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Décisions

Cass. com., 7 mars 2018, n° 16-16.812

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Jasmin (Sasu) , Café indigo (SA)

Défendeur :

Thirakomen-Lefebvre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, Me Haas

Paris, pôle 5, ch. 2, du 4 mars 2016

4 mars 2016

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Jasmin et Café indigo que sur le pourvoi incident relevé par Mme Thirakomen-Lefebvre ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2016), que Mme Thirakomen-Lefebvre (Mme Lefebvre) a été embauchée par la société Les Bistrots du quai, en 2000, afin d'assurer la direction opérationnelle d'un restaurant qui a pris le nom de "Chez Thiou" ; qu'en 2002, cette société a ouvert un autre restaurant sous l'enseigne "Chez Thiou", le premier devenant "Le Petit Thiou" ; que ces fonds de commerce ont fait l'objet d'un apport partiel d'actifs à la société Jasmin, qui a déposé, le 21 octobre 2003, la marque "Thiou" n° 3 253 205 pour désigner des services de restauration ; qu'un troisième établissement, "Le Comptoir de Thiou", a été ouvert en 2004 par la société Café indigo ; que Mme Lefebvre a été licenciée en 2012 ; que, faisant valoir qu'elle était connue, dans le milieu culinaire, sous le pseudonyme de Thiou et que la marque Thiou avait été déposée à son insu, elle a agi en revendication de la marque n° 3 253 205, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire contre les sociétés Jasmin et Café indigo ;

