Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-22.612
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Depardieu
Défendeur :
Société Immobilière de Saint-Barthélemy (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Spinosi, Sureau, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme Depardieu que sur le pourvoi incident relevé par la société Immobilière de Saint-Barthélemy ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Immobilière de Saint-Barthélemy (la société Sibarth), spécialisée dans la location de résidence, a confié à Mme Depardieu, prestataire dans le secteur de la communication, différentes prestations aux termes de contrats à durée déterminée prévoyant une base de rémunération forfaitaire annuelle ; qu'un différend est né entre les parties concernant la portée de leur dernier contrat, conduisant la société Sibarth à proposer un nouveau contrat à effet rétroactif ; qu'estimant que cette démarche était une manière déguisée de rompre brutalement et abusivement les relations en cours, Mme Depardieu en a contesté le principe ; qu'un échange de correspondances s'en est suivi concernant les prestations réalisées et les facturations supplémentaires émises par Mme Depardieu ; que, par acte du 15 avril 2013, cette dernière a assigné la société Sibarth devant le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en paiement de diverses sommes, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, et en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; - Attendu que pour dire, sur le fondement de l'action en répétition de l'indu, que Mme Depardieu doit restituer à la société Sibarth la somme de 38 000 euros et la condamner, après compensation de cette somme avec l'indemnisation allouée au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, à payer à la société Sibarth la somme de 8 000 euros, l'arrêt, par motifs adoptés, retient, s'agissant de la facture n° 01 08 2010 émise au titre de la conception graphique du magazine VR, édition 2011/2012, qu'aux termes du contrat du 1er juillet 2010, la conception du magazine Sibarth était incluse dans le forfait et que Mme Depardieu ne saurait revendiquer une somme supplémentaire de conception " graphique " pour un montant supplémentaire de 10 000 euros, cet aspect étant nécessairement inclus dans le processus de création et élaboration de l'ouvrage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat stipulait que le prix indiqué dans la base forfaitaire annuelle ne comprenait pas la conception graphique des documents, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen relevé d'office, dans les conditions de l'article 620 du Code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties : - Vu les articles L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce ; - Attendu qu'en application du premier texte, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; que le second, issu du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la Cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions ; que toute cour d'appel autre que celle de Paris est dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; que la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir ;
Attendu que la Cour d'appel de Basse-Terre confirme le jugement du Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre rendu sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever d'office l'irrecevabilité des demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce formées devant le Tribunal de commerce de Basse-Terre, juridiction non spécialisée, la cour d'appel, qui était elle-même dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige portant sur l'application de ce texte, a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 février 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Fort-de-France.