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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 6 mars 2018, n° 17-01689

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Laboratoire Glaxosmithkline (SAS), La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique, Mutuelle Harmonie Mutualité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roehrich

Conseillers :

Mmes Portmann, Le Bras

Avocats :

Mes Chatteleyn, Raffin, Dufourgburg, Robert, Valade, De Souza, Emeriau

TGI La Roche-sur-Yon, du 18 sept. 2012

18 septembre 2012

FAITS ET PROCEDURE :

Les 12 janvier, 11 février et 10 août 1995, M. B., né le 19 juillet 1957, a reçu trois injections du vaccin anti hépatique B, nommé Engerix B, fabriqué par le laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham, injections pratiquées par son médecin traitant.

Le 23 août 2004, le docteur Madeleine R., neurologue, a diagnostiqué qu'il était atteint d'une sclérose en plaques de forme d'emblée progressive.

Suivant exploit en date du 11 septembre 2008, Monsieur B. a sollicité du président du Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon que soit ordonnée une expertise. Il a été fait droit à sa demande et le Docteur B., professeur des universités et praticien hospitalier à Paris, a été commis pour procéder à cette mesure.

Il s'est fait assister par le Docteur V., neurologue au centre hospitalier de Nantes et a établi son rapport le 21 septembre 2009.

Sur la question de l'existence d'un lien entre la vaccination pratiquée en 1995 et l'apparition d'une sclérose en plaques, il conclut : " d'un point de vue absolu, la réponse est non.

D'un point de vue relatif, un lien temporel pouvait être discuté.

La réponse peut éventuellement être oui si l'on admet les dires du malade et les témoignages exprimés par la famille et les collaborateurs, non en revanche si l'on s'en tient aux éléments objectifs du dossier (certificats, imagerie, lettres des médecins) ".

Par assignations en date des 7 et 8 décembre 2009, Monsieur B. a fait assigner la société Glaxosmithkline venant aux droits de Smithkline Beecham devant le Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon aux fins de la voir déclarer responsable des conséquences dommageables résultant de la défectuosité du vaccin et l'entendre condamner à l'indemniser de son préjudice.

Par un jugement en date du 18 septembre 2012, ladite juridiction a :

- déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action de Monsieur Hervé B. à l'encontre du laboratoire Glaxosmithkline,

- débouté la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée et la mutuelle Harmonie Mutualité de leurs demandes ainsi que les autres parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Monsieur B. à payer à la société laboratoire Glaxosmithkline la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré qu'il convenait d'appliquer les dispositions de l'article 1382 du Code civil interprété à la lumière de la directive communautaire numéro 85/374 du 25 juillet 1985 relative à la sécurité du fait des produits défectueux. En particulier, il a appliqué les délais de prescription prévus par ce texte et a considéré que l'action en justice intentée plus de trois ans après que l'intéressé ait eu connaissance des dommages et plus de dix ans après la mise en circulation du produit était prescrite.

Saisie d'un recours par Monsieur B., la Cour d'appel de Poitiers a, par un arrêt en date du 11 décembre 2013 :

- réformé la décision en ce qu'elle n'a pas statué sur le moyen principal tiré du fondement de l'article 1382 du Code civil, déclaré Monsieur B. recevable sur ce fondement mais mal fondé,

- confirmé la décision pour le surplus en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur B. à l'encontre de la SAS laboratoire Glaxosmithkline, débouté l'organisme social et la mutuelle de leurs demandes, condamné Monsieur B. à payer à son adversaire une somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les dépens.

La cour d'appel a retenu que Monsieur B. avait fait le choix d'assigner à titre principal sur le fondement de la faute, qu'il convenait donc d'appliquer la prescription de l'article 2226 du Code civil, que de ce chef l'action n'était pas prescrite puisque l'état de santé de Monsieur B. n'était pas consolidé, que la faute du laboratoire liée à un manquement à son obligation d'information était établie mais que l'appelant ne prouvait pas que ce défaut avait causé le dommage ni qu'il n'aurait pas accepté le vaccin s'il avait reçu l'information nécessaire.

Subsidiairement, sur le fondement de responsabilité du fait des produits défectueux, la cour a retenu que l'action était prescrite par application de l'article 10 de la directive 85/374, dès lors que plus de trois ans se sont écoulés entre la date à laquelle la victime a eu ou aurait pu avoir connaissance du dommage, du défaut du produit, ainsi que de l'identité du producteur, et son action.

