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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 5 mars 2018, n° 16-07880

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Immobilière et Foncière du Mantois (SARL), Cosme Rogeau (ès qual.)

Défendeur :

Vinci Immobilier (SAS),

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mmes Castermans, Simon-Rossenthal

Avocats :

Mes Atlan, Fisselier, Peyron

T. com. Paris, du 22 mars 2016

22 mars 2016

Faits et procédure

La société immobilière et foncière du Montois, ci-après dénommée société IFM, exerce l'activité d'intermédiaire dans le domaine immobilier comprenant une assistance commerciale administrative et de gestion ainsi que des opérations de courtage.

La société Vinci immobilier, ci-après dénommée société Vinci est une filiale de promotion immobilière appartenant au groupe BTP du même nom.

La société IFM expose que les parties collaborent depuis 2009, la société Vinci étant devenue son partenaire commercial privilégié auquel elle a apporté non seulement plusieurs opérations de promotion en Ile-de-France mais aussi pour le compte de laquelle elle a effectué d'autres prestations allant bien au-delà de l'intervention classique d'un intermédiaire immobilier, telles que les préparations des dossiers d'appels d'offres, la coordination des parties prenantes une fois les projets lancés, la rédaction de protocoles d'accord, la participation aux réunions d'avancement, etc.

La société IFM considère en conséquence que le caractère multiforme de ses prestations ne lui rend pas applicables les dispositions de la loi Hoguet dans sa partie relative à l'exigence d'un mandat signé opération par opération.

Les relations entre les parties se sont tendues au cours de l'année 2013, la société IFM réclamant le paiement d'honoraires sur des opérations dont elle estime être à l'origine et, pour certaines d'entre elles, en avoir assuré le suivi.

La société Vinci conteste cet exposé en déniant la portée voire l'existence même des prestations alléguées. Elle rappelle le caractère d'ordre public de la loi Hoguet et précise qu'à 6 reprises les parties ont signé des mandats contrairement aux opérations en litige pour lesquelles aucun mandat n'a été conclu.

Par acte du 3 octobre 2014, la société IFM a fait assigner en paiement la société Vinci immobilier.

Vu le jugement prononcé le 22 mars 2016 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- débouté la société IFM de ses demandes au sujet des projets Franconville Victor Basch, Louveciennes, Stago, Mantes-la-Ville, Aubervilliers et Senlis,

- prononcé la nullité de la convention du 26 juillet 2012 (opération Franconville Gare) et déboute la société IFM de sa demande présentée à ce titre,

- débouté la société IFM de sa demande pour résistance abusive,

- dit qu'il n'y a lieu à statuer sur la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

- débouté la société Vinci de sa demande pour citation abusive,

- condamné la société IFM à payer à la société Vinci la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la société IFM aux dépens.

Vu l'appel de la société IFM le 4 avril 2016,

Vu le jugement prononcé le 23 août 2016 par le Tribunal de commerce de Versailles qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société IFM et désigné Maître Cosme Rogeau en qualité de liquidateur,

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 février 2017 par la société IFM et par la Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maître Cosme Rogeau, liquidateur judiciaire de la société IFM, le 15 février 2017,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Vinci Immobilier le 28 février 2017,

La société IFM et la Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maître Cosme Rogeau, liquidateur judiciaire de la société IFM demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- donner acte à la Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maître Cosme Rogeau de son intervention volontaire,

- déclarer la société Immobilière et Foncière du Mantois (IFM) recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

- condamner la société Vinci Immobilier à payer à la société Immobilière et Foncière du Mantois (IFM) les sommes suivantes :

* 120 000 euros HT au titre de ses honoraires sur le prix d'achat du foncier,

* 250 000 euros au titre de ses honoraires d'accompagnement,

* 136 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa privation de la commercialisation du projet Franconville Gare,

* 1 018 800 euros HT au titre du projet Louveciennes,

* 720 000 euros HT au titre du projet Stago,

* 150 000 euros HT au titre du projet Mantes-la-Ville,

* 430 740 euros HT au titre du projet Aubervilliers,

* 134 340 euros HT au titre du projet " Clinique Saint Joseph à Senlis,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement ;

* 320 000 euros pour rupture brutale des relations commerciales établies,

* 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; la société Vinci Immobilier demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- confirmer le jugement entrepris relativement aux demandes de la société IFM,

- dire que la loi Hoguet est applicable à l'ensemble des relations contractuelles entre IFM et Vinci Immobilier,

- constater que la société IFM ne peut justifier du rôle d'assistance économique, technique, administrative qu'elle prétend avoir joué,

- prononcer la nullité du mandat conclu entre IFM et Vinci Immobilier sur le projet Franconville Gare,

- constater l'absence de mandat liant les deux parties sur le projet Victor Basch, ainsi que sur les projets Louveciennes, Stago, Mantes La Ville, Aubervilliers, Senlis

En tout état de cause :

- constater qu'aucune rémunération n'est due à la société IFM au titre de ces différents projets,

- débouter la société IFM de ses demandes à ce titre,

En toutes hypothèse :

- constater la précarité de la relation commerciale invoquée par la société IFM avec la société Vinci Immobilier,

- constater l'absence de rupture d'une relation commerciale établie entre les parties,

- enjoindre la société IFM d'effectuer le dépôt de ses comptes annuels des années 2011, 2012, 2013,

- constater le caractère indéterminable et indéterminé du montant des rémunérations réclamées par IFM et de leurs modalités de calcul,

- débouter IFM de l'intégralité de ses demandes,

Statuant sur l'appel incident formé par la société Vinci immobilier :

- réformer le jugement entrepris,

- fixer à la somme de 40 000 euros le montant de la créance de Vinci Immobilier contre la société IFM au titre des dommages et intérêt pour demande abusive,

- fixer à la somme de 20 000 euros, outre les entiers dépens, le montant de la créance de Vinci Immobilier contre la société IFM au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

SUR CE,

a) Sur les demandes de paiement au titre des engagements contractuels

Considérant que la société IFM qui développait dans le domaine immobilier une activité de gestion, transaction, négociations, entremise, assistance commerciale administrative et de gestion a conclu avec la société Vinci Immobilier divers mandats de recherche de biens immobiliers ; que, dans la présente espèce, en l'absence de mandat et de toute autre convention écrite elle sollicite de la société Vinci le paiement de sa rémunération pour 7 opérations (Franconville Victor Basch, Franconville-gare, Louveciennes, Stago, Mantes-la-Ville, Aubervilliers et Senlis) ; qu'elle expose que son activité ne se limitait pas en une intervention classique d'intermédiaire immobilier mettant en rapport un vendeur et un acheteur de terrain "susceptible d'être soumise à la loi Hoguet" mais s'étendait à des prestations multiformes ;

Considérant que la loi du 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce dite loi Hoguet dispose en son article 6 relatif à l'exercice des activités d'entremise que les conventions conclues doivent être rédigées par écrit ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, cette exigence n'est pas écartée lorsque le contrat est conclu entre professionnels ; que divers contrats de mandat ont été conclus par écrit entre la société IFM et la société Vinci (18 juin 2010, 5 juillet 2010, 26 novembre 2010, 11 octobre 2011, 24 octobre 2011 , 29 octobre 2012) ;

Considérant par ailleurs que si un contrat écrit a été conclu entre les parties le 26 juillet 2012 pour le projet Franconville Gare, aucune durée n'a été précisée ; que selon l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 " Sont nulles les promesses et les conventions de toute nature relative aux opérations visées à l'article 1er qui ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps ";

Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la société IFM est mal fondée en ses demandes de paiement au titre de l'activité " d'entremise " ;

Considérant que la société IFM expose que son activité portait également sur les rencontres avec les vendeurs, la mise en relation avec les municipalités, l'organisation de réunions, l'accomplissement des formalités administratives, la révision et l'approbation de bilans, la recherche de partenaires, la rédaction des comptes rendus dont elle précise qu'ils relevaient d'une mission d'études, d'assistance, d'administration et de commercialisation échappant à ce titre de la loi Hoguet ; qu'il appartient alors à la société IFM, en l'absence de toute convention écrire, de prouver la réalité de ces interventions et l'accord des parties sur le principe et le montants de sa rémunération; qu'au-delà des 500 pièces fournies par l'appelante comportant principalement des échanges de courriers électroniques, les observations suivantes doivent être relevées opération par opération ;

