CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 20 mars 2018, n° 16-11444
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Isermatic Systèmes (SASU)
Défendeur :
Matel Group (SAS), Modular Signs (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
La société Isermatic Systèmes déclare être spécialisée dans l'offre de solutions pour l'enseigne, la communication et l'architecture.
Elle est titulaire de deux brevets:
le brevet d'invention français n° 02 07710, déposé le 14 juin 2002 et délivré le 19 décembre 2003 ayant pour intitulé " profilé pour la fixation d'une toile tendue " et comptant 14 revendications,
le brevet européen n° 1 646 1792 déposé le 22 juillet 2003 et délivré le 31 décembre 2008 ayant aussi pour intitulé " profilé pour la fixation d'une toile tendue " et comptant 10 revendications.
Ces brevets concernent un système de tension de toiles, dénommé " Crystal " par lequel la tension de la toile est rendue possible par le clipsage de joncs dans un profilé d'aluminium spécifique. Ce dispositif est utilisé pour le support d'une toile ou d'une bâche tendue, qui peut être décorative ou publicitaire.
La société espagnole Modular Signs exerce une activité de distribution de matériels de signalétique et d'affichage.
La société Matel Group indique être spécialisée dans la distribution de fournitures et matériels nécessaires à la fabrication d'enseignes et de signalétiques, et s'approvisionner notamment auprès de la société espagnole Modular Signs.
La société Isermatic Systèmes déclare avoir eu connaissance que la société Groupe Atlantis utilisait des profilés de fixation pour toile tendue reproduisant les revendications de ses brevets européen 1 646 792 et français 02 07710.
Elle a été autorisée à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au sein de la société Groupe Atlantis et de la société Matel Group, qui lui aurait fourni les matériaux en cause. Ces saisies-contrefaçons ont été réalisées respectivement les 27 mars et 11 avril 2013.
Selon la société Isermatic Systèmes, le procès-verbal de saisie-contrefaçon lui aurait permis de découvrir que les joncs contrefaisants avaient été importés depuis l'Espagne auprès de la société Modular Signs.
Par acte du 28 mai 2013, la société Isermatic Systèmes a fait assigner la société Matel Group et la société Modular Signs S.L. en contrefaçon des revendications du brevet européen 1 646 792 et du brevet français 02 07710 ainsi qu'en concurrence déloyale, devant le Tribunal de grande instance de Paris.
La société Isermatic Systèmes a interjeté appel du jugement du 17 mars 2016 qui a :
Constaté que la demande tendant à voir écarter la pièce intitulée 'demande de brevet du 26 janvier 1989', a été abandonnée à l'audience du 7 octobre 2014 et est donc sans objet,
L'a déboutée de la demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 11 avril 2013 qui a eu lieu au sein de la société Matel Group,
Débouté la société Modular Signs et la société Matel Group de leur demande de nullité pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet français n° 02 07710 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet EP n° 1 646 792 dont la société Isermatic Systèmes est titulaire,
Débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en contrefaçon de ses brevets européen 1 646 792 et français 0207710 formées à l'encontre de la société Modular Signs et de la société Matel Group,
Débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en concurrence déloyale formées à l'encontre de la société Modular Signs et de la société Matel Group,
Débouté la société Matel Group de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Dit sans objet la demande de garantie formée par la société Matel Group à l'encontre de la société Modular Signs,
Condamné la société Isermatic Systèmes à payer à la société Modular Signs et à la société Matel Group la somme de 5 000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné la société Isermatic Systèmes aux dépens dont distraction au profit de Maître Carole J.-W., avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par conclusions du 20 octobre 2017, la société Isermatic Systèmes demande à la Cour de :
confirmer le jugement rendu le 17 mars 2016 en ce qu'il a :
/ constaté que la demande tendant à voir écarter la pièce intitulée " demande de brevet du 26 janvier 1989 " a été abandonnée à l'audience du 7 octobre et est donc sans objet ;
/ débouté les sociétés Matel Group et Modular Signs de leur demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 11 avril 2013 qui ont eu lieu au sein de la société Matel Group ;
/ débouté la société Modular Signs et la société Matel Group de leur demande de nullité pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet français n°02 07710 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet EP n° 0 646 792 dont la société Isermatic Systèmes est titulaire ;
/débouté la société Matel Group de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
infirmer le jugement rendu le 17 mars 2016 en ce qu'il a :
/ débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en contrefaçon de ses brevets européen n°1646792, et français n°0207710, et ses demandes de concurrence déloyale formées à l'encontre des sociétés Modular Signs et Matel Group ;
/ condamné la société Isermatic Systèmes à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
/ condamné la société Isermatic Systèmes aux dépens
En conséquence, et statuant à nouveau :
juger que la société Matel Group et la société Modular Signs S.L. ont commis des actes de contrefaçon reproduisant les revendications du brevet européen n°1646792 et du brevet français n°0207710, et en particulier des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du Brevet Européen n° 1646792, et des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du Brevet Français n°0207710 en ayant participé à l'importation et à la vente de profilés et fixation reproduisant les caractéristiques couvertes par lesdites revendications, et ce sans autorisation ;
condamner solidairement les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. à verser à la société Isermatic Systèmes la somme de 191 132 Euros au titre de son préjudice, à parfaire, et résultant des actes de contrefaçon de brevets ;
juger que les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. se sont rendues coupables de faits de concurrence déloyale et parasitaires, au préjudice de la société Isermatic Systèmes ;
condamner solidairement les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. à verser à la société Isermatic Systèmes la somme de 500 000 Euros au titre de son préjudice, à parfaire, et résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
faire interdiction aux sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. de poursuivre les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, sous astreinte définitive de 5 000 Euros par infraction constatée, huit jours après la signification de l'arrêt à intervenir ; l'infraction s'entendant de la fabrication, de la détention, de la commercialisation, de la distribution, de l'offre à la vente d'un dispositif reproduisant les caractéristiques couvertes par les revendications visées ci-avant ;
ordonner, au besoin sous astreinte, la production de tout document ou information détenus par les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L., ou par toute personne en possession d'un profilé de fixation reproduisant les caractéristiques couvertes par lesdites revendications, et portant sur :
/Les noms et adresses des fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs d'une sangle contrefaisante ;
/ Les quantités produites commercialisées, livrées, reçues, ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour une sangle contrefaisante ;
/ La publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux périodiques, au choix de la société Isermatic Systèmes aux frais avancés des sociétés Matel Group et Modular Signs S.L., et fixer à 3 000 le coût de chaque insertion ;
condamner solidairement les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. à payer à la société Isermatic Systèmes la somme de 15 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. aux entiers dépens, de première instance et de cette procédure, comprenant les frais de saisie-contrefaçon et de constat.
