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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 mars 2018, n° 16-17710

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CSF (SAS), Carrefour Hypermarchés (SAS)

Défendeur :

Auchan Hypermarché (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Guerre, Moreau-Margotin, Hardouin, Guin

T. com. Meaux, du 4 octobre 2011

4 octobre 2011

FAITS ET PROCÉDURE

Dans la seconde quinzaine du mois de novembre 2009, la société Auchan France a lancé, dans son magasin situé dans le centre commercial Val d'Europe de Marne la Vallée, une campagne publicitaire sous forme d'affiches disséminées dans le magasin, comportant chacune sous la mention du slogan "Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher", la photographie d'un produit accompagné sur la droite du prix Auchan avec en dessous le prix Carrefour et sous le produit un pourcentage négatif. Cette campagne comparait le prix de 20 produits différents de consommation courante, répartis en onze produits vendus par le magasin Carrefour Bay 2 et 4 de Collégien et onze vendus par le magasin Carrefour market de Coupvray (Val de Marne).

Par acte du 18 décembre 2009, la société Carrefour hypermarchés et la société CSF France (les sociétés Carrefour), qui exploitent respectivement les magasins Carrefour Bay 2 et Carrefour market, ont assigné devant le Tribunal de commerce de Meaux la société Auchan France en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et dénigrement.

Par jugement en date du 4 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Meaux a :

- débouté les sociétés Carrefour de leurs demandes ;

- déclaré fondée la demande reconventionnelle de la société Auchan France ;

- condamné in solidum les sociétés Carrefour à payer à la société Auchan France, les sommes de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- mis les dépens à la charge des sociétés Carrefour.

Par arrêt du 18 septembre 2013, la Cour d'appel de Paris a :

- rejeté des débats les conclusions de la société Auchan France signifiées le 27 mai 2013 ainsi que les pièces n° 10 à 13 communiquées par la société Auchan France le 27 mai 2013 ;

- infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Meaux en date du 4 octobre 2011 ; statuant à nouveau,

- dit que la société Auchan France a commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement au détriment de la société Carrefour hypermarchés et de la société CSF France en effectuant à la fin de l'année 2009 une publicité comparative illicite utilisant le slogan " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher " ;

- condamné la société Auchan France à verser à la société Carrefour hypermarchés la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diffusion de la publicité comparative illicite ;

- condamné la société Auchan France à verser à la société CSF France la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diffusion de la publicité comparative illicite ;

- condamné la société Auchan France à verser aux sociétés Carrefour hypermarchés et CSF France la somme globale de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société Auchan France aux dépens de première instance et d'appel.

Sur pourvoi de la société Auchan France, la Cour de cassation, par arrêt du 12 avril 2016, a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, aux motifs :

- qu'en considérant que la publicité ne remplit pas la condition d'objectivité exigée par l'article L. 121-8 du Code de la consommation, après avoir retenu que cette publicité ne repose pas sur un panel suffisamment représentatif de produits couramment consommés, sans rechercher concrètement s'ils étaient représentatifs des différentes catégories de produits consommés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

- qu'en considérant que la publicité ne remplit pas la condition d'objectivité, après avoir retenu que cette publicité repose uniquement sur des produits sélectionnés par la société Auchan elle-même, la cour d'appel a, par un motif impropre à caractériser l'absence d'objectivité, privé sa décision de base légale ;

- qu'en qualifiant la publicité de dénigrante, après avoir retenu que la véracité de la publicité comparative dont le slogan véhicule l'idée que les magasins exploités par les sociétés Carrefour pratiquent des prix nettement, voire très supérieurs à ceux de la société Auchan, n'est ni démontrée ni vérifiable par les consommateurs, la cour d'appel a, par un motif inopérant, privé sa décision de base légale.

Par déclaration du 1er juin 2016, les sociétés CSF et Carrefour ont saisi la cour de renvoi.

