Dupuis (bandes dessinées), Lucky Comics (bandes dessinées) et Studio Boule et Bill (bandes dessinées) ;

- la diffusion, c'est-à-dire la commercialisation, auprès de revendeurs, des ouvrages édités par le groupe et par certains éditeurs tiers, en France, en Suisse et en Belgique, à travers la société Média Diffusion ;

- la distribution, c'est-à-dire la fourniture des prestations logistiques nécessaires à la livraison de livres à la clientèle, en France, en Suisse et en Belgique, à travers les sociétés MDS et Dupuis Logistic Services ;

- la vente de livres au détail, à travers une librairie spécialisée à Paris.

2. La Martinière Groupe, à la tête du groupe La Martinière, est une société anonyme immatriculée en France, détenue majoritairement par la société Mousse [confidentiel]2 . . La Martinière Groupe est active dans les deux métiers de l'édition suivants :

- l'édition, à travers plusieurs maisons d'édition, dont Les Éditions de la Martinière (littérature générale, livres pour la jeunesse, beaux livres et livres pratiques), Seuil (littérature générale, poches, livres pour la jeunesse, beaux livres, bandes dessinées, livres universitaires et professionnels et ouvrages de référence), Métailié (littérature générale, poches, et livres pour la jeunesse) et Points (poches) ;

- la distribution, à travers la société Eden Livres, contrôlée conjointement avec la société Madrigall, qui a pour activité l'exploitation d'une plate-forme de stockage et de distribution de livres numériques.

B. L'OPÉRATION

3. L'opération, formalisée par une lettre d'intention signée par Média-Participations et La Martinière Groupe en date du 20 juillet 2017, porte sur l'apport d'actions de La Martinière Groupe à Média-Participations. En ce qu'elle entraîne l'acquisition du contrôle exclusif du groupe La Martinière par Média-Participations, l'opération constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Média-Participations : 352,4 millions d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; La Martinière Groupe : 205,9 millions d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Média-Participations : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; La Martinière Groupe : [...] d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les groupes Média-Participations et La Martinière sont actifs dans les secteurs de l'édition (marchés des droits), de la diffusion et de la distribution (marchés de la diffusion et de la distribution aux éditeurs) et de la vente d'ouvrages (marchés de la vente de livres).

A. LES MARCHÉS DES DROITS

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

6. En amont de la chaîne du livre, les éditeurs sont en concurrence pour acquérir les droits de propriété intellectuelle sur le contenu des ouvrages, à savoir les illustrations et surtout les récits. Les autorités de concurrence européenne et nationales3 ont identifié, d'une part, le marché des droits de reproduction iconographiques et cartographiques, sur lequel les éditeurs sont acheteurs de droits de reproduction auprès de nombreuses sources, telles que des musées, des sociétés d'auteurs, des instituts géographiques ou d'archives et, d'autre part, le marché des droits d'édition, sur lequel les éditeurs sont acheteurs, auprès des auteurs ou d'autres éditeurs, de droits d'édition de livres.

7. Au sein du marché des droits d'édition, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence distingue généralement les marchés primaires de droits (pour la première édition en langue française d'un ouvrage) et les marchés secondaires de droits (pour de nouvelles éditions en langue française d'un ouvrage déjà publié en langue française).

a) Les marchés primaires de droits d'édition en langue française

8. Le contrat d'édition ou d'édition originale est le contrat par lequel l'auteur cède à un éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer, pour la première fois, des exemplaires de l'œuvre, à charge pour lui d'en assurer la publication, la diffusion et la distribution. Ce contrat entre un auteur et un éditeur prévoit l'étendue des droits transmis, ainsi que la rémunération de l'auteur, c'est-à-dire le versement de droits d'auteur en fonction du nombre d'exemplaires vendus et éventuellement d'à-valoir.

