CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 mars 2018, n° 16-09159
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Amendjian (SARL)
Défendeur :
Lacoste (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Herman, Puig, Bourayne
Faits et procédure
La société Devalay a concédé à sa filiale la SA Lacoste France, anciennement dénommée Montaigne Diffusion, le droit de distribuer les vêtements de marque Lacoste.
En 1988, la SARL Etablissements Amendjian a aménagé dans son magasin situé à Vienne rue Ponsard, un emplacement privilégié, dit corner, pour vendre les produits Lacoste.
En 1996, elle a ouvert dans la ville de Chambery 21 rue de Boigne un second point de vente pour lesdits produits toujours en qualité de distributeur multimarques ; puis le 4 août 2006, elle a signé avec la société Montaigne Diffusion un contrat de franchise devenant ainsi un point de vente exclusif au sein d'un nouveau magasin à Chambery rue Favre, pour lequel elle a souscrit un bail commercial.
En 2012, les deux parties ont négocié la signature d'un contrat de commissionnaire-affilié, aux termes duquel la société Lacoste a confié la marchandise, dont elle reste propriétaire, en dépôt à la société Etablissements Amendjian qui la vend pour le compte du commettant et perçoit une commission fixe sur les ventes réalisées. Cette convention porte la date du 12 novembre 2012 avec effet rétroactif au 23 août 2012 ainsi que la date du terme du contrat au 22 août 2015 ; un exemplaire, auquel a été annexé un exemplaire enregistré et inscrit du nantissement conventionnel du fonds de commerce, a été envoyé par la société Lacoste à la société Etablissements Amendjian par lettre recommandée avec accusé réception du 2 octobre 2013. Enfin par lettre recommandée avec accusé réception du 7 octobre 2013, la société Lacoste, se prévalant d'une modification de sa stratégie de développement sur la ville de Chambery, a notifié à sa commissionnaire la fin du contrat de commission-affiliation.
Estimant abusive et brutale cette résiliation et se plaignant d'un abus de position dominante, la société Etablissements Amendjian a fait assigner le 24 décembre 2014 la société Lacoste en indemnisation de divers préjudices devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 29 mars 2016 :
- a débouté la société Etablissements Amendjian de l'ensemble de ses demandes,
- a condamné cette dernière à payer à la société Lacoste la somme de 22 582,42 au titre des factures des 31 juillet et 16 août 2015, outre la somme de 8 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens de l'instance.
LA COUR,
Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2018 par lesquelles la société Etablissements Amendjian, appelante, sollicite :
- la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- la constatation de la rupture abusive du contrat de commission-affiliation au regard des manquements de la société Lacoste France, et plus généralement des fautes de cette dernière et de son abus caractérisé de position dominante, ayant généré d'importants préjudices pour elle,
- en conséquence la condamnation de la société Lacoste France à lui payer les sommes de:
* 360 000 de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale des retours de 1 000 pièces par saison en août 2011,
* 600 000 de dommages et intérêts en réparation de la dépréciation du fonds de commerce,
* 831 820 à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies depuis 27 ans,
* 400 000 de dommages et intérêts correspondant à un détournement de clientèle,
* 10 000 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le rejet de toutes les demandes de la société Lacoste France et sa condamnation aux dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2018 par lesquelles la société Lacoste France, intimée, réclame :
- la confirmation de la décision querellée,
- la condamnation de la société Etablissements Amendjian à lui verser la somme de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
SUR CE
Sur les demandes de la société Etablissements Amendjian
Au soutien de son appel, la société Etablissements Amendjian (ci-après Amendjian) excipe, en premier lieu, en vertu de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de divers abus de position dominante commis par la société Lacoste France (ci-après Lacoste), en ce que cette dernière a brutalement, en août 2011, interrompu son engagement de reprendre 1000 pièces invendues par saison, en ce qu'elle a, en cours d'exécution du contrat, refusé les réassorts demandés et en ce qu'elle a résilié brutalement le contrat d'affilié. Sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce, elle estime également que la société Lacoste a abusé de sa position de dépendance jusqu'à révoquer le contrat de commission portant mandat d'intérêt commun selon elle.
