CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 27 mars 2018, n° 16-24404
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pi-Design AG (Sté), Bodum France (SAS)
Défendeur :
Consortium Ménager Parisien (SAS), Atmospheres International (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
Avocat :
Me Micallef
Exposé du litige
La société de droit suisse PI-Design, qui appartient au groupe Bodum, lequel est spécialisé dans la commercialisation d'articles ménagers, est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le modèle communautaire de " verre à boire " dit Pavina, déposé le 23 juillet 2004 sous priorité d'un dépôt danois du 18 février 2004 et enregistré sous le n° 206545-0002 en classe 07-01 de la classification de Locarno, qui comporte les 4 représentations graphiques suivantes :
La société Bodum France est chargée de la distribution en gros et en détail de tous les produits du groupe Bodum en France.
La société Consortium Menager Parisien (ci-après, la société CMP) a pour activité l'achat, la vente, la fabrication en gros, demi-gros et détail de tous produits dérivés du plastique, de tous produits ménagers, articles de bazar, jouets et tous autres articles similaires, ainsi que toute opération industrielle commerciale ou financière, mobilière ou immobilière pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou à tout objet similaire ou connexe.
La société Atmosphères International a pour activité, qu'elle exerce dans des magasins à l'enseigne " Pier Import ", la vente aux particuliers de produits de décoration d'intérieur et d'art de la table, de cadeaux, de meubles et de linge de maison.
Invoquant la vente dans un magasin parisien " Pier Import ", sous l'appellation Saveur et Dégustation (SD), de produits importés par la société CMP, quasiment identiques au modèle n° 206545-0002, les sociétés PI-Design et Bodum France ont été autorisées, par ordonnances rendues sur requête par le délégataire du président du Tribunal de grande instance de Paris le 19 juin 2015, à faire procéder à des saisies-contrefaçons dans les locaux des sociétés CMP et Atmosphères International. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 15 juillet 2015.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier en date du 5 août 2015, les sociétés PI-Design et Bodum France ont assigné les sociétés CMP et Atmosphères International devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de modèle communautaire et en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 10 novembre 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société CMP à la société Bodum France ;
prononcé la nullité pour défaut de caractère nouveau de l'enregistrement du modèle communautaire de " verre à boire " dit Pavina déposé le 23 juillet 2004 sous priorité d'un dépôt danois du 18 février 2004 et enregistré sous le n° 206545-0002 en classe 07-01 de la classification de Locarno ;
ordonné la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'OHMI, par le greffe ou la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;
déclaré en conséquence irrecevables les demandes de la société PI-Design au titre de la contrefaçon de modèle ;
rejeté les demandes des société PI-Design et Bodum France au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
constaté que l'action en garantie de la société Atmosphères International est sans objet ;
rejeté les demandes des sociétés CMP et Atmosphères International au titre la procédure abusive ;
rejeté les demandes de la société PI-Design et de la société Bodum France au titre des frais irrépétibles ;
condamné in solidum les sociétés PI-Design et Bodum France aux dépens et au paiement aux sociétés Atmosphères International et CMP de la somme de 5 000 à chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 5 décembre 2016, les sociétés PI-Design et Bodum France ont interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 juin 2017, le conseiller de la mise en état a débouté les sociétés Atmosphères International et CMP, intimées, des incidents qu'elles avaient formés, tendant à voir déclarer l'appel des sociétés PI-Design et Bodum France irrecevable et subsidiairement caduc.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, signifiées le 12 janvier 2018, les sociétés PI-Design et Bodum France, poursuivant l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a déclaré la société Bodum France recevable en ses demandes et rejeté les demandes pour procédure abusive, demandent à la cour :
de débouter les sociétés CMP et Atmosphères International de toutes leurs demandes,
de juger que les sociétés CMP et Atmosphères International, en offrant, mettant sur le marché, important, exportant, utilisant et stockant à ces fins les verres à expresso double paroi S&D Saveur et Dégustation, ont commis :
des actes de contrefaçon du modèle communautaire n° 206545-0002 au préjudice de la société PI-Design,
des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bodum France,
à titre subsidiaire, de juger qu'en commercialisant les verres incriminés qui constituent une copie quasi servile du modèle de verre Pavina, les sociétés CMP et Atmosphères International ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés PI-Design et Bodum France,
en tout état de cause, de juger que les sociétés CMP et Atmosphères International ont commis des actes de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés PI-Design et Bodum France,
en conséquence :
d'interdire aux sociétés CMP et Atmosphères International de fabriquer, offrir, mettre sur le marché, importer, exporter, utiliser et stocker les verres incriminés, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