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, réunis : - Attendu que les sociétés Jasmin et Café indigo font grief à l'arrêt de déclarer recevable et fondée l'action de Mme Lefebvre en revendication de la marque française semi-figurative n° 3 253 205 "Thiou" alors, selon le moyen : 1°) que la mauvaise foi doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et en se plaçant à la date du dépôt de la marque ; que la circonstance que le déposant ait eu connaissance de l'usage antérieur du signe litigieux par un tiers ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie sa mauvaise foi ; il convient également de prendre en considération son intention au moment du dépôt ; que cette intention est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la société Jasmin faisant valoir qu'elle avait déposé la marque "Thiou" dans la seule intention de sécuriser, à l'égard des tiers, les investissements qu'elle avait supportés pour lancer et exploiter les restaurants "Thiou" et "Petit Thiou", la cour d'appel a, en particulier, relevé que l'usage des enseignes "Thiou" et "Petit Thiou" pour désigner ces restaurants "se rapport[ait] nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", que certaines des pièces produites étaient postérieures au dépôt de la marque et que ce ne serait qu'après le dépôt de la marque que des commandes de vaisselle portant la marque déposée Thiou auraient été passées, "ce qui démontre une volonté de développer un service de restauration identifié par cette marque et une spécificité commune qui était de proposer une cuisine thaï" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait elle-même que les restaurants "Thiou" et "Le Petit Thiou" avaient été ouverts avant le dépôt de la marque "Thiou" n° 3 253 203 en date du 21 octobre 2003, ce dont il résultait qu'avant même de procéder à ce dépôt, la société Jasmin avait déjà fait usage de ces signes à titre de marque pour désigner des services de restauration, la cour d'appel, qui n'a pas justifié en quoi, en l'état d'une telle exploitation antérieure pour des services de restauration, réalisée avec l'accord de Mme Lefebvre, le dépôt, en 2003, de la marque " Thiou " pour désigner ces mêmes services dans la classe 43 n'aurait pas été effectué par la société Jasmin dans l'intention légitime de sécuriser l'exploitation commerciale des restaurants à laquelle Mme Lefebvre était intéressée, et non dans l'intention d'empêcher cette dernière d'utiliser ce signe, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu'en affirmant, sans autre explication, que si les différents établissements ont utilisé les enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou", ces éléments se rapportent nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", sans donner aucun motif de nature à justifier en quoi de tels usages ne pouvaient être regardés comme constituant des usages faits à titre de marque pour désigner des services de restauration, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'en relevant, d'une part, que si les différents établissements ont notamment utilisé les enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou", "ces éléments se rapportent nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", et d'autre part, qu'en bénéficiant d'un salaire et d'un intéressement sur le chiffre d'affaires réalisé par les restaurants exerçant à l'enseigne Thiou, au 49 quai d'Orsay, et "La Marine de Thiou" devenu " Le Petit Thiou", rue Surcouf, Mme Lefebvre avait "bénéficié ainsi de l'exploitation de la marque puisque celle-ci a eu pour objet des services de restauration", la cour d'appel, qui a ainsi tout à la fois retenu que l'exploitation des restaurants aux enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou" constituait un usage du signe "Thiou" effectué à titre de marque pour des services de restauration et qu'elle ne constituait pas un tel usage, s'est contredite, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Jasmin se prévalait notamment de factures pour de la vaisselle revêtue de la marque "Thiou" en date du 28 février 2002 (pièce n° 7) et des 12 et 21 mars 2003 ainsi que d'une facture pour des casquettes revêtues de cette même marque, destinées au personnel de son restaurant, en date du 7 octobre 2002 ; qu'en affirmant que ce ne serait qu'après le dépôt de la marque " Thiou " n° 3 253 203, en date du 21 octobre 2003, que la société Jasmin aurait passé des commandes de vaisselle et en retenant ainsi implicitement qu'il n'était pas établi que la marque "Thiou" aurait été apposée sur de quelconques supports avant cette date, sans procéder à une analyse même sommaire des pièces précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que le bien-fondé d'une action en revendication de marque suppose la démonstration d'une intention frauduleuse du déposant au jour du dépôt de la marque ; en l'espèce, pour écarter le moyen de la société Jasmin faisant valoir qu'elle avait déposé la marque "Thiou" dans la seule intention de sécuriser, à l'égard des tiers, les investissements qu'elle avait supportés pour lancer et exploiter les restaurants "Thiou" et "Petit Thiou", la cour d'appel a, en particulier, relevé que l'usage des enseignes "Thiou" et "Petit Thiou" pour désigner ces restaurants "se rapport[ait] nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", que certaines des pièces produites étaient postérieures au dépôt de la marque et que ce ne serait qu'après le dépôt de la marque que des commandes de vaisselle portant la marque déposée Thiou auraient été passées, "ce qui démontre une volonté de développer un service de restauration identifié par cette marque et une spécificité commune qui était de proposer une cuisine thaï" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait elle-même que les restaurants "Thiou" et "Le Petit Thiou" avaient été ouverts avant le dépôt de la marque "Thiou" n° 3 253 203 en date du 21 octobre 2003, ce dont il résultait qu'avant même de procéder à ce dépôt, la société Jasmin avait déjà fait usage de ces signes à titre de marque pour désigner des services de restauration, la cour d'appel, qui n'a pas justifié en quoi, en l'état d'une telle exploitation antérieure pour des services de restauration, réalisée avec l'accord de Mme Lefebvre, le dépôt, en 2003, de la marque "Thiou" pour désigner ces mêmes services dans la classe 43 n'aurait pas été effectué par la société Jasmin dans l'intention légitime de sécuriser l'exploitation commerciale des restaurants à laquelle Mme Lefebvre était intéressée, et non dans l'intention d'empêcher cette dernière d'utiliser ce signe, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ; 6°) qu'en affirmant, sans autre explication, que si les différents établissements ont utilisé les enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou", ces éléments se rapportent nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", sans donner aucun motif de nature à justifier en quoi de tels usages ne pouvaient être regardés comme constituant des usages faits à titre de marque pour désigner des services de restauration, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 7°) qu'en relevant, d'une part, que si les différents établissements ont notamment utilisé les enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou", "ces éléments se rapportent nécessairement à une dénomination sociale et non à une marque", et d'autre part, qu'en bénéficiant d'un salaire et d'un intéressement sur le chiffre d'affaires réalisé par les restaurants exerçant à l'enseigne Thiou, au 49 quai d'Orsay, et "La Marine de Thiou" devenu "Le Petit Thiou", rue Surcouf, Mme Lefebvre avait "bénéficié ainsi de l'exploitation de la marque puisque celle-ci a eu pour objet des services de restauration", la cour d'appel, qui a ainsi tout à la fois retenu que l'exploitation des restaurants aux enseignes "Thiou", "Marine de Thiou" et "Petit Thiou" constituait un usage du signe "Thiou" effectué à titre de marque pour des services de restauration et qu'elle ne constituait pas un tel usage, s'est contredite, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 8°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Jasmin se prévalait notamment de factures pour de la vaisselle revêtue de la marque "Thiou" en date du 28 février 2002 et des 12 et 21 mars 2003 ainsi que d'une facture pour des casquettes revêtues de cette même marque, destinées au personnel de son restaurant, en date du 7 octobre 2002 ; qu'en affirmant que ce ne serait qu'après le dépôt de la marque "Thiou" n° 3 253 203, en date du 21 octobre 2003, que la société Jasmin aurait passé des commandes de vaisselle et en retenant ainsi implicitement qu'il n'était pas établi que la marque "Thiou" aurait été apposée sur de quelconques supports avant cette date, sans procéder à une analyse même sommaire des pièces précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que Mme Lefebvre avait acquis sous le pseudonyme Thiou une notoriété en matière culinaire avant le dépôt de la marque, que ce n'est qu'après la rupture de son contrat de travail qu'elle avait appris que cette marque avait été déposée sans son accord, que ce dépôt pouvait l'empêcher d'exercer toute exploitation indépendante de son nom pour des services de restauration et qu'il avait été effectué, de mauvaise foi, au mépris de ses droits, la cour d'appel a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions soutenant que le déposant n'aurait ainsi procédé que dans l'intention de sécuriser ses investissements à l'égard des tiers ;

