CA Versailles, 14e ch., 8 mars 2018, n° 17-05338
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
NDJ Paris (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bouvier
Conseillers :
Mmes Grison-Pascail, Soulmagnon
Exposé du litige
M. Mustapha A. a acquis en décembre 2015 un véhicule neuf de marque Range Rover modèle Evoque immatriculé DY-769-HM au prix de 43 040 euros TTC auprès de la SAS Neubauer Jaguar Paris (société NDJ Paris).
Dès son achat et à plusieurs reprises, il a rencontré des dysfonctionnements sur son véhicule tenant à des alertes provenant du voyant moteur qui s'allumait, ce qui a nécessité plusieurs interventions de la société NDJ Paris, qui ont été prises en charge pour les premières au titre de la garantie constructeur.
C'est dans ce contexte et alors qu'un incident de même nature était à nouveau survenu sur ledit véhicule le 30 janvier 2017, que le 31 janvier 2017 a été signé entre les parties un contrat de mise à disposition portant sur un véhicule Range Rover de même modèle prêté à M.A. par la société NDJ Paris.
Le 10 février 2017, la société NDJ Paris a établi, au vu de l'examen du véhicule de M. A. qui montrait que le refroidisseur EGR et la partie grillagée du refroidisseur présentaient des traces verdâtres, et que l'origine de la panne serait l'utilisation d'un carburant trop riche en souffre, un devis de réparation d'un montant de 3 693,90 euros aux frais de M.A., qui l'a refusé.
Se prévalant de trois propositions de rachat de son véhicule que M. A. n'a pas acceptées et de la non restitution du véhicule de courtoisie, la société NDJ Paris a alors fait assigner le 2 mai 2017 ce dernier devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Versailles en restitution de son véhicule de courtoisie sous astreinte.
Par ordonnance du 21 juin 2017, le juge des référés, retenant que le refus de M. A. de restituer le véhicule prêté à titre de courtoisie et sans contrepartie ou durée prévues porte une atteinte illicite au droit constitutionnel de propriété de la société NDJ Paris, et que sa demande reconventionnelle de paiement d'une provision se heurte à la contestation sérieuse opposée par la société NDJ Paris sur l'origine du dysfonctionnement du véhicule acheté, a :
- ordonné la restitution du véhicule Range Rover EC 546 AF, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour, passé le délai de 15 jours suivant la notification de la présente ordonnance,
- réservé sa compétence pour la liquidation éventuelle de l'astreinte,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de M.A.,
- rejeté la demande de la société NDJ Paris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la société NDJ Paris.
M. A. a interjeté appel le 12 juillet 2017 de la décision.
Par dernières conclusions reçues au greffe le 12 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. A., appelant, demande à la cour de:
- lui donner acte qu'il a procédé à la restitution du véhicule de prêt qui lui a été confié le 31 janvier 2017, date à laquelle le véhicule présentait pour la 7ème fois un dysfonctionnement du voyant moteur,
- constater :
*que le véhicule au vu des courriers échangés n'a fait l'objet d'aucune réparation à la date du 20 juillet 2017,
* que la concession Neubauer radicalement incompétente pour procéder à la réparation du véhicule méconnaissant l'obligation de résultat et ses obligations contractuelles a proposé la restitution du véhicule litigieux partiellement démonté et non-roulant au concluant,
* que le véhicule a fait l'objet d'un rappel notifié par le constructeur,
Vu les articles L. 211.4 et suivants du Code de la consommation,
- ordonner à la société NDJ Paris concessionnaire Range Rover, de délivrer un véhicule propre à l'usage attendu d'un bien semblable et conforme au contrat de vente, souscrit, sous astreinte définitive de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision devant être prononcée par la cour, et dans l'attente de la décision finale devant être prononcée par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans le cadre de la procédure tendant à obtenir la résolution judiciaire de la vente,
- " réformant " l'ordonnance de référé en ce qu'elle a débouté M.A. de sa demande de provision,
- condamner la société NDJ Paris concessionnaire Range Rover à payer une provision de 49 050 euros,
- condamner la société NDJ Paris au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
M. A. indique avoir restitué le véhicule de courtoisie et fait valoir essentiellement que son véhicule est partiellement démonté et dès lors inutilisable, que la société NDJ Paris est dans l'incapacité de résoudre le vice caché affectant son véhicule, que les défauts de conformité existaient lors de la délivrance du véhicule, qu'elle a méconnu l'obligation de résultat du garagiste, que le véhicule a fait l'objet d'une campagne de rappels volontaires liés à la sécurité en avril 2017 , qu'il est en droit en application des articles L. 211.4 et suivants du Code de la consommation d'obtenir la délivrance d'un véhicule conforme au contrat de vente passé, que sa demande de provision au titre de son préjudice de jouissance du fait de l'immobilisation de son véhicule est fondée.