* Projet Franconville Victor Basch

Considérant que la société IFM réclame des honoraires au titre de sa mission d'accompagnement à hauteur de 1 % du chiffre d'affaires escompté " conformément à l'usage en la matière " soit 250 000 euros ;

Mais considérant que la société IFM est défaillante à prouver les diligences qu'elle aurait accomplies en sa qualité d'assistant au maître de l'ouvrage, mission qui au demeurant ne rentre pas dans ses compétences (obtention des autorisations administratives, négociation de l'achat des terrains, assistance technique, économique et administrative) ; qu'en outre aucun accord des parties ne porte sur une rémunération calculée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé ou " escompté " ;

* Projet Franconville Gare

Considérant que, conformément à ce qui a été ci-dessus relevé, aucune rémunération ne peut être présentée sur le fondement du contrat du 26 juillet 2012 nul en application de l'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 ; qu'au surplus la rémunération était conditionnée à la signature de l'acte authentique de vente qui n'est pas conclu avec la société Vinci mais avec la société Nexity ;

* projet Louveciennes

Considérant que la société IFM réclame des honoraires correspondant à 1 % du chiffre d'affaires réalisé soit 1 018 800 euros ;

Mais considérant que la société Vinci verse aux débats une attestation de la mairie de Louveciennes qui conteste l'intervention de la société IFM dans cette opération ; que par ailleurs, ainsi que pour l'opération Franconville Victor Basch, aucun accord des parties ne porte sur une rémunération calculée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé ;

* projet Stago

Considérant que la société IFM réclame 720 000 euros correspondant à 1 % du chiffre d'affaires escompté ; qu'elle prétend avoir assuré une mission de coordination entre les services municipaux de Franconville ;

Mais considérant que ce projet ne s'est pas réalisé et que les parties ne sont convenues d'aucune rémunération sur la base d'un chiffre d'affaires " escompté " ;

* projet Mantes la Ville

Considérant que la société IFM réclame 150 000 euros correspondant à 1 % du chiffre d'affaires escompté ;

Mais considérant que ce projet de réalisation d'un EPHAD ne s'est pas concrétisé ; que le courrier électronique de la société Vinci du 27 juillet 2012 évoque une rémunération au vu d'un bilan d'aménagement qui n'est pas intervenu faute de réalisation du projet ;

* projets d'Aubervilliers et clinique Saint Joseph

Considérant que la société IFM réclame 430 704 euros pour le 1er projet et 134 340 euros pour le second correspondant pour chacun à 1 % du chiffre d'affaires escompté ;

Mais considérant que les projets ne s'étant pas réalisés les remarques précédentes s'opposent aux demandes de rémunération présentée à ce titre ;

Considérant que la société IFM doit être déboutée de ses demandes de paiement au titre des engagements contractuels ;

b) Sur la demande au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies

Considérant que la société IFM réclame à ce titre la somme de 320 000 euros en exposant avoir entretenu avec la société Vinci des relations commerciales depuis 2009 qui ont été rompues en septembre.

Mais considérant que les 6 mandats suivants ont été ont été conclus entre la société IFM et la société Vinci :

- mandat de recherche du 18 juin 2010,

- mandat exclusif de vente le 5 juillet 2010,

- mandat de recherche du 26 novembre 2010,

- mandat de vente sans exclusivité du 11 octobre 2011,

- mandat de vente sans exclusivité du 24 octobre 2011,

- mandat de vente sans exclusivité du 29 octobre 2012,

Que ces mandats dont l'objet est différencié et non nécessairement exclusif portent sur des missions de recherche ou de vente dans le secteur géographique dans lequel la société IFM déploie ses activités et sont dépendants des marchés ou des contrats obtenus par la société Vinci auprès notamment des collectivités locales; que ces relations commerciales qui dépendent des marchés et des intervenants extérieurs ne présentent pas de caractère pérenne; que ce caractère aléatoire est exclusif de relations commerciales établies ; que la société IFM doit être déboutée de cette demande fondée sur l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ;

c) Sur les autres demandes

Considérant que la solution du litige conduit à débouter la société IFM de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Considérant que, au-delà de son mal fondé, la société Vinci ne prouve pas le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre par la société IFM ; qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ;

Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; condamne la Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maître Cosme Rogeau, liquidateur judiciaire de la société IFM, à verser à ma société Vinci Immobilier la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; rejette toutes autres demandes ; ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.