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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 7 mars 2018, n° 16-02717

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

M. Kheitmi, Mme Theuil-Dif

T. com. Clermont-Ferrand, du 27 oct. 201…

27 octobre 2016

Exposé du litige :

Mme X exerçait sous le nom " Etablissements X ", pour y succéder à son mari, une activité de négoce de matériels agricoles <adresse>.

La SARL Etablissements Y, dont M. Y est le gérant, exerce une semblable activité à Vallon-en-Sully (03).

La SAS Kubota Europe et les Ets X, représentés par Mme X, ont signé un contrat de distribution sélective de matériels agricoles et espaces vert le 26 février 2014.

Mme X ayant exprimé auprès de la SAS Kubota Europe son souhait de céder son activité, cette dernière lui a présenté M. Y. Des négociations ont eu lieu entre M. Y et Mme X, lesquelles se sont poursuivies jusqu'à fin septembre 2014.

En août et septembre 2014, alors que les négociations étaient en cours, Mme X a circularisé auprès de sa clientèle la reprise de son activité par les Ets Y.

Lors du sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand, la SAS Kubota Europe a diffusé une invitation faisant valoir que le distributeur sur le secteur géographique attribué à Mme X était la société Y sise à l'adresse des Ets X avec le numéro de téléphone de M. Y.

Mme X a considéré qu'elle subissait une rupture unilatérale du contrat de distribution, laquelle engageait la responsabilité de la société Kubota Europe sur le fondement de l'article 1184 du Code civil.

Alors qu'aucune régularisation de la reprise de l'activité des Ets X par les Ets Y n'avait eu lieu, considérant que M. Y se présentait comme le repreneur de l'activité des Ets X, Mme X a estimé que M. Y avait commis une faute au sens de l'article 1382 du Code civil qui lui causait un préjudice.

C'est dans ces conditions que par actes d'huissier de justice délivrés les 21 et 27 janvier 2015, Mme X a fait assigner la SARL Ets Y, M. Y et la SAS Kubota Europe devant le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand pour les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 222 000 euros à titre d'indemnité, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 28 novembre 2014, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du Code civil, outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par un premier jugement rendu le 10 mars 2016, cette juridiction a déclaré l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SAS Kubota Europe recevable et bien fondée, s'est déclaré territorialement incompétente pour connaître des demandes formées par Mme X à l'encontre de la SAS Kubota Europe au profit du Tribunal de commerce de Pontoise, et a renvoyé Mme X, M. Y et la SARL Ets Y à conclure au fond.

Par un second jugement rendu le 27 octobre 2016, le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :

- condamné in solidum M. Y et la SARL Ets Y à payer à Mme Nathalia X la somme de 100 000 euros (50 000 euros au titre de la disparition du fonds de commerce et 50 000 euros au titre du matériel et des stocks) à titre d'indemnité, outre intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné in solidum M. Y et la SARL Ets Y aux dépens.

Le tribunal, après avoir constaté que les époux X avaient considéré la cession comme étant réalisée alors même qu'aucun accord n'avait jamais été matérialisé et signé, qu'ils avaient communiqué sur cette cession avec leurs clients et procédé aux formalités de départ de leur personnel, à l'exception de la secrétaire, a notamment considéré, en présence d'un " processus non structuré et sans aucune rigueur juridique en raison du comportement des deux parties [...] la rupture des pourparlers ne peut être imputée à la seule action fautive de M. Y et la SARL Ets Y... " Il a retenu l'existence d'actions de concurrence déloyale par transfert de clientèle, en raison de contacts avec les clients, plus particulièrement au salon de l'élevage alors même que le transfert du fonds de commerce n'était acquis par aucun document juridique.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 22 novembre 2016, M. Y et la SARL Ets Y ont interjeté appel général de ce second jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 15 novembre 2017 au moyen de la communication électronique ils demandent à la cour d'infirmer la décision entreprise, de débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel et à leur verser chacun une indemnité de 2 500 euros au titre de leurs frais de procès.

