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Décisions

CJUE, 21 décembre 2016, n° C-128/16 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

Royaume d'Espagne, Lico Leasing SA, Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Juge-Rapporteur :

M. Jarašiunas

Avocat général :

M. Bobek

Avocats :

Mes Merola, Sánchez

CJUE n° C-128/16 P

21 décembre 2016

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T 515/13 et T 719/13, ci-après l'" arrêt attaqué ", EU:T:2015:1004), par lequel celui-ci a annulé la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l'aide d'État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l'Espagne - Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé " régime espagnol de leasing fiscal " (ci-après la " décision litigieuse ").

2 Par acte déposé au greffe de la Cour le 1er juin 2016, Bankia SA, établie à Valence (Espagne), et 32 autres entités dont les noms figurent en annexe (ci-après, ensemble, " Bankia e.a. ") ont, sur le fondement de l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, demandé à être admises à intervenir au litige au soutien des conclusions des parties demanderesses en première instance, dont Lico Leasing SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA.

3 La Commission, le Royaume d'Espagne, Lico Leasing et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión ont présenté leurs observations écrites sur cette demande, respectivement le 22 juin 2016, pour les deux premiers, et le 21 juin 2016, pour les deux dernières.

Sur la demande d'intervention

4 À l'appui de leur demande, Bankia e.a. exposent qu'elles ont été désignées dans la décision litigieuse, pour la plupart d'entre elles, comme bénéficiaires du régime d'aides en cause en leur qualité d'investisseurs dans certaines opérations de leasing financier et qu'elles ont toutes formé un recours contre ladite décision, laquelle a été annulée par l'arrêt attaqué. Le Tribunal ayant décidé, sur le fondement de l'article 69, paragraphe 1, sous b), de son règlement de procédure, de suspendre les procédures auxquelles elles sont parties dans l'attente de l'arrêt de la Cour à intervenir sur le présent pourvoi, elles en déduisent que le Tribunal a considéré que cet arrêt aurait un impact direct sur l'issue des recours qu'elles ont introduits et qui sont actuellement pendants devant cette juridiction.

5 Elles estiment, dans ces conditions, qu'elles ont un intérêt direct, spécifique, actuel et légitime à la solution du litige et ajoutent que, les questions de droit devant être tranchées par la Cour constituant le noyau des moyens d'annulation invoqués par elles dans toutes les procédures suspendues, leur participation à ce litige pourrait être utile à la Cour.

6 Il résulte de l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne que toute personne physique ou morale est en droit d'intervenir à un litige soumis aux juridictions de l'Union européenne, autre qu'un litige entre États membres, entre institutions de l'Union ou entre États membres, d'une part, et institutions de l'Union, d'autre part, si cette personne peut justifier d'un intérêt à la solution dudit litige.

7 En l'espèce, le présent litige oppose, en raison de la jonction des affaires T 515/13 et T 719/13 prononcée par le Tribunal, non seulement la Commission à Lico Leasing et à Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, mais aussi la Commission au Royaume d'Espagne. Dans la mesure où Bankia e.a. demandent à intervenir au litige au soutien des conclusions des demandeurs en première instance, y compris celles du Royaume d'Espagne, force est de constater que l'admission d'une intervention au soutien des conclusions de ce dernier serait contraire aux termes exprès de l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, s'agissant d'un litige entre une institution de l'Union et un État membre.

8 Toutefois, un demandeur en intervention ne saurait être privé de son droit d'intervenir, à le supposer établi, dans un litige opposant une institution de l'Union à une personne physique ou morale, au soutien des conclusions de cette dernière, en raison de la jonction de l'affaire, en première instance, à une autre affaire opposant cette institution à un État membre. Ainsi, le libellé dudit article 40, deuxième alinéa, ne s'oppose pas à ce que Bankia e.a. soient admises, le cas échéant, à intervenir au présent litige au soutien des conclusions de Lico Leasing et de Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión.

9 S'agissant de la notion d'" intérêt à la solution du litige ", il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que celle-ci doit se définir au regard de l'objet même du litige et s'entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes " solution du litige " renvoient à la décision finale demandée, telle qu'elle serait consacrée dans le dispositif de l'arrêt à intervenir (voir ordonnance du président de la Cour du 26 octobre 2016, Bionorica et Diapharm/Commission, C 596/15 P et C 597/15 P, non publiée, EU:C:2016:829, point 6 ainsi que jurisprudence citée).

10 À cet égard, il convient notamment de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l'acte attaqué et que son intérêt à l'issue du litige est certain (ordonnance du président de la Cour du 27 février 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, non publiée, EU:C:2015:135, point 7 ainsi que jurisprudence citée). En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 26 octobre 2016, Bionorica et Diapharm/Commission, C 596/15 P et C 597/15 P, non publiée, EU:C:2016:829, point 7 ainsi que jurisprudence citée).

11 En l'occurrence, il est constant que Bankia e.a. ont formé des recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse et que les procédures ont été suspendues par le Tribunal dans l'attente de l'arrêt de la Cour statuant sur le présent pourvoi.

12 Certes, la Cour a déjà jugé que, lorsqu'un demandeur en intervention est lui-même partie à un litige pendant devant le Tribunal, dont la procédure est suspendue dans l'attente de la décision définitive de la Cour dans le litige dans lequel il demande à intervenir, le fait de ne pas l'admettre à intervenir dans cette dernière affaire où l'acte attaqué n'est pas le même, bien que mettant en cause une situation ou des thèses analogues aux siennes, ne constitue pas une atteinte à ses droits de la défense (ordonnance du président de la Cour du 23 juillet 1998, Alexopoulou/Commission, C-155/98 P, EU:1998:398, points 14 et 16).

13 Il convient, toutefois, de souligner que les recours introduits devant le Tribunal par Bankia e.a. tendent à l'annulation du même acte que celui qui est en cause dans le présent litige, à savoir la décision litigieuse. D'ailleurs, par cette décision, la Commission a estimé, premièrement, que certaines mesures fiscales composant le régime espagnol de leasing fiscal constituaient une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, mise illégalement à exécution par le Royaume d'Espagne depuis le 1er janvier 2002 en violation de l'article 108, paragraphe 3, TFUE, et, deuxièmement, que ces mesures étaient partiellement incompatibles avec le marché intérieur. La Commission a également, par cette même décision, ordonné la récupération, sous certaines conditions, de cette aide auprès des investisseurs ayant bénéficié des avantages en cause.

14 Dans le cadre du pourvoi formé contre l'arrêt attaqué, par lequel la décision litigieuse a été annulée, le sort réservé aux conclusions de Lico Leasing et de Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión est donc de nature à produire des effets directs sur celui des recours introduits par Bankia e.a. dont les procédures ont été suspendues dans l'attente de l'arrêt à intervenir, ainsi que sur la position juridique de Bankia e.a. à l'égard de cette décision. En effet, l'éventuel rejet du pourvoi de la Commission dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions des parties principales au soutien desquelles Bankia e.a. souhaitent intervenir, aurait pour conséquence que l'annulation, ex tunc et erga omnes, de la décision litigieuse, prononcée par le Tribunal dans l'arrêt attaqué, deviendrait définitive.

15 En outre, il ne peut a priori être exclu, dans une procédure de pourvoi contre un arrêt du Tribunal se prononçant sur la légalité d'une décision de la Commission en matière d'aides d'État, que, en cas d'annulation de l'arrêt attaqué, la Cour statue définitivement sur le litige conformément à l'article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, de telle sorte que la position juridique de tiers au litige tels que Bankia e.a. pourrait se trouver immédiatement modifiée dans cette hypothèse également.

16 Au vu de l'ensemble de ces considérations, Bankia e.a. doivent être regardées comme ayant justifié d'un intérêt direct et certain à la solution du litige et doivent donc être admises à intervenir à celui-ci au soutien des conclusions de Lico Leasing etde Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión.

Sur les dépens

17 Aux termes de l'article 137, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure sur pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l'arrêt ou l'ordonnance qui met fin à l'instance.

18 En l'espèce, la demande d'intervention de Bankia e.a. étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens liés à leur intervention.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

1) Bankia SA et les 32 entités dont les noms figurent en annexe sont admises à intervenir dans l'affaire C 128/16 P au soutien des conclusions de Lico Leasing SA et de Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA.

2) Un délai sera fixé à la Commission européenne et au Royaume d'Espagne ainsi qu'à Lico Leasing SA et à Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA pour formuler, éventuellement, une demande de traitement confidentiel des pièces du dossier de la présente affaire sur pourvoi, à l'égard de Bankia SA et des 32 entités dont les noms figurent en annexe.

3) Un délai sera fixé à Bankia SA et aux 32 entités dont les noms figurent en annexe pour exposer, par écrit, les moyens invoqués à l'appui de leurs conclusions.

4) Les dépens sont réservés.

Signatures

ANNEXE

Asociación Española de Banca, établie à Madrid (Espagne),

Unicaja Banco SA, établie à Malaga (Espagne),

Liberbank SA, établie à Madrid,

Banco de Sabadell SA, établie à Barcelone (Espagne),

Banco Gallego SA, établie à La Corogne (Espagne),

Catalunya Banc SA, établie à Barcelone,

Caixabank SA, établie à Barcelone,

Banco de Santander SA, établie à La Cantabrie (Espagne),

Santander Investment SA, établie à Madrid,

Naviera Séneca AIE, établie à Las Palmas de Grande-Canarie (Espagne),

Industria de Diseño Textil SA, établie à La Corogne,

Naviera Nebulosa de Omega AIE, établie à Las Palmas de Grande-Canarie,

Banco Mare Nostrum SA, établie à Madrid,

Abanca Corporación Bancaria SA, établie à La Corogne,

Ibercaja Banco SA, établie à Saragosse (Espagne),

Banco Grupo Cajatres SAU, établie à Saragosse,

Naviera Bósforo AIE, établie à Las Palmas de Grande-Canarie,

Joyería Tous SA, établie à Lérida (Espagne),

Corporación Alimentaria Guissona SA, établie à Lérida,

Naviera Muriola AIE, établie à Madrid,

Poal Investments XXI SL, établie à Madrid,

Poal Investments XXII SL, établie à Madrid,

Naviera Cabo Vilaboa C-1658 AIE, établie à Madrid,

Naviera Cabo Domaio, C-1659 AIE, établie à Madrid,

Caamaño Sistemas Metálicos SL, établie à La Corogne,

Blumaq SA, établie à Castellón de la Plana (Espagne),

Grupo Ibérica de Congelados SA, établie à Pontevedra (Espagne),

RNB SL, établie à Valence (Espagne),

Inversiones Antaviana SL, établie à Valence,

Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria SAU, établie à Madrid,

Banco de Albacete SA, établie à Madrid,

Bodegas Muga SL, établie à La Rioja (Espagne).