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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 mars 2018, n° 18-01877

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SMP Technologies (SARL)

Défendeur :

Axon Enterprise Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Olivier, Boccon Gibod, Maio

T. com. Marseille, du 18 janv. 2018

18 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Axon Enterprise, anciennement dénommée Taser International (ci-après la société " Axon "), est une société de droit américain qui fabrique des pistolets à impulsion électrique, sous la marque Taser, destinés aux forces de l'ordre.

Par un contrat conclu les 4 et 5 février 2005, la société Axon a confié à la société SMP Technologies la distribution exclusive des produits Taser pour la France pour la période du 1er janvier 2005 au 21 décembre 2009.

L'article 13 du contrat stipule qu'il est rédigé et régi selon la loi de l'État de l'Arizona. Cet article comporte une clause d'arbitrage visant le règlement de l'American Arbitration Association, le lieu de l'arbitrage étant fixé dans l'État de l'Arizona.

Par lettre du 6 janvier 2009, la société Axon a prolongé la durée du contrat de distribution exclusive jusqu'au 31 décembre 2012.

Par courriel du 22 juillet 2010, à la suite d'événements liés à la personnalité du gérant de la société SMP Technologies, la société Axon a indiqué cesser ses relations avec la société SMP Technologies en France, continuer les relations en Algérie et dans d'autres pays africains et a précisé qu'elle verserait une commission de 8 % sur toutes les commandes provenant de la France jusqu'à la fin de l'année 2011.

Les 1er et 2 septembre 2010, les parties ont conclu une convention de services professionnels pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 prévoyant la cession immédiate de toute commercialisation, promotion et contact avec la clientèle ou les médias en France et la rémunération de la société SMP Technologies sur la base de commissions au taux de 8 % pour toutes les ventes réalisées et facturées aux comptes acquis et servis en France.

Le 15 septembre 2010, les parties ont conclu un contrat de distribution internationale exclusive portant sur l'Algérie, le Maroc, le Gabon, le Togo, le Niger, le Burkina Faso, le Mali, le Cameroun et la Guinée Conakry.

Par courrier du 27 mars 2012, la société SMP Technologies a mis en demeure la société Axon de lui communiquer le nombre de ventes réalisées en France pour les années 2010 et 2011 et a indiqué qu'elle entendait continuer à exécuter le contrat de distribution exclusive du 5 février 2005 qui a été reconduit jusqu'en décembre 2012.

Cette mise en demeure a été réitérée par courrier du 10 décembre 2013 par le conseil de la société SMP Technologies.

Le 11 février 2014, le conseil de la société Axon a transmis les informations concernant les ventes des années 2010 et 2011 et a indiqué à la société SMP Technologies que sa cliente lui offrait de lui payer la somme de 904,04 euros.

Par courrier du 5 mars 2015, le conseil de la société SMP Technologies a demandé notamment la communication d'un état complet des ventes réalisées, le paiement d'une facture d'un montant de 93 598,30 $ et la réparation du préjudice subi à la suite du non-respect des obligations contractuelles et de la rupture abusive des contrats.

Par exploit du 23 décembre 2016, la société SMP Technologies, actuellement dénommée Axon Enterprise, a assigné la société Taser International devant le Tribunal de commerce de Marseille, en rupture brutale et abusive des relations contractuelles.

La société Axon a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Marseille au visa de la clause compromissoire stipulée à l'article 13 du contrat des 4 et 5 février 2005.

Par jugement du 16 janvier 2018, le Tribunal de commerce de Marseille :

- s'est déclaré incompétent,

et vu les dispositions de l'article 96 du Code de procédure civile, a :

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- condamné la société SMP Technologies à payer à la société Taser International, actuellement dénommée Axon Enterprise Inc., la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé à la charge de la société SMP Technologies, qui s'est mal pourvue, les dépens, toutes taxes comprises, tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de procédure vile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe du Tribunal de commerce de Marseille sont liquidés à la somme de 78,04 euros (soixante-dix-huit euros quatre centimes TTC).

Par déclaration d'appel du 24 janvier 2018, la société SMP Technologies a relevé appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille du 16 janvier 2018.

Par requête du 25 février 2018, la société SMP Technologies a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 30 janvier 2018, l'affaire a été fixée pour être plaidée le 21 février 2018 à 14h.

Par assignation, notifiée le 9 février 2018, la société SMP Technologies a assigné à jour fixe la société Axon.

Vu les dernières conclusions de la société SMP Technologies, appelante, notifiées le 20 février 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, de :

- dire la société SMP Technologies recevable et bien fondée en son appel compétence,

- infirmer le jugement du 16 janvier 2018 dans toutes ses dispositions,

en conséquence,

- dire que le Tribunal de commerce de Marseille aurait dû se déclarer compétent,

- renvoyer les parties devant le Tribunal de commerce de Marseille afin qu'il soit statué sur le fond de la présente affaire,

- condamner la société Axon Enterprise à régler la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, ce, au profit de la société SMP Technologies,

- débouter la société Axon Enterprise de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Vu les dernières conclusions de la société Axon Enterprise, intimée, notifiées le 21 février 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1448, 1465 et 1606 du Code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 16 janvier 2018,

- condamner la société SMP Technologies à verser à la société Axon Enterprise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SMP Technologies aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Matthieu Boccon Gibod, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

La société SMP Technologies fait valoir que sa demande devant le Tribunal de commerce de Marseille était notamment fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et que les parties ne pouvaient valablement y déroger, compte tenu du caractère d'ordre public de ces dispositions. Elle soutient que l'action introduite devant le Tribunal de commerce de Marseille était fondée sur la lettre d'exclusivité du 6 janvier 2009 et fait valoir qu'elle ne contient aucune clause d'arbitrage et qu'à supposer le contrat d'origine entre les parties encore en vigueur, la rédaction confuse de la clause d'arbitrage lui ôterait toute portée.

La société Axon réplique que la lettre du 6 janvier 2009 a reconduit le contrat de distribution de 2005, ainsi que la clause d'arbitrage, que cette clause est parfaitement valable et dénuée de toute ambiguïté.

Par lettre du 6 janvier 2009, le contrat de distribution des 4 et 5 février 2005 a été prolongé entre les sociétés SMP Technologies et Axon, " sous réserve des termes et conditions du contrat de distribution exclusive ". L'article 13 de ce contrat, accepté par les parties, leur est donc opposable.

Il dispose que " le présent contrat est rédigé selon la loi de l'Etat de l'Arizona et sera régi par cette loi ; tous recours judiciaires seront portés devant les tribunaux étatiques ou fédéraux de l'Etat de l'Arizona et seront jugés dans son ressort territorial. Par ailleurs, les parties conviennent que tous litiges ou réclamations résultant ou concernant le présent contrat, ou toute violation de ce contrat, à l'exception des demandes d'injonctions ou demandes en équité, seront résolus par voie d'arbitrage selon le Règlement de l'Association Américaine d'Arbitrage dans l'Etat de l'Arizona, États-Unis d'Amérique, et sous les auspices de cette Association. Les parties conviennent que tout litige sera soumis et jugé selon ces règles dans l'Etat de l'Arizona aux États-Unis d'Amérique et les deux parties acceptent d'être tenues par la décision de l'arbitre et de payer leur part des frais selon les règles de l'Association. Toute juridiction compétente pourra être saisie en vue de l'exécution de la sentence rendue par le(s) Arbitre(s) ".

Cet article est dépourvu de toute ambiguïté, la procédure d'arbitrage étant soumise au Règlement de l'Association Américaine d'Arbitrage et la loi applicable étant celle de l'Etat de l'Arizona. Aucune contradiction ne saurait résulter de la mention de cette Association et des tribunaux étatiques ou fédéraux de l'Etat de l'Arizona, ceux-ci retrouvant leur compétence en cas de demandes d'injonctions.

La société SMP Technologies ne démontre pas que cette clause d'arbitrage serait manifestement nulle ou inapplicable en l'espèce.

Enfin, le fait que la société appelante fonde ses demandes sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce n'exclut pas le recours à l'arbitrage.

Il y a donc lieu d'approuver les premiers juges en ce qu'ils se sont déclarés incompétents pour connaître du présent litige.

La société SMP Technologies succombant, elle sera condamnée aux entiers dépens, ainsi qu'à payer à la société Axon Enterprise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Condamne la société SMP Technologies aux entiers dépens d'appel, Condamne la société SMP Technologies à payer à la société Axon Enterprise la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.