de condamner in solidum les sociétés CMP et Atmosphères International à verser :
à chacune d'elles la somme de 50 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon, qui constituent des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bodum France,
à la société PI-Design la somme de 50 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon,
à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés CMP et Atmosphères International à verser à chacune d'elles la somme de 75 000 , à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et moral résultant des actes de concurrence déloyale,
en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés CMP et Atmosphères International à leur verser la somme de 150 000 , à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence parasitaire,
de condamner in solidum les sociétés CMP et Atmosphères International à leur verser la somme de 40 000 , en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 10 novembre 2017, la société CMP, poursuivant l'infirmation partielle du jugement, demande à la cour :
à titre principal :
de déclarer la société Bodum France irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir,
de déclarer irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes :
de la société PI-Design au titre du préjudice commercial résultant d'actes de contrefaçon,
de la société Bodum France au titre de la contrefaçon du modèle Pavina,
des sociétés Bodum France et PI-Design au titre des actes parasitaires,
de confirmer le jugement en ce qu'il a :
prononcé la nullité pour défaut de caractère nouveau de l'enregistrement du modèle communautaire de verre à boire dit Pavina,
ordonné la communication de la décision une fois celle-ci devenue définitive à l'OHMI par le greffe ou la partie la plus diligente pour inscription sur les registres,
déclaré irrecevable les demandes de la société PI-Design au titre de la contrefaçon de modèle,
rejeté les demandes des sociétés PI-Design et Bodum au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
constaté que l'action en garantie de la société Atmosphères International est sans objet,
condamné in solidum les sociétés PI-Design et Bodum à lui payer la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
à titre subsidiaire :
de dire que les sociétés PI-Design et Bodum ne justifient d'aucun préjudice et les débouter de l'intégralité de leurs demandes,
à titre plus subsidiaire :
de limiter le montant des dommages et intérêts qui pourraient être accordés à un montant très symbolique,
de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de condamner les sociétés PI-Design et Bodum in solidum à lui payer à la somme de 50 000 à ce titre,
en tout état de cause,
de condamner les sociétés PI-Design et Bodum in solidum à lui payer la somme de 20 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 5 mai 2017, la société Atmosphères International demande :
à titre principal :
la confirmation du jugement en ses dispositions relatives :
à la nullité pour défaut de caractère nouveau de l'enregistrement du modèle communautaire de " verre à boire " dit Pavina déposé le 23 juillet 2004 sous priorité d'un dépôt danois du 18 février 2004 et enregistré sous le n° 206545-0002 en classe 07-01 de la classification de Locarno,
à la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'OHMI, par le greffe ou la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres,
à l'irrecevabilité des demandes de la société PI Design au titre de la contrefaçon de modèle,
au rejet des demandes des sociétés et Bodum France au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et des frais irrépétibles, aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile,
son infirmation pour le reste et :
à la condamnation solidaire des sociétés PI Design et Bodum France à lui payer la somme de 50 000 à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial,
à la condamnation des sociétés PI Design et Bodum France à lui verser chacune la somme de 10 000 au titre de l'article 700,
à titre subsidiaire :
la réduction des condamnations prononcées à son encontre à de plus justes proportions,
en tout état de cause, la condamnation de la société CMP à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2018.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la recevabilité de la société Bodum France au regard de sa qualité à agir
Considérant que la société CMP conteste la recevabilité des demandes de la société Bodum France, faisant valoir que celle-ci ne démontre pas sa qualité de licenciée du modèle litigieux dès lors que les documents qu'elle produit ne mentionnent pas le modèle Pavina ;
Que la société Atmosphères International ne développe aucun moyen sur ce point ;
Que les sociétés appelantes PI Design et Bodum France demandent la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ;
Considérant que la société Bodum France ne fonde ses demandes que sur la concurrence déloyale et parasitaire que ce soit, à titre principal, pour demander réparation du préjudice résultant pour elle des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société PI-Design et qui constituent à son égard des actes de concurrence déloyale, ou, à titre subsidiaire, pour demander réparation, comme la société PI Design, d'actes de concurrence déloyale, et 'en tout état de cause' pour demander réparation, comme la société PI Design, d'actes de parasitisme ;
