CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 mars 2018, n° 16-09127
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Audim (Sasu)
Défendeur :
Extenso Telecom (Sasu), Bouygues Telecom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
FAITS ET PROCÉDURE
Depuis 1981, la société Audim Telecommunication (ci-après " la société Audim ") exerce une activité de grossiste en téléphonie mobile et gère, sous enseigne " Vivre Mobile ", un réseau de boutiques indépendantes multi marques et multi opérateurs.
La société Extenso Telecom (ci-après " la société Extenso "), filiale à 100 % de la société Bouygues Telecom (ci-après " la société Bouygues ") jusqu'en octobre 2012, date de sa cession à la société Innov 8, a exercé une activité de grossiste de produits et services en téléphonie mobile, du seul opérateur Bouygues.
Le 27 novembre 2008, la société Extenso a consenti à la société Audim un contrat de " distribution-distributeur centraliseur " des offres de produits et services Bouygues qu'elle proposait.
Le 31 octobre 2012, du fait de la cession de sa filiale, la société Bouygues a consenti un nouveau contrat de grossiste à la société Extenso à échéance définitive et irrévocable au 31 décembre 2014.
Le 18 décembre 2012, la société Extenso a adressé à ses partenaires commerciaux une newsletter les informant :
- de la rupture des relations commerciales s'agissant des offres grand public de Bouygues Telecom à échéance du 31 décembre 2014,
- de la modification des conditions de commissionnement pour la période restant à courir de deux ans.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2012, faisant suite à la newsletter du 18 décembre 2012, la société Extenso a notifié à la société Audim la fin des relations contractuelles et commerciales s'agissant des offres grand public de Bouygues Telecom au plus tard le 31 décembre 2014 et lui a proposé :
- soit de signer un avenant au contrat de distribution, qui serait alors applicable jusqu'au 31 décembre 2014,
- soit de maintenir les conditions contractuelles en vigueur, les relations entre les parties devant alors s'interrompre le 30 septembre 2013.
A réception de cette proposition, la société Audim a contesté toute modification des conditions de rémunération. Après discussions, renonçant à la signature d'un avenant, la société Extenso a accepté, le 31 juillet 2013, de poursuivre les relations commerciales existantes jusqu'à la fin de l'année 2014.
Antérieurement, par exploit du 18 juillet 2013, la société Audim a assigné la société Extenso en rupture brutale des relations commerciales établies devant le Tribunal de commerce de Paris et par exploit du 13 mars 2014, elle a assigné en intervention forcée la société Bouygues afin de condamnation in solidum avec la société Extenso.
Par jugement du 22 mars 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 2014018609 et RG 2014018609 sous le numéro unique J2016000138,
- débouté la SAS Audim Telecommunication de l'ensemble de ses demandes
- condamné la SAS Audim Telecommunication à payer à la SA Extenso Telecom la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SAS Audim Telecommunication à payer à la SA Bouygues Telecom la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SAS Audim Telecommunication aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 144,84 euros dont 23,92 euros de TVA.