PRÉTENTION DES PARTIES

Les sociétés CSF, venant aux droits de CSF France, et Carrefour hypermarchés, par dernières conclusions signifiées le 22 janvier 2018, demandent à la cour, au visa des articles L. 121-2, L. 122-1 et L. 122-2 du Code de la consommation (anciens articles L. 121-1, L. 121-8 et L. 121-9) et 1240 du Code civil (ancien article 1382), de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2011 par le Tribunal de commerce de Meaux ;

statuant à nouveau,

- dire que la société Auchan France a commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement au détriment de la société Carrefour hypermarchés et de la société CSF en effectuant une publicité comparative illicite et trompeuse ;

- débouter la société Auchan France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- faire interdiction à la société Auchan France de diffuser la publicité comparative sur le thème " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher ", sous astreinte de 5 000 euro par infraction et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- condamner la société Auchan France à payer à la société CSF la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diffusion de la publicité incriminée ;

- condamner la société Auchan France à payer à la société Carrefour hypermarchés la somme de 200 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diffusion de la publicité incriminée ;

- autoriser les sociétés Carrefour hypermarchés et CSF à faire publier dans cinq journaux de son choix et aux frais avancés par la société Auchan France, l'arrêt à intervenir ;

- ordonner l'affichage de l'arrêt à intervenir sur les portes du magasin Auchan de Serris pendant une durée d'un mois et ce sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ;

- condamner la société Auchan France à verser à la société Carrefour hypermarchés et à la société CSF la somme globale de 33 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir, au visa de l'article 122-1 du Code de la consommation, que la publicité incriminée est bien dénuée d'objectivité et trompeuse, et donc constitutive de concurrence déloyale pour Carrefour. Elle fait valoir que le défaut d'objectivité de la publicité résulte du caractère erroné des pourcentages mentionnés dans la publicité, qui ont été calculés suivant une méthode différente de celle qui aurait dû être appliquée, compte tenu de la teneur du slogan, et ce, dans le but de creuser l'écart en faveur d'Auchan. Elle argue que la société Auchan a délibérément choisi une méthode de calcul des pourcentages mentionnés dans la publicité incriminée plus favorable, qui ne correspond pas à la méthode qui aurait dû être appliquée, compte tenu de la teneur du slogan.

Elle estime que le tribunal comme la cour n'ont visiblement pas compris que les sociétés Carrefour reprochent à la société Auchan d'avoir mentionné des pourcentages qui ne correspondent pas au message figurant dans la publicité incriminée. En effet, par le slogan " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher " suivi d'un pourcentage négatif relatif à une baisse de prix, la publicité incriminée vise clairement à démontrer qu'Auchan est moins cher que Carrefour de x %, ce qui signifie que le pourcentage indiqué doit être le pourcentage correspondant à l'écart de prix en faveur du prix de vente Auchan par rapport au prix de vente Carrefour, ce dernier étant donc le prix de référence. Cependant, en l'espèce, pour chaque produit comparé, le pourcentage mentionné correspondant à la différence entre le prix de vente Carrefour et le prix de vente Auchan a en réalité été calculé en prenant comme prix de référence le prix de vente Auchan, soit le prix le plus faible, et non le prix le plus élevé, à savoir le prix de vente Carrefour. Le pourcentage calculé par Auchan aurait correspondu au slogan " Carrefour plus qu'Auchan de x % ", et non " Auchan moins cher " accompagné d'un pourcentage négatif. Ce faisant, la société Auchan n'a pas appliqué la formule de calcul générale [(Prix de vente concurrent - Prix de vente annonceur) / Prix de vente annonceur] x 100 dont elle s'est prévalue dès ses conclusions de première instance (page 8), puis dans le cadre de ses conclusions d'appel avant cassation, Dans ces conditions, c'est bien la société Auchan elle-même qui a créé une confusion dans la publicité incriminée, en appliquant une formule erronée à son message publicitaire. En outre, la condition de vérifiabilité n'apparaît pas remplie, dans la mesure où le consommateur se trouve destinataire d'un message dont la traduction comptable n'est pas la bonne. Par ailleurs et surtout, le changement, par la société Auchan, de la base de calcul a eu pour effet de modifier le résultat du calcul de manière à creuser l'écart en faveur du magasin Auchan, et donc en défaveur des magasins Carrefour et Carrefour market.