Qu'il est justifié et au demeurant non contesté que la société Bodum France est le distributeur en France de tous les produits du groupe Bodum, et notamment du verre Pavina issu du modèle communautaire n° 206545-0002 ; qu'elle est donc recevable en toutes ses demandes, sans qu'il y ait lieu d'examiner si elle est bénéficiaire d'une licence pour ledit modèle ;
Que, pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de la société CMP ;
Sur la contrefaçon du modèle communautaire n° 206545-0002 dit Pavina de la société PI-Design
Sur la validité du modèle n° 206545-0002
Considérant que l'article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ;
Qu'en application de l'article 5 § 1 b) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité ; que l'article 5 § 2 indique que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ;
Qu'en application de l'article 6 § 1 b) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité ; que l'article 6 § 2 indique en outre que pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ;
Que par ailleurs, l'article 8 § 1 du même règlement dispose qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ;
Sur la nouveauté du modèle Pavina
Considérant que les sociétés appelantes, soulignant que le modèle Pavina bénéficie d'une " présomption de validité " renforcée " " compte tenu de décisions rendues tant par la division d'annulation de l'OHMI et la chambre de recours que par le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement définitif en date du 17 décembre 2015, soutiennent que le tribunal a dénaturé le modèle quant à sa double paroi, a attribué, à tort, à l'espace entre les deux parois une fonction exclusivement technique de non transmission de la chaleur ou du froid, et n'a pas tenu compte de l'impression d'ensemble produite par le modèle ; qu'elles arguent que la double paroi du modèle est bien constituée de deux parois, qui ont chacune une face interne et une face externe, que l'espace entre ces deux parois est un espace vide (ou donnant l'impression du vide), ce qui ressort notamment de l'ombre apparaissant dans la vue de trois-quarts, que la double paroi constitue un élément essentiel de l'esthétique du produit, " conférant au verre une apparence de légèreté en donnant l'impression que la partie intérieure du verre destinée à accueillir le liquide est flottante, suspendue, comme une sorte de balancelle " et que le modèle US D438,430, considéré par le tribunal comme privant de nouveauté le modèle Pavina, ne divulgue pas un verre à double paroi, mais représente les deux faces, interne et externe, d'une même paroi, épaisse ; qu'elles ajoutent que les différences entre le modèle Pavina et le dessin industriel US D438,430 sont nombreuses et non insignifiantes aux yeux d'un utilisateur averti ;
Que la société CMP fait valoir qu'avant le jugement déféré, l'absence de nouveauté et de caractère individuel du modèle opposé avait déjà été sanctionnée par la Cour fédérale du Canada dans une décision du 26 septembre 2012 concernant un dessin industriel enregistré par la société PI-Design au Canada sous le n° 107736, identique à celui enregistré auprès de l'OHMI sous le n° 206545-0002, la cour canadienne ayant retenu l'existence de plusieurs antériorités destructrices de la nouveauté du modèle invoqué ; qu'elle ajoute que le modèle litigieux est aussi antériorisé, outre par le brevet US D438,430 déposé le 11 août 1999 retenu par le tribunal, par un modèle CRYSTALEX 994634-001 déposé le 22 juillet 1999 en France et n° 28972 en République Tchèque, un modèle US Patent Office n° 122, 393 enregistré le 10 septembre 1940 et un modèle n° DM 050969 déposé le 23 février 2000 par la société Arc International et que s'il existe quelques différences, celles-ci sont infimes, de sorte que le modèle Pavina ne peut être considéré comme nouveau ;
Que la société Atmosphères International présente la même argumentation, ajoutant i) que le tribunal a retenu, à juste raison, que rien ne permettait d'affirmer que l'espace entre les deux parois du verre Pavina était vide, cet espace pouvant contenir un liquide ou un gel transparent, ii) que les dessins graphiques contenus dans les écritures des sociétés appelantes accentuent en les dénaturant les traits figurant au dépôt auquel il convient de se reporter, iii) que devant la juridiction canadienne, les sociétés appelantes avaient convenu que l'espace entre les doubles parois avait une fonction utilitaire non protégée, de sorte qu'elles sont mal venues à soutenir désormais que cette spécificité prétendue des verres Pavina serait plus esthétique que fonctionnelle, iv) qu'en application de l'article 8 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001, les doubles parois du verre litigieux et l'espace entre ces parois ne peuvent pas être prises en compte pour comparer les modèles car il s'agit de caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ;
Considérant que le tribunal a justement relevé que la nouveauté d'un dessin ou modèle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément, que seule l'identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté, la similitude des modèles ne l'excluant en revanche pas, et qu'il appartient à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose ;
Considérant que le dépôt comprend les quatre représentations graphiques reproduites supra (vues de trois quarts en plongée, de profil, de dessus et de dessous) et pour seule description : " verre à boire " ; que des quatre représentations graphiques, il ressort un verre de forme arrondie, nettement plus large en son sommet qu'en sa base, tous deux parfaitement circulaires ; que le bord extérieur (destiné à être en contact avec la main) et le bord intérieur (destiné à être en contact avec le liquide contenu dans le verre) du verre sont dessinés chacun par deux traits parallèles légèrement ombrés ; que la base du verre sur la paroi extérieure est plane alors que la base de la paroi intérieure est pointue et arrondie vers le bas, de forme nettement ovoïde ; qu'enfin, l'espace entre les parois extérieure et intérieure du verre, partant du buvant, va en s'épaississant jusqu'à la base et donne l'impression que la partie intérieure du verre est en suspension ;