Par conclusions du 5 octobre 2017, la société Modular Signs SL demande à la Cour de :
infirmer le jugement du 17 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Modular Signs de sa demande de nullité pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications 2, 3, 5, 6 à 9,11 à 13 du brevet français n° 02 07710 et des revendications 1, 2, 4 à 9 du brevet EP n° 1 646 792 dont la société Isermatic Systèmes est titulaire,
déclarer nuls les brevets français 02 07710 et européen 1 646 792 invoqués par la société Isermatic Systèmes, pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive,
infirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'exception de mise en connaissance de cause tirée de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle,
constater que la société Isermatic Systèmes ne rapporte pas la preuve des prétendus actes de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale qu'elle impute à la société Modular Signs,
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en contrefaçon de ses brevets européen 1 646 792 et français 02 07710 formées à l'encontre de la société Modular Signs,
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en concurrence déloyale formées à l'encontre de la société Modular Signs,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Isermatic Systèmes à payer à la société Modular Signs la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
débouter la société Isermatic Systèmes de toutes ses prétentions à l'égard de la société Modular Signs,
débouter la société Matel Group de ses prétentions à l'égard de la société Modular Signs,
condamner la société Isermatic Systèmes à payer à la société Modular Signs 15 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Isermatic Systèmes aux dépens distraits au profit de maître Carole J.-W., avocat à la Cour, sur son affirmation de droit.
Par conclusions du 29 septembre 2016, la SAS Matel Group demande à la Cour de :
Faisant droit à l'appel incident de la société Matel Group,
infirmer le jugement du 17 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Matel Group de sa demande de nullité pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet français n° 02 07710 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet EP n° 1 646 792 dont la société Isermatic Systèmes est titulaire,
déclarer nuls les brevets français n°02 07 710 et européens n°1 646 792 invoqués par la société Isermatic Systèmes, pour défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive,
infirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'exception de mise en connaissance de cause tirée de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle
constater que la société Isermatic Systèmes ne rapporte pas la preuve des prétendus actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale qu'elle impute à la société Matel Group,
confirmer le jugement en qu'il a débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes de contrefaçon de ses brevets européen n°1 646 792 et français n°02 07 710 formés à l'encontre de la société Matel Group,
confirmer le jugement en qu'il a débouté la société Isermatic Systèmes de ses demandes en concurrence déloyale formées à l'encontre de la société Matel Group,
Faisant droit à l'appel incident,
condamner la société Isermatic Systèmes à payer à la société Matel Group la somme de 6000 à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par l'engagement de la présente procédure et par la saisie pratiquée dans les locaux de la société Matel Group,
condamner la société Isermatic Systèmes à payer à la société Matel Group la somme de 15 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamner la société Isermatic Systèmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP G. B. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 octobre 2017.
MOTIVATION
Dans leurs conclusions les parties ne contestent pas le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande tendant à voir prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 11 avril 2013 réalisées au sein de la société Matel Group.
Ces dispositions de la décision entreprise, qui ne sont pas remises en cause, seront confirmées.
Sur la validité des brevets
La société Isermatic Systèmes revendique la validité du brevet français n°02 07710 et du brevet EP n° 1 646 792, qui répondent aux conditions de nouveauté et d'activité inventive, et elle précise que les deux inventions visées dans les brevets sont distinctes :
ainsi, aucune figure du brevet français 0207710 n'illustre un profilé avec des moyens de butée contrairement aux différentes variantes de réalisation du profilé objet du brevet 1646792,
elle fait état des essais réalisés établissant la résistance supérieure à l'arrachage du brevet 1646792 par rapport à l'état de la technique le plus proche, soit le brevet européen 0326487 (dont elle est aussi titulaire), ce qui établit la portée distincte des brevets.
Elle relève que la validité du brevet français n°02 07710 est établie " car il répond à la condition de nouveauté au regard des antériorités opposées, et de l'état de la technique " : contrairement aux dires des intimées, ni le brevet américain US5076033 ni le brevet Européen Isermatic EP0326487 ne constituent des antériorités opposables destructrices de nouveauté ; son activité inventive est elle aussi établie, de par l'ajout de l'entretoise entre les deux ailes déformables.
Elle soutient que le brevet EP n°1646792 répond aussi à la condition de nouveauté au regard des antériorités opposées et de l'état de la technique ; elle relève que si les deux brevets partagent certaines figures, le brevet 710 ne comporte pas de moyens de butée, également absents du brevet US 50766033, et souligne que la demande de brevet européen 792 ayant été déposée avant la publication de la demande de brevet français 710, celle-ci ne peut être prise en compte pour l'appréciation de l'activité inventive du brevet 792. Elle affirme de plus que rien n'établit que l'homme du métier aurait été amené à ajouter un moyen de butée, qui caractérise le brevet européen, ni qu'il serait arrivé par de simples actes d'exécution au résultat protégé par ce brevet.
La société Modular Signs soutient que les brevets français 710 et européen 792 sont nuls pour défaut d'activité inventive et défaut de nouveauté, de sorte qu'il ne peut y avoir contrefaçon, car ils se limitent à produire une simple variante des joncs renforcés connus jusqu'alors. Elle argue qu'en 1989, une demande de brevet européen a déjà été déposée sur un dispositif de fixation de toiles sur un support, que les brevets litigieux ne modifient pas le système d'attache mais améliorent seulement sa résistance en ajoutant une entretoise entre les ailes, ce qui ne peut constituer une activité inventive, ce d'autant qu'un brevet américain US5076033 du 31 décembre 1991 répond déjà à la problématique de la résistance du jonc en ajoutant une entretoise entre les ailes déformables.
Elle ajoute que les deux inventions invoquées sont les mêmes, que les deux brevets ont la même finalité, -soit la résistance à l'arrachement des joncs pour la fixation de toiles tendues-, que leurs schémas sont identiques, et que contrairement à ce que prétend l'appelante, l'orientation de l'entretoise ne permet pas de distinguer les inventions car l'invention protégée par le brevet français présente déjà cette orientation, comme en attestent les représentations graphiques.
Elle en déduit que les deux brevets doivent être considérés comme identiques et déclarés nuls, et que la société Isermatic Systèmes doit être déboutée de son action en contrefaçon.
La société Matel Group soutient aussi que les deux brevets sont nuls et protègent la même invention, qu'ils utilisent les mêmes schémas, que le brevet européen 792 est dépourvu d'activité inventive au regard du brevet français 710, ces deux brevets ayant été déposés par la même société Isermatic Systèmes et ayant le même inventeur monsieur J., de sorte que cette société ne peut exclure le brevet 710 de l'état de la technique applicable au brevet 792. Elle avance que la société Isermatic Systèmes ne démontre pas clairement la différence entre les deux brevets.
Elle conteste aussi l'activité inventive du brevet français 710 au regard des brevets US 5 076 033 et européen 0 326 487, qui portent tous les deux sur des profilés pour l'immobilisation d'une toile ou d'une bâche (ou analogue) dans une gorge d'une structure porteuse, et comprennent une âme à partir de laquelle s'étendent au moins deux ailes élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes l'une de l'autre. Elle affirme que le brevet 710 est un assemblage des caractéristiques de ces brevets, et relève pour l'homme du métier de l'évidence.
Sur la différence entre les deux brevets
Ces deux brevets portent sur un dispositif utilisé pour le support d'une toile ou d'une bâche tendue, qui peut être décorative ou publicitaire.
Ils indiquent qu'il est connu dans ce domaine de mettre en œuvre une structure porteuse pourvue d'au moins une gorge périphérique dans laquelle est engagée une baguette, afin d'y bloquer la toile ou bâche tendue qui se trouve à l'intérieur de la gorge, interposée entre celle-ci et la baguette d'immobilisation.
