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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 27 février 2018, n° 16-00369

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Electro Sud (SARL)

Défendeur :

Triangle Distribution France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mmes Olive, Gonzalez

T. com. Perpignan, du 8 janv. 2016

8 janvier 2016

Exposé du litige

La SARL Triangle Distribution France (et ci-après société Triangle) conçoit et produit des appareils Hi-Fi de haute qualité.

La SARL Electro Sud exerce une activité habituelle de vente de matériels d'enregistrements musicaux et vidéo à partir de différents magasins situés [à] Montpellier, Perpignan et Bordeaux sous l'enseigne Auto Vidéo Passion et revend des appareils de la marque Triangle.

Les parties ont convenu le 6 juillet 2012 de la mise en place d'un challenge afin de booster la fin d'année sur les 6 derniers mois de l'année 2012, soit, pour un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 50 000 euros, une prime de 10 % sur le chiffre d'affaires réalisé pendant cette période en marchandises gratuites.

Un contrat de distribution sélective a été signé par les parties pour l'année 2013.

La société Triangle émettait le 18 décembre 2013 une facture numéro 001718 d'un montant de 23 919,70 euros TTC qui restait en partie impayée.

Par acte introductif d'instance du 7 octobre 2014, la société Triangle a fait assigner la société Electro Sud devant le Tribunal de commerce de Perpignan en paiement du solde de cette facture.

Un jugement du Tribunal de commerce de Perpignan rendu le 8 décembre 2015 a :

- condamné la société Electro Sud à payer à la société Triangle la somme de 7 973,70 euros assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mai 2014,

- débouté la société Electro Sud de sa demande reconventionnelle,

- vu l'article 1254 du Code civil, dit que les sommes versées par la société Electro Sud s'imputeront tout d'abord sur les intérêts dus si le règlement n'est pas intégral,

- vu l'article 1154 du Code civil, dit que les intérêts échus seront capitalisés dès qu'ils seront dus au moins pour une année entière,

- alloué à la société Triangle la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile qui sera versée par la société Electro Sud,

- condamné la société Electro Sud aux dépens de l'instance.

La société Electro Sud a relevé appel total de cette décision par déclaration du 15 janvier 2016.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 décembre 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2017, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Electro Sud demande à la cour de :

- infirmer et réformer le jugement de première instance rendu le 8 décembre 2015 en toutes ses dispositions,

- débouter la société Triangle de sa demande de paiement de la somme de 7 973,80 euros,

- condamner la société Triangle au paiement de la somme de 7 077 euros au titre du " challenge ", remise de fin d'année prévue pour l'année 2012,

- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et déloyauté contractuelle,

- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait principalement valoir que :

- des matériels facturés n'ont jamais été livrés sur le site de Perpignan et les pièces adverses ne rapportent pas la preuve de cette livraison, ce problème n'a pas été invoqué tardivement le 22 avril 2014 comme indiqué à tort dans le jugement mais bien plus tôt par échanges téléphoniques et mails ; des problèmes de facturation étaient connus par le fournisseur dès le 13 mars 2013 et l'intimée a reconnu la mauvaise exécution du contrat,

- il appartient à son adversaire de prouver la livraison de la marchandise facturée et non à elle-même de prouver avoir correctement géré ses stocks, rien ne prouve que les bons de livraison produits soient liés à la seule et unique facture litigieuse, ils ne sont pas signés et portent des ajouts manuscrits constituant des modifications unilatérales de la commande à l'initiative du fournisseur, ces bons de livraison ne correspondent pas à la facture dans leur référence,

- le fournisseur a commis des erreurs dans la livraison de marchandises entre les différents points de vente non identifiés, il n'y a pas de traçabilité des prestations ni acceptation du distributeur, il n'existe pas de concordance entre la facture et les bons de livraison, l'attestation du transporteur est faite pour les besoins de la cause et se réfère à une prestation non contestée,

- elle n'a jamais reconnu le principe de la créance et son courriel du 9 décembre 2013 établit qu'elle a dû proposer une diminution de 8 592 euros du paiement de marchandises en raison de manquements adverses mais il n'y a jamais eu d'accord de paiement sur des marchandises non livrées,

- la société Triangle a fait preuve de déloyauté contractuelle puisque le contrat imposait au distributeur le respect de critères de commercialité rigoureux s'agissant de produits haut de gamme tandis que le fournisseur sans l'en aviser s'est livré à des ventes parallèles sur internet sur un site de déstockage, avec des promotions de 57 %, cette attitude a généré un préjudice puisque les achats sur internet ont été privilégiés par les consommateurs et d'autres ont fait part de mécontentement, il y a eu détournement de clientèle ; or, le jugement n'a pas instruit cette demande,