9. Sur le marché primaire des droits d'édition en langue française, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a établi une première distinction selon la langue originale de l'œuvre, en identifiant un marché des droits d'édition en langue française d'une œuvre originale en langue française (" marché des droits français ") et un marché des droits d'édition en langue française d'une œuvre originale en langue étrangère (" marché des droits étrangers ")4 . En effet, ces deux marchés présentent des caractéristiques différentes, notamment en termes :

- d'identité des acteurs : alors que, sur le marché des droits français, les éditeurs acquièrent directement, auprès des auteurs francophones, le droit de publier pour la première fois leur œuvre, le marché des droits étrangers met en présence, d'une part, les éditeurs étrangers, qui ont acquis tous les droits afférents à une œuvre, y compris celui de la traduire dans une autre langue, et les éditeurs français souhaitant traduire et publier l'œuvre étrangère en langue française, ces derniers n'ayant pas de contact avec les auteurs étrangers ;

- de nature et de portée des droits transférés : sur le marché des droits français, l'auteur cède généralement à l'éditeur tous les droits patrimoniaux d'adaptation, de reproduction et de représentation afférents à l'œuvre5 , et les droits d'exploitation, sur tous les canaux de distribution, y compris les droits de traduction, d'édition dérivée, poche, club, etc. S'agissant des droits étrangers en revanche, l'éditeur francophone dispose du droit d'exploitation en une langue définie, en l'occurrence la langue française, sur des canaux de distribution définis (généralement les circuits de distribution traditionnelle du livre), portant sur des supports d'exploitation définis (papier, numérique), et comportant des clauses particulières et variables pour les ventes directes ou les ventes aux clubs ; les droits étrangers acquis sont donc plus limités dans leur nature ;

- de durée des droits acquis : les droits français sont cédés par les auteurs aux éditeurs pour la durée de la propriété intellectuelle (70 ans après le décès de l'auteur en France), alors que les droits étrangers ne sont acquis que pour une durée courte (de 5 à 10 ans généralement) ;

- du montant des à-valoir versés : ceux-ci sont largement plus importants pour les droits étrangers que pour les droits français.

10. En outre, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a établi une distinction selon la catégorie de livres. En effet, les droits d'édition ne portent en réalité que sur les œuvres individuelles, pour lesquelles une mise en concurrence entre les maisons d'édition s'opère, alors que, pour les œuvres collectives, l'acquisition de droits est rare6 . Seuls les livres de littérature générale, les livres pour la jeunesse, les bandes dessinées et les ouvrages universitaires et professionnels constituent des œuvres individuelles faisant l'objet d'acquisition de droits d'édition. Or, pour ces quatre catégories de livres :

(i) les auteurs ne sont pas les mêmes (par exemple, des illustrateurs pour les bandes dessinées et plutôt des praticiens ou professeurs pour les ouvrages universitaires et professionnels),

(ii) les maisons d'édition sont généralement spécialisées dans un type d'ouvrages, et

(iii) les montants de la rémunération proportionnelle et des à-valoir ne sont généralement pas identiques selon les catégories d'ouvrages (rapport de 1 à 10 entre l'à-valoir versé à un auteur de livres de jeunesse et celui versé à un auteur de littérature générale).

11. La question de l'existence d'un marché distinct des droits numériques a également été laissée ouverte7 , un test de marché réalisé par la Commission européenne ayant toutefois révélé que, dans la très grande majorité des cas, les droits numériques et les droits " papier " sont acquis ensemble par les éditeurs et appartiennent donc au même marché de produit8 .

12. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause les segmentations des marchés primaires de droits d'édition en langue française.

b) Les marchés secondaires des droits d'édition en langue française

13. Une fois le livre publié une première fois en langue française, il peut faire l'objet de nouvelles cessions de droits pour des rééditions, principalement selon deux modes différents :

- des rééditions au format de poche : lorsqu'un livre en grand format a connu un certain succès, son éditeur peut décider d'en exploiter les droits en format poche, soit en interne s'il dispose d'une collection de poche, soit en cédant ses droits à un éditeur de livres au format de poche ;

- des rééditions au format club : dans ce cas, les éditeurs d'une œuvre en grand format cèdent aux clubs de livres les droits de la fabriquer ou de la faire fabriquer, de la publier et de la diffuser à distance, par correspondance, courtage ou abonnement, avec une exclusivité limitée dans le temps ; en contrepartie, le club de livres paie à l'éditeur du grand format des droits de commercialisation en club avec un minimum garanti.

