CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 mars 2018, n° 16-06957
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Afone Monetics (SAS)
Défendeur :
Locam (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Teytaud, Justier, Guerre, Trombetta
Faits et procédure
La société Locam, qui exerce l'activité de location longue durée, a conclu le 26 juillet 1994 avec la société Carte et Services, qui fournit à ses clients du matériel monétique, principalement des terminaux de paiement électronique, une convention de collaboration.
Elles ont ensuite signé une convention de collaboration dite " standard ", le 3 décembre 1998, puis une convention dite " hébergée ", le 6 mai 1999.
Ces conventions ont été complétées par différents avenants, dont le dernier, du 17 septembre 2004, prévoyait des conditions financières particulières pour un engagement de production à hauteur de 4 millions d'euros hors taxes.
Dans le cadre de ces conventions, la société Carte et Services présentait à la société Locam des clients souhaitant acquérir du matériel monétique et bénéficier parallèlement de ses prestations d'installation et de maintenance de ce matériel. Locam achetait auprès de Carte et Services le matériel monétique dont souhaitait bénéficier le client commerçant, puis le mettait en location à destination de ce client. Les contrats conclus étaient donc des contrats tripartites, recouvrant la location longue durée du matériel par Locam et la fourniture des prestations de maintenance de ce matériel par Carte et Services.
En septembre 2004, la société Afone a acquis 100 % du capital de la société Carte et Services.
Selon la société Locam, pour l'année 2005, le montant de matériel financé par la société Locam s'élèverait à 2 319 458 euros, puis à 660 202 euros pour l'année 2006.
La société Carte et Services n'aurait plus présenté de dossiers à financer à la société Locam à compter du mois d'octobre 2006.
La société Carte et Services a, par acte du 29 mars 2010, assigné la société Locam devant le Tribunal de commerce de Saint-Étienne en demande de rétrocessions de sommes, correspondant au reversement de 80 % pendant la période de reconduction tacite des contrats clients, prévu dans les conventions conclues entre les parties.
Par arrêt du 23 juillet 2014, la Cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement de Saint-Étienne en ce qu'il avait jugé que, sauf le cas de cession de matériel à l'issue de la période initiale, le taux à reverser à la société Carte et Services, pour les prestations qu'elle avait fournies était de 80 %, le taux de 20 % n'ayant vocation à s'appliquer que lorsque l'apporteur avait sollicité la cession du matériel à l'issue de la période irrévocable de location. La cour a jugé qu'aucun procédé déloyal n'était imputable à la société Carte et Services.
Par acte d'huissier du 9 juin 2010, la société Locam a fait assigner la société Carte et Services, nouvellement dénommée Afone Monetics, devant le Tribunal de commerce de Lyon, en rupture brutale des relations commerciales établies, survenue en 2006.
Par jugement du 23 février 2016, ce tribunal a :
- condamné la société Carte et Services à payer à la société Locam la somme de 605 588,24 euros, en dédommagement de la rupture brutale intervenue en octobre 2006 (préavis de six mois),
- condamné la société Carte et Services à payer à la société Locam la somme de 100 000 euros au titre de son comportement déloyal à l'égard de la société Locam,
- débouté la société Carte et Services de l'intégralité de sa demande reconventionnelle,
- condamné la société Carte et Services à payer à la société Locam la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Carte et Services aux entiers dépens de l'instance.