LA COUR
Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 18 janvier 2018, par lesquelles la société Audim Telecommunication invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1134 alinéa 3, 1109 et 1382 anciens du Code civil, L. 442-6, I, 4° et L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce, à :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- dire que le préavis de rupture du contrat s'entend nécessairement d'une poursuite du contrat aux mêmes clauses et conditions,
- dire que le refus de préavis pendant 7 mois, le refus d'ouverture des codes des boutiques, la cessation de toutes relations commerciales et le blocage des rémunérations dues à la société Audim caractérisent isolément et ensemble une violation des obligations du préavis,
- condamner in solidum les sociétés Extenso Telecom et Bouygues Telecom à payer une somme de 881 976 à titre de dommages et intérêts de préavis,
- condamner la société Extenso Telecom à payer la somme de 145 247,40 euros à titre d'arriérés de rémunérations contractuellement dues, avec intérêts de plein droit à compter de la date des mises en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- dire que la soumission de la société Audim à un contrat comportant des obligations significativement déséquilibrées sous la menace d'une rupture caractérise un abus,
- dire que le défaut de remise en cause des conditions objectives de son agrément ainsi que leur application discriminatoire au partenaire caractérisent un abus de rupture,
- dire que la rupture caractérise un abus de dépendance économique visant à l'éviction discriminatoire du partenaire Audim,
- dire la rupture du contrat Audim-Extenso du 27 novembre 2008 par la société Extenso le 21 décembre 2012, abusive et illégale,
en conséquence,
- condamner in solidum les sociétés Extenso Telecom et Bouygues Telecom à payer une somme de 793 778,40 au titre de l'indemnisation de la perte de chance,
- les condamner à payer in solidum une somme de 5 millions d'euros au titre de la dévalorisation de son fonds de commerce de grossiste multi marques en téléphonie mobile,
- débouter les défenderesses de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Extenso Telecom à payer une somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Extenso Telecom en tous les dépens dont distraction au profit de Maître P.-J., avocat aux offres de droit ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 janvier 2018, par lesquelles la société Extenso, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I et L. 420-2 du Code de commerce, de :
- dire qu'aucune rupture partielle brutale des relations contractuelles n'est intervenue, dès lors que les parties ont maintenu leurs relations contractuelles sous l'égide des dispositions contractuelles en vigueur avant le 21 décembre 2012 et ce, jusqu'au 31 décembre 2014 s'agissant du contrat du 27 novembre 2008,
- dire qu'Extenso Telecom était parfaitement bien fondée, conformément aux dispositions de l'article 11 du contrat conclu avec Audim le 27 novembre 2008, à ne pas renouveler ledit contrat, Bouygues Telecom ayant rompu ses relations contractuelles avec Extenso Telecom, et ce d'autant plus qu'Extenso Telecom a laissé à Audim un préavis de deux ans,
- dire que les dérémunérations notifiées définitivement le 13 mars 2015, d'un montant global de 138 680,76 euros TTC, sont justifiées par des contournements de procédures dont se sont rendus coupables les points de vente du réseau Audim,
- dire que la rupture du contrat du 27 novembre 2008 qui liait Audim et Extenso Telecom n'a aucun caractère abusif,
- dire en tout état de cause qu'Audim ne justifie ni de la matérialité de son préjudice, ni du lien de causalité entre une supposée faute d'Extenso Telecom et le préjudice invoqué par Audim,
par conséquent,
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et débouter Audim de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'Extenso Telecom, fins et conclusions,
- condamner la société Audim à payer à la société Extenso Telecom la somme complémentaire de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel,
- condamner la société Audim aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement au profit de Maître Olivier L. en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 25 janvier 2018, par lesquelles la société Bouygues, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1165 du Code civil, L. 442-6, I, 5°, L. 442-6, I, 4°, et L. 420-2 du Code de commerce, 1134 alinéa 3 et 1109 du Code civil, de :
- dire que les demandes de la société Audim Telecommunication à l'encontre de la société Bouygues Telecom sont mal fondées,
en conséquence,
- débouter la société Audim Telecommunication de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société Bouygues Telecom,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 22 mars 2016,
- condamner la société Audim Telecommunication au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Audim Telecommunication aux entiers dépens de l'instance ;
SUR CE
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Sur les conditions de la rupture