Que la présence d'un double trait légèrement ombré pour figurer les bords extérieur et intérieur du verre accrédite la thèse des appelantes d'un verre à double paroi, celle-ci étant constituée de deux parois ayant chacune une face interne et une face externe ; qu'au contraire du tribunal qui a estimé que rien ne permet de déterminer la matière qui compose l'espace entre les deux parois du verre, ni si cet espace est vide ou plein, la cour observe que la représentation graphique du verre, notamment celle du verre vu de trois quarts en plongée, fait apparaître nettement une ombre à la fois dans le fond de la paroi extérieure et dans le fond de la paroi intérieure de forme ovoïde, la présence de cette ombre conduisant la cour à retenir que le fond de la paroi intérieure se reflète sur le fond de la paroi extérieure et, par conséquent, que l'espace entre les deux parois du verre est vide, cet espace étant, de plus, représenté en blanc (hormis l'ombre projetée) comme l'intérieur, vide, du verre, et non pas grisé comme l'épaisseur de chacune des parois ;
Que si les deux parois et l'espace vide les séparant présentent un caractère technique évident, en ce qu'ils permettent la non transmission de la chaleur ou de la fraîcheur du liquide destiné à être contenu dans le verre, ils ne sont pas exclusivement imposés par cette fonction technique et présentent également un aspect esthétique essentiel en conférant au verre une légèreté remarquable, donnant l'impression que la partie intérieure du verre, destinée à accueillir le liquide, est flottante et en suspension, cette esthétique particulière ayant été, au surplus, récompensée par divers prix de design (Reddot Design Award 2005, IF Product DesignAward) comme en justifient les appelantes ;
Considérant que le brevet US D438,430 intitulé " drinking glass ", déposé le 11 août 1999 par la société Crystalex, ne divulgue pas un verre à double paroi constituée de deux parois avec un espace vide entre elles, mais un verre présentant une seule paroi épaisse, représentée en hachures sur les figures 2 ou 6 du document ; qu'en outre, ces verres sont plus resserrés vers le haut que le modèle invoqué et ne présentent pas en partie basse la même forme ovoïde ;
Que les intimées invoquent en outre des antériorités retenues par la Cour fédérale du Canada dans la décision du 26 septembre 2012 précitée ; qu'il s'agit :
- d'un verre " pièce TX-97 " et d'un verre " pièce TX-106 " qui dateraient respectivement de 1897 et de 2000 mais dont les reproductions fournies, peu lisibles, ne permettent pas de vérifier qu'ils comportent une double paroi constituée de deux parois avec un espace vide entre elles, et qui sont en outre de forme différente, plus évasée et abaissée que celle du modèle invoqué,
- d'un verre " TX-105 " qui correspond manifestement à celui du brevet US D438,430,
- d'une salière à double paroi (" double-walled salt dish ") " TX-168 " dont la forme, rétrécie puis évasée dans la partie inférieure, est très différente de celle du modèle invoqué ;
Que la société CMP invoque encore :
un modèle Crystalex 994634-001 déposé le 22 juillet 1999 en France et n° 28972 en République Tchèque ; que le modèle tchèque constitue le dépôt de priorité du modèle US D438,430 et comporte des figures identiques à celles reproduites dans ce dernier et déjà présentées ; que les autres figures et photographiques qu'il contient confirment l'absence d'une double paroi et la présence d'une paroi unique ; que de même, le modèle français est, lui aussi, déposé sous priorité de ce modèle tchèque et la figure qu'il contient est issue de ce dépôt de priorité, de sorte qu'il n'est pas plus pertinent ;
un modèle US Patent Office n° 122, 393, enregistré le 10 septembre 1940, qui ne présente pas une double paroi constituée de deux parois avec un espace vide entre elles, mais une seule paroi épaisse représentée en hachures, qui est plus haut et dont le bord supérieur est plus resserré que le modèle Pavina ;
un modèle n° DM 050969 déposé le 23 février 2000 par la société Arc International qui correspond manifestement à la " pièce TX-106 " visée dans la décision canadienne et qui doit être écartée pour les raisons exposées plus haut ;
Que les éléments d'art antérieur invoqués par les sociétés CMP et Atmosphères International ne sont donc pas pertinents pour détruire la nouveauté du modèle Pavina, n'étant pas identiques à ce modèle en raison de différences qui ne constituent pas des détails insignifiants ;
Sur le caractère individuel du modèle Pavina
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que les modèles qui leur sont opposés produisent des impressions visuelles radicalement différentes sur l'utilisateur averti, faisant valoir que seul le modèle Pavina se caractérise par une impression de légèreté, comme si le verre représenté par la paroi intérieure était en apesanteur à l'intérieur d'un verre plus large ;
Que les sociétés intimées répondent que, eu égard à la grande liberté du créateur en matière de verres à boire, qui rend les différences de détail de détail peu signifiantes, le verre divulgué par le brevet US D438, 430 produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble identique à celle du modèle litigieux qui se trouve ainsi privé de caractère individuel ;