La société Auchan fait par ailleurs valoir que le slogan, par sa généralité, apparaît en outre gravement trompeur. Or d'après la CJUE considère également comme trompeuse une publicité " s'il est constaté, eu égard à toutes les circonstances pertinentes du cas d'espèce, et notamment aux indications ou aux omissions dont s'accompagne cette publicité, que la décision d'achat d'un nombre significatif de consommateurs auxquels elle s'adresse est susceptible d'être prise [...] dans la croyance erronée que tous les produits de l'annonceur sont moins chers que ceux de son concurrent ". Et la Cour de cassation a considéré que " l'indication, dans une publicité comparative axée sur le faible prix du produit comparé, d'un prix inférieur à celui effectivement pratiqué est nécessairement de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ".

Sur le dénigrement, la société Carrefour, estime, au visa de l'article L. 122-2 du Code de la consommation, que pouvaient être invoqués, non seulement le caractère dénigrant d'une publicité comparative du fait de son illicéité, mais également indépendamment de son caractère illicite. Ainsi, elle considère que le slogan " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher " est à lui seul dénigrant, en ce qu'il laisse entendre comme fait acquis qu'Auchan est l'enseigne la moins chère par rapport à tous ses concurrents, parmi lesquels les enseignes " Carrefour " et " Carrefour market ", qui sont identifiées au sein des affiches incriminées. Une telle affirmation dépasse la simple comparaison, au surplus non fondée, pour porter un jugement dévalorisant à l'égard de ces enseignes, qui ne pourraient donc soutenir être moins chères qu'Auchan. Cette affirmation est d'autant plus dénigrante qu'elle a été affichée alors même qu'une action était déjà pendante à l'encontre de la société Auchan pour incriminer d'autres affichages comparatifs visant Carrefour, et que ces affichages ont été sanctionnés par le Tribunal de commerce de Meaux, par une décision que la société Auchan n'a pas contestée.

Sur le préjudice et les mesures sollicitées, Carrefour fait valoir qu'elle a irrémédiablement subi une perte de clientèle et de chiffre d'affaires, ainsi qu'un trouble commercial, un dommage moral, qui s'infère de ces comportements anticoncurrentiels.

Sur l'absence d'abus du droit d'agir, les sociétés Carrefour prétendent qu'elles n'ont fait qu'exercer leur droit d'agir pour obtenir la cessation d'une publicité illicite et dénigrante ainsi que la réparation du préjudice subi, ce que la diffusion d'une contre-publicité ne permet pas d'obtenir.

La société Auchan hypermarché, anciennement dénommée Auchan France, par conclusions signifiées le 17 janvier 2018, demande à la cour :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Carrefour hypermarchés et la société CSF France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Carrefour hypermarchés et la société CSF France in solidum au paiement à la société Auchan hypermarché d'une indemnité supplémentaire de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle allègue que les griefs des sociétés Carrefour à l'encontre de la publicité incriminée ne sont pas fondés, qu'elles n'établissent pas le moindre dénigrement à leur égard de la part du magasin Auchan, ni le moindre préjudice consécutif aux fautes alléguées.

Sur la mention de la différence de prix sur la publicité incriminée, elle indique qu'il n'est pas démontré que la formule arithmétique utilisée par Auchan n'était pas exacte et que la publicité comparative était trompeuse ; elle observe que les prix en valeur ne sont pas contestés par Carrefour et que cette dernière utilise le même mode de calcul dans ses publicités comparatives. Elle ajoute qu'à supposer par ailleurs qu'il y ait une erreur, elle ne serait pas dans le pourcentage mais dans le fait (allégué mais non démontré) que les clients d'Auchan aient (par hypothèse) pu interpréter les publicités litigieuses en ce que les prix Auchan des produits présentés étaient moins chers du pourcentage indiqué, plutôt que les prix Carrefour étaient plus chers du même pourcentage, comme l'a fait Carrefour dans sa publicité.