14. La pratique décisionnelle a considéré que le marché secondaire des droits d'édition devait être segmenté selon ces deux formats de réédition, compte tenu de l'existence de différences notables entre eux, notamment en termes de :

(i) champ de diffusion (diffusion limitée à un public prédéterminé de membres du club par rapport à la large diffusion tout public d'une collection poche),

(ii) montants de droits d'auteurs, ou

(iii) identité des acteurs.

15. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause les segmentations des marchés secondaires des droits d'édition en langue française.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

16. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence a considéré que les différents marchés des droits d'édition sont de dimension mondiale9 . S'agissant des marchés primaires des droits d'édition en langue française d'une œuvre originale en langue française, elles ont relevé que les éditeurs ne portent pas d'attention à la nationalité de l'auteur lors de la sélection d'une œuvre, le critère étant essentiellement linguistique, et que l'acquisition de droits d'édition d'œuvres en langue française par les éditeurs porte sur la totalité des droits en langue française, sans restriction de pays. S'agissant des autres marchés des droits d'édition, il a été relevé que les éditeurs francophones de différents pays sont en concurrence pour l'acquisition des droits d'édition en langue française et que les cessions de chaque catégorie de droits portent en général sur la totalité des droits en langue française, sans restriction de pays.

17. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause la dimension mondiale de ces marchés.

B. LES MARCHÉS DES SERVICES DE DIFFUSION ET DE DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

a) Les marchés de services de diffusion

18. La diffusion consiste principalement à commercialiser les ouvrages des éditeurs auprès des différentes catégories de revendeurs de livres, par le biais de visites de représentants chargés de présenter les livres à paraître et de promouvoir leur vente.

19. Les autorités de concurrence ont segmenté le marché des services de diffusion, selon la catégorie de revendeurs, en distinguant :

(i) les librairies de niveau 1 (grandes librairies et grandes surfaces spécialisées en vente de livres) et de niveau 2 (librairies de quartier),

(ii) les hypermarchés, et

(iii) les grossistes, ces derniers étant chargés de la commercialisation de livres auprès de détaillants non spécialisés dans le livre (" revendeurs de niveau 3 "), tels que les supermarchés, les diffuseurs de presse, les stations-services, etc.10

20. Cette segmentation se justifie par l'existence de différences notables dans le fonctionnement de la diffusion selon la catégorie de revendeurs (prestations différentes selon le type de revendeurs, écarts dans les coûts de diffusion, organisation des sociétés de diffusion par niveau de revendeurs, catégories de livres diffusés variant selon le canal de distribution).

21. La partie notifiante suggère de retenir un quatrième segment au sein du marché des services de diffusion pour les revendeurs en ligne (ou " e-revendeurs "). Selon elle, ces derniers devraient être distingués des revendeurs physiques, au motif que les diffuseurs leur proposent des prestations spécifiques afin de répondre à leur besoin d'exhaustivité.

22. L'Autorité a laissé ouverte la question de l'existence d'un tel segment11.

23. La question de l'existence d'un marché distinct de la diffusion de livres numériques a également été laissée ouverte12.

24. La question de la délimitation exacte des marchés de service de diffusion peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

b) Les marchés des services de distribution

25. La distribution regroupe l'ensemble des opérations logistiques afférentes à la fourniture des livres à la clientèle, depuis la commande jusqu'à l'encaissement de la facture, en passant par la gestion des retours.

26. Les autorités de concurrence ont estimé que le marché des services de distribution ne devait pas être segmenté, ni par niveau de revendeurs, ni par type d'ouvrages distribués, dans la mesure où les prestations logistiques sont relativement uniformes13.

27. La partie notifiante considère qu'un marché des services de distribution de livres numériques pourrait être distingué, en raison, notamment, des contraintes spécifiques en termes de modalités de stockage, de logistique de distribution, de gestion des référentiels et des flux, de bases de données et de protections.

28. La question de la délimitation exacte des marchés des services de distribution peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

29. Les autorités de concurrence ont considéré que les marchés des services de diffusion et de distribution revêtent une dimension correspondant au bassin francophone de l'Union européenne (France, Belgique francophone et Luxembourg), la question de l'inclusion de la Suisse romande dans le marché ayant été laissée ouverte14.