Par dernières conclusions reçues au greffe le 25 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens la société NDJ Paris, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonnée à M.A. de lui restituer le véhicule Evoque immatriculé EC 546 AF n° châssis 100.388 sous astreinte de 150 euros par jours de retard, passé le délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance,
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle s'est réservée la possibilité de liquider l'astreinte,
- dire que la demande reconventionnelle de M. A. est soumise à une contestation sérieuse et rejeter la demande de provision,
- vu l'article 32-1 du Code de procédure civile, condamner M. A. au paiement de la somme de 500 euros à titre de préjudice pour procédure abusive,
- condamner M.A. au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société NDJ Paris expose que M. A. refusait la restitution pour tenter d'obtenir un avantage commercial alors que l'origine de la panne ne relève pas d'un vice du véhicule mais d'un mauvais carburant, qu'il n'a restitué le véhicule que le 24 juillet 2017 alors que l'ordonnance déférée lui a été signifiée le 3 juillet 2017.
Elle soutient que le constructeur a refusé les réparations en raison de traces verdâtres et anormales et révélatrices d'une alimentation par un carburant trop riche en souffre, que M. A. n'a pas accepté le devis de réparations, qu'elle a remonté les pièces démontées pour lui permettre de faire reprendre son véhicule, ce qu'il n'a pas fait.
Elle fait valoir que l'origine et l'imputabilité des pannes ne sont pas établies et déclare s'opposer dès lors aux demandes reconventionnelles de M.A.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 décembre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la restitution du véhicule de courtoisie :
L'article 809, alinéa 1, du Code de procédure civile dispose que le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du " dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer " et le trouble manifestement illicite résulte de " toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ".
Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets.
En l'espèce, il est constant que le contrat de mise à disposition signé par les parties le 31 janvier 201 ne prévoit pas les modalités du prêt du véhicule de courtoisie.
Il est cependant établi que le prêt de ce véhicule était lié à l'ordre de réparation du 30 janvier 2017 portant sur le voyant moteur allumé, qui le mentionnait (pièce 7 appelant).
Il résulte des pièces versées aux débats :
- que la société NDJ Paris a établi le 10 février 2017 un devis de réparation d'un montant de 3 693,90 euros, qui n'a pas été accepté par M. A., celui-ci n'étant pas d'accord sur l'origine de la panne et sur l'absence de prise en charge des réparations au titre de la garantie constructeur,
- que M. A. a refusé les offres de remplacement de son véhicule qui lui ont été faites par la société NDJ Paris le 8 mars 2017,
- que la société NDJ Paris a mis en demeure M.A. le 16 mars 2017 de restituer le véhicule de courtoisie, étant donné son refus à la fois du devis de réparation et des offres faites, (pièce 9 intimée),
- que M. A. a écrit le 17 mars 2017 à la société NDJ Paris qu'il ne restituerait pas " le véhicule de prêt en remplacement de son véhicule immatriculé DY769HM en votre possession tant qu'une proposition sérieuse ne n'a pas été proposée compte tenu des dommages moraux et financiers que je subis depuis le 22 décembre 2015, date de la première panne au kilomètre 36 à ce jour ".
Il résulte de ces éléments et constatations que c'est à bon droit que le premier juge, après avoir indiqué que M. A. s'était ainsi attribué le droit de jouir gratuitement du véhicule prêté jusqu'à l'issue de négociations entre les parties, a retenu que son refus de restitution porte atteinte au droit de propriété de la société NDJ Paris, et qu'il convenait d'y mettre fin en ordonnant à M.A. de restituer ledit véhicule sous astreinte, en raison de son évidente résistance à la demande de restitution de la société NDJ Paris.
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée sur ce point, tout en relevant cependant que les parties s'accordent à dire devant la cour que M. A. a restitué le véhicule de courtoisie à la société NDJ Paris le 24 juillet 2017.
Dès lors, vu l'évolution du litige, il n'y a pas lieu de maintenir la mesure ordonnant la restitution du véhicule litigieux.
Sur la demande de provision et la demande de délivrance d'un véhicule conforme :
Aux termes de l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il est établi par les pièces versées aux débats que M.A. a introduit le 11 avril 2017 une action au fond devant le Tribunal de grande instance de Nanterre se fondant sur les dispositions à la fois de l'article 1641 du code civil et des articles L. 217-1 et suivants du Code de la consommation à l'encontre de la société NDJ Paris en résolution de la vente intervenue sur le fondement du vice caché et en paiement de la somme de 43 040 euros au titre de la restitution du prix et de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, que la société NDJ Paris a appelé en intervention forcée son vendeur, la société Jaguar Land Rover afin d'être garantie des condamnations éventuelles qui pourraient être mises à sa charge.
La société NDJ Paris produit quant à elle un procès-verbal d'huissier de justice du 29 mars 2017, auquel M.A., convoqué, n'est pas venu, qui constate des dépôts noirâtres dans la tête de pipe, des dépôts verdâtres qui obstruent le filtre et des dépôts d'encrassement sur la grille du refroidisseur.
Alors que la société NDJ Paris considère que ces dépôts révèlent un encrassement dû à l'utilisation d'un carburant trop riche en souffre, M. A. soutient l'existence d'un vice caché de son véhicule antérieurement à la vente.
Il résulte de ces éléments ainsi que du devis de réparation du 10 février 2017 et des offres de remplacement faites en mars 2017 que la contestation soulevée par la société NDJ Paris portant sur l'origine du dysfonctionnement et dès lors sur son imputabilité revêt un caractère sérieux nécessitant une appréciation au fond pour déterminer les responsabilités encourues, ce qui ne permet pas au juge des référés de statuer avec l'évidence requise en référé sur la demande de provision de M. A. au titre de son préjudice de jouissance allégué depuis le 19 novembre 2016, d'autant qu'il a été mis à sa disposition de long mois un véhicule de courtoisie.
Pour les mêmes raisons, l'obligation de la société NDJ Paris au remplacement du véhicule au visa de l'article L. 217-4 du Code de la consommation issu de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 dans l'attente de la décision au fond est tout aussi sérieusement contestable, puisque l'origine de la panne du véhicule de M.A. n'est nullement établie et que la violation de l'obligation de résultat alléguée relève de l'appréciation du juge du fond, d'ailleurs saisi.
Il n'y a donc lieu à référé sur ces deux demandes de M.A..
Sur la demande de dommages et intérêts :
La société NDJ Paris fonde sa demande en paiement de la somme de 500 euros à titre de préjudice abusive sur l'article 32-1 du Code de procédure civile.
Une partie n'a pas qualité pour solliciter la condamnation de l'autre partie à une amende civile qui ne peut bénéficier qu'à l'Etat.
La demande est dès lors irrecevable.
Sur les autres demandes :
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
En cause d'appel, M.A. sera condamné à verser à la société NDJ Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront à la charge de M.A..
Par ces motifs LA COUR Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée, y ajoutant, et vu l'évolution du litige : dit n'y avoir lieu à maintenir la mesure de restitution ordonnée dès lors que M. A. a restitué le véhicule faisant l'objet du contrat de mise à disposition du 31 janvier 2017 à la société NDJ Paris le 24 juillet 2017, condamne M. A. à verser à la société NDJ Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, DIT irrecevable la demande d'amende civile, rejette les autres demandes des parties, condamne M.A. aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce Bouvier, président et par Madame Agnès Marie, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.