Leurs parties descriptives font état d'un brevet EP0326487 selon lequel " la baguette est constituée par un ou plusieurs tronçons d'un profilé qui comprend une âme à partir de laquelle s'étendent au moins deux ailes élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes l'une de l'autre. L'âme présente une largeur supérieure à celle de l'ouverture de la gorge périphérique et les ailes élastiques présentent, également, une largeur maximale supérieure à celle de cette ouverture, afin de venir se coincer dans la gorge périphérique. Un tel profilé permet, effectivement, d'assurer l'immobilisation d'une bâche ou toile dans la gorge périphérique de la structure porteuse ".
Le brevet d'invention français n° 02 07710, déposé le 14 juin 2002, et délivré le 19 décembre 2003, comme le brevet européen n° 1 646 1792 déposé le 22 juillet 2003 et délivré le 31 décembre 2008, ont tous les deux pour intitulé "profilé pour la fixation d'une toile tendue".
Ils ont le même titulaire et le même inventeur, et tendent tous les deux à améliorer la résistance à l'arrachement de la toile tendue.
La revendication 1 du brevet 0207710 (ci-dessous, le brevet 710) est la suivante
" Un profilé pour l'immobilisation d'une toile, bâche, ou analogue, dans une gorge, une structure porteuse, profilé comprenant une âme (11) à partir de laquelle s'étendent au moins deux ailes (12) élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes l'une à l'autre, caractérisé par ce qu'il comprend des moyens de renfort (20) élastiquement déformables interposés entre les ailes (12)".
La revendication 1 du brevet européen 16461792 (ci-dessous, le brevet 792) est la suivante
" Profilé pour l'immobilisation d'une toile, bâche ou analogue, dans une gorge d'une structure porteuse, profilé comprenant une âme (11) à partir de laquelle s'étendent au moins deux ailes (12) élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes l'une de l'autre, et des moyens de renfort (20) élastiquement déformables interposés entre les ailes (12), caractérisé en ce que les moyens de renfort (20) comprennent au moins une entretoise arquée (21) reliant les deux ailes (12), la concavité de l'entretoise (21) étant orientée à l'opposé de l'âme et en ce qu'il comprend des moyens de butée (23) destinés à limiter les mouvements de l'entretoise (21). "
Si les deux brevets 710 et 792 de la société Isermatic Systèmes sont proches, poursuivent la même finalité et partagent des figures 1 et 2, le brevet 792 prévoit des moyens de butée ayant pour fonction de limiter les mouvements de l'entretoise, qui sont absents du brevet 710.
Au surplus, le brevet 710, prévoit comme le brevet 792, la possibilité que soient disposées entre les ailes élastiquement déformables deux entretoises arquées dont les concavités sont disposées en regard, disposition qui illustre une recherche de renforcement de la résistance, mais le brevet 710 ne précise pas que ces deux entretoises pourraient venir en contact l'une de l'autre, ni n'évoque la présence d'une butée.
En conséquence, les deux brevets ne couvrent pas la même invention.
Sur la validité du brevet 710
Selon l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle, " Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ".
Pour être comprise dans l'état de la technique, l'invention doit s'y trouver toute entière, dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
L'état de la technique le plus proche est constitué, selon les parties, du brevet US076033 déposé le 30 mai 1990, et du brevet européen 0326487 déposé le 26 janvier 1989.
Le premier de ces brevets, dont aucune traduction n'est produite en langue française, porte sur le même domaine technique, puisqu'il décrit des structures porteuses de toiles ou stores, ou d'autres structures d'encadrement de tissus, et les équipements de mise en œuvre.
Comme l'a relevé le tribunal, il ressort de la figure 1 de ce brevet que la gorge de la structure porteuse y est plus complexe que celle du brevet 710, le profilé y est constitué d'une âme et d'un corps plein qui pénètre dans la gorge, mais il ne présente pas deux ailes élastiquement déformables comme le prévoit le brevet 710. La fixation de la toile dans la gorge apparaît y être assurée par l'utilisation de tenons, et non par son pincement entre les bords de la gorge et les ailes de la baguette du fait de leur déformation.
Par conséquent, ce brevet est insusceptible de priver de nouveauté le brevet 710.
Concernant le brevet 0326487, il tend à assurer la fixation d'une toile sur un châssis, sous une tension aussi uniformément répartie que possible, et la partie caractérisant de sa revendication 1 prévoit ainsi un dispositif de tensionnement qui " consiste en une baguette allongée comprenant une base destinée à venir en appui contre les parties terminales à l'extérieur de la rainure et dont la largeur est supérieure à celle de l'embouchure rétrécie et de deux ailes parallèles en saillie de ladite base en présentant sur leurs faces opposées des bourrelets destinés à venir s'encliqueter dans ladite embouchure par déformation élastique des deux ailes " (les numéros ont été retirés).
Pour autant, ce brevet ne tend pas à améliorer la résistance à l'arrachement de la toile tendue, ni ne prévoit de moyens de renfort élastiquement déformables interposés entre les ailes d'immobilisation, comme le brevet 710.
Par conséquent, ce brevet 0326487 ne prive pas de nouveauté le brevet 710.
L'article L. 611-14 du Code de la propriété intellectuelle prévoit qu'" une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive ".
Pour être inventive, elle ne doit pas avoir été conçu par un homme du métier à l'aide de ses connaissances professionnelles et par le jeu de simples opérations d'exécution.
Les parties n'ont pas plus devant la cour que devant le tribunal défini l'homme du métier, ce qui ne permet pas d'apprécier l'étendue des connaissances professionnelles dont il doit disposer.
Si les deux brevets US 5176033 et EP0326487 portent sur le même domaine technique, le premier ne tend pas à améliorer la résistance à l'arrachement de la toile tendue, pas plus que le deuxième qui vise à remédier aux inconvénients de la fixation sur des châssis en bois (technique délicate, mise en œuvre longue, détachement de la toile du châssis et démontage du châssis difficiles).
Aucun de ces brevets ne prévoit la mise en place de moyens de renfort entre les ailes de la baguette, comme une entretoise, qui augmentent ainsi la raideur desdites ailes et la résistance à l'arrachement des baguettes, alors que la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet 710 porte sur ces " moyens de renfort élastiquement déformables interposés entre les ailes ".
Au vu de ce qui précède, il ne peut être considéré que la mise en place par l'homme du métier, confronté au problème technique à résoudre consistant à améliorer la résistance à l'arrachement de la baguette, de tels moyens de renfort, relève de la simple opération d'exécution.
Par conséquent, la revendication 1 du brevet 710 n'est pas dépourvue d'activité inventive.
Il en est de même des revendications 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 de ce brevet, invoquées au titre de la contrefaçon, et qui sont dépendantes de la revendication 1.
Sur la validité du brevet 792
L'article 54 de la convention sur le brevet européen prévoit notamment qu' " une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ",
et l'article 56 qu' " une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique... ".
Le brevet 710 ayant été déposé le 14 juin 2002, soit antérieurement au dépôt du brevet européen 792, il peut constituer un obstacle à la nouveauté de ce dernier.
Pour autant, le brevet 710 ne prévoit pas de moyens de butée destinés à limiter les mouvements de l'entretoise, ce qui figure dans la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet 792.