Il résulte de l'instruction du dossier les éléments suivants :
- le 27 novembre 2008, les parties ont conclu, pour une durée déterminée, un contrat de distribution-distributeur centraliseur des produits et services Bouygues Telecom grand public, à effet au 1er octobre 2008 pour se terminer le 31 décembre 2009, renouvelable par tacite reconduction aux mêmes conditions par périodes successives de 12 mois " dès lors que le contrat de grossiste d'Extenso Telecom aura été renouvelé par Bouygues Telecom ", sauf dénonciation 3 mois avant l'échéance de chaque période, par lettre recommandée avec accusé de réception (article 11),
- il était notamment précisé que les parties concluaient, par ailleurs, annuellement une convention-cadre de ventes et de services définissant notamment les conditions de commercialisation des produits,
- le contrat a été renouvelé tacitement, d'année en année, tous les 31 décembre,
- le 31 octobre 2012, la société Bouygues a cédé sa filiale, la société Extenso, à la société Innov 8 et a conclu un nouveau contrat de grossiste avec son ancienne filiale devant prendre fin de façon définitive et irrévocable au 31 décembre 2014,
- le 18 décembre 2012, la société Extenso a adressé à ses partenaires commerciaux une newsletter les informant que n'étant plus, ni elle-même, ni eux, autorisés à commercialiser des offres grands public pour le compte de la société Bouygues à compter du 31 décembre 2014, il serait mis un terme au plus tard à cette date à leurs relations contractuelles et commerciales s'agissant de ces offres dont ils continueront toutefois à disposer pendant les deux années, mais sans possibilité de codification de nouveaux points de vente,
- elle ajoutait qu'elle leur ferait parvenir d'ici la fin de l'année un document contractuel intégrant les modifications liées à la commercialisation des offres compte tenu de l'évolution des conditions commerciales de la société Bouygues,
- par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2012, faisant suite à la newsletter, la société Extenso a notifié à la société Audim la rupture de toutes relations contractuelles et commerciales au plus tard au 31 décembre 2014, lui proposant pour la période de deux ans restant à courir :
* soit la conclusion d'un avenant au contrat régissant les relations entre les parties à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2014, portant nouvelles conditions générales de distribution à retourner signé avant le 31 janvier 2013,
* soit le maintien des relations contractuelles en cours jusqu'au 30 septembre 2013, considérant le délai de 9 mois comme suffisant eu égard à l'ancienneté et à la nature des relations.
- la société Audim n'a pas accepté l'avenant et après discussions intervenues entre le 18 janvier et le 30 juillet 2013, les parties ont convenu du maintien du contrat aux mêmes conditions jusqu'au 31 décembre 2014, ce dont la société Audim a pris acte aux termes d'un courrier du 13 septembre 2013 (pièce intimée Extenso n° 11).
Il ressort de ces éléments que les relations commerciales initiées le 27 novembre 2008 ont été rompues par la société Extenso, le 21 décembre 2012, à effet au 31 décembre 2014. La durée des relations commerciales à prendre en compte est donc de 6 ans et 1 mois, et le préavis octroyé de 2 ans.
Sur le préavis suffisant
Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant au regard des relations commerciales antérieures. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, la dépendance économique, le volume d'affaires réalisé et la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
En l'espèce, compte tenu des pièces produites dont il doit être relevé qu'elles ne comportent aucun document comptable de la société Audim, et eu égard à l'ancienneté des relations commerciales d'une durée de 6 ans et 1 mois, à la part de la société Extenso dans le chiffre d'affaires total de la société Audim qui s'élevait, selon les dires de la première non sérieusement contestés par la seconde, à 2,7 % pour l'exercice 2012, à la nature de l'activité considérée et à la réalité du marché concerné mais en l'absence d'accord d'exclusivité entre les parties, la société Audim étant multi marques et multi opérateurs, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le préavis de deux ans accordé était suffisant pour pallier les incidences de la perte des offres grand public Bouygues Telecom. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur le préavis effectif
La société Audim soutient que la société Extenso n'a pas respecté le préavis de deux ans, en ce qu'elle a refusé un préavis pendant les 7 premiers mois, a cessé toutes relations commerciales dès la résiliation du contrat pendant ces 7 premiers mois, a refusé l'ouverture de codes de boutiques et a bloqué des rémunérations qui lui étaient dues. Elle considère que ces faits caractérisent isolément et ensemble une violation des obligations du préavis. La société Extenso réplique qu'elle a continué à appliquer les anciennes conditions contractuelles jusqu'au 31 décembre 2014, comme elle s'y était engagée.
L'effectivité du préavis suppose que celui-ci ait été exécuté dans les conditions antérieures, sous réserve que les conditions économiques le permettent.
L'absence de préavis et l'absence de relations commerciales pendant les 7 premiers mois (janvier à juillet 2013)
La société Audim affirme que la relation nouée avec la société Extenso a été rompue immédiatement, le 1er janvier 2013, après son propre refus de signer un nouveau contrat, et ce, pendant 7 mois, de sorte que le préavis s'est limité à la période du 1er août 2013 au 31 décembre 2014 soit un total de 17 mois. Elle affirme que dès la résiliation du contrat, la société Extenso a cessé, de facto, toutes relations de sorte que le préavis était artificiel. Elle reproche également " une apparence trompeuse Bouygues-Extenso ", une rupture du service commercial et technique, l'absence de conditions commerciales et un tarissement du rapport commercial. La société Extenso conteste ces allégations, en considérant que la société Audim ne verse aucune preuve au soutien de cette prétention.
Il ne ressort, en effet, d'aucun élément du dossier que les relations commerciales entre les deux sociétés aient cessé pendant les 7 mois de discussions aboutissant à l'accord du 31 juillet 2013 par lequel les parties ont convenu du maintien des conditions contractuelles initiales jusqu'au 31 décembre 2014. Bien au contraire, la société Audim produit aux débats un tableau récapitulant les chiffres d'affaires qu'elle a réalisés avec la société Extenso pendant cette période (pièce appelante n° 39) de sorte qu'elle ne peut sérieusement prétendre à la cessation totale des relations commerciales pendant les 7 premiers mois de préavis. Non sans contradiction avec cette dernière affirmation, elle fait état d'une diminution de ses commissionnements durant cette période et au-delà. Or, le tableau qu'elle produit à cet égard est établi par ses soins et n'est corroboré par aucun document comptable de sorte qu'il n'a aucune valeur probante. De surcroît, la société Audim n'établit, ni même n'allègue, n'avoir pu continuer à s'approvisionner auprès de la société Extenso et à distribuer les produits Bouygues durant les 7 premiers mois puis jusqu'au 31 décembre 2014, soit pendant la période de préavis. S'agissant du grief d'abandon du distributeur qu'elle invoque, elle ne fait état que de généralités (absence de suivi commercial, absence d'information sur l'évolution des services...) et ne produit aucune pièce au soutien de ses affirmations arguant qu'il s'agit d'un fait négatif. Par contre, la société Extenso justifie avoir continué à assurer le suivi commercial des points de vente Vivre Mobile et leur avoir fourni la documentation afférente et les informations utiles (pièce intimée Extenso n° 29). S'agissant des conditions commerciales annuelles, la société Audim reconnaît avoir reçu de la société Extenso des conditions commerciales datées du 10 janvier 2013 mais feint de s'interroger sur la durée de leur application (" sont-elles applicables uniquement du 10 au 31 janvier 2013 ") alors qu'il résulte d'un échange de mails des 20 et 21 mai 2013 (pièce appelante n° 51) que ces conditions commerciales ont été appliquées, durant le préavis, sans récrimination de la société Audim.
Par ailleurs, c'est vainement qu'elle invoque l'absence d'octroi de préavis pendant les 7 premiers mois dès lors que la lettre du 21 décembre 2012 lui notifiait, clairement, la rupture à effet, soit au 30 septembre 2013 avec un préavis de plus de 9 mois, soit au 31 décembre 2014 avec un préavis de 2 ans. Par suite, elle échoue à démontrer tant l'absence de relations commerciales que celle d'un préavis pendant les 7 premiers mois. Ces moyens seront donc rejetés.
Le refus d'ouverture des codes boutiques
La société Audim fait valoir que durant le préavis, la société Extenso a modifié des dispositions substantielles du contrat en modifiant les critères d'agrément des points de vente et en refusant l'ouverture de codes boutiques. Elle soutient que :
- la société Extenso lui a notifié le gel des codes boutiques,
- le gel de 9 codes était antérieur à la notification de fin du contrat, le refus datant de 2012,
- le refus d'ouverture des codes est légitimé par un traitement discriminatoire au profit d'autres détaillants en ses lieu et place,
- la fin de commercialisation au 31 décembre 2014 n'empêchait pas l'ouverture des codes pendant les 2 ans de préavis.
La société Extenso conteste avoir refusé la codification de nouveaux points de ventes, les demandes afférentes ayant été adressées à la société Bouygues. Elle considère que le refus d'agrément par la société Bouygues ne peut lui être reproché.
Il ressort des pièces produites que :
- par lettres recommandées avec accusé de réception des 10 et 21 janvier 2013 (pièces appelante n° 8 et 12), réitérées par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2013 (pièce appelante n° 13), la société Audim a mis en demeure la société Extenso de finaliser l'attribution de codes d'activation pour des points de vente qu'elle avait précédemment demandés en 2012,
- la société Extenso justifie avoir transmis cette lettre à la société Bouygues (pièce intimée Extenso n° 15),
- le 22 novembre 2013, la société Audim a relancé la société Extenso pour 6 des 9 points de vente listés précédemment et a sollicité l'attribution de codes d'activation pour 10 nouveaux points de vente,
- relancée par la société Extenso, la société Bouygues a, le 16 décembre 2013, indiqué qu'elle ne souhaitait pas procéder à de nouvelles codifications,
- la société Bouygues a expliqué que la commercialisation de ses services par la société Extenso le 31 décembre 2014 était incompatible avec la sélection par cette dernière de nouveaux distributeurs détaillants de sorte qu'elle ne pouvait accepter l'attribution des codes qu'elle lui demandait pour les 16 points de vente Vivre Mobile (pièce intimée Extenso n° 35).
Ceci étant rappelé, il convient de se référer à l'annexe 2 du contrat relative à la procédure d'attribution de code d'activation qui prévoit l'attribution d'un seul code d'activation Bouygues Telecom par point de vente, ce ou ces codes étant rattachés au distributeur centralisateur et que pour obtenir l'attribution d'un code d'activation au profit d'un nouveau point de vente, le dossier de demande d'agrément doit être adressé à la société Bouygues Telecom. Il en ressort que l'attribution de nouveaux codes était soumise à la seule décision de la société Bouygues, que la société Extenso n'avait aucune obligation de résultat à cet égard et qu'elle n'avait notamment pas celle de s'assurer que la société Bouygues attribue les nouveaux codes à la société Audim. Par suite, la société Audim ne peut reprocher à la société Extenso de ne pas lui avoir fourni de code d'activation pendant la durée du préavis. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la décision d'ouverture de nouveaux codes n'appartenait pas à la société Extenso mais à la société Bouygues de sorte que ce moyen sera également rejeté.
Le blocage des rémunérations contractuellement dues
La société Audim soutient que la société Extenso a suspendu les commissionnements acquis, ce qui a entraîné un blocage de son chiffre d'affaires.
La société Extenso conclut, à raison, que les procédures de dé-rémunération étaient connues de la société Audim, celles-ci ayant cours entre les parties avant la résiliation, et qu'elles étaient justifiées par des contournements de procédures et des fraudes constatés et confirmés par la société Bouygues Telecom. C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les opérations de dé-rémunérations n'altéraient pas la durée du préavis et ont débouté la société Audim de sa demande en paiement formée à ce titre.