30. La partie notifiante considère que la Suisse romande ne devrait pas être incluse dans ces marchés, les réseaux de diffusion et de distribution employés ainsi que l'offre et les conditions du marché étant différentes.

31. La question de la délimitation exacte de ce marché peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

C. MARCHÉS DE LA VENTE DE LIVRES

1. LES MARCHÉS DE SERVICES

32. Les ouvrages font l'objet d'une première vente, en amont, entre les éditeurs et les revendeurs (librairies, hypermarchés, etc.), ces derniers étant rémunérés par la remise accordée par les éditeurs sur le prix de vente final, puis d'une seconde vente, en aval, entre ces revendeurs et les consommateurs (les lecteurs).

a) Les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs

33. Même si la commercialisation et la distribution des livres s'effectuent souvent par des intermédiaires, les diffuseurs/distributeurs, cela ne signifie pas pour autant que les éditeurs perdent le contrôle des conditions commerciales proposées aux revendeurs. Au contraire, les éditeurs conservant la possibilité de modifier en permanence les conditions générales établies par leur diffuseur, notamment les conditions encadrant les remises aux revendeurs. Ce marché est ainsi caractérisé par la rencontre d'une offre constituée par les éditeurs et d'une demande émanant des revendeurs.

34. Les autorités de concurrence estiment, tant du point de vue de l'offre que de la demande, qu'une segmentation du marché de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs, selon les types de revendeurs, doit être opérée15. En effet, il existe des différences entre les trois types de revendeurs (libraires, hypermarchés et grossistes) :

(i) en termes de chiffre d'affaires généré par type de revendeur,

(ii) en termes de conditions de vente et de niveaux des remises, selon la catégorie de revendeurs, et

(iii) du fait de barrières spécifiques d'accès aux hypermarchés et aux grossistes par rapport aux libraires (ainsi, pour être référencé par les centrales d'achats des hypermarchés, un éditeur doit avoir une certaine notoriété, le nombre d'éditeurs référencés étant limité).

35. La partie notifiante considère que la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs en ligne pourrait constituer un segment de marché distinct, en raison des particularités qu'elle présente en termes de gestion des données, de suivi des commandes et des stocks, d'accessibilité et de renouvellement permanent.

36. Enfin, les autorités de concurrence considèrent que la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs doit être segmentée selon les grandes catégories de livres, compte tenu des différences dans le niveau des remises accordées aux revendeurs, de la présence d'éditeurs spécialisés dans certaines catégories de livres, de conditions de production et de tirage différentes et de la spécialisation de certains revendeurs dans certaines catégories d'ouvrages. Les catégories suivantes ont été retenues : (i) les livres de littérature générale (catégorie subdivisée entre grand format et format de poche), (ii) les livres pour la jeunesse, (iii) les beaux livres, (iv) les livres pratiques, (v) les bandes dessinées, (vi) les livres éducatifs, catégorie subdivisée entre livres scolaires et livres parascolaires, (vii) les livres universitaires et professionnels, (viii) les ouvrages de référence, catégorie subdivisée en plusieurs segments, et (ix) les fascicules16.

37. La partie notifiante considère que la vente de livres numériques pourrait constituer un segment de marché distinct, en raison des contraintes logistiques et de diffusion propres à ce type de livres. Les autorités de concurrence ont toutefois laissé ouverte la question de l'existence d'une segmentation du marché de la vente de livres numériques17.

38. La question de la délimitation exacte des marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

b) Les marchés de la vente de livres au consommateur final

39. La Commission européenne a distingué les marchés de la vente de livres (i) dans les solderies, (ii) par courtage (notamment pour les ouvrages de référence " lourds "), (iii) à distance (vente par internet, vente par correspondance ou vente par clubs) et (iv) dans les magasins de détail (tous types de magasins confondus)18.

40. Elle a toutefois envisagé un marché unique de la vente de livres au consommateur final, incluant les ventes en magasins comme les ventes à distance19.

41. Par ailleurs, l'Autorité s'est également interrogée sur l'existence d'un marché de la vente de livres numériques20.

42. La question de la délimitation exacte des marchés de la vente de livres au consommateur final peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

43. S'agissant des marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs21 et de la vente de livres par les grossistes aux détaillants de niveau 3, les autorités de concurrence ont retenu une dimension supranationale couvrant a minima le bassin linguistique francophone de l'Union européenne, avec l'inclusion possible de la Suisse romande22.