Les brevets US076033 déposé le 30 mai 1990, et européen 0326487 déposé le 26 janvier 1989, ne prévoient pas non plus d'entretoise ni d'éléments de butée destinés à limiter les mouvements de celle-ci.
Par conséquent, la revendication 1 du brevet européen 792 n'est pas dépourvue de nouveauté.
Les sociétés Matel Group et Modular Signs n'explicitent pas en quoi l'état de la technique aurait amené l'homme du métier à placer par une simple opération d'exécution des moyens de butée destinés à limiter les mouvements de l'entretoise arquée -constituant un moyen de renfort- reliant les deux ailes élastiquement déformables.
Par conséquent, la revendication 1 du brevet européen 792 n'est pas dépourvue d'activité inventive et est valable, comme le sont les revendications 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 invoquées au titre de la contrefaçon.
Sur la contrefaçon
Sur la mise hors de cause de la société Matel Group
La société Matel Group soutient ne pas fabriquer les produits en cause, qu'elle a acquis auprès de la société Modular Signs et qu'elle a commercialisés.
Elle invoque l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel la responsabilité de celui qui met dans le commerce mais qui n'est pas fabricant du produit ne peut être recherchée que s'il est rapporté la preuve que les faits de mise sur le marché d'un produit contrefait ont été commis en connaissance de cause, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce.
La société Isermatic Systèmes relève qu'elle reproche à la société Matel Group des actes d'importation, lesquels ne sont pas visés par les dispositions de l'article L. 615-1, et que l'importation engage la responsabilité in solidum de l'expéditeur et de l'importateur.
Sur ce
L'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que :
" Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon.
La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.
Toutefois, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause. "
Comme l'a justement relevé le tribunal, la société Isermatic Systèmes reproche en l'espèce à la société Matel Group des actes d'importation de produits contrefaisants, actes qui ne sont pas visés par le précédent article, et auxquels la société Matel Group aurait participé en important en France des produits achetés à la société Modular Signs sise en Espagne, de sorte que la connaissance par la société Matel Group du caractère contrefaisant des produits est indifférente.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Matel Group ne peut utilement solliciter, sur le fondement de cet article, sa mise hors de cause.
La société Modular Signs a également invoqué l'article L. 615-1 et le fait qu'elle n'a pas procédé à la fabrication des joncs litigieux mais les a acquis auprès de la société espagnole Centro del Rotulo et qu'à les supposer contrefaisants, elle n'en avait pas connaissance de sorte qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée de ce chef.
Pour autant, à supposer que les produits contrefaisants n'aient pas été fabriqués par la société Modular Signs, les actes d'importation ne sont pas visés par l'article L. 615-1 précité et concernent aussi bien la responsabilité de l'expéditeur que de l'importateur, et il est reproché aux deux sociétés Matel Group et Modular Signs d'avoir participé à l'introduction en France des produits argués de contrefaçon.
Dès lors, l'absence de connaissance par la société Modular Signs de la nature contrefaisante des produits en cause est indifférente, et sa responsabilité peut être engagée de ce chef.
Sur les actes de contrefaçon
La société Isermatic Systèmes soutient que les joncs litigieux ne sont pas des produits authentiques comme en atteste le procès-verbal de constat d'huissier, et sont contrefaisants comme n'ayant pas été ni fabriqués par elle, ni importés selon une autorisation qu'elle aurait donnée.
Elle précise avoir conclu un contrat de distribution avec la société Centro del Rotulo le 1er septembre 2001 pour la distribution en exclusivité en Espagne et sans exclusivité en France des joncs de la gamme Crystal - objets des brevets-, et un avenant du 27 juillet 2005 qui a annulé le contrat de distribution de 2001. Elle ajoute que si, sur la base de ce contrat de 2005, la société Centro Del Rotulo a consenti à la société Modular Signs un sous-contrat de distribution, le 2 mai 2009, l'autorisant à vendre les produits Isermatic de la gamme Crystal, elle-même n'a jamais autorisé aucune de ces sociétés à faire fabriquer les joncs en PVC, objets des brevets.
Elle explique que postérieurement au contrat de 2005, la société Centro del Rotulo ayant cessé son activité, la société Modular Signs a repris les relations contractuelles qu'elle entretenait avec la société Isermatic Systèmes et accepté de payer les factures qui étaient dues.
Elle ajoute que le contrat de 2005, dont découle celui de 2009, a été dénoncé par courrier du 1er février 2011 de sorte qu'il y a eu cessation des relations contractuelles et que la société Modular Signs n'avait plus d'autorisation concernant l'ensemble des profilés visés au contrat. Elle affirme que la société Modular Signs a bien reçu la dénonciation du contrat et qu'aucune facture n'est intervenue postérieurement, ce dont elle déduit que les joncs vendus en 2013 par la société Modular Signs étaient distribués sans son consentement et constituent des contrefaçons.
La société Modular Signs soutient qu'elle était autorisée à distribuer les produits de la gamme Crystal, en ce compris les produits objet des brevets, notamment sur les territoires espagnol et français en vertu d'un contrat de sous-distribution avec la société Centro Del Rotulo, ce dont la société Isermatic Systèmes était informée.
Elle ajoute n'avoir jamais été informée d'une modification ou d'une dénonciation du contrat de 2001 entre la société Isermatic Systèmes et la société Centro Del Rotulo, laquelle a accordé par contrat du 2 mai 2009 la sous-distribution des produits Crystal à la société Signcomp-Modular Signs, qui deviendra Modular Signs, ce dont la société Isermatic Systèmes était parfaitement informée.
Elle conteste avoir repris les relations de la société Isermatic Systèmes avec la société Centro del Rotulo, les courriers échangés alors portant sur des pourparlers qui n'ont pas abouti, comme elle conteste avoir reçu une lettre de dénonciation du contrat de 2001.
Elle déclare n'avoir pas fabriqué des profilés protégés par brevet sans autorisation, précisant qu'elle n'exerce qu'une activité de commerce consistant en l'achat et la revente de sorte qu'elle ne peut avoir fabriqué les joncs litigieux, et avoir acheté les matériaux auprès de la société Centro Del Rotulo, matériaux qu'elle a maintenus dans son catalogue jusqu'à épuisement des stocks.
Sur ce
La société Isermatic Systèmes a conclu le 1er septembre 2001 un contrat avec la société espagnole Centro Del Rotulo pour la distribution des produits Crystal en exclusivité sur le territoire de l'Espagne, et sans exclusivité sur les territoires du Portugal, de Tunisie, du Maroc, d'Algérie, de France, de Belgique et de Suisse.
Ce contrat prévoyait qu'il portait sur le " système Crystal, système de profilés et accessoires pour les montages avec toile ainsi que d'autres produits si leur distribution intéresse les deux parties ", et la société Isermatic Systèmes se réservait " le droit de modifier, ajouter ou remplacer les " produits " de la gamme Crystal par des produits à nouveau design qui appartiennent à la gamme ".
Il précisait que les produits Crystal étaient fabriqués partiellement en Espagne sous licence.