Monsieur B. a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt en faisant grief à la Cour d'appel de Poitiers, d'une part, d'avoir rejeté sa demande fondée sur l'article 1382 du Code civil et, d'autre part, d'avoir déclaré son action prescrite.

Par un arrêt en date du 15 mai 2015, la Cour de cassation a rejeté le premier moyen, et cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers " mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action engagée par Monsieur B. contre la société laboratoire Glaxosmithkline, déboute la CPAM de la Vendée et la société mutuelle Harmonie Mutualité de leurs demandes et condamne Monsieur B. à payer à la société laboratoire Glaxosmithkline la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ". La cause a été renvoyée devant notre cour.

La Cour de cassation a en effet considéré " que l'action en responsabilité extra contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme aux droits de l'Union, par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé... ".

Monsieur B. a saisi la cour de céans par déclaration du 24 juillet 2015. Il a fait assigner la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée et la mutuelle Harmonie Mutualité par exploit du 14 décembre 2015.

Par un arrêt du 25 avril 2017, notre cour a :

- sursis à statuer jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les questions préjudicielles posées par la première chambre civile dans son arrêt du 12 novembre 2015 (pourvoi n° 14-18.118), à savoir :

* l'article 4 de la directive 85/374/CEE du conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des états membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s'oppose-t-il, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu'ils produisent, à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, peut estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l'existence d'un lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que la recherche médicale n'établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie

* En cas de réponse négative à la question numéro 1, l'article 4 de la directive 85/374 précitée, s'oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l'existence d'un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis

* En cas de réponse affirmative à la question numéro 1, l'article 4 de la directive 85/374 précitée, doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l'existence d'un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage par elle subit ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique

- ordonné le retrait de la présente affaire du rôle des affaires en cours et dit qu'elle sera réinscrite à la demande de l'une ou l'autre des parties,

- réservé les dépens.

La Cour de justice de l'Union Européenne a rendu son arrêt le 21 juin 2017.

L'affaire a, à la demande de M. B., été réinscrite au rôle des affaires en cours.

Seuls ont reconclu, M. B. et la société Laboratoire Glaxosmithkline.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

- du pour 27 novembre 2017 pour Monsieur B.,

- du 22 décembre 2017 pour la société laboratoire Glaxosmithkline,

- du 10 janvier 2017 pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée,

- du 19 avril 2016 pour la mutuelle Harmonie Mutualité,

qui peuvent se résumer comme suit.

Monsieur B. poursuit l'infirmation du jugement rendu le 18 septembre 2012 par le Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon et demande à la cour, statuant à nouveau :

- de déclarer la société laboratoire Glaxosmithkline entièrement responsable des conséquences dommageables résultant de la défectuosité du vaccin Engerix B,

- de fixer la réparation de ses préjudices comme suit :

sur les préjudices patrimoniaux :

sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

dépenses de santé actuelles : réserver

frais divers : réserver

sur les préjudices patrimoniaux permanents :

dépenses de santé futures : réserver

frais de logement adapté : réserver

frais de véhicule adapté : réserver

assistance par tierce personne : réserver

perte de gains professionnels futurs : réserver

incidence professionnelle : 30 000€

sur les préjudices extra patrimoniaux :

sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires :

souffrances endurées : 7 000€

sur les préjudices extra patrimoniaux permanents :

déficit fonctionnel permanent : 70 000 €

préjudice d'agrément : 30 000 €

préjudice esthétique : 15 000 €

préjudice d'établissement : 10 000 €

préjudice sexuel : 10 000 €

manquement à l'obligation d'information : 50 000 €

sur le préjudice extra patrimonial évolutif : 150 000 €

- de condamner la société laboratoire Glaxosmithkline au paiement des dites sommes, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt,

- de déclarer le jugement commun et opposable aux organismes sociaux,

- de rejeter toute prétentions contraires comme irrecevables et en tout cas mal fondées,

- de condamner la société laboratoire Glaxosmithkline à lui payer la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.

Monsieur B. fait valoir qu'il entend rechercher la responsabilité du laboratoire au visa des dispositions de l'article 1382 du Code civil interprété à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui nécessite la preuve du dommage, de l'imputabilité du dommage à l'administration d'un produit, du défaut du produit, du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

Il soutient que depuis des arrêts du 22 mai 2008, la Cour de cassation retient que la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage peut résulter de présomptions pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes. Il considère que cette jurisprudence se trouve confirmée par l'arrêt rendu par la CJUE et que les décisions rendues par la Cour de cassation le 18 octobre 2017 confirment qu'elle valide le raisonnement par présomptions, dont la pertinence est souverainement appréciée par les juges du fond.