Sur le caractère prétendument trompeur du titre de la publicité (" Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher "), elle considère :

- qu'il ne ressort ni de la loi ni de la jurisprudence qu'un nombre minimum de produits serait requis pour satisfaire la condition d'objectivité, que l'exigence d'objectivité de la publicité comparative ne porte pas sur la publicité elle-même, mais sur la manière dont est comparée une caractéristique du produit, et ce, d'autant plus, qu'une publicité n'est pas, par définition, un message neutre ;

- que les conditions de la comparaison étaient en l'espèce lisibles, que le détail de la comparaison était disponible à l'accueil du magasin, que le pourcentage indiqué ne concernait que chacun des produits comparés, qu'il ne s'agissait donc pas d'une moyenne de pourcentages d'un panier de prix comparés.

Sur l'allégation selon laquelle la publicité ne comportait pas de limitation " quant aux enseignes et au territoire visé ", Auchan précise qu'elle avait bien indiqué sur l'affiche le magasin avec lequel elle comparait ses prix, à savoir celui de Carrefour Bay 2 ou celui de Carrefour Coupvray.

Auchan conteste par ailleurs tout dénigrement. Elle souligne que la comparaison des prix ne peut pas en soi constituer un discrédit ou dénigrement d'un concurrent qui pratique des prix plus élevés ; or, les sociétés Carrefour ne font état d'aucun fait susceptible de caractériser un dénigrement ; de plus, la publicité ne contenait aucune mention ou illustration dévalorisante pour Carrefour.

Sur le préjudice, Auchan argue que les sociétés Carrefour échouent à rapporter la preuve d'une faute ou d'un préjudice. Elle souligne que le montant de dommages et intérêts demandé par les sociétés Carrefour est déraisonnable étant donné que la publicité était très circonscrite en ce qu'elle était limitée à l'enceinte du magasin, qu'elle n'était composée que d'une vingtaine d'affiches et qu'elle n'avait duré que quelques jours. Sur la réparation réclamée, elle ajoute que la mesure d'affichage, à l'entrée principale du magasin, du dispositif de l'arrêt rendu demandée par Carrefour ne peut être accordée dans la mesure où elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 121-14 du Code de la consommation.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Considérant que l'article L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause (devenu article L. 122-1) dispose que " Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant les mêmes objectifs ;

3° elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services, dont le prix peut faire partie. " ;

Considérant qu'il est constant que la société Auchan a mis en place, du 18 au 28 novembre 2009, dans son magasin de Marne-la-Vallée, une campagne publicitaire par affiches portant sur une comparaison du prix de vingt produits de consommation courante (pièce Auchan n° 7), vendus par les deux magasins Carrefour Bay 2 de Collégien et Carrefour market de Coupvray ; que chacune des affiches mentionnait :

- le titre " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher. " ;

- la photographie du produit dont le prix était comparé ;

- sous le nom du magasin Auchan Val d'Europe, le prix pratiqué par ce magasin ;

- sur le nom du magasin Carrefour, le prix pratiqué par celui-ci ;

- à gauche du prix du magasin Carrefour, la différence de prix en pourcentage ;

- la mention de la date du relevé de prix et de la possibilité de consulter à l'accueil du magasin Auchan les conditions de la comparaison ;

Considérant, sur le caractère représentatif de l'échantillon retenu, que Carrefour soutient que la publicité présente un caractère trompeur en ce qu'elle ne serait pas représentative au sens de la loi dès lors que les produits comparés sont trop peu nombreux pour permettre une généralisation ;

Considérant que n'est pas, par principe, illicite une publicité qui, se borne à la comparaison des prix de produits identiques, vendus dans les mêmes conditions, par des commerçants différents, contribuant ainsi à assurer la transparence d'un marché soumis à la concurrence ;

Qu'en l'espèce, le message publicitaire " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher " suggère que les prix pratiqués par Auchan sont plus bas que ceux proposés par Carrefour, la présente campagne en constituant une nouvelle preuve ; que toutefois chaque affiche demeure centrée sur un produit particulier, et non sur l'ensemble du magasin Auchan Val d'Europe ; que la comparaison porte sur les prix pratiqués dans le magasin Auchan Val d'Europe et dans les deux établissements Carrefour concurrents pour vingt produits identiques de " consommation courante " (produits alimentaires (riz, purée, pizza, pain, biscuits, huile, beurre, yahourt, boissons non alcoolisés et alcoolisées), produits d'hygiène corporelle (mouchoirs, savons, rasoirs) et produit ménager (sel pour lave-vaisselle), selon le tableau produit par Auchan en pièce n°7, non contesté par Carrefour), soit, en tout état de cause, un panel large de produits de consommation courante ; que Carrefour n'est dès lors pas fondée à invoquer le caractère abusivement général de de la publicité incriminée ;

Mais considérant, sur les écarts de prix, que Carrefour soutient qu'Auchan a délibérément choisi une base de calcul des pourcentages d'écarts de prix plus favorable, qui ne correspond pas à la méthode qui aurait dû être appliquée, compte tenu de la teneur du slogan porté sur les affiches ;

Considérant que le choix, par un annonceur, des paramètres d'une publicité comparative est subordonné au caractère exact et vérifiable de ces paramètres ;

Considérant qu'en faisant état d'un pourcentage négatif relatif à un prix plus bas, la publicité en cause visait à démontrer qu'Auchan est moins cher que Carrefour de x %, de sorte que le pourcentage négatif indiqué (pourcentage de baisse) devait correspondre à l'écart de prix en faveur du prix de vente d'Auchan par rapport au prix de vente de Carrefour ; que toutefois Auchan a appliqué, non la méthode de calcul [(prix de vente Auchan - prix de vente Carrefour) / prix de vente Carrefour] x 100, qui seule répondait à la démonstration poursuivie, mais la formule [(prix de vente Carrefour - prix de vente Auchan) / prix de vente Auchan] x 100 ; que cette inversion a eu pour effet d'afficher des pourcentages de différences de prix creusant l'écart en faveur d'Auchan, et donc erronés ; que, dès lors, la publicité incriminée non seulement ne correspondait pas au slogan affiché, mais était de nature à induire en erreur le consommateur, destinataire de la publicité, sur le montant des économies susceptibles d'être réalisées lors de l'achat de tels biens auprès de l'un plutôt que de l'autre des magasins concernés ; que cet élément confère un caractère trompeur à la publicité litigieuse ; que, sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens soulevés par les sociétés Carrefour, le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;

Considérant que la diffusion d'une publicité comparative illicite constitue un acte de concurrence déloyale engageant la responsabilité de la société Auchan sur le fondement de l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Considérant que la publicité comparative illicite cause nécessairement un trouble commercial constitué en l'espèce par une perte d'image et un préjudice moral ; que le préjudice occasionné sera justement réparé par l'allocation, à titre de dommages et intérêts, à Carrefour Hypermarchés de la somme de 15 000 euro et à CSF de celle de 15 000 euro ;

Que, les sociétés Carrefour n'établissant pas que la publicité comparative sur le thème " Une preuve de plus qu'Auchan est moins cher " se poursuit, elles seront déboutées de leur demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à Auchan de diffuser la publicité en cause ; qu'elles le seront également de leur demande de publication et d'affichage du présent arrêt, ces mesures n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 121-14 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;

Considérant qu'Auchan, qui succombe en appel, sera nécessairement déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité commande de condamner Auchan à payer, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à Carrefour Hypermarchés la somme de 10 000 euro et à CSF celle de 10 000 euro ;

Par ces motifs La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau ; Dit que la SA Auchan Hypermarché a commis un acte de concurrence déloyale au détriment des SAS Carrefour Hypermarchés et CSF en procédant, du 18 au 28 novembre 2009, à une publicité comparative illicite ; Condamne la SA Auchan Hypermarché à payer à la SAS Carrefour Hypermarchés la somme de 15 000 euro et à la SAS CSF celle de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts ; Condamne la SA Auchan Hypermarché à payer à la SAS Carrefour Hypermarchés la somme de 10 000 euro et à la SAS CSF celle de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Auchan Hypermarché aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.