Le 27 juillet 2005, la société Isermatic Systèmes a adressé un courrier à la société Centro del Rotulo, remplaçant les contrats de distribution précédant, aux termes duquel :
Isermatic consentait à Centro del Rotulo la distribution exclusive de l'ensemble des produits Crystal pour le marché espagnol
le contrat était annuel, renouvelable par tacite reconduction
la société Isermatic Systèmes donnait à Centro Del Rotulo son accord pour la laisser " faire fabriquer sous licence des profilés spécifiques aux marchés de Centro Del Rotulo qui ne figureraient pas à notre gamme " ; lesdits profilés spécifiques devaient alors être fabriqués par Tecalum en Espagne, fournisseur d'Isermatic ; ce courrier précisait " les deux parties conviennent de limiter les produits spécifiques le plus possible, l'esprit du partenariat étant principalement de développer ensemble les ventes des produits Crystal ".
Un contrat de sous-distribution a été conclu le 2 mai 2009 entre les sociétés Centro del Rotulo et Signcomp Modular Signs pour la distribution par celle-ci des produits présents dans le catalogue de la société Centro Del Rotulo, -dont ceux de la gamme Crystal- sur les territoires de l'Espagne, de la France, du Portugal et d'Andorre.
La société Isermatic Systèmes ne conteste pas que la société Signcomp Modular Signs est devenue Modular Signs, et reconnaît l'existence de ce contrat de sous-distribution du 2 mai 2009 entre les sociétés Centro del Rotulo et Modular Signs.
Les positions des parties divergent sur la reprise ou non des engagements de la société Centro del Rotulo auprès de la société Isermatic Systèmes par la société Modular Signs, ce que celle-ci conteste en indiquant que les échanges intervenus en 2010 entre elles constituaient des pourparlers sur un accord de distribution, qui n'ont pas débouché.
Par un courriel du 16 septembre 2010, monsieur Toni C., dont il n'est pas contesté qu'il est le dirigeant de la société Modular Signs, indiquait à la société Isermatic Systèmes que la société Centro des Rotulo était en liquidation judiciaire, mais qu'il lui importait de continuer à collaborer avec la société Isermatic Systèmes ; évoquant la dette de la société Centro Del Rotulo auprès de la société Isermatic Systèmes d'un montant de 25404 euros, il présentait un dispositif tendant à en faire supporter le paiement par la société Modular Signs, sous la forme de 12 mensualités.
Le 28 septembre 2010, la société Isermatic Systèmes indiquait à la société Modular Signs qu'elle allait émettre un avoir de 25404 euros à son intention, ayant pour objet " accord de distribution exclusif avec Modular Signs ", et donnait son accord pour le paiement en 12 mensualités. Elle indiquait également que les délais de paiement des commandes Crystal devaient être de 75 jours, et que dans ces conditions elle était d'accord pour confirmer l'accord de distribution pour l'Espagne et le Portugal.
La société Modular Signs faisait part de son accord le lendemain, et signait le 30 septembre 2010 le courrier de la société Isermatic Systèmes reprenant les termes de l'accord pour le paiement par Modular Signs de la somme de 25404 euros en 12 mensualités de 2117 euros.
La société Isermatic Systèmes présente aussi une facture correspondante du 5 octobre 2010 adressée à la société Modular Signs d'un montant de 25404 euros, prévoyant un règlement en 12 mensualités de 2117 euros payables du 31 octobre 2010 au 30 septembre 2011, ayant pour objet " accord de distribution exclusive avec panneaux modulaires " (en anglais, " exclusive distribution agreement with Modular Signs ").
Elle justifie enfin d'un versement le 17 novembre 2010 d'un montant de 2117 euros effectué par la société Modular Signs.
Il est ainsi établi que la société Modular Signs a marqué son intention de se substituer à la société Centro Del Rotulo dans les relations entretenues par celle-ci avec la société Isermatic Systèmes, afin de poursuivre la distribution de ses produits, et la signature du courrier du 30 septembre 2010, comme le paiement de la somme de 2117 euros en octobre 2010 par la société Modular Signs, révèle qu'elle a ainsi repris les relations précédemment nées entre Centro del Rotulo et la société Isermatic Systèmes.
Le 1er février 2011, par courrier et par fax, la société Isermatic Systèmes, indiquant constater l'impossibilité de continuer le courant d'affaires " sur les bases qui avaient été instaurées pour Centro Del Rotulo et reprises pour Modular Signs ", dénonçait à celle-ci les accords les liant, et proposait de nouvelles conditions de fonctionnement.
La société Modular Signs conteste avoir reçu ce courrier.
Si l'accusé de réception du courrier n'est pas versé, ce fax était reçu en son entier le jour même par la société Modular Signs, et le 3 février 2011, comme elle l'avait annoncé dans son courrier du 1er février, la société Isermatic Systèmes écrivait aux sociétés espagnoles Tecalum et Hydro Aluminium, ses fournisseurs en Espagne, pour les informer qu'elle venait de dénoncer le courant d'affaires avec la société Modular Signs.
La société Isermatic Systèmes produit également un courrier du 1er mars 2011 adressé, notamment par courriel, à la société Modular Signs faisant référence à la réponse de celle-ci datée du 25 février 2011 au courrier du 1er février, le courrier du 1er mars confirmant les termes de celui du 1er février.
Enfin, la société Modular Signs ne soutient pas avoir poursuivi le paiement des mensualités comme elle s'y était engagée, ni passé de commandes à la société Isermatic Systèmes après le 1er février 2011.
Ainsi, la société Modular Signs a manifesté son intention de se substituer à la société Centro Del Rotulo dans les engagements - dont les termes étaient fixés par le courrier du 27 juillet 2005 remplaçant celui du 1er septembre 2001 - qui la liaient à la société Isermatic Systèmes, laquelle l'a informée le 1er février 2011 de la dénonciation des accords entre elles.
L'évocation par la société Modular Signs, dans un courriel du 28 janvier 2011, du contrat de distribution à signer, ne saurait remettre en question le fait qu'elle s'était déjà substituée à la société Centro Del Rotulo dans ses relations avec la société Isermatic Systèmes.
Ainsi, à la suite du courrier du 1er février 2011, la société Modular Signs s'est vu retirer l'autorisation de distribuer les produits de la société Isermatic Systèmes.
Il sera relevé que selon le courrier du 27 juillet 2005, la société Isermatic Systèmes n'autorisait son distributeur qu'à fabriquer sous licence des profilés spécifiques qui ne figuraient pas dans sa gamme, et le contrat de distribution du 2 mai 2009 portait sur la sous-distribution par la société Modular Signs des produits qui étaient au catalogue de Centro del Rotulo, dont les produits Crystal, mais aucun de ces contrats n'autorisait la société Modular Signs à fabrique les joncs en PVC couverts par les brevets.
La dernière commande de la société Modular Signs auprès de la société Isermatic Systèmes est, selon l'expert-comptable de celle-ci, la facture 95157 du 26 octobre 2010 ; l'analyse des factures adressées par la société Isermatic Systèmes à la société Modular Signs -versées par cette dernière- montre aussi l'absence de factures ultérieures, et la société Modular Signs ne justifie pas non plus avoir procédé à des règlements après cette date.
Dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 11 avril 2013 dans les locaux de la société Matel, l'huissier a recueilli les déclarations du responsable technique de cette société, selon lequel " notre fournisseur actuel principalement pour les joncs est Modular Signs basé en Espagne ". Les joncs référencés PTKJR sont des joncs en matière PVC de couleur blanche d'une longueur de 3,50 mètres selon le procès-verbal, ils ont été photographiés par l'huissier, ils figurent sur une commande du 27 février 2013 de la société Matel Group à la société Modular Signs, et sur un bon de livraison de la société Modular Signs à la société Matel Group du 13 mars 2013.
L'huissier a relevé que sur la face plate du jonc était positionné un film turquoise, et que ces joncs ne présentaient aucune inscription, ce qui ressort également des pièces saisies.
Il n'est pourtant pas contesté que les joncs de la société Isermatic Systèmes ne sont pas recouverts d'un plastique turquoise, et sont marqués " Isermatic Cristal Renforce ", inscription suivie des jour, mois, année et heure.
Dès lors, les joncs saisis dans les locaux de la société Matel Group et fournis par la société Modular Signs ne sont pas des produits authentiques.
Au surplus, la société Modular Signs, qui indique avoir épuisé le stock de joncs renforcés qu'elle tenait de la société Centro Del Rotulo fin janvier 2013, n'explique pas pourquoi les joncs saisis ne portaient pas l'indication d'origine et de date gravée sur les produits authentiques, ni comment elle a pu encore honorer le 13 mars 2013 des commandes de plusieurs centaines de joncs, comme cela ressort de son bon de livraison saisi le 11 avril 2013.
Elle ne justifie pas que la société Centro del Rotulo était en droit de procéder à la fabrication des produits de la société Isermatic Systèmes, ce qui ne ressort pas des contrats versés.
Elle ne démontre pas davantage que les produits qu'elle a fournis à la société Matel Group provenaient de la société espagnole Hydro Aluminio La Roca, qui fabrique en Espagne les produits de la société Isermatic Systèmes, ce d'autant que celle-ci avait informé la société Hydro Aluminio La Roca le 3 février 2011 de la fin du courant d'affaires qui la liait à la société Modular Signs et qu'elle ne devait donc plus la fournir après le 1er août 2011.
La société Modular Signs ne justifie d'aucune commande passée auprès de cette société, ni aucun élément de nature à démontrer que les joncs fabriqués en Espagne n'étaient pas porteurs d'un marquage, ou qu'ils étaient recouverts d'un film plastique d'une autre couleur que bleu.
Il est ainsi suffisamment établi que les joncs découverts lors de la saisie-contrefaçon du 11 avril 2013 dans les locaux de la société Matel Group provenaient de la société Modular Signs, et n'étaient pas des produits authentiques.
Le produit alors saisi est bien un profilé comprenant une âme à partir de laquelle s'étendent deux ailes élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes entre elles l'une de l'autre, et des moyens de renfort élastiquement déformables interposés entre les ailes.
Ce produit présente une entretoise arquée constituant un moyen de renfort, dont les ailes sont reliées et forment une concavité orientée à l'opposé de l'âme. Le sommet de l'entretoise présente une nervure orientée vers l'âme, qui est destinée à limiter les mouvements de l'entretoise et constitue un moyen de butée.
L'argument avancé par la société Matel Group relatif aux différences de dimensions entre les ailes des profilés trouvés dans ses locaux et les ailes des profilés objets du brevet est inopérant à contester la reproduction de la revendication n°1 du brevet 792, qui ne précise pas les dimensions de l'invention.
Ainsi, la contrefaçon de la revendication 1 de ce brevet 792 est établie.
Il en est de même des revendications 2 et 4, selon lesquelles " les moyens de butée (23) comprennent au moins une nervure (24) solidaire de l'entretoise (21) s'étendant en direction de l'âme (11) ", et " l'entretoise arquée (21) présente une forme de " V " ", le profilé observé lors de la saisie-contrefaçon présentant une telle nervure et son entretoise présentant une telle forme de V.
La partie caractérisante de la revendication 5 " l'âme (11), les ailes (12) et l'entretoise arquée (21) forment un ensemble monobloc " et de la revendication 6 " l'entretoise (21) relie les extrémités (15) des ailes (12), situées à l'opposé de l'âme (11) " sont également reproduites par le profilé saisi le 11 avril 2013, ainsi qu'il ressort de leur observation, puisque l'âme-les ailes-l'entretoise sont d'un seul bloc et que l'entretoise relie les extrémités des ailes opposées à l'âme.
Le procès-verbal du 11 avril 2013 révèle également que sur le profilé alors saisi
" la base (13) de chaque aile (12) est située à distance du bord le plus proche (14) de l'âme du profilé (11) ",
" chaque aile (12) présente, au voisinage de son extrémité (15) opposée à l'âme (11) et sur sa face extérieure, une conformation convexe de blocage (16) "
" l'âme (11) est sensiblement plane "
de sorte que les revendication 7, 8 et 9 du brevet 792 sont aussi reproduites par ce profilé.
S'agissant du brevet 710, les sociétés Matel Group et Modular Signs contestent faiblement la reprise de ses revendications par le profilé en cause.
Ce profilé présente l'ensemble des éléments caractérisant la revendication 1 du brevet, puisqu'il comprend " une âme (11), à partir de laquelle s'étendent au moins deux ailes (12) élastiquement déformables, sensiblement parallèles entre elles et distantes l'une de l'autre, caractérisé en ce qui comprend des moyens de renfort (20) élastiquement déformables, interposés, entre les ailes (12) ".
L'âme, les ailes et les moyens de renfort forment sur ce profilé un ensemble monobloc, de sorte que la revendication 2 du brevet 710 est reproduite.
Le profilé en cause est réalisé en matière plastique comme le prévoit la revendication 3 (" réalisé en matière plastique extrudée ou pultrudée "), il présente une entretoise entre les deux ailes du profilé, comme le spécifie la revendication 5(" les moyens de renfort (20) comprennent au moins une entretoise (21), s'étendant entre les deux ailes (12) "), et l'entretoise y relie les extrémités des ailes situées à l'opposé de l'âme, comme l'indique la revendication 6 (" l'entretoise (21) relie les extrémités (15) des ailes (12) situé à l'opposé de l'âme (11) ").
L'entretoise de ce profilé est arquée, conformément aux dispositions de la revendication 7, sa concavité est orientée à l'opposé de l'âme et elle présente une forme en V, de sorte que les revendications 8 et 9 du brevet 710 sont aussi reproduites.
Chacune des ailes de ce profilé présente aussi, à proximité de son extrémité opposée à l'âme, et sur sa surface supérieure, une conformation convexe de blocage, comme le prévoit la revendication 11. La base de chaque aile est bien située à distance du bord le plus proche de l'âme du profilé et cette âme est sensiblement plane, ainsi qu'indiqué dans les revendications 12 et 13 du brevet 710.
Il ressort de ce qui précède que, les revendications des brevets 792 et 710 étant reproduites par le profilé en cause, les faits de contrefaçon sont établis à l'encontre des sociétés Matel Group et Modular Signs et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la concurrence déloyale
La société Isermatic Systèmes reproche aussi aux sociétés Matel Group et Modular Signs de s'être rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire, en pillant sa documentation technique et commerciale ainsi que ses catalogues, et ce en toute connaissance de cause.
Elle soutient que les intimées ne contestent pas la reprise de ses méthodes de présentation, de ses références de produits comme de ses illustrations commerciales et de ses photographies, ce qui leur a permis de profiter de son travail et de ses investissements. Elle ajoute qu'en détournant la vente des accessoires, associés au jonc breveté, les intimées détournent aussi les clients du marché des systèmes de tension, ce qui lui porte préjudice.
La société Modular Signs avance que les faits reprochés sont les mêmes que ceux invoqués au titre de la contrefaçon, et qu'aucune faute n'est constituée à son encontre puisqu'elle dispose d'un droit de distribution des produits de la société Centro Del Rotulo, incluant les produits de la gamme Crystal, ce qui justifie leur reproduction dans sa documentation commerciale.
Elle conteste tout pillage de cette documentation technique, fait état de l'absence de démonstration d'un risque de confusion et d'un détournement de ventes par la substitution des accessoires indispensables au système.
La société Matel Group soutient n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale, puisqu'elle ignorait qu'elle commercialisait des produits faisant concurrence à ceux de la société Isermatic, et que les faits invoqués à ce titre doivent être distincts de ceux dénoncés au titre de la contrefaçon. Elle ajoute qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, et qu'aucun préjudice n'est démontré.
Sur ce
Le tribunal avait débouté la société Isermatic Systèmes de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Matel Group car elle ne fournissait pas de documents permettant d'établir la date et la durée des relations ayant existé entre elles, ce qui ne permettait pas d'établir si les références étaient reproduites parce que la société Matel Group commercialisait les produits Isermatic.
La société Isermatic Systèmes reconnaît que la société Matel Group a distribué ses produits, mais verse une attestation de son expert-comptable selon lequel la dernière facture du client Matel serait du 21 février 2013.
Elle verse également des extraits d'un catalogue qu'elle présente comme le catalogue 2014 de la société Matel Group, ce que celle-ci ne conteste pas.
Il ressort de la comparaison des catalogues des sociétés Isermatic Systèmes et Matel Group que celle-ci distribue dans une gamme Petal des produits relevant d'un système de tension de toile correspondant à ceux de la gamme Crystal d'Isermatic.
Les produits de cette gamme Petal de même nature que ceux de la gamme Crystal portent un nom très proche : ainsi, une équerre PT QABS y correspond à une équerre similaire référencée EQABS de la gamme Crystal d'Isermatic.
De même, le produit PT KTP du catalogue de la société Matel Group apparaît similaire au produit référencé KT+ de la gamme Crystal dans le catalogue de la société Isermatic Systèmes, et il ressort de l'analyse de ces catalogues que de nombreuses références de la société Matel Group sont très proches de celles de la société Isermatic Systèmes pour des produits similaires.
Certains schémas du catalogue de la société Matel Group sont aussi identiques, ou très proches, de ceux figurant sur celui de la société Isermatic Systèmes (ainsi, les schémas page 152 de Matel et ceux des pages 16 et 18 d'Isermatic).
La société Matel Group ne soutient pas qu'elle poursuivait alors la distribution du stock de produits Isermatic, et n'explique pas la reprise de ces références et schémas.
Ces faits, distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, sont de nature à provoquer un risque de confusion.
La société Matel Group ne pouvait ignorer que la distribution de produits identiques à ceux de la société Isermatic Systèmes, sous une référence très proche, était de nature à causer un grief à cette dernière, dont elle distribuait les produits auparavant, puisqu'une partie de la clientèle risquait de confondre les produits Isermatic et les produits correspondants distribués par la société Matel Group sous une référence voisine.
L'utilisation des schémas et visuels réalisés par la société Isermatic Systèmes dans ce catalogue a permis également à la société Matel Group de profiter des investissements réalisés par Isermatic, sans bourse délier.
Il ressort du procès-verbal de constat dressé le 28 janvier 2013 que le lancement d'une recherche sur internet sous le nom " modular signs " permettait d'avoir accès à un catalogue de la société Modular Signs reproduisant certains schémas issus de catalogues plus anciens de la société Isermatic Systèmes.
De même figurent dans ce catalogue de la société Modular Signs - accessible près de deux années après la fin de ses relations commerciales avec la société Isermatic Systèmes- des photographies de toiles tendues qui figuraient dans les catalogues plus anciens de la société Isermatic Systèmes.
Ce faisant, la société Modular Signs profite des investissements engagés par la société Isermatic Systèmes, et la reprise de ces visuels dans son catalogue est également de nature à faire croire à l'existence d'un partenariat entre les deux sociétés, à tout le moins à créer dans l'esprit du public un risque de confusion entre les deux sociétés.
Aussi, la concurrence déloyale et parasitaire est-elle établie à l'encontre des deux sociétés intimées, et le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le préjudice
La société Isermatic Systèmes demande que les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale cessent et soient réparés, et fait état des volumes de vente des joncs aux sociétés Centro del Rotulo, Modular Signs et Matel, et estime que son manque à gagner doit être évalué sur six années.
Elle affirme que la vente par la société Modular Signs de produits contrefaits lui a causé une perte de marge brute qu'elle chiffre à 141132 euros. Elle fait état de son préjudice moral qu'elle justifie par le paiement des annuités des brevets et les frais d'études et de développement, de participation à des salons et de publicité.
Elle souligne aussi le préjudice d'image résultant de la fourniture aux clients finaux de copies de mauvaise qualité.
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, elle rappelle que les intimées sont d'anciens distributeurs de ses produits et ont donc agi en toute connaissance de cause, que les joncs en cause ne sont jamais vendus seuls mais toujours avec les accessoires associés, et ont ainsi profité des investissements importants qu'elle avait exposés.
La société Modular Signs soutient que l'appelante ne fournit aucune démonstration, ni justification de l'existence des préjudices allégués au titre des prétendues contrefaçon et concurrence déloyale. Elle s'étonne de l'augmentation du montant réclamé entre la première instance, passant de 100 000 à un total de 691 132 en appel, qui démontrerait l'inanité des prétentions indemnitaires de la société Isermatic Systèmes. Elle fait état de la faiblesse de ses ventes à la société Matel Group et de la crise économique qui a frappé l'Espagne.
Elle conteste le préjudice moral invoqué par la société Isermatic Systèmes, en relevant qu'elle n'en justifierait pas.
La société Matel Group relève que l'appelante ne produit aucun élément justifiant de l'existence de son préjudice comme de son montant. Elle avance que dans la précédente affaire les ayant opposés, la société Isermatic Systèmes avait été déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice, et avait acquiescé au jugement.
Sur ce
Vu l'article L. 615-7 du Code de la propriété intellectuelle,
La société Isermatic Systèmes fonde le calcul du préjudice commercial qu'elle aurait subi du fait de la contrefaçon de son brevet sur les ventes de joncs qu'elle déclare avoir réalisées auprès des sociétés Centro Del Rotulo puis Modular Signs d'une part (11663 par an), de la société Matel Group d'autre part (1429 par an).
Toutefois, la société Modular Signs n'a commencé à acheter des joncs couverts par le brevet auprès d'elle qu'en 2010, et si elle reprenait les engagements de Centro Del Rotulo et lui succédait dans ses relations commerciales avec la société Isermatic Systèmes en septembre 2010, il n'est pas établi que le volume des ventes de joncs se serait maintenu au niveau atteint avec le distributeur précédent en Espagne.
Le nombre de joncs vendus par la société Isermatic Systèmes à la société Matel Group, soit 1429 par an, est par ailleurs peu élevé.
En retenant les taux de marge avancés par la société Isermatic Systèmes, celle-ci aurait réalisé ainsi une marge brute annuelle avec ces deux sociétés de 22576 euros.
Le préjudice commercial de la société Isermatic Systèmes devant reposer notamment sur les conséquences économiques négatives de la contrefaçon et la perte subie de ce chef comme sur les bénéfices réalisés par le contrefacteur, son indemnisation ne peut être fixée à l'équivalent de 6 années de la marge brute réalisée sur la vente des joncs lorsque la société Isermatic Systèmes entretenait des relations commerciales avec Centro Del Rotulo puis Modular Signs, alors que c'est la société Isermatic Systèmes qui a cessé de vendre les joncs en question deux années avant les faits de contrefaçon.
Par ailleurs, l'ordre de virement du 28 janvier 2011 produit par la société Isermatic Systèmes pour justifier de la poursuite des relations avec la société Modular Signs étant illisible, aucune conséquence ne pourra en être tirée.
Pour autant, les agissements des sociétés Matel Group et Modular Signs, qui ont importé en France des produits contrefaisants, ont privé la société Isermatic Systèmes d'un manque à gagner sur l'exploitation de ces joncs protégés par ces brevets.
L'expert-comptable de la société Isermatic Systèmes a confirmé que le calcul de marge retenu par cette société était conforme et cohérent avec ses états financiers, et les taux de marge brute qu'elle réalisait sont importants, puisqu'en 2010 ce taux était de 67,1% avec les sociétés Centro Del Rotulo et Modular Signs, de 73,6% avec Matel Group.
Au vu de ce qui précède, et les intimées ne produisant pas de pièces contestant les indications de l'appelante quant au volume des ventes, il sera fait une juste appréciation du préjudice commercial subi par la société Isermatic Systèmes du fait des agissements contrefaisants des sociétés Matel Group et Modular Signs en les condamnant au paiement d'une somme de 60000 euros.
S'agissant du préjudice moral, la société Isermatic Systèmes doit régler le montant des annuités correspondant à ses brevets, ce dont elle justifie, ainsi que de frais de recherche et développement, des frais de conseil, et de publicité et de communication.
Ses inventions sont dévalorisées par l'introduction sur le marché de produits contrefaisants, ce d'autant que ces produits sont présentés comme authentiques et apparaissent d'une qualité inférieure.
Ainsi la société Isermatic Systèmes subit un préjudice moral, qui sera réparé par la condamnation des sociétés intimées au paiement de la somme de 10 000 euros.
S'agissant de la concurrence déloyale et parasitaire, la reprise par les intimées des références, des visuels et moyens de communication développés par la société Isermatic Systèmes est avérée, et leur a permis de bénéficier des efforts de celle-ci aux fins de détourner une partie de sa clientèle.
Pour autant, la société Isermatic Systèmes ne peut solliciter l'indemnisation du fait de la perte de vente des produits annexes au jonc pouvant être utilisés pour le système de tension de toile, pour la vente desquels elle ne justifie pas avoir bénéficié d'une exclusivité, ni que des produits équivalents ne se trouvent pas sur le marché.
Aussi, la société Matel Group et la société Modular Signs seront condamnées au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur la garantie par la société Modular Signs
La société Matel Group demande à être garantie par la société Modular Signs de toute condamnation prononcée à son encontre, en expliquant que cette société est son fournisseur et ne l'a jamais alertée que les produits étaient protégés par des brevets déposés par la société Isermatic Systèmes.
Cependant, la société Matel ayant déjà été condamnée par le Tribunal de grande instance de Lyon le 2 juin 2005 pour des faits de contrefaçon de brevet au préjudice de la société Isermatic Systèmes, elle devait faire preuve d'une particulière vigilance à l'égard des produits fabriqués par cette société ou pour le compte de celle-ci.
Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat du 11 février 2013 que la société Matel Group a affirmé à un client qui l'interrogeait sur les joncs fournis, qu'il s'agissait tous de joncs fabriqués par la société Isermatic Systèmes, alors que certains n'étaient pas des produits authentiques.
De même, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 27 mars 2013 dans les locaux de la société Groupe Atlantis, à l'occasion desquelles ont été trouvés des joncs contrefaisants, le gérant de cette société a déclaré que ces joncs lui avaient été présentés par la société Matel comme étant des joncs Isermatic.
Aussi, la société Matel Group ne peut-elle soutenir qu'elle ignorait que les joncs étaient protégés par des brevets Isermatic.
En outre, la société Matel Group n'établit pas que tous les produits portant dans son catalogue des références très proches de ceux de la société Isermatic Systèmes lui ont été fournis par la société Modular Signs.
Aussi ne sera-t-il pas fait droit à la demande de garantie présentée par la société Matel Group.
Sur les autres demandes
Au vu de la teneur de la décision, il ne sera pas fait droit à la demande reconventionnelle de la société Matel Group.
Il n'apparaît pas justifié, au vu des condamnations prononcées, d'ordonner la communication de pièces sollicitée par la société Isermatic Systèmes.
Le préjudice étant suffisamment réparé par les condamnations prononcées, il ne sera pas fait droit à la demande de publication.
La société Matel Group et la société Modular Signs seront condamnées in solidum au paiement des dépens, ainsi qu'au versement d'une somme totale de 12 000 euros à la société Isermatic Systèmes, cette somme comprenant les frais de saisie-contrefaçon et de constat, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du 17 mars 2016 en ce qu'il a : constaté que la demande tendant à voir écarter la pièce " demande de brevet du 26 janvier 1989 " était devenue sans objet, débouté les sociétés Matel Group et Modular Signs de leur demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 11 avril 2013, débouté les sociétés Modular Signs et Matel Group de leur demande de nullité pour défaut de nouveauté et d'activité inventive des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet français n°02 07710 et des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet EP n° 0 646 792 dont la société Isermatic Systèmes est titulaire, débouté la société Matel Group de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'infirme pour le surplus, et, statuant à nouveau, dit que les sociétés Matel Group et Modular Signs ont commis des actes de contrefaçon reproduisant les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 du brevet européen n° 1646792, et les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 du brevet français n°0207710 en ayant participé à l'importation et à la vente de profilés et fixation reproduisant les caractéristiques couvertes par lesdites revendications, les condamne in solidum à verser à la société Isermatic Systèmes la somme de 70 000 euros au titre de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de brevets, dit que les sociétés Matel Group et Modular Signs se sont rendues coupables de faits de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice de la société Isermatic Systèmes, les condamne in solidum à verser à la société Isermatic Systèmes la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, fait interdiction aux sociétés Matel Group et Modular Signs de poursuivre les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, trente jours après la signification de l'arrêt, condamne in solidum les sociétés Matel Group et Modular Signs à payer à la société Isermatic Systèmes la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Matel Group et Modular Signs S.L. aux entiers dépens, de première instance et de cette procédure.