Considérant qu'en l'espèce, l'utilisateur averti au sens de l'article l'article 6 du règlement n° 6/2002 précité peut être défini comme une personne qui achète des objets de cuisine ou de vaisselle design en général, et notamment des verres à boire, connaît les produits de ce type disponibles sur le marché ou s'informe sur ce type de produits et fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les acquiert ou les utilise ;
Considérant que s'il est vrai que la liberté du créateur en matière de verres à boire n'est pas particulièrement restreinte, ces produits pouvant, comme le souligne à juste raison la société CMP, tout en assurant la fonction technique de contenant préhensible par une main humaine permettant l'ingestion d'un contenu liquide, présenter des formes, des hauteurs, des proportions et des couleurs très variables, le modèle Pavina, en raison de l'espace vide entre ses deux parois, évoque un verre en suspension à l'intérieur d'un autre verre, ce qui suscite une impression de légèreté ; que cette impression de légèreté n'est pas produite par le dessin du brevet US D438,430 qui concerne un verre à paroi unique et pleine allant en s'épaississant vers le bas, ce qui fait apparaître un verre plus lourd et plus tassé ; qu'aucun des autres éléments d'art antérieur invoqués par les sociétés CMP et Atmosphères International et examinés ci-dessus ne produit la même impression de légèreté que celle dégagée par le modèle Pavina ;
Que le modèle litigieux présente par conséquent un caractère individuel ;
Considérant qu'il s'infère de ce qui précède que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité pour défaut de caractère nouveau de l'enregistrement du modèle communautaire de " verre à boire " dit Pavina déposé le 23 juillet 2004 et enregistré sous le n° 206545-0002 ;
Sur les actes de contrefaçon
Considérant que l'article 10 du règlement communautaire n° 6/2002 dispose que la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente et qu'il est tenu compte, pour apprécier l'étendue de la protection, du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ;
Que l'article 19 § 1 du même règlement prévoit que le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement, l'utilisation s'entendant en particulier de la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins ;
Considérant que les appelantes sont fondées à soutenir que les verres à expresso importés par la société CMP et vendus par la société Atmosphères International sous l'appellation ou le signe " S&D Saveur et Dégustation ", ainsi qu'il est établi par les procès-verbaux de saisie- contrefaçon établis le 15 juillet 2015 dans les locaux de ces sociétés, reproduisent de manière quasi servile le modèle Pavina dont ils reprennent, outre les proportions et la transparence, les caractéristiques tenant à la double paroi et à la forme ovoïde ; que la base de la paroi intérieure du modèle Saveur et Dégustation est légèrement plus arrondie que celle du modèle Pavina, sans générer toutefois une impression visuelle globale différente ;
Que les faits de contrefaçon ne sont pas même contestés par les sociétés intimées ;
Qu'en important, offrant et mettant en vente sur le marché français les verres incriminés les sociétés CMP et Atmosphères International ont donc commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société PI-Design ;
Sur la concurrence déloyale invoquée à titre subsidiaire
Considérant que la contrefaçon alléguée à titre principal étant retenue, il n'y a lieu de statuer sur la demande subsidiaire présentée par les sociétés PI-Design et Bodum France au titre de la concurrence déloyale ;
Sur la concurrence parasitaire invoquée à titre principal
Sur la recevabilité des demandes des sociétés PI-Design et Bodum France
Considérant que la société CMP soulève l'irrecevabilité des demandes formées par les sociétés PI-Design et Bodum France au titre d'actes parasitaires, expliquant que ces demandes sont nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Considérant que c'est à juste raison que les sociétés appelantes répondent qu'elles formaient déjà devant le tribunal, à titre subsidiaire, des demandes au titre du parasitisme, sur lesquelles le tribunal a d'ailleurs statué pour les rejeter ; que la demande formée à titre principal en cause d'appel n'est donc pas nouvelle ;
Que la fin de non-recevoir sera par conséquent écartée ;
Sur le bienfondé des demandes
Considérant que les sociétés PI-Design et Bodum France font valoir qu'elles ont réalisé des investissements pour concevoir, fabriquer et promouvoir leur verre Pavina qui a été récompensé par des prix de design et que les sociétés CMP et Atmosphères International se sont engouffrées dans le sillage de ce succès pour en profiter sans bourse délier, tout en portant atteinte à l'image de marque et à la notoriété de Bodum ;
Que la société CMP oppose que les appelantes s'abstiennent de faire la démonstration d'une faute liée à un préjudice par un lien de causalité et ne rapportent la preuve ni de sa volonté délibérée de se placer dans leur sillage et de tirer profit de leurs efforts, ni de ce qu'elle aurait diffusé un verre qualité médiocre ; qu'elle fait valoir qu'il relève de la liberté du commerce de commercialiser moins cher des produits similaires et qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits dont la société PI-Design réclame la protection et ceux qu'elle-même commercialise, en raison notamment de leur emballage blanc recouvert en plusieurs endroits et de façon très apparente de la marque " Saveurs et Dégustation ", du logo 'S&D' et de sa dénomination sociale, présentation très différente que celle adoptée par la société Bodum France avec un " packaging " de couleur noire sur lequel apparaît de façon très apparente la marque " Bodum " écrite en blanc dans un rectangle rouge ; qu'elle ajoute que les circuits de distribution sont différents et que ces modèles de verre sont communs et vendus par d'autres concurrents, dont la société Villeroy et Boch ;