44. S'agissant des marchés de la vente de livres au consommateur final, ils sont de dimension nationale, lorsque les livres sont vendus à distance, ou locale, lorsqu'ils sont vendus par le biais de points de vente physiques. Il est toutefois généralement tenu compte des stratégies et des positions des différents acteurs sur un plan national23.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. LES MARCHÉS DE L'ACQUISITION DE DROITS

a) Le marché des droits de reproduction iconographiques et cartographiques

45. Média-Participations et La Martinière ont dépensé respectivement [...] euros et [...] euros en 2016 pour l'acquisition de droits de reproduction iconographiques et cartographiques. Les parties estiment que leur part de marché cumulée est inférieure à [0-5] %, au niveau mondial.

46. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur le marché des droits de reproduction iconographiques et cartographiques.

b) Les marchés des droits d'édition

i. Les marchés primaires d'acquisition des droits

47. L'estimation des parts de marchés des maisons d'édition sur les marchés primaires d'acquisition des droits, selon la pratique décisionnelle, peut reposer sur le montant global des à-valoir versés par les maisons d'édition aux auteurs des 100 meilleures ventes de livres en France pour chaque segment de marché. Il est également possible de prendre pour base le nombre de livres publiés par chaque éditeur dans la liste des meilleures ventes par catégories de livres en France24.

48. La partie notifiante s'est appuyée sur cette seconde méthode pour estimer la position des parties et de leurs concurrents sur les différents segments de marché de l'acquisition des droits primaires d'édition en 201625.

49. Selon les estimations de la partie notifiante, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents en 2016 sont les suivantes :

Les marchés primaires des droits français et étrangers de littérature générale

<TABLEAU>

Les marchés primaires des droits français et étrangers de livres pour la jeunesse

<TABLEAU>

Les marchés primaires des droits français et étrangers de bandes dessinées

<TABLEAU>

50. Selon les estimations de la partie notifiante, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à [0-5] % sur les marchés de l'acquisition de droits d'éditions de livres universitaires et professionnels.

51. Il ressort de ces éléments que, à l'exception du segment des droits français de bandes dessinées, sur aucun des segments du marché de l'acquisition des droits primaires d'édition la nouvelle entité n'aura une part de marché excédant [20-30] %. La nouvelle entité continuera, à l'issue de l'opération, à faire face, sur chacun des segments de marché des droits primaires, à la concurrence des principaux groupes d'édition en France, Hachette, Éditis et Gallimard.

52. Sur le segment des droits français de bandes dessinées, la part de marché de la nouvelle entité atteindra [30-40] % à l'issue de l'opération, avec un incrément inférieur à [0-5] %. Sur ce segment, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de groupes indépendants d'édition de bandes dessinées francophones, comme Delcourt et Glénat.

53. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur les marchés de l'acquisition des droits primaires.

ii. Les marchés secondaires d'acquisition des droits

54. Sur les marchés secondaires des droits d'édition au format poche (" marché des droits poche ") sur lesquels des éditeurs au format poche acquièrent les droits auprès des éditeurs grands format, seule La Martinière est active, à travers sa maison Points. En 2016, le montant des droits acquis par le groupe La Martinière auprès d'éditeurs tiers en vue de rééditions sous format poche s'est élevé à [...] euros. Selon la partie notifiante, La Martinière détient [0-5] % des parts de marché sur le marché des droits proche.

55. Sur le marché secondaire des droits d'éditions en clubs de livres, Média-Participations et La Martinière interviennent exclusivement en tant que vendeurs. En 2016, le montant des droits cédés pour une réédition en club s'est élevé à [...] euros pour le groupe Média-Participations et [...] euros pour le groupe La Martinière, ce qui constitue une part très limitée du marché.

56. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur les marchés secondaires d'acquisition des droits.

2. LES MARCHÉS DES SERVICES DE DIFFUSION ET DISTRIBUTION

57. S'agissant des marchés des services de diffusion et de distribution, les parties à l'opération sont simultanément actives exclusivement sur les marchés de la distribution.