Attendu, en deuxième lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, relevant notamment que cet usage s'inscrivait dans le cadre du seul droit concédé par Mme Lefebvre, a retenu qu'avant son dépôt en tant que marque, ce pseudonyme n'avait été utilisé qu'à titre de dénomination sociale ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, ne s'est pas contredite en retenant, d'un côté, qu'avant ce dépôt, ce pseudonyme n'avait été utilisé qu'à titre de dénomination sociale ou d'enseigne, et, de l'autre, qu'après ce dépôt, Mme Lefebvre avait, sous forme d'intéressement, bénéficié de son exploitation en tant que marque ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Jasmin et Café indigo font grief à l'arrêt de leur interdire d'utiliser la dénomination Thiou dans le cadre de leurs activités de restauration et de gastronomie alors, selon le moyen : 1°) qu'un pseudonyme inséré dans une enseigne, avec l'accord exprès ou implicite de la personne physique qui le porte, devient un objet de propriété incorporelle autonome, qui se détache de la personne physique qui le porte pour s'appliquer au fonds de commerce qu'il distingue ; qu'ainsi, la personne physique qui a autorisé l'insertion de son nom patronymique dans une enseigne ne peut, en principe, pas s'opposer à la poursuite de l'exploitation de cette dernière ; qu'en interdisant, de manière générale, aux sociétés Jasmin et Café indigo toute utilisation de la dénomination "Thiou" dans le cadre de leurs activités de restauration et de gastronomie, tout en constatant que Mme Lefebvre avait expressément autorisé la société Bistrots du Quai, aux droits de laquelle vient désormais la société Jasmin, à utiliser le nom "Thiou" dans son enseigne, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'ayant constaté l'existence d'une telle clause, la cour d'appel ne pouvait interdire aux sociétés Jasmin et Café indigo toute utilisation de la dénomination "Thiou", "dans le cadre de leurs activités de restauration et de gastronomie", que ce soit à titre de marque ou d'enseigne, sans s'expliquer, à tout le moins, sur la valeur et la portée de l'autorisation qui avait été ainsi donnée par Mme Lefebvre pour l'utilisation du nom "Thiou" en tant qu'enseigne ; qu'en se bornant à relever que la clause litigieuse n'autorisait pas la société Jasmin à procéder à un dépôt de marque, sans donner aucun motif justifiant en quoi elle n'autorisait pas cette société à poursuivre l'utilisation du nom "Thiou" à titre d'enseigne après le départ de Mme Lefebvre, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que les juges du fond ne peuvent prononcer des mesures d'interdiction générales dénuées de lien avec les agissements incriminés ; qu'en l'occurrence, la cour d'appel a retenu que le dépôt, par la société Jasmin, de la marque "Thiou" pour des services de la classe 43 présentait un caractère frauduleux et a retenu que la société Café indigo avait commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au titre de l'utilisation frauduleuse qu'elle aurait faite de cette marque ; qu'en prononçant une interdiction générale d'utiliser la dénomination "Thiou" dans le cadre d'activités de restauration et de gastronomie, sans limiter la portée de la mesure qu'elle prononçait à l'utilisation de cette dénomination à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les sociétés Jasmin et Café indigo n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que cette interdiction devait, le cas échéant, être limitée, le moyen, nouveau et mélangé de fait, en ce qu'il implique l'examen de prétendus droits concurrents des parties sur le même signe, est irrecevable ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal : - Attendu que les sociétés Jasmin et Café indigo font grief à l'arrêt de les condamner à verser à Mme Lefebvre les sommes de 70 000 euros et de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image alors, selon le moyen : 1°) que seuls peuvent être réparés les chefs de préjudice présentant un lien direct et certain avec la faute alléguée ; qu'en affirmant que "quelle [qu'en] soit la cause", la baisse importante des chiffres d'affaires réalisés par la société Jasmin après le départ de Mme Lefebvre serait à l'origine d'une "dépréciation de la marque Thiou et donc d'un préjudice d'image pour Mme Lefebvre", sans caractériser en quoi un tel chef de préjudice présenterait un lien de causalité direct et certain avec les agissements fautifs reprochés à la société Jasmin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en condamnant les sociétés Jasmin et Café indigo à réparer le préjudice que la fermeture des restaurants "Thiou" et "Petit Thiou" aurait causé à Mme Lefebvre, sans justifier en quoi la fermeture de ces restaurants serait, en elle-même, constitutive d'une faute de la part des sociétés exposantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que seuls peuvent être réparés les chefs de préjudice présentant un lien direct et certain avec la faute alléguée ; qu'en l'espèce, selon les propres constatations de l'arrêt, Mme Lefebvre reprochait aux sociétés Jasmin et Café indigo d'avoir "profité de sa notoriété en exploitant la dénomination "Thiou" tant à titre de marque qu'à titre d'enseigne" et d'avoir "continu[é] de tirer profit de son talent culinaire en exploitant pour les besoins de leurs restaurants des menus et les recettes élaborées par elle" ; que l'action en responsabilité civile ainsi intentée par Mme Lefebvre visait à voir interdire à ces sociétés tout usage de la dénomination "Thiou" dans le cadre de leurs activités de restauration et de gastronomie ; qu'en condamnant les sociétés Jasmin et Café indigo à indemniser le préjudice que la fermeture des restaurants exploités sous les dénominations" Le Petit Thiou" et "Les Comptoirs de Thiou" aurait causé à Mme Lefebvre, quand la cessation de l'usage de ces dénominations était précisément le résultat recherché par l'action intentée par cette dernière, la cour d'appel, qui n'a ainsi aucunement caractérisé en quoi le préjudice qui aurait résulté de la fermeture de ces restaurants présenterait un quelconque lien avec les fautes reprochées aux sociétés exposantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'après le départ de Mme Lefebvre, les trois restaurants ont continué de proposer aux clients des recettes mises au point par cette dernière, que la presse s'en est fait l'écho et qu'ils se sont ainsi appuyés sur la notoriété dont ils avaient bénéficié depuis le dépôt de la marque ; qu'il constate encore que le site internet du restaurant "Thiou" a présenté Mme Lefebvre, après son licenciement, comme étant "chef" des établissements ouverts sous son enseigne et a diffusé jusqu'en novembre 2013 une vidéo la mettant en situation, et que les deux restaurants "Le Petit Thiou" et "Le comptoir de Thiou" étant à présent fermés, la clientèle pouvait attribuer cette fermeture à Mme Lefebvre, ce qui contribuait à une dépréciation de la marque ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que le dommage procédait de la présentation fautive de ces faits au public, la cour d'appel a caractérisé le lien de causalité entre les fautes des sociétés Jasmin et Café indigo et le préjudice subi par Mme Lefebvre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que Mme Lefebvre fait grief à l'arrêt de rejeter son action en concurrence déloyale et parasitaire contre la société Jasmin, et de limiter la réparation mise à la charge de la société Café indigo alors, selon le moyen : 1°) que constitue un acte de concurrence parasitaire le fait, pour un opérateur économique, de se placer dans le sillage d'une personne en profitant indûment de sa notoriété ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que Mme Lefebvre, dite "Thiou", avait perçu un intéressement sur le chiffre d'affaires réalisé par la société Jasmin jusqu'à son licenciement et ainsi bénéficié de l'exploitation de la marque "Thiou" pendant l'exécution de son contrat de travail, pour en déduire que cette société n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire, après avoir constaté que cette dernière avait utilisé cette marque dans le but de profiter de la notoriété de Mme Lefebvre et avait procédé frauduleusement à son dépôt dans l'intention d'empêcher Mme Lefebvre d'utiliser ce signe pour ses activités ultérieures, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 2°) que doivent être réparés les chefs de préjudice présentant un lien direct et certain avec la faute alléguée ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice financier subi par Mme Lefebvre au titre de l'exploitation frauduleuse, par la société Jasmin, de la marque "Thiou" après son licenciement, au prétexte qu'un tel préjudice ne résultait pas de l'usage de la marque "Thiou" mais de la rupture de son contrat de travail qui prévoyait un intéressement sur le chiffre d'affaires, quand il résultait de ses constatations que la société Jasmin avait continué à faire un usage de la marque "Thiou" et à présenter Mme Lefebvre après son licenciement comme étant toujours "la chef" des établissements ouverts sous son enseigne, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ; 3°) que le préjudice doit être indemnisé intégralement, sans perte, ni profit pour la victime ; qu'en fixant le préjudice financier subi par Mme Lefebvre au titre de l'usage frauduleux, par la société Café indigo, de la marque "Thiou" au regard de l'intéressement dont celle-ci bénéficiait aux termes du contrat de travail conclu avec la société Jasmin, au prétexte qu'elle ne pouvait connaître le bénéfice retiré de l'exploitation de cette marque, la cour d'appel, qui devait procéder à l'évaluation de l'entier préjudice, au besoin en recourant à une mesure d'expertise, a violé l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a évalué les préjudices, notamment en prenant en compte l'intéressement dont bénéficiait Mme Lefebvre selon son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois.