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Décisions

Cass. crim., 5 avril 2018, n° 17-81.831

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Planchon

Avocat général :

M. Valat

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Scp Baraduc, Duhamel, Rameix

Paris, ch. 5-1, du 1er févr. 2017

1 février 2017

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du premier président près la Cour d'appel de Paris, chambre 5-1, en date du 1er février 2017, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et a validé les opérations de visite et de saisie ; - Vu le mémoire produit, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, des articles L. 450-4 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 591 du Code de procédure pénale, du principe de proportionnalité et du principe des droits de la défense ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours contre les opérations de visite et de saisies intervenues les 18, 19 février et 15 mars 2016 dans les locaux de la société X ;

"aux motifs que sur la violation du secret des correspondances avocat-client et des droits de la défense et sur la nullité de l'ensemble des saisies pour violation des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale, lus en conjonction avec le principe du secret des correspondance avocat-client et la violation grave des droits de la défense de X, du fait de la saisie d'un document couvert par le secret des correspondances avocat-client ayant trait à l'enquête de l'Autorité de la concurrence : qu'il est argué une atteinte au principe du secret des correspondances avocat-client prévu par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, telle que modifiée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, ainsi que par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme (ci-après Cesdh) au motif que lors de l'ouverture du scellé provisoire le 15 mars 2016, les enquêteurs de l'Autorité auraient refusé d'éliminer des fichiers de messageries sectionnés, 17 messages se rapportant à la confidentialité des échanges avocat/client et par voie de conséquence il est demandé l'annulation de l'ensemble des saisies informatiques ; qu'il résulte de la lecture du dossier qu'après le décompte de 17 documents invoqués par X, la correspondance avocat n'a jamais été saisie s'agissant d'une erreur de plume, ce courriel ayant effectivement été supprimé et que concernant les 16 autres courriels, la société requérante ne produit pas les pièces contestées alors qu'elle les dispose en copie, de sorte que nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur la protection légale desdits document par un examen in concreto de ces pièces ; qu'enfin, il est constant que la simple lecture d'un échange avocat/client ne peut avoir pour effet l'annulation de l'ensemble des saisies et seule sa saisie aurait pour effet d'entraîner l'annulation du document relevant de la protection légale de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ; que ces moyens seront rejetés ; qu'à titre infiniment subsidiaire, sur la nullité de la saisie des documents couverts par le secret des correspondances avocat-client : que ce moyen ne peut prospérer dans la mesure où le document n'a pas été saisi et qu'il est établi qu'il s'agit d'une erreur de " plus " [lire : plume] ; que quant aux autres documents, comme nous l'avons évoqué précédemment, ils ne sont pas produits par la requérante et de ce fait, notre contrôle ne peut pas être exercé ; que ce moyen sera écarté ;

"1°) alors que le juge chargé du contrôle des opérations de visite et saisie pratiquées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est réputé saisi de toutes les pièces figurant sur le bordereau de production que le demandeur au recours prend l'initiative de déposer avec ses pièces ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur 16 courriels saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils étaient couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, quand il résultait expressément du " bordereau de pièces communiquées n° 2 " de la société X, portant un tampon de réception du pôle 5 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2016, qu'était produite sous le n° 33 la " copie intégrale des correspondances avocat-client saisies dans les locaux de la société X ", le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le juge chargé du contrôle des opérations de visite et saisie pratiquées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est réputé saisi de toutes les pièces figurant sur le bordereau de production que le demandeur au recours prend l'initiative de déposer avec ses pièces ; que dans le cas où les pièces ainsi annoncées seraient manquantes, il incombe au juge d'interpeller les parties sur cette absence avant de rejeter la demande d'annulation de la saisie ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur 16 courriels saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils étaient couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, quand il résultait expressément du " bordereau de pièces communiquées n° 2 " de la société X, portant un tampon de réception du pôle 5 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2016, qu'était produite sous le n° 33 la " copie intégrale des correspondances avocat-client saisies dans les locaux de la société X ", le délégué du premier président de la cour d'appel, qui se devait d'interpeller les parties sur cette supposée absence avant de se prononcer, ce qu'il n'a pas fait, a encore violé les textes susvisés ;

"3°) alors que le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ; que le juge chargé du contrôle des opérations de visite et de saisies est tenu de s'assurer, lorsqu'il en est requis, qu'aucune des pièces saisies n'est couverte par le secret des correspondances entre l'avocat et son client, et ne peut se retrancher derrière la prétendue absence de production desdites pièces par le demandeur au recours pour refuser d'exercer son contrôle, dès lors qu'il doit en ce cas se procurer les pièces litigieuses par tous moyens, au premier chef en les réclamant aux parties ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur 16 courriels saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils étaient couverts par le secret avocat-client, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, le délégué du premier président de la cour d'appel violé les textes susvisés ; "4°) alors que le juge saisi d'un recours contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisies doit procéder à un contrôle effectif et concret, et non théorique et illusoire ; que méconnaît cette exigence le juge chargé du contrôle qui refuse de l'exercer au motif qu'il ne disposerait pas des pièces dont il est soutenu qu'elles ont été irrégulièrement saisies, dès lors qu'il doit en ce cas se procurer les pièces litigieuses par tous moyens, au premier chef en les réclamant aux parties ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur 16 courriels saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils étaient couverts par le secret avocat-client, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention des droits de l'Homme, préliminaire du Code de procédure pénale, L. 450-4 du Code de commerce, 591 du Code de procédure pénale, du principe de proportionnalité et du principe des droits de la défense ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours contre les opérations de visite et de saisies intervenues les 18, 19 février et 15 mars 2016 dans les locaux de la société X ;

"aux motifs que sur le caractère disproportionné des saisies et la violation du champ de l'ordonnance : que la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et du principe de proportionnalité et à titre subsidiaire, sur la violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce entraînant la nullité de la saisie des documents hors-champ : que l'article 8 de la CESDH est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, qu' " il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il est invoqué une atteinte au principe de proportionnalité eu égard à la saisie de 2327 documents hors du champ de l'enquête lors de l'ouverture des scellés provisoires ; qu'il est constant que l'autorisation de saisie délivrée concerne tout document en rapport avec les agissements prohibés présumés et permet la saisie notamment des éléments comptables de personnes, physiques ou morales pouvant être en relation d'affaires avec la société suspectée de fraude, des documents appartenant à des sociétés de groupe, des pièces pour partie utiles à la preuve des agissements présumés, des documents mêmes personnels d'un dirigeant et associé qui ne sont pas sans rapport avec la présomption de fraude relevée (...), étant précisé que comme nous l'avons indiqué précédemment, le champ d'action de l'administration doit être relativement étendu au stade de l'enquête préparatoire ; qu'au surplus, la procédure de la mise sous scellés provisoires a pour finalité de permettre d'exclure avant leur saisie exclusivement les correspondances avocat/client ; que s'agissant des documents qui seraient hors du champ d'application de l'ordonnance d'autorisation, il convient de les produire afin que nous puissions comme précédemment les examiner in concreto et déterminer s'ils ont un lien même ténu, avec le champ de l'ordonnance ou pas ; qu'à défaut, nous ne sommes pas en mesure d'exercer notre contrôle, ce qui est le cas en l'espèce ; que ce moyen sera écarté ;

"1°) alors que le juge chargé du contrôle des opérations de visite et saisie pratiquées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est réputé saisi de toutes les pièces figurant sur le bordereau de production que le demandeur au recours prend l'initiative de déposer avec ses pièces ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur les fichiers saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils se situaient hors du champ de l'autorisation délivrée, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, quand il résultait du " bordereau de pièces communiquées n° 2 " de la société X, portant un tampon de réception du pôle 5 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2016, qu'était produite sous le n° 34 la " copie intégrale des fichiers saisis en dehors du champ de l'enquête ", le délégué du premier président a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le juge chargé du contrôle des opérations de visite et saisie pratiquées sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est réputé saisi de toutes les pièces figurant sur le bordereau de production que le demandeur au recours prend l'initiative de déposer avec ses pièces ; que dans le cas où les pièces ainsi annoncées seraient manquantes, il incombe au juge d'interpeller les parties sur cette absence avant de rejeter la demande d'annulation de la saisie ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur les fichiers saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils se situaient hors du champ de l'autorisation délivrée, quand il résultait du " bordereau de pièces communiquées n° 2 " de la société X, portant un tampon de réception du pôle 5 chambre 1 de la Cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2016, qu'était produite sous le n° 34 la " copie intégrale des fichiers saisis en dehors du champ de l'enquête ", le délégué du premier président, qui se devait d'interpeller les parties sur cette absence avant de se prononcer, a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que le juge saisi d'un recours contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisies doit procéder à un contrôle effectif et concret, et non théorique et illusoire ; que méconnaît cette exigence le juge chargé du contrôle qui refuse de l'exercer au motif qu'il ne disposerait pas des pièces dont il est soutenu qu'elles ont été irrégulièrement saisies, dès lors qu'il doit en ce cas se procurer les pièces litigieuses par tous moyens, au premier chef en les réclamant aux parties ; qu'au cas d'espèce, en refusant d'exercer son contrôle sur les fichiers saisis au sujet desquels la société X soutenait qu'ils se situaient hors du champ de l'autorisation délivrée, motif pris de ce que ces pièces n'auraient pas été produites, le délégué du premier président a violé les textes susvisés" ;.

Les moyens étant réunis ; - Attendu que pour débouter la société X de sa demande d'annulation de la saisie de 16 courriels et de fichiers tirée de l'atteinte portée par cette mesure au secret des correspondances entre avocat et client, l'ordonnance attaquée prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'avait pas à rechercher et à se prononcer sur des éléments qui n'ont pas été annexés par la demanderesse à ses conclusions déposées le 15 juillet 2015 et régulièrement signifiées et sur lesquelles il a statué par l'ordonnance attaquée, mais ont été produits postérieurement sans être joints à un nouveau mémoire, le premier président, qui n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées, a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.