En effet, les pièces versées aux débats font ressortir les éléments suivants :
- l'article 6.1.10 du contrat précise qu'en cas de manquements relatifs notamment au respect des procédures définies, la société Extenso pourra reprendre l'intégralité des commissionnements indûment versés au distributeur centralisateur,
- l'annexe 1 du contrat définit les procédures d'activation des lignes lesquelles sont consultables sur le site Extradis,
- l'annexe 3 du contrat (article IX) mentionne qu'en cas de contournements des processus d'activation par le distributeur centralisateur ou des points de vente ou de fraude avérée de leur part, la société Extenso se réserve le droit de ne pas commissionner la ligne ou de procéder à une reprise de l'intégralité du commissionnement indûment versé au titre de la ligne,
- antérieurement à la notification de la rupture, notamment en juillet 2012 (pièce intimée Extenso n° 28) la société Extenso avait été amenée à reprendre des commissionnements à la suite de manquements, par deux points de vente Vivre Mobile (La Boutique du mobile et Phone 31 à Toulouse), à la procédure d'activation relevés par la société Bouygues, sans que la société Audim n'émette de contestations,
- entre juin et décembre 2014, la société Extenso a notifié à la société Audim des régularisations pour un montant total de 145 247,40 euros, ramenés à 138 680,76 euros après vérifications de la société Bouygues, à la suite de la contestation par la société Audim,
- les motifs de ces dé-rémunérations ont été notifiés à la société Audim, avec les détails ligne par ligne (Code du point de vente concerné, type d'acte, date de l'acte de vente, carte sim déclarée....) (pièces intimée Extenso n° 24, 25 à 28) de sorte que celle-ci était en mesure de vérifier les manquements reprochés et de les contester, ce qu'elle n'a pas manqué de faire par courriers des 3 et 15 juillet et 11 septembre 2014,
- la société Extenso a répondu à ces récriminations, point par point, lui rappelant les précédentes dé-rémunérations qu'elle n'avait jamais contestées (cf courriers des 10 juillet 2012, 25 juillet 2013 et 9 janvier 2014), précisant que les contournements de procédure observés en janvier, juin et juillet 2014 étaient concentrés, concernaient 20 points de vente et étaient de nature identique à ceux précédemment constatés, réitérant son invitation à faire respecter les procédures au sein de son réseau (pièce intimée Extenso n° 28) et concluant qu'elle allait solliciter de nouveau la société Bouygues afin qu'elle réexamine l'ensemble des lignes dé-rémunérées et qu'elle revoit éventuellement sa position sur tout ou partie des lignes,
- la société Extenso a transmis ces contestations à la société Bouygues,
- le Directeur de la Télévente et de la Relation Commerciale a fourni un nombre important d'indications pour chacune des 931 lignes ayant fait l'objet d'une reprise (pièce intimée Extenso n° 35),
- la société Bouygues a confirmé sa position pour 904 lignes et régularisé la rémunération de 27 lignes (pièce intimée Extenso n° 30).
C'est vainement que la société Audim soutient que les anomalies constatées provenaient d'opérations de " purge " (ventes de produits en fin de commercialisation) contractuellement prévues et d'usage dans la profession dès lors qu'elle ne communique aucun document au soutien de cette assertion.
Il ressort suffisamment de l'ensemble de ces éléments concordants que les dé-rémunérations opérées par la société Extenso étaient justifiées. Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Audim de sa demande en paiement et a considéré que ces pratiques n'avaient pas altéré l'effectivité du préavis.
En définitive la société Audim échoue à démontrer que le préavis de 2 ans qui lui a été accordé n'a pas été effectif. Par suite, la rupture des relations commerciales par la société Extenso n'est pas brutale.