- il a toujours été convenu que la contrepartie du challenge consistait en une remise financière et non matérielle, et il n'a jamais été prévu que de la marchandise grand concert SW2 soit offerte à titre de rétribution. La prime de 10 % doit être versée distinctement de toute autre gratification en matériel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Triangle demande à la cour de :

- confirmer le jugement querellé,

- en conséquence,

- condamner la société Electro Sud au paiement de la somme de 7 973,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mai 2014,

- débouter la société Electro Sud de sa demande en paiement de la somme de 7 077 euros au titre du " challenge " 2012, remise de fin d'année,

- débouter la société Electro Sud de sa demande de dommages et intérêts,

- condamner la société Electro Sud au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel et à ceux de première instance,

- dire qu'en cas de non-paiement, le montant des sommes retenues par l'huissier au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 seront supportées par le débiteur en sus de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'application des articles 1254 et 1154 du Code civil.

Elle expose que :

- elle a fait livrer divers matériels dans les magasins de Montpellier (le 29 août 2011), Bordeaux (le 5 septembre 2011 et le 30 mars 2012) et Perpignan (le 29 novembre 2012) sans qu'il n'y ait de contestations ou réserves,

- par courriel du 9 décembre 2013, la société Electro Sud s'est reconnue débitrice de 20 000 euros HT et proposé un règlement en trois échéances dont la dernière n'a pas été réglée, ce qui purgeait les difficultés,

- les mentions manuscrites portées sur la facture ne sont pas une modification unilatérale de la commande et ne modifient en rien son contenu et ses références sont purement administratives,

- même si les bons ne sont pas signés, ils sont détaillés et correspondent aux marchandises livrées, aux attestations de livraison, récépissé ou lettre de voiture,

- les courriers de réclamation adverses ne portent pas sur les produits facturés et l'appelante est défaillante dans la gestion de ses stocks, il n'existe pas de réclamation antérieure à avril 2014 pour la facture en cause,

- sur la remise en cause de sa loyauté contractuelle, ceci ne peut être invoqué comme exception d'inexécution dans le cas de marchandises livrées, les exemples de jurisprudence produits s'appliquent à des contrats de distribution exclusive et non sélective, la société Electro Sud était libre de déterminer ses prix de vente,

- rien ne lui interdisait une vente sur internet à un prix inférieur de celui fixé au contrat de distribution, la vente en cause a été ponctuelle et sans impact sur le chiffre d'affaires de l'appelante et les ventes privées proposent également des produits haut de gamme,

- son adversaire avait expressément renoncé par mail au bonus auquel elle avait droit contre la fourniture gratuite d'enceintes " grand concert SW2 ", ces marchandises ayant de ce fait été facturées 0 euros ; il n'y a pas eu de réserves sur les modalités de ce challenge et la vente réalisée sur le site vente privée le 9 avril 2014 n'a aucune incidence sur le challenge 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le solde de la facture de la société Triangle

L'intimée produit au soutien de sa demande en paiement une facture du 18 décembre 2013 de 23 919,50 euros TTC portant la référence " bon 844008/001 BL 002567 du 18 décembre 2013 ", les mentions manuscrites distinguant les marchandises selon les bons de livraison produits et effectivement non signés.

Elle justifie d'un courriel antérieur du 9 décembre 2013 aux termes duquel le gérant d'Electro Sud, après un échange de messages aux termes virulents et en réponse à une demande en paiement du 30 septembre 2013, lui écrivait : " compte tenu de l'ensemble de notre collaboration avec Triangle et certains faits que nous avons largement évoqué au téléphone et surtout voulant tourner DEFINITIVEMENT cette page, nous souhaitons une remise supplémentaire et proposons (sous toute réserve) la somme de 20 000 euros HT pour solde de tout compte de ce dossier prêt sous forme de 3 échéances, soit 7 973 euros fin 01/2014, 7 973 euros fin février 2014 et 7 973 euros fin 03/2014 avec modalités à définir (chèques ou prélèvements) ".

Cette proposition a été acceptée par courriel du 17 décembre 2013 de la société Triangle qui a alors émis une facture correspondante dans son montant et dont il est demandé paiement du solde.

Ces deux courriels aux termes non équivoques matérialisent un accord entre les deux sociétés sur un solde dû de 20 000 euros HT mettant fin aux relations contractuelles entre les parties, ce qui englobait nécessairement la question de la livraison litigieuse de matériels un an auparavant. C'est donc à tort que la société Electro Sud soutient désormais qu'elle ne s'est pas reconnue débitrice de la somme susvisée aux termes de son courriel.

La société Electro Sud a payé sans émettre de contestation les deux premiers termes de l'échéancier et la société Triangle ne demande paiement que du troisième terme.