LA COUR
Vu l'appel du 21 mars 2016 de la société Afone Monetics (aux droits de Carte et Services),
Vu l'appel interjeté le 27 mai 2016 par la société Locam,
Vu l'ordonnance de jonction du 29 novembre 2016,
Vu les conclusions de la société Afone Monetics du 24 octobre 2016 (aux droits de la société Carte et Services), dans lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1134 et 1147 du Code civil dans leur version applicable en l'espèce, 455 et 458 du Code de procédure civile, vu le jugement et l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 23 juillet 2014,
- recevoir Carte et Services en son appel,
- dire l'appel incident de Locam non fondé et débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- constater l'absence de relations commerciales établies, subsidiairement l'absence de rupture brutale, encore plus subsidiairement le caractère infondé et, en toute hypothèse, surestimé du préjudice réclamé,
- s'agissant des prétendus actes déloyaux de Carte et Services :
- constater l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 23 juillet 2014, subsidiairement l'absence de faute de Carte et Services, encore plus subsidiairement le caractère infondé et, en toute hypothèse, surestimé du préjudice réclamé,
- condamner reconventionnellement Locam pour procédure abusive à hauteur d'une somme de 100 000 euros,
- condamner en toute hypothèse Locam :
- à payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société Locam du 26 décembre 2016, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1134 et s et 1382 du Code civil dans leur version alors en vigueur,
- dire non fondé l'appel principal comme incident de la société Afone Monetics,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à, faisant droit à l'appel incident comme principal de la société Locam :
- fixer à dix-huit mois la durée du préavis requis au regard de l'ancienneté de la relation commerciale et porter en conséquence à 1 816 765 euros l'indemnité pour brusque rupture due par la société Afone Monetics à la concluante,
- comme abusif des agissements d'Afone Monetics qui ont précédé et suivi la rupture,
- subsidiairement, avant dire droit sur le montant des indemnités :
- ordonner une mesure d'instruction confiée à un expert-comptable inscrit sur la liste des experts judiciaires avec mission d'évaluer les dommages subis par la société Locam consécutifs à la brusque rupture ainsi qu'aux agissements déloyaux qui l'ont précédée et suivie
- allouer par provision à la société Locam une somme de 1 275 000 euros (un million deux cent soixante-quinze milles euros) à valoir sur ces réparations,
en tout état de cause,
- condamner la société Afone Monetics à régler à la société Locam une nouvelle indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile d'un montant de 35 000 euros,
- condamner Afone Monetics en tous les dépens de première instance et d'appel ;
SUR CE
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Si, aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Par ailleurs, " les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Sur le point de départ de la relation
Si la société Locam excipe d'un courrier du 27 juillet 1992 adressé par elle à une société de courtage Cofalease pour établir le point de départ de la relation avec la société Carte et Services en 1992, il ressort de l'examen de cette pièce (pièce n° 1 de Locam) qu'une collaboration était envisagée par Locam, sans que soit démontrée l'exécution de ce projet.
Il y a donc lieu en conséquence de retenir comme date d'entrée en relation la convention de collaboration signée entre la société Locam et la société Carte SA (aux droits de laquelle vient Afone Monetics) le 26 juillet 1994.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le caractère établi des relations commerciales
La société Carte et Services prétend que la relation avec la société Locam était, par nature, une relation précaire. Il résulte en effet des trois conventions conclues entre les parties entre 1994 et 1999 que Carte et Services pouvait solliciter Locam pour faire financer le matériel de ses clients ; il ne s'agissait donc que d'une faculté. De plus, aux termes des conditions générales standard établies par Locam, " chacune des parties pourra sans préavis ni indemnité par lettre recommandée avec accusé de réception signifier son intention de ne plus s'engager sur de nouveaux dossiers ". Selon la société Carte et Services, ces conditions générales démontrent la précarité absolue des relations entre les parties. Elle expose en outre que les parties n'avaient conclu aucun engagement de volume, le courrier produit par Locam, du 17 septembre 2004, ne prévoyant pas cet engagement et l'évolution des financements accordés par Locam pour des dossiers présentés par Carte et Services de 2002 à 2006 mettant en évidence des montants très fluctuants (allant de 500 000 euros pour 2002 à 3,5 millions d'euros pour 2003). Elle ajoute que ces relations n'étaient exclusives pour aucune des deux parties.
La société Locam expose qu'elle a acheté auprès de la société Carte et Services du matériel pour un montant total de 26 millions d'euros. Elle soutient que la société Carte et Services lui apportait 3 000 dossiers par an, en moyenne, et 12 000 en gestion constante.