Pour sa part, la société Lacoste France conteste avoir commis un abus de position dominante tant sur le fondement de l'article L. 442-6 que sur celui de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Elle fait valoir que le commissionnaire-affilié agissant pour le compte du commettant n'est pas, en principe, considéré comme entreprise en droit de la concurrence et que les griefs portés à son encontre correspondent exactement aux caractéristiques constitutives du contrat d'affiliation (exclusivité, détermination des approvisionnements et des stocks par le fournisseur, exigence d'investissements, apposition de l'enseigne, accès par le commettant à un compte bancaire dédié, mise en place d'une garantie, exigence d'une obligation de rendre compte). Elle réplique que les fautes qui lui sont reprochées recouvrent en réalité les concepts de déséquilibre significatif ou de rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce en ses alinéas 2 et 5.
Sur le premier fondement invoqué, la société appelante ne démontre pas le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des deux parties. En effet, elle ne prouve nullement que la société Lacoste était tenue par une clause contractuelle de reprise d'invendus de 1000 pièces à l'issue de chaque saison pesant sur elle et qu'en 2011, cette dernière ait eu une obligation de reprise des produits invendus alors même que les parties étaient encore liées par un contrat de franchise.
Sur le refus de réassorts opposé par la société Lacoste en contradiction, selon la société Amendjian, avec l'article 6.2 alinéa 1er du contrat selon lequel l'affilié doit gérer le stock conformément aux usages de la profession, et le commettant a l'obligation, en cours de saison, de faire ses meilleurs efforts pour procéder au réapprovisionnement de la boutique en fonction de la disponibilité des stocks, cette dernière verse aux débats un seul mail en date du 20 septembre 2013, aux termes duquel la société Lacoste a refusé " d'effectuer un réassort au regard du stock actuel ", ajoutant que " des références supplémentaires de Casuel Sport, coffret enfants et chaussures enfant ont été intégrées dans l'assortiment " ; que ce seul courriel au demeurant nuancé ne peut suffire à prouver un manquement contractuel de la société Lacoste au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Pas davantage la société appelante ne justifie que son commettant l'ait menacée de rupture si elle posait trop de questions sur l'application de la clause des approvisionnements et qu'il aurait mis cette menace à exécution. Cette argumentation est donc inopérante.
Sur le second fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce, les premiers juges ont, à juste titre, écarté ce moyen dans la mesure où la société Amendjian n'a pas défini un marché pertinent sur lequel la société Lacoste serait en position dominante.
Par ailleurs, conformément à l'article L. 132-1 du Code de commerce, le commissionnaire agit pour le compte du commettant et le régime juridique de cette relation contractuelle est marqué par l'application des règles du mandat civil dans leurs rapports, de sorte que le commissionnaire doit respecter les directives de son commettant, doit rendre des comptes sur l'accomplissement de sa mission et sur sa gestion. En l'espèce, les clauses 4 et 5 du contrat de commission-affiliation visant l'exigence d'aménagements ou d'investissements liés à la formation invoquée par la société appelante ne sont pas contraires à l'article précité, contrairement à ce que cette dernière soutient. Aux termes de l'article 1 dudit contrat, la société Amendjian, exploitant une boutique Lacoste, agit en qualité de commissionnaire à la vente en son nom propre, de commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce ; elle doit tenir une comptabilité régulière, établir un bilan et un compte de résultat dont elle adresse copie chaque année à la société Montaigne Diffusion. Il est également précisé en son article 1.5 que les prix de revente des vêtements et produits Lacoste sont librement fixés par l'affilié, sans nuire à l'image de la marque. Il est encore prévu à l'article 8.1 que les prix de vente des vêtements et produits Lacoste sont, lors des soldes, librement fixés par l'affilié, à l'article 8.2 que le produit des ventes sera encaissé sur un compte bancaire ouvert au nom de l'affilié.