C'est vainement que la société Electro Sud se prévaut désormais longuement dans ses conclusions de la non signature de bons de livraison et de leur défaut de matérialité, de l'absence de livraison de certaines marchandises, d'ajouts manuscrits de la main du vendeur sur la facture, et de l'absence de concordance entre facture et bons de livraison, soit d'exceptions d'inexécution, alors que l'obligation dont il est demandé exécution est celle résultant de l'accord définitif entre les parties et partiellement exécuté.

Ainsi, sans qu'il ne soit en conséquence nécessaire d'examiner les justificatifs de livraison (attestations ou récépissés des transporteurs) produits par l'intimée et leur corrélation avec la facture, la cour constate que la société Electro Sud reste débitrice de la somme de 7 973,70 euros au terme de l'accord définitif.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Electro Sud à payer à la société Triangle la somme de 7 973,70 euros outre intérêts et application des articles 1254 et 1154 du Code civil.

Sur la demande de la société Electro Sud au titre du " challenge "

Il est constant que le chiffre d'affaires des 6 derniers mois de 2012 de la société Electro Sud s'est élevé à 70 776 euros, dégageant une créance de 7 077 euros payable aux termes de l'accord de juillet 2012 en marchandises gratuites.

Par courriel daté du 2 août 2013, M. X, gérant de la société Electro Sud écrivait à M. Y, gérant de la société Triangle " ... je procéderai au solde dans les meilleurs délais vu que j'ai gardé de la marchandise non prévue (concerto sw2 bl et voce v2wh notamment) ... je me permets de rappeler que nous étions d'accord sur le fait que vous refusiez le " bonus " accordé par Florent mais que nous gardions en gratuit les grands concerts SW2 black en DA. Vous ne l'avez pas stipulé dans votre mail (si je dois me contenter de votre parole, ça me convient) ... ".

Ce message établit que la société Electro Sud a conservé du matériel à titre gratuit. Toutefois, ses termes ne sont pas suffisamment clairs et précis pour établir que le matériel conservé correspondait alors en tous points à la prime de 10 % payable en marchandises gratuites.

Par contre, reprenant les termes de l'accord susvisé des 9 et 17 décembre 2013, la cour constate qu'en soldant leurs relations contractuelles par le paiement d'une somme de 20 000 euros, les parties ont nécessairement englobé dans l'accord ce qui pouvait être dû par la société Triangle aux termes du challenge.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté la société Electro Sud de sa demande au titre du challenge.

Sur les dommages intérêts

La société Electro Sud explique que les relations commerciales ont évolué entre les sociétés en raison de la concurrence accrue à laquelle se livrait son fournisseur en pratiquant une vente en ligne à prix cassés sur les produits dont elle réclamait la commercialisation à son distributeur agréé en méconnaissance des stipulations contractuelles. Elle se prévaut donc d'actes de concurrence déloyale lui ayant porté préjudice auprès de sa clientèle et soutient que sa demande à ce titre aurait été oubliée par le tribunal.

Ses conclusions de première instance ne comportaient cependant qu'une phrase sur ce point en réponse à la demande en paiement de la société Triangle et la demande en paiement de 2 000 euros à titre de dommages intérêts n'était présentée qu'à titre de sanction d'une procédure abusive. Le jugement ne fait effectivement pas mention de la demande de dommages intérêts.

La société Electro Sud présente cette fois en appel sa demande de dommages intérêts de 2 000 euros " pour procédure abusive et déloyauté contractuelle " soit sur deux fondements distincts.

Le jugement étant confirmé en ce qu'il a reconnu la créance de la société Triangle, la demande de dommages intérêts ne peut prospérer au titre d'une procédure abusive.

Quant à la demande de dommages intérêts du fait de la déloyauté contractuelle, la cour constate à nouveau que l'accord des 9 et 17 décembre 2013 mettant fin aux relations contractuelles englobait tous les griefs de la société Electro Sud envers son co-contractant, de sorte que la société Electro Sud est mal fondée à présenter en appel une demande supplémentaire visant à voir sanctionner l'attitude fautive de son adversaire dans l'exécution du contrat.

Il est en conséquence ajouté au jugement que la demande de dommages intérêts est rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les dépens de première instance et la condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sont confirmés.

La société Electro Sud qui succombe sur son argumentation en appel supportera les dépens d'appel et l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'intimée à hauteur de 1 000 euros en sus de celle déjà accordée par le jugement.

Par ces motifs, Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Perpignan le 8 janvier 2016 dans toutes ses dispositions. Y ajoutant, Déboute la SARL Electro Sud de sa demande de dommages intérêts. Condamne la SARL Electro Sud à payer à la SARL Triangle Distribution France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SARL Electro Sud aux dépens d'appel.