Que la société Atmosphères International répond quant à elle que les sociétés appelantes ne démontrent pas qu'elle aurait bénéficié d'une quelconque valeur économique à leur détriment en commercialisant des verres à double paroi qui n'ont rien d'original, qui ne sont donc pas le fruit d'investissement coûteux ou d'un savoir-faire propre et se trouvent également commercialisés sous des marques connues comme Villeroy et Boch ou par des enseignes de moindre notoriété ; qu'elle rappelle que le fait de commercialiser moins cher des produits similaires relève de la liberté du commerce et ne constitue pas à lui seul un acte de concurrence déloyale et ajoute qu'il ne peut lui être reproché de vouloir se placer dans le sillage de la notoriété de Bodum, l'enseigne Pier Import sous laquelle elle exerce son activité ayant une notoriété supérieure ;
Considérant que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 Code civil que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à se placer dans le sillage d'un autre opérateur économique et à tirer profit sans bourse délier d'une valeur économique de ce concurrent, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;
Qu'en l'occurrence, les parties sont en concurrence sur le même marché, l'affirmation de la société CMP, au demeurant non étayée, selon laquelle les verres opposés seraient commercialisés dans des circuits de distribution distincts n'étant pas vérifiée ;
Qu'au-delà de la copie quasi-servile des verres Pavina, les sociétés CMP et Atmosphères International ont diffusé le produit contrefaisant dans un emballage contenant deux verres, à l'instar de l'emballage du verre Pavina, et de dimensions similaires, cet emballage faisant apparaître que l'un des verres est empli de café comme, sur la boîte Bodum, les deux verres Pavina ; que l'emballage du verre Saveurs et Dégustation porte l'indication très apparente (sur fond fushia) qu'il s'agit de verres à " double paroi ", comme le " packaging " Bodum qui indique " Verres termo double paroi " ;
Que l'impossibilité d'un risque de confusion, en raison de l'apposition sur l'emballage des verres du signe " S&D SAVEURS ET DEGUSTATION " et de la mention, du reste très discrète, " Groupe CMP ", à la supposer avérée, est sans emport, les sociétés appelantes invoquant le parasitisme qui ne suppose pas, pour être caractérisé, l'existence d'un tel risque ;
Que les sociétés appelantes établissent la réalité de leurs investissements concernant notamment le verre Pavina en produisant des catalogues et dépliants promotionnels pour 2005, 2007, Noël 2008, 2013 ; qu'il est justifié, par ailleurs, que le verre Pavina a fait l'objet d'une promotion dans la presse et la littérature culinaires (Elle à table juillet/août 2008, Maison Magazine mars/avril 2008, Marie-Claire Maison décembre 2001/janvier 2012, Verr'in...) et de partenariats (Carte Noire, Lipton) et que le modèle Pavina, comme il a été dit, a été primé, autant de circonstances propres à lui conférer une certaine notoriété ;
Que le verre Saveurs et Dégustation, vendu au public moins de 6 (la boîte de deux verres), alors que les deux verres Pavina sont proposés au prix public de 20 environ, ne présente pas de valve en silicone sous le fond du verre, contrairement au verre Pavina, valve dont l'emballage Bodum enseigne qu'elle permet " d'ajuster en permanence la pression de l'air qui est contenu dans la double paroi du verre " et donc, comme l'expliquent les appelantes, d'éviter des variations de pression pouvant entraîner une fêlure ou une brisure du verre au contact de la chaleur ou du froid ; qu'il peut donc être admis que le verre contrefaisant, vendu près de trois fois moins cher, est, si non de qualité " médiocre " comme l'affirment les appelantes, mais de moindre qualité que le verre Pavina qui a ainsi subi une banalisation et partant, une certaine dévalorisation du fait de la mise en vente du produit contrefaisant ;
Que la prétendue notoriété supérieure de l'enseigne " Pier Import " par rapport à la marque " Bodum ", laquelle est généralement associée à des produits de qualité au design recherché, n'est nullement démontrée ;
Qu'aucun investissement n'est justifié par les intimées pour la création ou la promotion du verre à expresso Saveurs et Dégustation ;
Que l'ensemble de ces éléments conduit à retenir que les sociétés CMP et Atmosphères International se sont rendues les auteurs d'actes distincts de concurrence parasitaire en se plaçant délibérément dans le sillage des sociétés PI-Design et Bodum France afin de profiter, sans bourse délier, de leurs investissements réalisés pour la création du modèle et la promotion du verre Pavina ;
Que les sociétés intimées invoquent vainement l'existence d'éventuelles autres contrefaçons du modèle Pavina commises par des tiers à la présente procédure, qui serait inopérante quant à la faute commise ;
Sur les mesures réparatrices
Sur la recevabilité de certaines demandes des sociétés PI-Design et Bodum France