Il ajoute que l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a fait évoluer son analyse sur la sécurité des vaccins, spécialement en raison des adjuvants comme l'hydroxyde d'aluminium.

Après avoir indiqué qu'il n'était pas discuté qu'il était atteint d'une sclérose en plaques, dont les premiers signes avaient été objectivés dans les mois qui ont suivi la première injection et dont le diagnostic n'a été posé qu'en 2004 compte tenu de la forme très particulière développée, à savoir une sclérose d'emblée progressive et seulement confirmée par l'expertise judiciaire en 2009, il prétend qu'il appartient au laboratoire producteur du vaccin de démontrer qu'il n'est pas à l'origine du dommage, ce qu'il ne fait pas.

Au surplus, il fait valoir que l'imputabilité de la pathologie à la vaccination résulte de présomptions graves, précises et concordantes telles que retenues par les juridictions à savoir :

- le rapport d'expertise, à défaut de l'avoir affirmé, n'exclut pas l'existence d'un lien causal,

- il était, avant la vaccination, en bonne santé, pratiquait la course à pieds et plus particulièrement le marathon, et il ne présentait aucun antécédent à la pathologie,

- il s'est écoulé peu de temps entre la dernière vaccination et l'apparition d'un steppage du pied gauche, environ quatre mois ainsi que cela résulte selon lui des attestations produites

Il souligne d'ailleurs que cette condition est critiquée tant par la doctrine que par la Cour de cassation elle-même.

Il ajoute que si l'expert précise que les études scientifiques réalisées jusqu'à présent ne démontrent pas de relation certaine de causalité concernant le déclenchement d'une sclérose en plaques après vaccination contre l'hépatite B, a contrario l'existence d'un risque faible d'atteintes démyélinisantes associées au vaccin ne peut pas être exclu avec certitude à l'échelon individuel. Il soutient qu'une étude récente reprend avec vingt ans de recul les données chiffrées officielles concernant l'évolution de la sclérose et suggère fortement un lien entre l'augmentation de cette affection et la campagne intensive de vaccination contre l'hépatite B en France dans les années 90.

En ce qui concerne le défaut du produit, il prétend qu'il résulte du défaut de présentation du vaccin, au motif que la notice ne contenait pas d'information quant au fait qu'une poussée de sclérose en plaques pouvait figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles, alors que le dictionnaire médical Vidal en faisait état en 1994. Cette abstention délibérée dans la présentation du produit méconnaîtrait au surplus le principe constitutionnel de dignité de la personne humaine. Pour répondre à son adversaire, il indique que le site Internet du dictionnaire Vidal ne faisait que reprendre les informations officielles du résumé des caractéristiques du produit et que le laboratoire n'aurait pas laissé diffuser une information inexacte. Il ajoute qu'il incombait à son adversaire de rapporter la preuve de ce que le résumé des caractéristiques du produit et la notice étaient conformes et identiques, comme c'est le cas désormais. Or la société Glaxosmithkline ne produirait pas le résumé des caractéristiques du produit.

Monsieur B. soutient que le lien de causalité entre le défaut et le dommage est établi, faisant valoir qu'il a été exposé de par sa vaccination à un risque anormal de développer une sclérose en plaques alors qu'il ne tirait du vaccin aucun bénéfice immédiat.

S'agissant de son préjudice, il fait valoir que le référentiel de l'Oniam ne lie pas la juridiction. Il développe ensuite les éléments de ses demandes chiffrées. En particulier il fait valoir que le défaut d'information lui cause nécessairement un préjudice qui n'est pas lié à une perte de chance. Il motive ses prétentions au titre du préjudice extra patrimonial évolutif par l'incertitude quant à l'avenir, au suivi médical qu'il devra subir et qui est générateur d'angoisse majeure ainsi que par le caractère incurable de la pathologie.

La société Glaxosmithkline demande à titre principal à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur B. irrecevable et de débouter l'ensemble de ses adversaires de toutes leurs demandes. À titre subsidiaire, elle soutient que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies et demande le rejet des prétentions adverses. À titre très subsidiaire, elle sollicite que les demandes de Monsieur B. soient ramenées à de plus justes prétentions. En tout état de cause, elle demande que Monsieur B. soit tenu aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de son conseil.

A titre liminaire, elle fait valoir que la CJUE ne rejette pas toute causalité scientifique et impose au contraire une prise en compte, par les juges du fond, de tous les éléments qui lui sont soumis, y compris par le producteur. Elle ajoute que dans deux arrêts du 18 octobre 2017, la Cour de cassation a exclu tout lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques et a même retenu que le vaccin n'était pas défectueux, en appréciant les mêmes indices que ceux invoqués par M. B.