Les clauses 8.3 et 8.4 relatives à une garantie bancaire et une caution personnelle ont été raturées, la seule garantie exigée a été celle d'un nantissement sur le fonds de commerce, qui est une garantie habituelle. Selon la clause 6.4 la société Montaigne Diffusion doit reprendre les vêtements et produits Lacoste invendus à ses frais soit en cours de saison soit au plus tard à la fin de chaque saison. Enfin la circonstance que depuis 1988, la marque Lacoste a occupé un espace commercial de plus en plus important dans les locaux de la société Amendjian (un corner dans une boutique, un corner dans deux boutiques, un contrat de franchise et un contrat de commissionnaire) ne saurait être la preuve de la domination économique de la société Lacoste sur cette dernière, mais simplement celle de l'évolution d'une relation commerciale au fil du temps, la société Amendjian ne démontrant par aucun élément objectif n'avoir pas gardé toute latitude pour accepter ou refuser de contracter avec la société Lacoste et pour définir les contours de son activité économique. Elle ne verse aucune pièce qui lui permettrait d'administrer la preuve que l'intimée ait obtenu un avantage ne correspondant à aucun service commercial rendu ou des conditions manifestement abusives sur les prix ou sur les modalités de vente, sous la menace d'une rupture. Ainsi, il ne résulte pas de l'ensemble de ces éléments que la société appelante ait été privée de toute autonomie ou que les clauses sus énoncées ne soient pas constitutives des caractéristiques d'un contrat de commission-affiliation, dont elle a bénéficié en échange de l'image et de la notoriété de la marque, de sorte qu'aucun abus de position dominante ne saurait être retenu.
La société Amendjian soutient également que le contrat d'affilié n'a pas été valablement formé faute pour la société Lacoste France de lui avoir remis un document d'information précontractuelle au moins 21 jours avant de s'engager et qu'en tout état de cause le document versé aux débats n'est pas daté et ne contient pas les éléments d'information suffisants notamment le développement de la vente par internet conformément aux articles L. 330-3 et R. 330-1-4 du Code de commerce, de sorte que les clauses invoquées par la société intimée lui sont inopposables.
Pour sa part, la société Lacoste se prévaut d'une transmission régulière et de la validité de ce document d'information précontractuelle.
Aux termes de sa correspondance recommandée du 12 novembre 2012 (pièce 4 de l'intimée), la société Montaigne Diffusion a fait mention de l'envoi du contrat de commission-affiliation en vue du futur partenariat ainsi que de l'envoi précédent du document d'information précontractuelle par un courrier recommandé avec accusé réception en date du 29 mai 2012. Le fait qu'à la réception de la lettre recommandée du 12 novembre 2012 la société Amendjian n'a aucunement protesté, constitue la preuve de l'envoi de ce document précontractuel ; ainsi le délai de 20 jours visé à l'article L. 330-3 du Code de commerce a bien été respecté. Par ailleurs, à juste titre l'intimée fait valoir que la date du document ne fait pas partie des informations obligatoires prévues à l'article R. 330-1 du Code de commerce. Enfin, la société Lacoste, qui avait comme obligation de procurer au futur affilié un état du marché, a satisfait à son obligation en pages 10, 11, 12 de ce document en présentant les perspectives de développement du marché, un état du marché local, le réseau d'exploitants et au paragraphe 6.1 les points de vente internet avec l'information à la fois de l'existence d'un site e-commerce ouvert depuis le 1er juin 2010 pour la vente des vêtements et autres produits Lacoste, d'un site consultable à l'adresse suivante www.shop-fr.lacoste.com et de la possibilité pour chaque membre du réseau, sous réserve de l'autorisation de Montaigne Diffusion, de gérer et exploiter un site internet permettant la vente de vêtements Lacoste. En annexe 2 est mentionnée la liste des sites internet en France. Dans ces conditions l'appelante, qui a reçu des informations suffisantes sur la vente par internet, ne démontre pas une violation des articles L. 330-3 et R. 330-1-4 du Code de commerce par l'intimée, qui aurait eu pour effet de vicier son consentement, de sorte que ce chef de demande est dépourvu de pertinence.
En troisième lieu, la société appelante reproche à la société intimée, alors qu'elles entretenaient une relation commerciale depuis 1988, de l'avoir évincée du réseau commercial de manière brutale et sans qu'aucune faute ne soit alléguée à son encontre. Elle considère qu'un préavis de 5 ans était nécessaire car pendant la durée du préavis accordé elle n'a pas pu engager une réorganisation ; elle estime que cette dernière a abusé de son droit au non-renouvellement en dénonçant un contrat signé 5 jours plus tôt et après avoir proféré des menaces et tout en imposant à son partenaire commissionnaire le maintien de relations commerciales pour l'empêcher de trouver une autre orientation, alors qu'aucun des cas d'ouverture de résiliation prévus à l'article 13 du contrat ne répondait à la situation. Elle observe que la société Lacoste France a ouvert en 2017 une nouvelle boutique à Chambéry à 100 mètres de celle qu'elle exploitait auparavant, en contractant avec son concurrent, ce qui révélerait son intention de lui nuire.
Pour sa part, la société Lacoste France se prévaut d'un droit au non-renouvellement du contrat à son terme prévu par l'article 12 de la convention et réplique qu'il ne s'agit pas d'une résiliation anticipée du contrat ; elle prétend également avoir respecté les termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, en ce qu'elle a donné à son distributeur au regard de l'ancienneté de leurs relations d'une vingtaine d'années un délai suffisant de 22 mois pour lui permettre de se réorganiser et trouver un autre fournisseur. Elle remarque d'ailleurs que la société appelante a exploité depuis le 23 août 2015 sous une autre enseigne Spirit, ce qui constitue la démonstration qu'un préavis supérieur n'était pas nécessaire. Elle souligne que cette dernière ne justifie pas d'un investissement récent de nature à lui allouer un allongement supplémentaire de la durée du préavis et qu'elle a conformément à l'article 14.1.6 du contrat de commission-affiliation proposé à son distributeur le rachat du mobilier pour une valeur totale de 12 564,80 HT appliquant le taux de vétusté contractuel pour un mobilier acquis en 2012 et non encore totalement amorti. Elle réfute toute précipitation dans l'envoi de sa lettre de non-renouvellement puisque le contrat était en vigueur depuis plus d'une année et demi ainsi que toute volonté de nuire, l'ouverture d'une nouvelle boutique Lacoste à Chambéry ayant eu lieu le 23 novembre 2017 soit plus de 2 années après la fin du contrat de commission.
Il ressort de l'examen du contrat de commission-affiliation qu'il a été signé par les parties le 12 novembre 2012 pour prendre fin le 22 août 2015 ; il est précisé à l'article 12 qu'il entrera rétroactivement en vigueur le 23 août 2012, qu'il se prorogera d'année en année, par tacite reconduction, que chacune des parties aura la faculté d'y mettre fin par lettre recommandée avec accusé réception six mois au moins avant l'expiration de la période initiale et que le non-renouvellement du contrat à son terme ne saurait en aucun cas donner lieu à indemnités au profit de l'une ou l'autre des parties. La société Amendjian n'est donc pas fondée à prétendre que la société Lacoste a abusé de son droit au non-renouvellement au motif qu'elle lui a adressé la lettre de résiliation le 7 octobre 2013, soit 5 jours seulement après la signature du contrat de commission-affiliation ; en effet le contrat litigieux porte la date du 12 novembre 2012 avec effet rétroactif au 12 août 2012, qui est en réalité la date à laquelle la société Amendjian a apposé sa propre signature sur ce contrat, ainsi qu'il résulte de la lettre de contestation de la décision de résiliation écrite par cette dernière (pièce n° 3 de l'appelante), de sorte que la lettre de résiliation a été adressée un an et demi (et non 5 jours) après la signature du contrat avec effet rétroactif au 12 août 2012, date qui correspond en réalité au début des relations entre les parties à l'expiration du contrat de franchise sous ce nouveau régime du contrat de commission. La date du 2 octobre 2013, dont se prévaut la société Amendjian, ne correspond qu'à la date d'envoi du contrat, en raison du temps pris pour l'enregistrement des formalités de nantissement le 3 septembre 2013. Ainsi l'abus du droit au non-renouvellement par une rupture déloyale alléguée par la société Amendjian n'est pas caractérisé, étant observé que le distributeur n'est pas tenu de justifier du refus de renouvellement.
Aux termes de la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 octobre 2013 la société Montaigne Diffusion a souhaité " mettre un terme au contrat litigieux entré en vigueur le 23 août 2012 pour une durée de 3 ans renouvelable tacitement d'année en année ", en précisant que " la résiliation sera effective au terme du contrat initial du contrat à savoir le 22 août 2015 " ; elle a rappelé que jusqu'à la date de résiliation susvisée la société Etablissements Amendjian demeurait tenue au strict respect des obligations découlant dudit contrat.
Dès lors, la société appelante ne peut pas non plus se prévaloir d'une légèreté et d'une précipitation caractérisées de la part de la société intimée en l'absence d'invocation, selon l'affiliée, d'aucun des cas de résiliation prévus à l'article 13 du contrat, et ce, après avoir proféré des menaces et avoir exigé un maintien du contrat pendant deux ans jusqu'au 22 août 2015, avec interdiction de vendre tout produit ou se réorganiser. En effet, dans cette correspondance du 7 octobre 2013, la société Montaigne Diffusion se prévaut simplement de son droit au non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée à son échéance et non d'une résiliation anticipée pour faute ; elle offre alors un délai de préavis de 22 mois jusqu'au terme du contrat fixé au 22 août 2015, de sorte que l'ensemble des clauses contractuelles doit légitimement s'appliquer jusqu'à cette dernière date. Enfin la société appelante ne justifie par aucune pièce que la société intimée ait proféré des menaces à son encontre ou que son comportement ait été dicté par une intention de nuire.
S'il est de principe que l'affilié ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat, quelle que soit l'ancienneté des relations et quelle que soit l'importance des investissements réalisés, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce qui stipulent " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (..) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels " demeurent applicables quels que soient le régime contractuel et le mode rupture. Ainsi ces dispositions imposent le respect d'un préavis suffisant.
En application de l'article précité, la durée d'un préavis suffisant doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels, ainsi qu'au vu des circonstances de l'espèce.
Au cas particulier, l'existence de relations commerciales établies entre les parties depuis 1988 n'étant pas contestée, la société appelante ne peut tirer argument de la clause contractuelle relative au préavis de rupture de 6 mois, dès lors que la société Lacoste a effectivement consenti dans sa lettre de non-renouvellement à donner à son affiliée un délai de prévenance de 22 mois.
La société Amendjian, qui soutient s'être trouvée dans l'impossibilité matérielle d'exercer une nouvelle activité puisqu'elle n'aurait pas pu, avant la rupture, stocker des produits autres que ceux de la marque Lacoste, qu'elle était contrainte d'utiliser la décoration, l'enseigne et le mobilier imposés par la société Lacoste, qu'elle a dû attendre le démontage complet de sa boutique, qu'elle n'a pu obtenir l'agrément d'autres fournisseurs qu'après avoir effectué les travaux nécessaires à la réouverture de la boutique, de sorte que sa réorganisation a été impossible ou à tout le moins largement retardée, n'en justifie pas.
En effet, il apparaît de sa propre pièce n° 6 qu'elle a demandé dès le 13 avril 2015 un devis pour " l'aménagement de (son) magasin de vêtements SPIRIT ", ce qui tend à démontrer qu'elle n'a pas attendu, comme elle cherche à le faire croire, la fin du contrat de commission-affiliation pour rechercher d'autres partenaires commerciaux, pour donner une nouvelle orientation à ses activités en contractant avec une autre enseigne. La stricte application du contrat de commission jusqu'à son terme ne l'a donc pas empêchée, comme elle le prétend, de se réorganiser. Disposant d'un point de vente au centre de la ville de Chambéry, elle a été en mesure de trouver rapidement d'autres partenaires, de distribuer d'autres marques dans le même secteur d'activité.
Par ailleurs, il ne peut être imputé à faute à la société Lacoste d'avoir rompu le contrat de commission-affiliation avant la durée de 5 ans d'amortissement du mobilier imposée par elle selon ses standards, dès lors que les parties ont convenu d'une durée du contrat de 3 ans et y ont inséré une clause 14.1.6 selon laquelle " au jour de la cession, l'affilié cédera le mobilier Lacoste et l'enseigne dont il aurait supporté le coût à Montaigne Diffusion à leur valeur nette comptable amortie sur cinq ans maximum ", la société Lacoste devant alors en cas de rupture racheter le mobilier en appliquant un taux légitime de vétusté. Il ne peut en conséquence être reproché à la société intimée un comportement malveillant mais seulement une inexécution contractuelle puisqu'elle n'a pas remboursé son affiliée de la perte d'investissements non amortis.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le non- renouvellement du contrat de commission-affiliation à son terme, précédé d'un préavis de 22 mois, ne peut être considéré comme une rupture brutale au sens de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce.
En quatrième lieu, il convient d'examiner les deux dernières demandes de la société appelante, qui sont distinctes du préjudice réclamé au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, et qui visent un détournement de clientèle à indemniser à hauteur de la somme de 400 000 et une dépréciation du fonds de commerce évaluée à la somme de 600 000 , sans que soit véritablement précisé le fondement juridique de ces prétentions.
La société Lacoste rétorque qu'elle ne s'est livrée à aucun détournement de clientèle et invoque la parfaite régularité de son programme de fidélisation des clients, auquel les boutiques sont libres de participer ou non, les clients étant rattachés à une boutique de référence, même s'ils s'inscrivent par internet. Sur la perte de valeur du fonds, elle répond que le renouvellement d'un contrat n'est pas un droit acquis et que le fonds de commerce vaut avant tout par son emplacement.
La perte de 41 644,53 correspondant à la valeur résiduelle des investissements non amortis par l'affiliée, la perte du droit d'entrée, le préjudice moral, la diminution de la valeur de la boutique semblent être compris dans la dépréciation du fonds de commerce, puisqu'aucune demande séparée ne figure dans le dispositif des dernières conclusions de la société Amendjian.
Il importe d'observer que cette dernière n'est pas fondée à inclure dans cette perte le mobilier acquis dans les contrats précédents au contrat de commission-affiliation dès lors que l'amortissement du mobilier est de 5 ans.
Il est justifié par les factures (pièce 8 de la société Lacoste) que l'affiliée s'est acquittée en 2012 d'une somme de 32 848, 93 . La société Lacoste a précisé qu'elle a, par lettre recommandée avec accusé réception du 20 juillet 2015, proposé un dédommagement de 12 546,80 HT en appliquant un taux de vétusté. Elle sera en conséquence condamnée à rembourser cette somme à la société intimée.
Sur le droit d'entrée de 12 000 il ressort de l'article 10 du contrat de commission-affiliation que la société Amendjian ne l'a pas payé puisqu'elle était déjà membre du réseau Lacoste en qualité de franchisée. Le contrat de franchise n'étant pas versé aux débats, la cour n'est pas en mesure de statuer sur cette demande qui doit donc être rejetée.
La demande de réparation d'un préjudice moral ne saurait prospérer dans la mesure où les griefs tenant à la déloyauté et la brutalité de la rupture des relations commerciales n'ont pas été retenus. Il en est de même de la demande de dépréciation de la valeur du fonds de commerce sans la marque Lacoste.
Sur sa perte de clientèle sur 3 ans la société Amendjian estime qu'elle est due à la mise en œuvre du e-commerce développé par la société Lacoste, que l'obligation pour elle de proposer puis de constituer une carte de fidélité à chaque client a permis à cette dernière d'obtenir la base clientèle internet en utilisant sa boutique comme apporteur et collecteur de données ; elle considère que son magasin est utilisé comme service marketing sans qu'elle soit rémunérée.
Mais il convient d'observer qu'aucun élément n'est produit permettant d'accréditer l'idée que la société Lacoste privilégierait le e-commerce au détriment de ses commissionnaires affiliés et qu'aucune pièce n'est versée aux débats pour apporter la preuve que le chiffre d'affaires de la société Lacoste aurait augmenté depuis la mise en place du fichier client informatisé. Par ailleurs, il ressort des Conditions Générales du Club Lacoste (pièce n° 9-1 de l'appelante) qu'aucune obligation n'est faite aux distributeurs de participer au programme de fidélisation, que lorsqu'un client s'inscrit au programme de fidélité, la boutique Lacoste dans laquelle il s'inscrit est considérée comme la boutique de référence, que s'il s'inscrit par internet au club Lacoste, il doit renseigner sa boutique de référence, que l'ensemble des avantages auxquels l'adhésion donne droit est utilisable uniquement en boutique Lacoste et non sur le site e-commerce. L'argument tiré d'un détournement de clientèle ne saurait donc être retenu.
Sur la demande reconventionnelle de la société Lacoste France
La société Lacoste réclame le paiement d'une somme de 22 582,42 au titre des factures impayées des 31 juillet et 16 août 2016.
La société appelante ne développe aucun argument pour contester cette prétention. Dès lors, la décision des premiers juges, justement motivée, sera confirmée.
La société Amendjian qui succombe essentiellement, supportera les dépens d'appel et devra verser à la société Lacoste la somme supplémentaire de 8 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2016 par le tribunal de commerce de Paris, hormis en ce qui concerne les frais d'investissement de mobilier non amorti ; statuant à nouveau de ce seul chef, condamne la société Lacoste France à verser à la société Etablissements Amendjian la somme de 12 546,80 HT au titre des frais d'investissement de mobilier non amorti ; condamne la société Etablissements Amendjian aux dépens d'appel ; condamne la société Etablissements Amendjian à verser à la société Lacoste France une somme de 8 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.