Considérant que la société CMP soulève l'irrecevabilité de la demande formée par la société PI-Design au titre d'un préjudice commercial, ainsi que celle présentée par la société Bodum France au titre de la contrefaçon, expliquant que ces demandes sont nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Que la société PI-Design répond que sa demande n'est pas nouvelle au regard des dispositions des articles 565 et 566 du Code de procédure civile et dès lors qu'elle invoquait déjà un préjudice commercial en première instance ; que la société Bodum France oppose, quant à elle, que sa demande était déjà présentée en première instance ;
Considérant qu'aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, " A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n 'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance on de la révélation d'un fait " ; que l'article 565 du même code dispose que : " Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent " ; que selon l'article 566 du même code, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'enfin, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel en application de l'article 567, mais à condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant au sens de l'article 70 du même code ;
Considérant que la société PI-Design sollicitait en première instance, en réparation des actes de contrefaçon, une indemnité provisionnelle de 50 000 en réparation de son " préjudice moral " ;
Que la demande formée en cause d'appel au titre d'un préjudice commercial tend aux mêmes fins que celle présentée aux premiers juges au sens de l'article 565 du Code de procédure civile, visant à obtenir réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ; qu'en outre, elle peut être qualifiée de demande complémentaire, au sens de l'article 566, de celle, concernant le seul préjudice moral, présentée en première instance ou de demande se rattachant à la demande originaire par un lien suffisant au sens de l'article 567 ;
Que c'est par ailleurs à juste raison que la société Bodum France observe qu'elle poursuivait devant le tribunal la réparation du préjudice résultant pour elle, en sa qualité de distributrice des verres Pavina en France, des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société pi-Design, constitutifs à son égard d'actes de concurrence déloyale ; que le tribunal s'est d'ailleurs prononcé sur cette demande pour la rejeter, faute d'avoir retenu la contrefaçon alléguée ;
Que les fins de non-recevoir seront par conséquent écartées ;
Sur les réparations
Sur les indemnités
au titre de la contrefaçon
Considérant qu'en application de l'article L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, 2° le préjudice moral causé à cette dernière et 3° les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon, la juridiction pouvant, toutefois, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n'étant pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;
Considérant que les sociétés intimées font valoir que les demandes de la société PI-Design ne sont fondées ni dans leur principe ni dans leur quantum, que le préjudice ne peut être qu'extrêmement limité puisqu'il ressort de la saisie-contrefaçon que la société CMP n'a vendu à la société Atmosphères International que 36 lots de deux verres pour un prix unitaire de 2,15 HT, que les produits n'ont été proposés au public que dans des quantités infimes et sur une période limitée et que le préjudice invoqué ne peut leur être imputé exclusivement puisque de nombreux de verres du type de ceux revendiqués sont actuellement proposés à la vente ;
Considérant que la masse contrefaisante n'est pas connue ; qu'au cours de la saisie- contrefaçon, la société Atmosphères International a indiqué que les verres, vendus au prix de 5,95 TTC, n'avaient été vendus que dans le magasin Pier Import de Paris Montparnasse et qu'elle n'en avait plus en stock ; qu'ont été présentés un document comptable pour la période 1er janvier 2015/31 juillet 2015 faisant état de 36 lots vendus pour un chiffre d'affaires HT de 137,84 , une facture du groupe CMP concernant 36 lots au prix unitaire HT de 2,15 ; que lors des opérations de saisie-contrefaçon au sein de la société CMP, celle-ci a indiqué que le produit qu'elle commercialisait encore en 2015, était un produit des années 2013/2014 ; que la société CMP a donc approvisionné le marché pendant trois années ;
Que la société PI-Design a subi un préjudice économique (manque à gagner) résultant des ventes des produits contrefaisants ; que pour autant, toutes ses ventes n'auraient pas nécessairement, en l'absence de contrefaçon, été gagnées par la société appelante, compte tenu de la différence de prix des produits en cause ; qu'elle a subi en outre un préjudice moral du fait de l'atteinte à son image de marque résultant de la vente d'un produit contrefaisant de moindre qualité vendu près de trois fois moins cher au sien ;
Que les sociétés intimées invoquent vainement l'existence d'éventuelles autres contrefaçons du modèle Pavina, inopérante quant au préjudice causé comme elle l'est quant à la faute commise, étant précisé, en tant que de besoin, que le préjudice invoqué et réparé dans la présente instance est apprécié au regard des faits imputables aux deux sociétés intimées ;
Qu'en conséquence, la somme de 10 000 sera allouée à la société PI-Design en réparation de son préjudice économique et la même somme en réparation de son préjudice moral ;
au titre de la concurrence parasitaire