Enfin, elle conteste que L'ANSM ait exprimé des réserves sur la sécurité des vaccins.

À titre principal, le laboratoire fait valoir que les demandes de Monsieur B. sont irrecevables au motif que le délai d'extinction de la responsabilité du producteur fixé à 10 ans à compter de la mise en circulation du produit par l'article 11 de la directive numéro 85/374 du 25 juillet 1985 est expiré. Elle prétend que dans son arrêt du 15 mai 2015, la Cour de cassation a considéré que le droit interne ne pouvait être interprété à la lumière de l'article 10 de la directive mais qu'elle ne s'est pas prononcée sur l'article 11. Elle précise que dans un arrêt du 18 mai 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a retenu l'application dudit article.

À titre subsidiaire, la société laboratoire Glaxosmithkline fait valoir que les conditions de sa responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas réunies, soulignant que la CJUE avait insisté sur le fait que les présomptions alléguées ne devaient pas conduire à un renversement de la charge de la preuve.

S'agissant du lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques, elle soutient que tant la littérature scientifique que les autorités sanitaires concluent à l'absence de causalité démontrée entre la vaccination contre l'hépatite B et l'apparition de la sclérose en plaques, les autorités sanitaires tant nationales qu'internationales renouvelant leur confiance dans cette vaccination.

Elle précise que dans pas moins de 15 arrêts les pourvois formés contre des décisions de cours d'appel qui avaient mis hors de cause le vaccin contre l'hépatite B en l'absence de présomptions graves, précises et concordantes en faveur d'un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques, ont été rejetées par la Cour de cassation. Elle soutient que plus de 250 décisions, à tous niveaux de juridiction, ont mis hors de cause le vaccin contre l'hépatite B dans la survenue de différentes pathologies. Elle invoque les deux arrêts rendus le 18 octobre 2017 par la Cour de cassation.

La société Glaxosmithkline fait valoir que Monsieur B. ne rapporte pas la preuve de présomptions graves, précises et concordantes caractérisant l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et sa maladie en soulignant :

'que l'expert judiciaire n'a identifié aucun lien de causalité directe entre ces deux éléments,

'que la coïncidence chronologique ne constitue pas un élément pertinent en faveur d'un lien de causalité, précisant que Monsieur B. ne démontre par aucun élément probant de son dossier que ses symptômes seraient apparus fin 1995,

'que le demandeur ne justifie pas de son état médical antérieur à la vaccination et qu'en tout état de cause un tel argument n'est pas pertinent puisque l'étiologie de la sclérose en plaques est inconnue. Elle ajoute que les pièces produites par le demandeur font état d'antécédents familiaux de diabète.

Elle précise que les décisions intervenues au titre de la législation professionnelle (accidents du travail) ont été rendues dans le cadre d'une législation spécifique qui a de longue date inspiré la notion de " présomption d'imputabilité " en faveur du salarié, présomption étrangère à la fixation des

obligations du tiers responsable d'un accident.

Elle ajoute que l'ensemble des autres causes de la sclérose en plaques ne peuvent être exclues.

La société Glaxosmithkline conteste également l'existence d'un défaut du vaccin injecté à Monsieur B., lequel doit supporter la charge de la preuve, soulignant que ce défaut doit être apprécié in abstracto. Elle fait valoir en effet que dès 1994, elle a mentionné sur le résumé des caractéristiques du produit, à titre d'infinies précautions, la sclérose en plaques parmi les effets indésirables " rapportés " du vaccin, alors même qu'aucune relation causale entre la vaccination et les maladies démyélinisantes n'avait été scientifiquement prouvée et qu'elle n'avait pas l'obligation de préciser des risques non avérés dans la notice patient. Elle ajoute que le rapport bénéfice/risque de la vaccination est positif.

En ce qui concerne les demandes de Monsieur B., elle s'oppose à celle présentée au titre d'un préjudice extra patrimonial évolutif en faisant valoir qu'il n'a pas été contaminé par la sclérose en plaques, et à celle fondée sur un manquement à une obligation d'information, dès lors qu'il n'est pas établi, aujourd'hui pas plus qu'en 1995, que le vaccin et la pathologie en question sont liées, de sorte que sa faute ne serait pas démontrée. Elle sollicite que les autres prétentions soient ramenées à de plus justes proportions.

S'agissant des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique, elle soutient que les documents produits ne permettent pas de justifier que l'ensemble des prestations prises en charge par l'organisme social sont en lien avec la sclérose en plaques développée par Monsieur B. et qu'il n'est pas démontré que les dépenses futures invoquées sont certaines.

Elle soutient également que la mutuelle ne démontre pas en quoi son action est bien fondée comme étant en lien avec la maladie développée par son adhérent.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique poursuit l'infirmation du jugement rendu le 18 septembre 2012 par le Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon et demande à la cour, statuant de nouveau, de déclarer la société laboratoire Glaxosmithkline entièrement responsable des conséquences dommageables résultant de la défectuosité du vaccin Engerix B subies par Monsieur B., par suite, de condamner la société Glaxosmithkline à lui payer les sommes suivantes :

- 16 181,03 € au titre de ses débours de dépenses de santé actuelles, avec intérêts de droit à compter de la date de versement des prestations,

- 27 903,23 € au titre de ses débours de dépenses de santé futures,

- 1 055 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale,

- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande que la société Glaxosmithkline soit tenue aux entiers dépens et que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle soutient que la responsabilité du laboratoire pharmaceutique est engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil interprété à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux et s'associe à l'argumentation développée par Monsieur B., en soulignant que par des arrêts du 22 mai 2008, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a retenu que la preuve du lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage pouvait être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes.

Elle fait valoir que le défaut du produit résulte de ce que la notice ne mentionnait pas que la poussée de sclérose en plaques pouvait être un effet secondaire indésirable du vaccin, que les premières manifestations de la maladie se sont produites peu de temps après la dernière injection, que ni la victime, ni aucun membre de sa famille n'ont souffert d'antécédents médicaux et qu'aucune autre cause ne peut expliquer cette maladie.

La CPAM prétend que le versement de débours constitue un fait juridique dont elle peut rapporter la preuve par tous moyens et qu'un médecin conseil, indépendant des caisses primaires, atteste que les soins dont a bénéficié Monsieur B. sont liés à sa sclérose en plaques.

Elle fait valoir que les frais futurs se justifient par la nécessité d'un suivi médical à vie et qu'ils ne tiennent pas compte de l'évolution imprévisible de la maladie.

La mutuelle Harmonie Mutualité poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant de nouveau :

- de déclarer la société laboratoire Glaxosmithkline entièrement responsable des conséquences dommageables résultant de la défectuosité du vaccin et de dire qu'elle sera tenue de réparer l'intégralité des préjudices subis par Monsieur B. consécutivement à l'injection du vaccin,

- de condamner la société laboratoire Glaxosmithkline à lui payer la somme de 2 041,10 € en remboursement de ses débours définitifs outre une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société Glaxosmithkline aux dépens, dont distraction au profit de son conseil.

S'associant à l'argumentation développée par Monsieur B., elle soutient que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de la société laboratoire Glaxosmithkline se trouvent réunies sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil interprété à la lumière de la directive communautaire 85/374 du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.

Elle précise qu'elle gère un régime complémentaire de sécurité sociale, qu'elle a versé à son adhérent des prestations à hauteur de 2041,10 euros et qu'en application de l'article L. 224-9 du Code de la mutualité, elle se trouve subrogée à due concurrence dans les droits de Monsieur B..

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient tout d'abord d'observer que les notes adressées par les parties en cours de délibéré sont, par application de l'article 445 du Code de procédure civile, irrecevables.

I Sur la recevabilité de l'action de M. B. :

M. B. fonde son action sur les dispositions de l'article 1382 ancien du Code civil interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04 et du 15 avril 2008, Impact, C-268/06), que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non rétroactivité, et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national.

M. B. a reçu trois injections de vaccin les 12 janvier, 11 février et 10 août 1995, donc alors que le délai imparti pour la transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 était expiré (30 juillet 1988), mais avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 la transposant.

Dans l'arrêt ayant cassé la décision de la Cour d'appel de Poitiers dans le dossier litigieux, la Cour de cassation a écarté l'application de l'article 10 de la directive européenne prévoyant un délai de prescription de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

La société Laboratoire Glaxosmithkline soutient qu'il convient de faire application de l'article 11 qui édicte un délai d'extinction de la responsabilité du producteur de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit.

Cependant l'action en responsabilité extra contractuelle dirigée contre le producteur d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci.

Le diagnostic de sclérose en plaques ayant été posé en 2004, l'action engagée par M. B. au fond en 2009 n'est pas prescrite, et d'autant plus qu'elle a été précédée d'une assignation en référé expertise le 11 août 2008.