Il résulte des chiffres communiqués par la société Locam, se recoupant en partie avec ceux de Carte et Services, que les deux parties entretenaient chaque année un flux d'affaires important, la seule circonstance que ces montants aient fluctué d'année en année ne privant pas celles-ci de leur caractère prolongé, régulier, significatif et stable, de sorte que la société Locam pouvait augurer que cette relation avait vocation à perdurer, sans que l'absence d'exclusivité ou l'existence d'une clause de résiliation sans préavis suffisent en soi à remettre en cause cette attente.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a estimé qu'il existait bien une relation commerciale établie entre les parties.
Sur la brutalité de la rupture
La société Carte et Services prétend que la rupture ne saurait être qualifiée de brutale, l'arrêt de la présentation de nouveaux dossiers à la société Locam n'entraînant pas une chute brutale des revenus de celle-ci. À court terme, cette situation lui serait même financièrement favorable. La poursuite des contrats en cours garantissait, en toute hypothèse, une certaine stabilité aux relations. En outre, la rupture était prévisible, compte tenu de la clause permettant une résiliation sans préavis.
Mais la prévisibilité de la rupture ne la prive pas de son caractère brutal, lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une notification préalable, octroyant un préavis suffisant. Il n'est pas contesté en l'espèce que la société Carte et Services a totalement arrêté de présenter de nouveaux dossiers à la société Locam à compter d'octobre 2006, sans lui avoir notifié la rupture de la relation au préalable.
Même si cet arrêt des relations commerciales n'a pas fait sentir ses effets immédiatement, compte tenu de l'exécution des contrats en cours, la brutalité de la rupture est donc caractérisée, ainsi que l'ont à juste raison estimé les premiers juges. La société Carte et Services ne peut exciper du trop perçu par la société Locam au titre des loyers qu'elle a continué à percevoir pour l'ensemble des contrats en cours et sur lesquels elle n'a pas reversé à la société Carte et Services la part qui lui revenait, pour prétendre qu'aucune rupture brutale ne saurait être caractérisée. En effet ce contentieux du trop perçu est toujours pendant devant la Cour d'appel de Lyon et est indépendant de la présente instance.
Sur le préavis
La société appelante estime que la durée du préavis a été surestimée par le tribunal, celui-ci ne pouvant, en toute hypothèse, excéder trois mois. Selon elle, le tribunal a pris par erreur comme point de départ de la relation l'année 1992, alors qu'il s'agit de l'année 1994. Par ailleurs il n'a pas pris en considération la part représentée par Carte et Services dans le chiffre d'affaires global de Locam, 0,8 %, ni même l'augmentation considérable du chiffre d'affaires de Locam après la prétendue rupture brutale. Enfin, elle ajoute que la nature purement administrative de l'activité de Locam a pour conséquence que la fin de l'apport de nouveaux dossiers n'a aucun impact sur elle en termes d'organisation, aucun moyen matériel ou humain spécifique n'étant mis en œuvre puisque la société Carte et Services réalisait toutes les prestations matérielles (recherche de clients, sélection, installation et maintenance du matériel).
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause. Le délai de préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.
Compte tenu de la durée des relations, de 12 ans, de la part représentée par la société Carte et Services dans le chiffre d'affaires de la société Locam, dont celle-ci ne conteste pas qu'elle n'excédait pas 0,8 %, de l'absence de dépendance économique et d'investissements spécifiques dédiés à cette relation, il y a lieu d'évaluer à six mois le préavis raisonnable qui aurait du être octroyé à la société Locam. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le préjudice
S'agissant de la marge brute prétendument perdue pendant la période initiale des contrats de location, la société Carte et Services souligne qu'elle a été calculée en considérant que chaque contrat client allait à son terme, ce qui n'est pas réaliste, et que cette marge brute ne tient compte d'aucune charge variable de Locam. S'agissant de la prétendue perte de marge brute pour les contrats qui auraient été poursuivis par tacite reconduction, elle souligne que cette perte n'est pas établie, et, en tout cas, a été surévaluée, aucune charge variable n'étant prise en compte. Elle verse aux débats une méthode de calcul de la société Rossignol et associés, conseils (pièce 22 de Carte et Services), qui souligne l'insuffisance de la méthodologie utilisée par l'expert-comptable de la société Locam.
La société Locam produit une attestation de Monsieur X, expert-comptable, qui évalue sa marge perdue sur 18 mois à 622 219,41 euros et la marge perdue sur les locations reconduites par tacite reconduction par période annuelle à 1 194 545,60 euros HT (1493 182 euros TTC).
Le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.
S'agissant du calcul de la marge prétendument perdue pendant la durée standard des contrats clients, soit 48 mois, l'expert-comptable Monsieur X, prenant pour base la moyenne des trois dernières années d'exploitation (2003-2005), c'est-à-dire la valeur du matériel de Cartes et Services financé par Locam sur cette période, a déterminé un montant de financement mensuel moyen. La marge a été calculée par différence entre le coût de l'emprunt théorique du client qui loue le matériel à la société Locam (12,34 %) et le coût d'un emprunt de même montant au taux de refinancement de Locam (3,70 %).
La société Carte et Services fait justement observer, reprenant les observations de la société Rossignol et associés, que le montant de financement moyen mensuel calculé par la société Locam prend en compte l'année 2003, qui est une année atypique en termes de volume d'activité, ce qui conduit à surévaluer la marge perdue. Il y a lieu de recalculer cette moyenne mensuelle sur les années 2004-2005, qui reflètent plus exactement le flux habituel des relations commerciales entre les parties ; ce calcul aboutit à recalculer, sur 18 mois, une marge de 479 407,82 euros (page 4 des observations de Rossignol et associés).
Par ailleurs la société appelante fait justement état de l'absence de déduction de toute charge variable. La marge perdue sera recalculée sur cette base à 400 000 euros.
Il y a donc lieu d'évaluer la perte de marge subie par la société Locam perdue pendant la durée standard des contrats clients, sur six mois de préavis, à la somme de 133 333 euros (400 000/18 X 6 mois).
S'agissant de la marge perdue au titre des contrats clients qui auraient été reconduits à l'issue de la durée initiale de 48 mois, la société Locam a calculé un pourcentage de reconduction des contrats à l'issue de la période initiale de 2 ans de 58,53 % et une durée moyenne de reconduction des contrats de 23,97 mois, aboutissant à la somme totale de 1 194 545,60 euros.
La société Carte et Services souligne à juste titre que l'expert-comptable de la société Locam a attribué à la société Locam la totalité des loyers afférents à ces contrats, sans tenir compte de la circonstance que 20 % seulement des loyers lui reviennent.
Sur la base de ces éléments, il y a lieu d'évaluer la perte de marge subie par la société Locam au titre du renouvellement des contrats perdus à la somme de 79 636 euros (soit (1 194 545/18 x 6 mois) x 20 %).
La société Carte et Services sera donc condamnée à payer à la société Locam la somme globale de 212 969 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum de dommages-intérêts alloué à Locam.
La cour disposant de suffisamment d'éléments, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise. Sur les actes déloyaux de la société Carte et Services
La société Locam prétend que les circonstances de la rupture, caractérisées par des agissements déloyaux de la société Carte et Services, lui confèrent un caractère abusif.
La société Carte et Services prétend que le jugement doit être annulé pour défaut de motifs, aucune des pièces n'ayant été analysée par le tribunal au titre de ces prétendus agissements déloyaux. Elle ajoute que l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon de juillet 2014 fait obstacle aux prétentions de la société Locam, les deux litiges ayant bien identité de parties, de cause et d'objet. Enfin, elle estime qu'aucun acte déloyal ne lui est imputable et qu'aucun préjudice n'est établi par la société Locam.
La société Locam s'est prévalue, devant la Cour d'appel de Lyon, du fait que la société Carte et Services n'avait pas respecté ses engagements de collaboration en suggérant à ses clients de rompre avec Locam et de continuer les prestations de services au profit d'une société concurrente, la société Afone Financement, filiale du même groupe qu'elle. Elle a soutenu que le comportement de la société Carte et Services était déloyal, celle-ci ayant détourné de la clientèle au profit d'une société concurrente. Il était prétendu (page 18 des conclusions en réponse de la société Locam devant la Cour d'appel de Lyon - pièce 18) qu'un modèle type de résiliation avait été établi par Carte et Services à l'intention des locataires de la société Locam afin qu'ils se tournent vers la société Afone Financement.
La Cour d'appel de Lyon a débouté la société Locam de ses prétentions en affirmant que : " concernant une exécution déloyale de la collaboration, le fait de fournir aux clients un formulaire permettant de résilier le contrat à l'issue de la durée initiale de location ne constitue pas, pour l'apporteur, la société Carte et Services, tenu envers les clients d'une obligation générale d'information, une faute et une déloyauté ".
La société Locam prétend qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée, dès lors que ce moyen tiré des agissements déloyaux de Carte et Services n'était évoqué par elle qu'à titre de défense, au titre de l'exception d'inexécution des obligations de l'apporteur d'affaires, qu'elle opposait au grief de défaut d'exécution de son obligation de reverser 80 % des loyers à la société Carte et services à l'expiration du délai irrévocable de deux ans. Elle ajoute qu'elle ne formulait aucune demande de dommages-intérêts sur ce fondement et l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon n'en fait pas mention.
Mais la demande de la société Locam dirigée contre la société Carte et Services est identique en tout point à celle présentée devant la Cour d'appel de Lyon, ayant le même objet, à savoir voir reconnaître la déloyauté du comportement de la société Carte et Services et en demander une éventuelle réparation, et étant intervenue entre les mêmes parties, peu important que cette demande ait été présentée en défense devant la Cour d'appel de Lyon, et non à titre principal comme dans le présent litige.
Il y a donc lieu d'opposer à cette demande l'autorité de la chose jugée et de la rejeter pour ce motif.
À titre surabondant, la société Locam ne démontre aucunement, par le versement de pièces, l'existence d'une telle déloyauté, les circonstances dans lesquelles sont intervenus les quelques cas de résiliation dont font état les courriers de locataires ; figurant dans son dossier étant insuffisamment renseignées.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société appelante à payer à la société Locam la somme de 100 000 euros.
Sur la demande de condamnation de la société Locam pour procédure abusive
En l'absence de démonstration de l'abus du droit de la société Locam d'ester en justice, la société Carte et Services sera déboutée de sa demande pour procédure abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Locam, succombant au principal, sera condamnée à supporter les dépens ainsi qu'à payer à la société Carte et Services la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris, sauf sur la fixation du point de départ des relations commerciales, sur le quantum de dommages-intérêts alloué à la société Locam en dédommagement du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies et sur la demande de la société Locam pour actes déloyaux de la société Carte et Services, l'infirme sur ces points, et, statuant à nouveau, fixe au 26 juillet 1994 le début des relations commerciales entre les parties, condamne la société Afone Monetics (aux droits de la société Carte et Services) à payer à la société Locam la somme de 212 969 euros, Dit que l'autorité de la chose jugée s'oppose à la recevabilité de la demande de la société Locam tendant à voir condamner la société Afone Monetics (aux droits de la société Carte et Services) pour actes déloyaux, déboute en conséquence la société Locam de sa demande en réparation des pratiques déloyales de la société Afone Monetics, y ajoutant, rejette la demande de la société Afone Monetics fondée sur l'abus de procédure, rejette le surplus des demandes, condamne la société Locam aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société Locam à payer à la société Afone Monetics la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.