Ils considèrent que c'est bon droit que le jugement dont appel a retenu que la rupture des pourparlers ne pouvait être imputée à leur seule action fautive et ils rappellent que le principe en matière de pourparlers est la liberté, notamment dans la rupture, pourvu que celle-ci ne soit pas abusive. Ils soutiennent qu'en l'espèce un tel abus n'est pas caractérisé et qu'il ressort des éléments factuels qu'outre la modification de la consistance du fonds de commerce en cours de pourparlers, la rupture des discussions est imputable à Mme X qui ne donnait plus aucune réponse.

S'agissant de la concurrence déloyale, ils estiment que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'un transfert de clientèle alors même que Mme X n'apporte nullement la preuve de tels transferts en dehors de ses manœuvres et de celles de son époux.

Ils font valoir que la concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments qui doivent être prouvés par le demandeur à savoir des agissements déloyaux constitutifs d'une faute, un préjudice et un rapport de causalité.

Ils considèrent que cette preuve n'a pas été rapportée le seul élément produit consistant en un constat d'huissier de justice laconique et qui ne démontre pas l'existence d'actes de concurrence déloyale.

Ils ajoutent que si le numéro de téléphone de M. Y figurait sur les courriers, il s'agit de documents établis à la seule initiative de la société Kubota et, qu'en outre, M. X a également communiqué les coordonnées téléphoniques de M. Y à l'ensemble des clients et les a invités à se rendre au salon de l'élevage.

Ils considèrent, par ailleurs, que la preuve d'un préjudice n'est pas établie tant au titre de la rupture des pourparlers qu'à celui de la concurrence déloyale.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 mars 2017 au moyen de la communication électronique, Mme Nathalia X, appelante à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article 1382 ancien du Code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit et jugé que M. Y et les établissements Y ont rompu unilatéralement et fautivement à l'automne 2014 les pourparlers existant depuis le printemps ;

* dit et jugé que c'est par un acte de concurrence déloyale qu'en toute connaissance de cause de l'existence d'un contrat de concession Kubota au profit de Mme X, M. Y et les Ets Y ont exploité la clientèle du secteur, démarché cette clientèle et conclu des affaires au détriment de Mme X, tous actes constitutifs de concurrence déloyale ;

* fixé à 50 000 euros le préjudice né de la perte du fonds de commerce ;

- réformant pour le surplus sur l'appel incident,

* constater que l'opération Agrimat 63 n'a pu se faire du fait de l'exigence par Kubota d'un cautionnement important, la société Kubota ayant préféré la candidature de M. Y qu'elle a présenté à Mme X ;

- constater que Mme X avait trouvé un accord avec Agrimat comme avec les pièces sur la base de 100 000 euros aux établissements Y qui devaient également louer les locaux pour un loyer de 1 000 euros par mois (sic) ;

- dire et juger en conséquence que le préjudice, le cas échéant sous forme de perte de chance, par elle souffert, s'établit à :

* la valeur du fonds de commerce soit 50 000 euros ;

* la valeur des stocks de marchandises et pièces détachées soit 100 000 euros ;

* la capitalisation sur 6 ans des loyers soit 72 000 euros ;

soit un total de 222 000 euros ;

- condamner in solidum M. Y et les Ets Y à lui payer cette somme à titre d'indemnité, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2014 et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil, outre 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment d'un courrier du 18 septembre 2014 émis par M. Y que ce dernier a pris l'initiative de la rupture des pourparlers alors qu'il avait capté toute la richesse de l'activité X au moyen des démarches concomitantes à la préparation de la cession durant l'été 2014.

Elle fait valoir qu'elle a présenté, notamment physiquement, M. Y aux clients et que ce dernier a réduit considérablement sa demande pour ne plus offrir que l'achat du stock de matières tout en maintenant la volonté de s'installer dans les locaux, en sachant pertinemment qu'une telle offre ne pouvait aboutir. Elle conclut que ce procédé constitue une rupture fautive des pourparlers.

Elle reproche, par ailleurs, à M. Y, d'avoir exploité la clientèle des Ets X puisque toutes les lettres circulaires, offres promotionnelles etc ont été faites en occultant les Ets X pour leur substituer les Ets Y, structure sur laquelle M. Y entendait s'appuyer pour reprendre l'activité des Ets X. Elle considère qu'une telle exploitation de sa clientèle constitue un acte de concurrence déloyale de nature à engager la responsabilité de M. Y ainsi que celle des Ets Y.

Elle expose enfin que son préjudice résulte de la perte de la valeur de son fonds de commerce et de l'impossibilité de revendre ses stocks qui ne pouvaient bénéficier qu'à un exploitant de la marque Kubota et enfin le loyer de son bâtiment. Et elle reproche aux premiers juges de l'avoir anormalement réduit à 100 000 euros.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la rupture fautive des pourparlers

La responsabilité pour rupture fautive des pourparlers, fondée sur les dispositions de l'article 1382 ancien du Code civil, applicable à la date des agissements dénoncés, sanctionne le manquement à la loyauté qui doit régir les relations entre les parties non seulement durant la période contractuelle mais également pendant la période pré-contractuelle.

Il n'est pas nécessaire que cette faute soit dolosive ou même lourde de sorte, et la rupture brutale, sans raison légitime, indépendamment de toute intention de nuire est constitutive d'une faute délictuelle.

L'analyse chronologique des relations entre les parties et, en particulier, des courriels qu'elles ont échangé montre :

- qu'au cours de l'année 2013, les Ets X avait fait établir par le cabinet d'expertise comptable C.2E.C une évaluation de l'entreprise ;

- qu'au début de l'année 2014, un premier projet de cession de l'entreprise, très avancé puisque la société destinée à assurer la reprise avait été créée, a été abandonné par M. Z, ce dernier indiquant que la société Kubota lui avait réclamé " une caution d'environ 100 000 euros ", ce dernier fait étant contesté par la société Kubota (pièce n° 21 des Ets Y) ;

- qu'au mois de mars 2014, les Ets X et M. Y ont discuté d'une reprise portant sur un montant global de 150 000 euros (50 000 euros pour le fonds de commerce et 100 000 euros pour le stock et le matériel) ; cette reprise n'étant pas formalisée entre les parties ;

- que M. Y envisageant cette reprise a fait réaliser par la société d'expertise comptable Benzoni, une étude de la reprise dans ces termes en prévoyant que " les salariés seraient repris sans embauche complémentaire, M. Y n'étant pas rémunéré (pièce n° 7 Ets X) ;

- que le 12 août 2014, les Ets X ont adressé à leur clientèle une lettre présentant M. Y comme devant " devenir le nouveau concessionnaire Kubota pour me remplacer sur mon secteur. La transmission n'étant pas complètement effectuée et comme prévu la date de mon départ est le 30-08-2014, pendant un certain temps il ne sera pas possible d'assurer les réparations, l'atelier sera fermé... " ;

- que le 15 septembre 2014 et indiquant " J'ai bien reçu vos messages me demandant le montant de mon stock " M. X a informé son interlocuteur qu'il rencontrait des difficultés personnelles et qu'il avait décidé de prendre les conseils de son centre de gestion et d'un conseiller fiscal pour le guider dans la transmission de son entreprise obtenant un rendez-vous pour le 18 septembre suivant. Il réclamait alors une proposition écrite et signée " sur la base des documents que je vous ai remis en début d'année. Le montant du stock étant sensiblement le même, de meilleure qualité et d'un montant légèrement supérieur (150 000 HT, 100 000 le stock et 50 000 le fonds de commerce, la location du bâtiment et de son outillage 1 200 HT par mois..." ;

- que le 18 septembre 2014, M. Y a adressé un courriel à M. X (pièce n° 5 des Ets X) :

" Je reviens vers vous au sujet de votre offre. Au vu des changements et des mutations de personnel qui se sont opérés au sein de votre entreprise depuis nos premières rencontres et les documents que vous m'avez remis afin d'établir mon prévisionnel, or il s'avère que vous vous êtes séparé d'un vendeur et de vos deux mécaniciens. En l'état actuel des choses, il me semble difficile de poursuivre la négociation sur les mêmes bases. C'est pourquoi je vous propose la chose suivante :

- le rachat de 50 % de votre stock (les pièces les plus récentes) dans un premier temps (délai de démarrage afin de percevoir le potentiel de votre secteur),

- la location de vos locaux et de vos matériels à hauteur de 1 400 € par mois,

- un accompagnement de votre part sur une période de 12 mois, espérant que vous comprendrez ma position dans un contexte actuel compliqué et attendant une réponse rapide de votre part (avant le sommet de l'élevage)..." ;

- que le 20 septembre 2014 (pièce n° 4 Ets Y) M. X écrivait à M. Y en lui proposant " sur les conseils de mon centre de gestion de :

- 1) mettre en vente immédiatement tout le matériel et les pièces qui ne vous sont pas utiles pour le fonctionnement de l'entreprise... ;

2) après un mois si le résultat n'est pas convaincant j'ai contacté un commissaire-priseur qui va s'occuper de vendre aux enchères tout ce qu'il reste (j'ai rendez-vous cette semaine (39) pour discuter du prix) ;

3) je vais voir avec Fabrice lundi 22/09/2014 pour les tracteurs neufs.

Il faut savoir que je ne peux pas garder un stock important car à la cessation de mon activité je dois rendre la TVA ainsi que celle du solde des amortissements ce qui me cause une perte importante [...]

Si j'avais connu votre problème de reprise en ce qui concerne les pièces et le matériel depuis le début de nos rencontres j'aurais pu baisser le stock, alors que j'ai fait le contraire, la valeur est sensiblement égale ou supérieure.

Je dois maintenir une clientèle qui est impatiente de savoir ce qui se passe, je vais essayer de brasser tous ces problèmes et solutions pour éviter qu'ils partent ailleurs [...]

Dans un mois on refait le point. J'espère que vous trouverez dans ce courrier ma volonté de coopérer " ;

- que cette proposition des Ets X était transférée le 20 septembre 2014 par M. Y à la société Kubota ;

- que le 25 septembre 2014, les Ets X (pièce n° 14) informaient leur clientèle de ce qu'ils n'avaient plus aucun contact avec leur repreneur et avec la société Kubota. Ils invitaient la clientèle à se rendre au salon de l'élevage pour " essayer d'avoir des renseignements quant aux garanties et réparation de votre matériel " et ils communiquaient les numéros de téléphone de trois professionnels dont celui de M. Y ;

- que le 29 septembre 2014 M. Y écrivait à M. X pour lui indiquer : " J'ai eu connaissance de votre courrier que vous avez fait passer aux clients et je souhaiterais vivement que vous ne vous dérobiez pas et que vous m'appeliez dès que vous en aurez la possibilité afin que nous nous expliquions et que nous trouvions une solution..." ;

- que par une lettre du 28 novembre 2014, l'avocat des Ets X (leur pièce n° 8), invoquant l'existence d'un accord qui serait intervenu entre sa cliente et M. Y, sur la base d'un prix global de 150 000 euros et d'un loyer de 1 200 euros et le fait que cet accord n'avait pu être définitivement formalisé, mettait en demeure la société Kubota de l'indemniser à hauteur d'une somme globale de 222 000 euros en lui reprochant d'avoir installé M. Y sur son secteur, au mépris du contrat de distribution pour l'année 2014.

Les premiers juges ont relevé à juste titre que la nouvelle offre formalisée par M. Y le 18 septembre 2014, après un silence de cinq mois, et alors même qu'il ne pouvait méconnaître que les Ets X le présentaient comme leur successeur depuis le mois d'août ne faisait plus aucune référence à la valeur incorporelle du fonds de commerce.

Or, la cour ne peut que relever qu'il est établi que dès le lendemain de cette nouvelle offre, la société Kubota, avec laquelle M. Y ne pouvait manquer d'être en relation et à qui il soumettait les offres de M. X (cf. transfert des dernières propositions de M. X) a circularisé auprès de la clientèle des Ets X des invitations au sommet de l'élevage des 1er au 3 octobre 2014 à Clermont-Ferrand présentant " Y " dont l'adresse était celle du cessionnaire comme étant son distributeur et comportant de surcroît le numéro de téléphone mobile de M. Y alors même que la cession n'était pas intervenue.

Si, à juste titre, le tribunal de commerce a relevé le manque de rigueur et de structuration des discussions engagées entre les époux X et les Ets Y et leur dirigeant et qu'il a noté l'imprudence avec laquelle les époux X avaient considéré la cession de l'entreprise comme étant acquise en la portant à la connaissance de leur clientèle, en annonçant la cessation de leur activité et en se séparant de la majorité de leurs salariés, il n'en demeure pas moins que la duplicité fautive dont a fait preuve M. Y apparaît tout autant établie.

En effet, prenant prétexte du départ des personnels et alors même qu'il savait qu'il était considéré par la clientèle, et d'ailleurs présenté comme tel par la société Kubota et les candidats à la cession, comme le cessionnaire des Ets X, il a présenté une offre inacceptable, entérinant le départ intégral de la clientèle pourtant non encore cédée, et la disparition des éléments immatériels du fonds de commerce. Cette offre, dépourvue d'intérêt économique ne pouvait que se traduire par la rupture des pourparlers alors même que M. Y s'était largement engagé dans la négociation de la reprise du fonds de commerce. Et il ne pouvait méconnaître cette situation même s'il a offert de reprendre des discussions.

Il a ainsi fait preuve d'une déloyauté fautive, qui doit conduire à lui imputer la rupture des pourparlers et se traduire par l'indemnisation du préjudice qui en est résulté, la société Kubota ayant ensuite d'octobre à novembre 2014 présenté les Ets Y comme étant leur concessionnaire.

Sur la réparation du préjudice subi par Mme X

C'est à juste titre, que les premiers juges ont considéré que la manœuvre déloyale imputable à M. Y s'était traduite par la disparition de la valeur des éléments immatériels du fonds de commerce qui n'était certainement plus susceptibles d'être transmis et qui avaient été valorisés à hauteur de 50 000 euros par les parties à la suite des études qu'elles avaient fait réaliser en vue de la cession.

S'agissant des éléments matériels du fonds de commerce, les Ets X sont restés en possession de leur stock, conservant ainsi la faculté de le céder.

Ce stock avait été valorisé à hauteur de 100 000 euros dans le cadre des discussions entre les parties et il figurait pour 236 516 euros au bilan arrêté le 31 décembre 2013. Il est évident que dans le cadre d'une cessation intégrale d'activité il sera très difficilement vendable sauf à pratiquer une importante dépréciation, que les premiers juges ont évaluée à 50 %.

En fonction de ces éléments, l'indemnité de 50 000 euros arrêtée par le tribunal en réparation du préjudice résultant de l'incapacité de céder le stock autrement que dans le cadre d'une valeur liquidative, sera retenue.

Mme X a conservé la propriété de son immeuble qui est resté susceptible d'être mis en location.

Par ailleurs, il n'est produit à la cour aucun élément sur les conditions d'un bail commercial qui aurait pu être conclu entre les parties si ce n'est le montant d'un loyer. Et il n'est pas davantage donné d'indication sur les diligences qui ont été accomplies pour mettre cet immeuble en location.

Le préjudice ainsi invoqué est trop hypothétique pour présenter un caractère réparable et il a, à bon escient, été écarté par la juridiction consulaire.

En conséquence, ces motifs étant substitués à ceux des premiers juges, le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions prononcées à l'encontre de M. Y.

En revanche, aucune des pièces de la procédure ne permet de déterminer que la reprise aurait été assurée ou même envisagée pour le compte de la SARL Ets Y même si son adresse de courrier électronique a parfois été utilisée à l'occasion des échanges entre les parties. Au contraire, le fait que les Ets Y aient été présentés à la clientèle comme devant succéder aux Ets X tend à accréditer le fait qu'une autre société devait être constituée pour assurer la reprise.

En conséquence, les condamnations prononcées par le tribunal de commerce à l'encontre de la SARL Ets Y devront être infirmées.

Sur les dépens et leurs accessoires

M. Y, qui succombe en son appel, en supportera les dépens et sera condamné à payer à Mme X une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais de procès.

Par ces motifs ; LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions relatives à la SARL Ets Y et déboute Mme Nathalia X de l'intégralité de ses demandes dirigées contre cette société ; Confirme le jugement déféré en ses dispositions dirigées contre M. Y ; Condamne M. Y aux dépens d'appel et à payer à Mme Nathalia X une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.