Ce moyen sera donc écarté.

II Sur les conditions de la responsabilité de la société Glaxosmithkline :

Dans son arrêt du 21 juin 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit :

" 1 ) L'article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à un régime probatoire national tel que celui en cause au principal en vertu duquel, lorsque le juge du fond est saisi d'une action visant à mettre en cause la responsabilité du producteur d'un vaccin du fait d'un défaut allégué de ce dernier, il peut considérer, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation dont il se trouve investi à cet égard, que, nonobstant la constatation que la recherche médicale n'établit ni n'infirme l'existence d'un lien entre l'administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, certains éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l'existence d'un défaut du vaccin et à celle d'un lien de causalité entre ce défaut et ladite maladie. Les juridictions nationales doivent toutefois veiller à ce que l'application concrète qu'elles font dudit régime probatoire n'aboutisse ni à méconnaître la charge de la preuve instituée par ledit article 4 ni à porter atteinte à l'effectivité du régime de responsabilité institué par cette directive.

2) L'article 4 de la directive 85/374 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un régime probatoire reposant sur des présomptions selon lequel, lorsque la recherche médicale n'établit ni n'infirme l'existence d'un lien entre l'administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, l'existence d'un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices factuels prédéterminés de causalité sont réunis ".

Ainsi, n'est pas remis en cause le principe selon lequel c'est à la victime qu'il incombe de démontrer, par tous moyens de preuve admis par le droit national, et notamment par la production d'indices graves, précis et concordants, l'existence d'un dommage, d'un défaut et d'un lien de causalité entre les deux. La CJUE précise d'ailleurs (point 30), qu'un régime probatoire qui exclurait tout recours à une méthode indiciaire et prévoirait que, aux fins de satisfaire à la charge de la preuve prévue à l'article 4 de la directive, la victime est tenue de rapporter la preuve certaine issue de la recherche médicale d'un lien de causalité entre le défaut attribué au vaccin et la survenance de la maladie méconnaîtrait les exigences de la même directive.

A peine d'un reversement de la charge de la preuve, les indices produits doivent être effectivement suffisamment graves, précis et concordants pour autoriser la conclusion selon laquelle l'existence d'un défaut du produit apparaît, nonobstant les éléments produits et arguments présentés en défense par le producteur, comme étant l'explication la plus plausible de la survenance du dommage.

M. B. fait valoir, au soutien de ses prétentions, qu'il existe des présomptions graves, sérieuses et concordantes de l'implication du vaccin contre l'hépatite B qui lui a été injecté en 1995 et le développement de la sclérose en plaques diagnostiquée en 2004, et tenant notamment :

- au fait que l'expert n'a pas exclu l'existence d'un lien de causalité entre sa maladie et les injections de vaccin,

- à son absence d'antécédents médicaux, ce qui est effectivement établi par les attestations produites (Mme B., M. Franck C., M. Gilles C.), le bilan de santé réalisé le 14 février 1997, sa participation à des courses à pied de 20km et même à des marathons, et n'a pas été remis en cause lors de l'expertise du professeur B., qui indique qu'il n'a " aucun antécédent pathologique ",

- à l'absence de cas avérés de sclérose en plaques dans son entourage, ainsi qu'en attestent, après examen de sa mère et de la fratrie, le docteur B. (certificats du 25 mars 2009) et le docteur L. (certificat du 1er avril 2009),

- au court délai qui s'est écoulé entre l'apparition d'un steppage du pied gauche fin 1995 et la dernière injection pratiquée en août 1995, soit quatre mois.

Cette dernière condition est discutée par le professeur B., qui indique : " selon les dires du malade, il existe quelques mois (n=4) entre la dernière injection vaccinale et l'apparition de très discrets troubles neurologiques du membre inférieur gauche constatés par le malade et ne justifiant pas de consultation médicale. Aucune imagerie (IRM) n'a, ce qui est logique, été effectuée à cette période. Rien dans les documents présentés ne permet de prouver l'objectivité de ces symptômes. Il existe même un certificat médical attestant de la possibilité de faire de la course à pieds, après avoir été examiné (document n° 17 en date du 13 juin 2016). Seuls peuvent être retenus pour attester de ces troubles, les témoignages familiaux ou de collaborateurs exprimant tous, de façon identique, une constatation de discrets troubles de la marche observés dans l'année de la vaccination. Les éléments de preuve de cette maladie neurologique ne seront que beaucoup plus tardifs en 2004. La lettre du neurologue évoquant ce diagnostic parle d'une évolution sur cinq ans ce qui situerait les premiers troubles aux alentours de 1999 ".