58. Média-Participations est active dans la distribution de livres papiers au travers de ses filiales MDS et DLS qui assurent la distribution des éditeurs du groupe ainsi que de maisons tierces.

59. La Martinière n'a plus d'activité de distribution de livres papiers dans le périmètre du bassin francophone de l'Union européenne depuis 2015, mais est active en matière de distribution de livres numériques au travers de la structure Eden Livres.

60. Sur le marché des services de distribution, la part de marché cumulée des parties sera largement inférieure à [20-30] %, l'opération n'entraînant par ailleurs aucun chevauchement d'activités. De plus, la nouvelle entité fera face à la pression concurrentielle exercée par les principaux opérateurs verticalement intégrés, Hachette, Éditis et Madrigall.

61. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur les marchés des services de distribution.

3. LES MARCHÉS DE LA VENTE DE LIVRES

62. Sur ces marchés, les activités des parties se chevauchent exclusivement sur les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs.

63. Pour estimer les parts de marché de la nouvelle entité et de ses concurrents sur les marchés de la vente de livres par éditeurs aux revendeurs, la partie notifiante s'est fondée sur l'édition pour l'année 2016 de l'étude du SNE présentant les chiffres d'affaires nets de remises réalisés par les maisons d'édition auprès des revendeurs, par catégories de livres. Les parts de marché ainsi calculées pour chaque segment de marché sont indiquées ci-après :

Les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs de niveaux 1 et 2

<TABLEAU>

Les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux grossistes

<TABLEAU>

Les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux hypermarchés

<TABLEAU>

64. Sur les autres segmentations des marchés de la vente de livres aux revendeurs, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 10 %26.

65. Ainsi, à l'exception des marchés de la vente de bandes dessinées, la nouvelle entité détiendra des parts de marché inférieures à [20-30] % sur l'ensemble des segments envisagés. Par ailleurs, elle fera face à la pression concurrentielle des trois principaux groupes d'édition en France, Hachette, Éditis et Madrigall et de différents acteurs spécialisés.

66. S'agissant de la vente de bandes dessinées, l'incrément de parts de marché résultant de l'opération sera marginal (inférieur à un point). La nouvelle entité fera également face à la concurrence de groupes indépendants d'édition de bandes dessinées francophones, notamment Delcourt, sur chacun des segments envisagés.

67. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente de livres par les éditeurs aux revendeurs.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

68. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle considère qu'un risque d'effet vertical peut en principe être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

69. Ainsi qu'il a été exposé dans la section précédente, les parts de marché de la nouvelle entité sont supérieures à 30 % sur le marché de l'acquisition des droits français de bandes dessinées et sur les marchés de la vente de bandes dessinées aux revendeurs.

70. Toutefois, le risque d'effet vertical peut être écarté en raison de la faible part des besoins de Média-Participations en distribution de livres pouvant être couvert par La Martinière, à travers la structure Eden Livres, cette structure n'étant active qu'en matière de distribution de livres numériques à destination des revendeurs en ligne. De plus, la nouvelle entité fera face, sur le marché de l'acquisition des droits français de bandes dessinées et sur les marchés de la vente de bandes dessinées aux revendeurs, à la concurrence de groupes indépendants d'édition de bandes dessinées francophones, comme Delcourt et Glénat.

71. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

72. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. En règle générale, de tels effets sont analysés lorsqu'une opération de concentration étend ou renforce la présence d'une nouvelle entité sur plusieurs marchés distincts mais qui sont considérés comme connexes. Ces effets peuvent également être analysés lorsque le renforcement de la position d'une nouvelle entité prend place sur un même marché, mais qu'il s'agit d'un marché de produits suffisamment différenciés pour que d'une part, un effet de levier puisse être exercé à partir de l'un d'entre eux et que, d'autre part, les mêmes clients achètent régulièrement plus d'un produit au sein de cette gamme de produits. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

73. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe qu'un risque d'effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de l'entité issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

74. Ainsi qu'il a été exposé dans la section précédente, les parts de marché de la nouvelle entité sont supérieures à 30 % sur le marché de l'acquisition des droits français de bandes dessinées et sur les marchés de la vente de bandes dessinées aux revendeurs.

75. En l'espèce, le risque d'effet congloméral peut être écarté en raison de l'absence de complémentarité entre les différentes catégories d'ouvrages proposés par les maisons d'édition composant le portefeuille de la nouvelle entité. De plus, la nouvelle entité devra faire face à la concurrence des trois principaux groupes d'édition verticalement intégrés en France, Hachette, Éditis et Madrigall, qui détiennent des positions supérieures à la sienne, et qui sont présents sur tous les segments de marché sur lesquels la nouvelle entité sera active.

76. Par conséquent, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-210 est autorisée.

NOTES

1 La famille [X] ne dispose par ailleurs pas de participations de nature à lui conférer le contrôle d'une autre société active dans le secteur de l'édition.

2 La société Mousse ne dispose par ailleurs pas de participations de nature à lui conférer le contrôle d'une autre société active dans le secteur de l'édition.

3 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.2978 Lagardère/Natexis/VUP du 7 janvier 2004, COMP/M.4611 Egmont/Bonnier du 15 octobre 2007, COMP/M.5838 Bertelsmann/Planeta/ Circulo du 5 juillet 2010 ; voir les lettres du ministre du 22 mars 2004 au conseil du groupe La Martinière relative à une concentration dans le secteur de l'édition, du 30 mai 2006 au conseil de la société Éditis ; voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-126 du 30 août 2012 relative à la prise contrôle exclusif du groupe Flammarion par le groupe Gallimard.

4 Ibid.

5 À l'exception des droits d'adaptation audiovisuelle.

6 Il s'agit plutôt de la rémunération d'un travail, au sens traditionnel du terme (rémunération forfaitaire et définitive pour toute l'exploitation de l'œuvre).

7 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-126 du 30 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Flammarion par le groupe Gallimard, précitée.

8 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.6789 Bertelsmann/Pearson/Penguin Random House du 5 avril 2013.

9 Voir les décisions COMP/M.2978, COMP/M.4611, et n° 12-DCC-126, et les lettres du ministre du 22 mars 2004 et du 30 mai 2006 précitées.

10 Voir les décisions COMP/M.2978 Lagardère/Natexis/VUP,COMP/M.4611 Egmont/Bonnier, COMP/M.5838 Bertelsmann/Planeta/ Circulo; les lettres du ministre de l'économie du 22 mars 2004 et du 30 mai 2006 ; n° 12-DCC-126 précitées, et n°15-DCC-70 du 16 juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Volumen et Logibris par la société Éditis Holding précitées.

11 Voir la décision n° 15-DCC-70 précitées.

12 Voir l'ensemble des décisions précitées.

13 Voir l'ensemble des décisions précitées.

14 Ibid.

15 Voir les décisions précitées.

16 Ibid.

17 Voir les décisions COMP/M.2978 et n° 12-DCC-126 précitées.

18 Voir les décisions COMP/M.2978 et n° 12-DCC-126 précitées.

19 Voir les décisions COMP/M.2978, COMP/M.4611, et COMP/M.5838 précitées.

20 Voir la décision n° 12-DCC-126 précitée.

21 À l'exclusion les marchés de la vente de livres scolaires et de livres universitaires et professionnels, pour lesquels une définition nationale a été retenue par la pratique décisionnelle.

22 Voir l'ensemble des décisions précitées.

23 Voir la décision n° 12-DCC-126 précitée.

24 Dans sa décision COMP/M.6789 du 5 avril 2013 Bertelsmann/Pearson/Penguin Random House, la Commission européenne a envisagé une troisième méthode, consistant à considérer que les parts de marché des éditeurs sur les marchés de la vente de livre aux revendeurs constituaient un indicateur pertinent de leur position sur les marchés de l'acquisition des droits d'édition.

25 Source : classement des meilleures ventes établi par Livre Hebdo dans son numéro n° 1113 du 20 janvier 2017, et, s'agissant des bandes dessinées, le classement Top 300 Bandes dessinées 2016 établi par GfK.

26 À l'exception du segment de marché de la vente de livres universitaires et professionnels par les éditeurs aux grossistes, pour laquelle la part de marché cumulée des parties est de [10-20] %.