A l'égard de la société Bouygues, la société Audim ne justifie ni même n'allègue avoir entretenu une relation contractuelle et/ou commerciale avec celle-ci. En outre, elle ne formule à son encontre aucun grief précis relatif à la brutalité de la rupture et susceptible d'engager sa responsabilité en qualité de tiers à la relation commerciale ayant contribué, en qualité de "complice", à causer l'entier dommage, se contentant d'affirmer, de manière générale, que les deux sociétés ont manqué à leur obligation d'exécution du préavis et que la société Bouygues a déterminé les agissements de sa filiale, la société Extenso. Mais, celle-ci n'ayant été reconnue responsable d'aucune rupture brutale et de surcroît, la société Bouygues ayant cédé sa filiale le 31 octobre 2012, soit antérieurement aux faits reprochés, la société Audim sera déboutée de ses demandes d'indemnisation in solidum formées à ce titre ainsi que de sa demande en paiement au titre des dé-rémunérations. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la rupture abusive et illégale du contrat
La société Audim soutient que la société Extenso a rompu le contrat de manière abusive et illégale, lui reprochant successivement :
- une application discriminatoire des conditions d'agrément à son égard alors que son agrément pour distribuer les offres Bouygues Telecom n'avait jamais été remis en cause avant la rupture,
- l'absence de justification de la rupture du contrat Extenso-Bouygues qui est de surcroît totalement artificielle, et du nouveau contrat conclu,
- son éviction par la vente de son grossiste, la société Extenso, alors qu'elle a participé au développement du réseau Bouygues,
- la tentative de soumission d'un nouveau contrat sous la menace de la rupture,
- un abus de dépendance économique en violation de l'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce.
En réplique, la société Extenso rappelle qu'elle était en droit de ne pas renouveler le contrat à chaque fin d'année civile en cas de rupture de ces relations avec la société Bouygues et avait même le droit de ne pas renouveler le contrat (tout comme Audim) quelle qu'en soit la raison, sous réserve de respecter un préavis de trois mois. Elle relève qu'elle a excédé ses obligations contractuelles en accordant un préavis de 2 ans. Elle estime que la société Audim ne peut considérer que la distribution des offres Bouygues est un droit qui ne saurait lui être retiré sans une nécessaire indemnisation. Elle conteste point par point les allégations de la société Audim et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
A titre préliminaire, il y a lieu de rappeler que le principe fondamental de liberté contractuelle autorise tout opérateur économique à organiser son réseau de distribution comme il l'entend sous la seule réserve de ne commettre aucun abus ni aucune pratique anticoncurrentielle.
D'une part, le contrat conclu pour une durée déterminée à effet au 1er octobre 2008 devant se terminer le 31 décembre 2009 était renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de douze mois " dès lors que le contrat de grossiste d'Extenso Telecom aura été renouvelé par la société Bouygues ", chacune des parties ayant la faculté de ne pas le renouveler à la condition expresse de le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception au moins trois mois avant son échéance (article 11 Durée). Il a été vu ci-dessus que la société Extenso a notifié, sans ambiguïté, le 21 décembre 2012, à la société Audim sa décision de mettre fin aux relations commerciales qu'elles entretenaient, au plus tard au 31 décembre 2014 et qu'elle a respecté un préavis de deux ans, peu important à cet égard les raisons exactes qui l'ont conduite à prendre cette décision, cette société étant libre de ne pas reconduire le contrat à son terme. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Audim :
- le fait que son agrément n'ait pas été remis en cause avant la rupture est sans incidence sur la régularité de celle-ci,
- les développements auxquels elle se livre sur l'absence de justes motifs de la rupture sont inopérants,
- au regard de la régularité de la résiliation, il importe peu de connaître les conditions tant de la rupture du contrat de grossiste conclu entre la société Extenso et la société Bouygues que de la souscription du nouveau contrat jusqu'au 31 décembre 2014,
- de même, le fait que la société Bouygues ait poursuivi la distribution de ses services auprès d'autres distributeurs et/ou qu'elle n'ait plus voulu de son réseau d'indépendants, ainsi que la circonstance que la société Extenso, devenue indépendante, offre actuellement de référencer tout distributeur sans aucune condition d'agrément, sont sans incidence.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément que la société Extenso ait continué à commercialiser les offres grands publics Bouygues après le 31 décembre 2014 auprès d'autres distributeurs de sorte que la preuve d'un traitement discriminatoire à l'égard de la société Audim n'est pas rapportée.
D'autre part, s'agissant des pratiques anticoncurrentielles qui rendraient, selon la société Audim, la rupture abusive et illégale :
La menace d'une rupture
La société Audim affirme que la société Extenso lui a imposé la signature d'un nouveau contrat de 2 ans au 31 janvier 2013 sous la menace d'une rupture immédiate de toutes relations, que si elle s'est ravisée en cours de procédure, elle a néanmoins conditionné la poursuite de toutes relations jusqu'au 31 décembre 2014 à la signature de nouvelles conditions lesquelles étaient manifestement abusives comme étant intégralement défavorables au distributeur de sorte qu'elle la soumettait à un déséquilibre significatif.
Or, le grief de menace de rupture brutale visé à l'article L.442-6, I, 4° du Code de commerce ne peut être invoqué que si les manœuvres dénoncées interviennent en cours de contrat et non, lorsque la rupture est déjà consommée, comme tel est le cas en l'espèce, le contrat ayant été résilié le 21 décembre 2012 et les faits dénoncés datant de janvier 2013. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Extenso de sa demande d'indemnisation sur ce fondement.
L'exploitation abusive de l'état de dépendance économique
La société Audim rappelle qu'elle distribue les produits et services Bouygues parmi d'autres opérateurs puisqu'elle est effectivement multi opérateurs, ajoutant " c'est ce qui caractérise même sa situation de dépendance et son préjudice ".
Elle soutient que grossiste indépendant multi marques, elle ne peut substituer des achats auprès des autres fournisseurs ou opérateurs ni remplacer la distribution du troisième opérateur du marché qui est perdue. Elle précise que la rupture abusive des relations avec la société Bouygues ne lui offre aucune solution alternative équivalente et qu'il s'agit d'une " dépendance d'approvisionnement dite encore dépendance pour cause d'assortiment ".
La société Extenso réplique que :
- la société Audim n'est pas un petit distributeur de forfaits dépendant d'un opérateur en particulier,
- elle était à l'époque des faits l'un de ses principaux concurrents, étant le partenaire et grossiste historique de SFR,
- elle a conclu des contrats de grossiste avec d'autres opérateurs (NRJ Mobile, Virgin Mobile...) et Bouygues Telecom n'était qu'un opérateur parmi d'autres,
- selon les chiffres auxquels elle a pu avoir accès, la part d'Extenso Telecom dans son chiffre d'affaires était minime (2,7 % pour l'exercice 2012),
- rien n'interdisait à la société Audim de s'approvisionner directement auprès de Bouygues,
- la rupture du contrat n'a aucun objet ou effet anticoncurrentiel et ne constitue pas une exploitation abusive d'un état de dépendance économique.
L'article L. 420-2 alinéa 2 dispose, au titre des pratiques anticoncurrentielles : " Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ".
L'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise.
Or, comme le soutient à juste raison la société Extenso, la société Audim avait la possibilité de s'approvisionner en produits et services de téléphonie mobile auprès d'autres opérateurs intervenant sur le marché, dont d'ailleurs la société Bouygues, aucune clause de non-concurrence n'empêchant sa faculté de diversification
Par suite, la société Audim ne démontre pas que la rupture soit abusive et illégale. Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
La société Audim qui succombe en appel en supportera les dépens et devra verser à la société Audim la somme de 15 000 euros et à la société Bouygues celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; et y ajoutant, Condamne la société Audim aux dépens de l'appel ; Autorise Maître Olivier L. et Me François D., avocats, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Audim à verser à la société Extenso la somme de 15 000 euros et à la société Bouygues celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.