Néanmoins, et en premier lieu, il convient de relever que les attestations produites (M. B., Mme B., Mme B. mère, M. Franck C., M. Gilles C., M. M.) font toutes références à un steppage ou un mouvement anormal du pied gauche survenu à la fin de l'année 1995 ou au début de l'année 1996. Dans un certificat du 10 août 2008, le docteur C., médecin traitant de M. B., mentionne que celui-ci " est atteint de sclérose en plaques depuis 1996 ".

En deuxième lieu, le docteur V., neurologue et expert près la Cour d'appel de Rennes qui a, en qualité de sapiteur, examiné M. B. le 24 juin 2009, précise : " l'aggravation s'est faite de façon très progressive depuis la fin de l'année 1995 ".

En troisième lieu, le professeur B., qui relève qu'il " faut toutefois signaler que ce malade, étant son propre employeur, se révélant comme volontaire, courageux, et non revendicatif, n'a pas dans l'immédiat chercher à consulter en dépit d'une évolution progressive et d'un seul tenant de ses troubles ", finit par admettre que la réponse à l'existence d'un lien de causalité avec la vaccination subie en 1995, " d'un point de vue absolu, la réponse est non. D'un point de vu relatif, un lien temporel pouvait être discuté.

La réponse peut éventuellement être oui si l'on admet les dires du malade et les témoignages exprimés par la famille et les collaborateurs ".

En conséquence, ce lien temporel entre les premiers symptômes de la maladie et la vaccination doit être admis.

Cependant, il convient de relever que l'étiologie de la sclérose en plaques, affection démyélinisante du système nerveux central est mal connue. Selon l'étude Warter produite par M. B. lui-même pièce 39 :

" Elle (la pathogénie) reste encore partiellement inconnue, elle fait appel à différents acteurs, un terrain génétique prédisposé, une activation des lymphocytes périphériques, une modification de la perméabilité de la barrière hémato encéphalique, un infiltrat inflammatoire de la myéline du système nerveux central. Si ces différents acteurs sont connus, par contre, le facteur déclenchant d'une poussée reste encore inconnu, même si très souvent une infection par mimétisme moléculaire semble être à l'origine de la symptomatologie clinique. L'antigène, point de départ de la réaction immunitaire et les mécanismes de la perte des oligodendrocytes sont encore discutés ".

Le référentiel national du Collège des Enseignants de neurologie (version du 30 août 2002- pièce 38 de l'appelant) précise : " Donc, l'étiologie de la SEP implique des facteurs d'environnement et génétiques de façon non exclusive. Pourtant, aucun élément issu de l'environnement y compris viral n'est aujourd'hui formellement identifié et le criblage du génome n'a pas encore permis de mettre en évidence une région conférant la susceptibilité de la maladie ".

Il y a lieu d'ajouter que 92 à 95 % des malades n'ont pas d'antécédents personnels ou familiaux.

L'absence d'antécédents familiaux ou personnels et l'absence d'identification d'une autre cause de la maladie développée par M. B., ne constituent donc pas des indices précis et graves.

En outre, le spécialiste mondial de la sclérose en plaques, le Professeur C., a mis en exergue, sans être réellement démenti sur ce point, dans une publication de 2008, qu'il existait une désynchronisation entre les poussées cliniques et l'avancement anatomique de la maladie et concluait que lors de l'apparition des premiers symptômes le processus physiopathologique a probablement commencé depuis plusieurs mois, voire plusieurs années avant. Le critère temporel avancé par M. B. est donc peu pertinent, ce que lui-même admet dans ses écritures (page 21).

Enfin, en 1995, M. B. était dans la tranche d'âge (20 à 40 ans) de 70 % des personnes développant la maladie et le seul fait qu'il présente une forme d'emblée progressive de la maladie, ce qui est peu fréquent, ne suffit pas à rendre plausible son lien de causalité avec la vaccination.

Les nombreuses études scientifiques citées par la société Laboratoire Glaxosmithkline ne retiennent aucun lien établi entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B (C. en 2005 et 2008, Payne en 2006, Piaggio en 2005, De Stefano en 2003 notamment, Dhumeaux en 2014).

L'étude Herman de 2004 citée par M. B. a fait l'objet de nombreuses critiques, liées au fait qu'elle portait sur un nombre insuffisant de sujets (11), notamment par l'Organisation Mondiale de la

Santé. Elle n'a pas conduit les autorités sanitaires à retenir l'hypothèse d'une association entre la vaccination et la maladie.

Il en est de même de celle du docteur L. de 2014. (Réponse de l'ANSM et étude Spira de 2015 - pièces 261 et 262 de l'intimée.)

M. B. verse également aux débats un article de 2013 de B. Medicine (pièce 61) et un autre relatif à l'ouvrage sorti fin 2016 par le professeur G., chef du service de pathologie neuromusculaire de l'hôpital Henri Mondor à Créteil (pièce 62), relatifs aux effets des adjuvants aluminiques présents dans les vaccins.

L'ANSM a répondu le 22 septembre 2017 à cette étude que " les vaccins contenant de l'aluminium sont sûrs " et que " aucun signal de sécurité lié à l'aluminium contenu dans des vaccins n'a conduit à ce jour à remettre en cause le rapport bénéfice/risque des vaccins contenant de l'aluminium en France et à travers le monde. L'ANSM rappelle que ces vaccins sont administrés à des centaines de millions de personnes dans le monde depuis près d'un siècle ", même si son Conseil de sécurité avait, le 8 mars 2017, un avis avec observations sur les résultats du rapport final du projet d'étude " B. Vacc " portant sur la biopersistance et neuromigration des adjuvants aluminiques des vaccins : facteurs de risques génétiques et neurotoxicité expérimentale.

Globalement, il apparaît donc qu'il n'existe pas de consensus scientifique établi en faveur d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin et la sclérose en plaque et que la majorité des études se prononce au contraire en faveur d'une absence de lien.

Le professeur B. le rappelle d'ailleurs dans son rapport concernant M. B. : " D'une façon générale, d'un point de vue scientifique, l'ensemble des travaux de la littérature (pièces jointes) ne permet en aucune façon de retenir une relation entre la vaccination hépatite B et la survenue d'incidents neurologique de type démyélinisation. Aucune relation structurelle entre le vaccin, sa constitution et la myéline n'existe, permettant d'étayer également, d'un point de vue théorique, un risque possible de relation entre le geste vaccinal et la survenue de problèmes neurologiques.

Il a donc été nettement conclu à l'absence de relation vaccination hépatite B - atteinte neurologique. [...]

A l'échelon individuel, on peut toutefois discuter une relation temporelle ".

Au regard de ces études, les autorités sanitaires nationales (Commission nationale de pharmacovigilance devenue l'ANSM, notamment en 2011), l'Académie Nationale de médecine en juin 2012, l'Institut de Veille Sanitaire, le Haut conseil de la santé publique, le Ministère de la santé, ainsi qu'internationales ont également conclu à l'absence d'un lien de causalité avéré entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques et se sont prononcées en faveur du vaccin.

Dans son relevé épidémiologique hebdomadaire du 2 octobre 2009, L'OMS indique notamment : " Les manifestations indésirables faisant suite à la vaccination contre l'hépatite B sont peu fréquentes et généralement bénignes[...] Malgré de nombreuses études à long terme, rien ne permet de penser qu'il y a eu des manifestations indésirables graves ayant un lien de cause à effet avec la vaccination contre l'hépatite B. Les données n'indiquent pas une association de cause à effet entre le vaccin contre l'hépatite B et le syndrome de Guillain Barré ou des maladies démyélinisantes, y compris la sclérose en plaques. [...]

Le Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale de l'OMS a confirmé l'excellent profil d'innocuité du vaccin anti hépatite B ".

Au regard de ce qui précède, il apparaît donc que les éléments invoqués par M. B., qu'ils soient pris isolément ou dans leur ensemble, ne constituent pas des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes permettant de retenir un lien de causalité entre le vaccin qui lui a été injecté en 1995 et la sclérose en plaques diagnostiquée en 2004.

Il convient, en conséquence, de débouter M. B., la Caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique et la mutuelle Harmonie Mutualité de l'ensemble de leurs demandes.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

Partie succombante, M. B. supportera les entiers dépens en ce y compris ceux de l'instance devant la Cour d'appel de Poitiers.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement rendu le 18 septembre 2012 en ce qu'il a déclaré l'action de M. Hervé B. prescrite et l'a condamné à payer à la société Laboratoire Glaxosmithkline la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le confirme pour le surplus, Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, Déclare l'action de M. B. recevable mais mal fondée, Le déboute de l'ensemble de ses demandes, Condamne M. B. aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit du conseil de la société Laboratoire Glaxosmithkline et de la mutuelle Harmonie Mutualité, Rejette les demandes pour le surplus.