Considérant que la société Bodum France commercialise pour la France les produits du groupe Bodum, et notamment les verres Pavina issus du modèle communautaire de la société PI-Design ; que dès lors, les faits qualifiés de contrefaçon à l'égard de la société PI-Design constituent à son égard une faute au titre de la concurrence déloyale et lui causent un préjudice propre, constitué par un manque à gagner et une atteinte aux efforts consentis pour la valorisation de ses boutiques et espaces de vente, qu'il convient de réparer ;
Qu'il sera alloué à la société Bodum France la somme de 10 000 à ce titre ;
Considérant que les préjudices générés par les faits distincts de concurrence parasitaire commis au préjudice des sociétés CMP et Atmosphères International, qui ont entraîné une captation indue de leurs efforts, ainsi qu'une banalisation dévalorisante du verre Pavina, seront réparés par l'allocation à chacune des appelantes de la somme de 5 000 ;
Sur les autres mesures
Considérant que le sens du présent arrêt conduit à faire droit à la demande d'interdiction formée par les sociétés appelantes dans les conditions définies au dispositif de cet arrêt ;
Sur la garantie de la société CMP
Considérant que la société Atmosphères International demande que la société CMP soit condamnée à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
Que la société CMP n'oppose à la demande aucune argumentation particulière ;
Considérant que la société CMP sera condamnée en sa qualité de fournisseur professionnel à garantir la société Atmosphères International de toutes condamnations prononcées à son encontre, que ce soit à titre indemnitaire ou au titre des frais irrépétibles ou des dépens ;
Sur les demandes incidentes en procédure abusive et/ou préjudice commercial
Considérant que le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes formées par les sociétés CMP et Atmosphères International au titre du caractère abusif de la procédure engagée par les sociétés PI-Design et Bodum France et/ou du préjudice commercial qui en aurait résulté ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que les sociétés CMP et Atmosphères International qui succombent seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;
Que la somme globale qui doit être mise à la charge des sociétés CMP et Atmosphères International in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés PI-Design et Bodum France peut être équitablement fixée à 20 000 , en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a : rejeté la fin de non-recevoir de la société CMP concernant la qualité à agir de la société Bodum France, rejeté les demandes des sociétés CMP et Atmosphères International au titre du caractère abusif de la procédure engagée par les sociétés PI-Design et Bodum France et/ou du préjudice commercial qui en aurait résulté, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant, Rejette les demandes d'annulation du modèle communautaire n° 206545-0002, Dit qu'en important, offrant et mettant en vente sur le marché français les verres à expresso " Double paroi " sous le signe Saveur et Dégustation (SD), les sociétés CMP et Atmosphères International ont commis des actes de contrefaçon du modèle communautaire n° 206545-0002 dit Pavina, déposé le 23 juillet 2004 sous priorité d'un dépôt danois du 18 février 2004 et enregistré sous le n° 206545-0002 en classe 07-01 de la classification de Locarno, au préjudice de la société PI-Design et des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bodum France, distributeur, Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire présentée par les sociétés PI-Design et Bodum France au titre de la concurrence déloyale, Rejette la fin de non-recevoir de la société CMP concernant la recevabilité des demandes formées, à titre principal, par les sociétés PI-Design et Bodum France au titre du parasitisme, Dit que les sociétés CMP et Atmosphères International se sont également rendues les auteurs d'actes distincts de concurrence parasitaire au préjudice des sociétés PI-Design et Bodum France, Rejette la fin de non-recevoir de la société CMP concernant la recevabilité des demandes de réparation présentées par les sociétés PI-Design (réparation du préjudice commercial) et Bodum France (réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société PI-Design et constitutifs à son égard d'actes de concurrence déloyale), Condamne in solidum les sociétés CMP et Atmosphères International à payer : - à la société PI-Design : - 10 000 en réparation de son préjudice économique, - 10 000 en réparation de son préjudice moral, - 5 000 en réparation de son préjudice résultant des actes distincts de concurrence parasitaire, - à la société Bodum France : - 10 000 en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à l'encontre de la société PI-Design et constitutifs à son égard d'actes de concurrence déloyale, - 5 000 en réparation de son préjudice résultant des actes distincts de concurrence parasitaire, Interdit aux sociétés CMP et Atmosphères International d'importer, de détenir, d'offrir à la vente, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, les verres contrefaisant le modèle communautaire n° 206545-0002 de la société PI-Design, et ce sous astreinte de 200 par infraction constatée, c'est-à-dire par verre, cette astreinte prenant effet passé un délai d'un mois suivant la signification de cet arrêt, Dit que la société CMP garantira la société Atmosphères International de toutes les condamnations prononcées à son encontre, Condamne les sociétés CMP et Atmosphères International in solidum aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement aux sociétés PI-Design et Bodum France d'une somme globale de 20 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon.