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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 avril 2018, n° 15-20676

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gonesdis (SA)

Défendeur :

Concept Maintenance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Dauchel, Ouadi

T. com. Paris, du 7 avr. 2015

7 avril 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Concept Maintenance, spécialisée dans l'installation et la maintenance d'équipement de vidéo-surveillance, a réalisé une installation de vidéo-surveillance pour la société Gonesdis qui exploite un hypermarché à l'enseigne Leclerc. Un contrat de maintenance a été signé le 1er septembre 2004 pour une première année irrévocable, puis tacitement reconduit à la date anniversaire sauf dénonciation trois mois avant l'échéance. Le contrat a été régulièrement reconduit.

La société Concept Maintenance a appliqué, sur la facture datée du 6 septembre 2011, une augmentation de prix pour la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2012.

Par télécopie du 29 décembre 2011, la société Gonesdis a contesté le bien-fondé de l'augmentation du prix de 5 % contenue dans cette facture et a déclaré accepter une augmentation limitée à 2,1 %.

Estimant que la société Gonesdis avait abusivement retardé le règlement de sa facture, la société Concept Maintenance lui a adressé, le 30 décembre 2011, une lettre de résiliation du contrat de maintenance à effet immédiat.

La société Gonesdis a assigné la société Concept Maintenance devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement du 7 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que le contrat du 1er septembre 2004 a été résilié aux torts exclusifs de la société Gonesdis ;

- débouté la société Gonesdis de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SA Gonesdis à verser à la SA Concept Maintenance une indemnité de résiliation d'un montant de 2 493,75 euros ;

- condamné la SA Gonesdis à verser à la SA Concept Maintenance, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- condamné la SA Gonesdis aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le 19 octobre 2015 par la société Gonesdis ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Gonesdis, par conclusions signifiées le 19 janvier 2016, demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1152 anciens du Code civil et L. 442-6 I 2° et 5° du Code de commerce, de :

A titre principal,

- rejeter l'exception d'incident de faux soutenue par la société Concept Maintenance ;

- dire brutale et abusive la rupture des relations commerciales aux torts de la société Concept Maintenance ;

A titre subsidiaire,

- dire que la rupture du contrat sans préavis par la société Concept Maintenance a causé un préjudice réparable à la société Gonesdis sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ;

Surabondamment,

- dire nulles les clauses de révision de prix et de résiliation contenues au contrat de maintenance aux articles 4.1 et 8.3 ;

En conséquence,

- infirmer partiellement la décision entreprise ;

- condamner la société Concept Maintenance au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice subi par la société Gonesdis ;

En tout état de cause,

- rejeter les demandes reconventionnelles de la société Concept Maintenance ;

- condamner la société Concept Maintenance au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre principal, sur la rupture brutale des relations commerciales par la société Concept Maintenance, tirée de l'absence de tout préavis, la société Gonesdis fait valoir que Concept Maintenance ne peut justifier l'absence de préavis par un non-paiement de facture, Gonesdis ayant seulement exprimé son désaccord à l'augmentation du tarif.

Elle estime que, compte tenu de l'ancienneté de la relation, de sept ans, elle avait droit à un préavis de rupture de six mois.

Subsidiairement, la société Gonesdis invoque, sur le fondement L. 442-6 I 2° du Code de commerce, le caractère abusif et la nullité des clauses de révision de prix et de résiliation contenues au contrat de maintenance.

Par ordonnance rendue le 15 septembre 2016, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 8 avril 2016 par la société Concept Maintenance.

MOTIFS :

Considérant que la société Gonesdis fonde, à titre principal, sa demande sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, sauf en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations, ou en cas de force majeure. (...) " ;

Considérant que l'existence, entre les parties, d'une relation commerciale établie n'est pas contestée ; qu'il est constant que, par courrier du 30 décembre 2011, la société Concept Maintenance a notifié la rupture de la relation commerciale sans préavis ;

Considérant que seule l'inexécution, par la victime de la rupture, de ses engagements, ou la force majeure en l'espèce non invoquée, peut justifier qu'il soit mis un terme à la relation sans préavis, sous réserve toutefois que cette inexécution soit d'une gravité suffisante ;

Considérant qu'au soutien de l'absence de préavis, la société Concept Maintenance a invoqué, devant le tribunal, le manquement constitué par le non-paiement à son échéance, par la société Gonesdis, de la facture émise le 6 septembre 2011 ;

Mais considérant que, pour cette facture, la société Gonesdis s'est bornée, par sa lettre en date du 29 décembre 2011 (pièce n° 5), à contester, non le montant de base jusqu'alors facturé (2 500 euros), mais la seule augmentation du tarif (de 5 %), augmentation que Gonesdis était toutefois disposée à accepter à hauteur de 2,1 % ; que le courrier du 29 décembre 2011 doit dès lors s'interpréter comme une demande de négociation sur la progression du prix pratiqué par Concept Maintenance, non comme un refus de paiement ; que ce seul élément, hors de tout incident de règlement de factures, ne saurait constituer un manquement grave de Gonesdis de nature à permettre une rupture, sans préavis, de la relation commerciale ; que Concept Maintenance ne peut, dans ces conditions, invoquer aucune faute propre à priver son cocontractant d'un préavis raisonnable ; que la cour dira en conséquence que la rupture, par Concept Maintenance, de la relation commerciale établie a été brutale et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Considérant que, compte tenu de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties, de sept années, un préavis de rupture de quatre mois aurait dû être respecté par Concept Maintenance ; que l'absence de préavis a nécessairement occasionné un préjudice à Gonesdis qui a été brutalement privée de la maintenance nécessaire à l'installation de vidéo-surveillance du magasin et n'a pas été en mesure de bénéficier d'un délai raisonnable pour rechercher d'un nouveau fournisseur ; que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 10 000 euros le montant des dommages et intérêts qui seront alloués à Gonesdis en réparation du préjudice subi ;

Considérant que l'équité commande de condamner Concept Maintenance à payer à Gonesdis la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau ; Dit que la rupture, par la SA Concept Maintenance, de la relation commerciale établie avec la SA Gonesdis a présenté un caractère brutal ; Condamne la SA Concept Maintenance à payer à la SA Gonesdis la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne la SA Concept Maintenance à payer à la SA Gonesdis la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Concept Maintenance aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.