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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 31 mars 2017, n° 14-08348

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

RNPO (SAS)

Défendeur :

Coopérative Sélectour Afat (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

T. com. Paris, du 17 mars 2014

17 mars 2014

Faits et procédure

Le 7 mars 2007, la société Sélectour Voyages, devenue Coopérative AS Voyage, agent de voyages, a souscrit un contrat auprès de la société Régie nationale de publicité et d'organisation (RNPO), spécialisée dans la vente d'espace publicitaires, en vue d'une insertion dans la revue l'Essor de la Gendarmerie nationale.

Par lettre recommandée avec accusé de réception le 20 mars 2007, Coopérative Voyage a informé RNPO de sa décision de ne pas donner suite à la proposition d'insertion publicitaire.

Le 3 mai 2007, RNPO a adressé à Coopérative AS Voyages, un bon à tirer ; elle l'a envoyé à nouveau par lettre recommandée avec accusé de réception le 25 février 2008.

Le 8 avril 2008, RNPO a adressé une facture de 5 597,28 euros TTC correspondant aux deux insertions publicitaires.

RNPO a fait procéder à deux publications de la publicité en avril 2008 et en mai 2008 dans l'édition de l'Essor de la Gendarmerie nationale.

Le 22 avril 2008, Coopérative AS Voyage a adressé à RNPO une lettre recommandée avec accusé de réception lui rappelant les termes de son courrier du 20 mars 2007 renonçant à l'opération.

RNPO a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par le Tribunal de commerce de Paris le 8 février 2012. Le 19 juin 2012, un plan de continuation a été adopté.

Après avoir adressé une mise en demeure, demeurée sans effet, le 27 septembre 2012, de payer la somme due au titre de la facture non réglée, RNPO a obtenu du Président du Tribunal de commerce de Paris, une ordonnance faisant injonction à Coopérative AS Voyages de payer à RNPO la somme de 5 597, 28 euros en principal. Cette ordonnance a été signifiée le 3 décembre 2012 à personne habilitée.

Coopérative AS Voyages a formé opposition à cette injonction, par courrier daté du 28 novembre 2012, en indiquant que la facture n'était pas fondée, Coopérative AS Voyage ayant confirmé, par courrier recommandé, son intention de ne pas donner suite à la proposition d'insertion publicitaire.

Par jugement en date du 17 mars 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit recevable et bien fondée l'opposition formée par le SCA Coopérative AS Voyages ;

- débouté la SCA Coopérative AS Voyages de sa demande d'irrecevabilité ;

- débouté la SAS Régie Nationale de Publicité et d'Organisation de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SAS RNPO à verser à la SCA Coopérative AS Voyages la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

- condamné la SAS RNPO aux dépens.

Le tribunal a retenu l'absence d'accord des parties sur les éléments essentiels du contrat, l'ordre d'insertion ne comprenant ni nombre, ni dates d'insertions, ni couleurs à utiliser.

La société RNPO a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

La société RNPO, par conclusions signifiées par le RPVA le 29 juin 2016, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société RNPO recevable en ses demandes ;

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Coopérative AS Voyages à payer à la société RNPO la somme de 5 597,28 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2012 ;

- condamner la société Coopérative AS Voyages à payer à la Société RNPO la somme de 839,59 euros au titre de la clause pénale, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2012 ;

- condamner la société Coopérative AS Voyages à verser à la société RNPO, la somme de 2000 euros en application de la société 700 Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

RNPO sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la recevabilité de ses demandes ; elle indique que le jugement du 19 juin 2013 a mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire Maître X, que RNPO a donc retrouvé à compter de cette date son entière liberté d'action et que son représentant légal s'est dès lors trouvé la seule personne à avoir qualité pour la représenter à l'instance.

Sur la formation du contrat, elle fait valoir que le consentement de l'annonceur était parfaitement éclairé quant aux éléments essentiels du contrat, notamment la nature exacte du produit offert lors de la souscription de l'ordre d'insertion le 7 mars 2007, que les éléments de l'article 1108 du Code civil sont bien réunis :

- le consentement n'est pas contesté ;

- le caractère certain de l'objet qui forme la matière de l'engagement, tant le prix que la prestation souhaitée est déterminé :

• d'une part, l'ordre d'insertion mentionne :

" Prestation(s) fournie(s) : Budget campagne publicitaire.

Dans l'édition région Paris Île-de-France.

Prix HT : 4 000 " ;

• d'autre part, concernant le nombre d'insertion et leur format, certes l'ordre d'insertion ne les détermine pas précisément, néanmoins, dès lors qu'on recherche, conformément à l'article 1156 ancien du Code civil, la commune intention des parties, il apparaît que les éléments du contrat sont déterminables, qu'en se reportant, en effet, aux tarifs de la publicité Île-de-France de la société RNPO dans le magazine " L'Essor ", il s'agissait incontestablement de deux demi-pages en couleur, l'ordre d'insertion n'a pas été complété de façon manuscrite, mais pré-rempli informatiquement à la suite d'échanges téléphoniques et adressé à la société Coopérative AS Voyages qui l'a signé et cacheté.

Enfin, sur l'absence de date sur l'ordre d'insertion, la société RNPO soutient que les deux publications ont été effectuées dans les numéro du magazine des mois d'avril et mai 2008, soit une année environ après la souscription du bon d'insertion et dans un délai raisonnable, conformément à une solution retenue par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 11 avril 2012.

En tout état de cause, dans son courrier du 26 mars 2007, la société Coopérative AS Voyages n'a pas contesté le caractère contractuel de son engagement en mentionnant " bon de commande ", de sorte que Coopérative AS Voyages démontre qu'elle avait parfaitement conscience de la portée exacte de son engagement et de la nature du document signé.

Elle sollicite de la cour la condamnation de la société Coopérative AS Voyages à lui payer la facture n° 42608 d'un montant de 5 597,28 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 27 septembre 2012, date de la mise en demeure, montant correspond aux 4 000 euros HT, prix de deux insertions, à 680 euros HT de frais de fabrication, outre la TVA. Elle demande l'application de la clause pénale du point " 5) " de ses conditions générales de vente fixant à 15 % de la somme à recouvrer le montant de l'indemnité, et donc le paiement de 839,59 euros au titre de la clause pénale.

La société Coopérative AS Voyages, par conclusions signifiées par le RPVA le 11 juillet 2016, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les demandes de RNPO ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes formées par la société Régie Nationale de Publicité et d'Organisation.

A titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes de RNPO, elle soutient que :

- conformément aux dispositions de l'article L. 631-12, alinéa 2, du Code de commerce, en cas de redressement judiciaire, la mission de l'administrateur judiciaire est fixée par le tribunal qui la charge d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise et qu'ainsi l'absence de l'administrateur vicie la procédure ;

- bien que désigné depuis le 8 février 2012, Maître X ès qualités d'administrateur judiciaire de RNPO n'a pas été associé à la procédure d'injonction de payer du 23 novembre 2012 ayant donné lieu à l'ordonnance du 27 novembre 2012, ni même à la signification de l'ordonnance du 3 décembre 2012, que la requête était donc irrecevable et l'ordonnance et sa signification viciées ;

- l'opposition de l'exposante n'a pu régulariser le vice, même si, en cours de procédure, RNPO est redevenue in bonis ;

- en application de l'article L. 631-12 du Code de commerce, les demandes de RNPO sont irrecevables ab initio.

A titre subsidiaire, sur le rejet des demandes de RNPO

Sur la formation du contrat, elle expose que les demandes de la société RNPO sont mal fondées au motif que l'ordre d'insertion souscrit ne fait nullement référence au nombre d'insertions, au format de celles-ci, à la couleur des insertions, ni même à une date de parution. Elle indique que l'ordre d'insertion fixe également un prix unique (4 000 euros hors taxes) qui ne varie pas en fonction des options choisies (nombre, format et couleur des insertions), que de surcroît, dans la facture du 8 avril 2008 de RNPO, le nombre d'insertions initialement écrit, soit quatre, a été barré et remplacé par deux. Elle ajoute qu'en signant le document du 7 mars 2007, les parties ne se sont pas mises d'accord sur la chose, c'est-à-dire sur l'objet de l'insertion et la date à laquelle elle devrait intervenir, ni sur le prix de la parution.

La société SCA Coopérative AS Voyages soutient également qu'il appartient à la société RNPO, conformément à l'article 1315 du Code civil, d'apporter la preuve qu'elle a communiqué ses tarifs la société Coopérative AS Voyages, que la feuille mentionnant les tarifs ne fait preuve de rien, que l'imprécision de l'offre de RNPO n'a pu emporter l'acceptation pleine et entière de Coopérative AS Voyages, que c'est pourquoi, par lettre recommandée avec avis de réception du 20 mars 2007, reçu par RNPO le 26 mars, elle a légitimement informé RNPO de son intention de ne pas donner suite à la proposition commerciale du 7 mars précédent.

Sur l'exécution de l'offre du 7 mars 2007, Coopérative AS Voyages fait observer que les deux insertions faites par la société RNPO l'ont été pour les numéros d'avril et de mai 2008, c'est-à-dire plus d'un an après son refus exprès et sans équivoque, ce qui se trouve être loin de la bonne foi et le délai raisonnable allégué par la SA RNPO. Elle estime que la facture émise le 8 avril 2008 par RNPO pour un contrat qui ne s'est pas formé est critiquable dans son principe, mais aussi dans son quantum en faisant état de frais de fabrication qui n'ont pas été non plus soumis, justifiés ou acceptés par Sélectour Voyages.

SUR CE

Sur la recevabilité de la demande de RNPO

Considérant que l'article 126 du Code de procédure civile dispose que " dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue " ;

Considérant que la société Coopérative AS Voyages SCA soutient que les demandes de RNPO depuis la requête en injonction de payer sont irrecevables au motif qu'en application de l' article L. 631-12, alinéa 2, du Code de commerce, RNPO se trouvant en redressement judiciaire jusqu'au 8 mai 2013, l'administrateur judiciaire aurait dû être associé à la requête en injonction de payer du 23 novembre 2012, que l'absence de l'administrateur judiciaire dans la procédure d'injonction de payer vicie la totalité de la procédure ;

Mais considérant que la recevabilité de l'action s'apprécie au moment où le juge statue ; que la procédure a, en l'espèce, été régularisée, la société RNPO étant redevenue in bonis et la mission de l'administrateur judiciaire ayant pris fin le 19 juin 2013 ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes de la société RNPO recevables ;

Sur le fond

Considérant que l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver" ;

Considérant qu'il est établi que la société Sélectour Voyages (devenue Coopérative AS Voyages puis Coopérative Sélectour Afat) a souscrit, le 7 mars 2007, un ordre d'insertion auprès de RNPO - L'Officiel Magazine ; que cet ordre d'insertion indique :

Prestations fournies : Budget campagne publicitaire

Dans l'édition région Paris Île-de-France

Prix HT 4 000

TVA : 784

Montant TTC : 4 784 (frais de conception en sus facturés sur justificatif)

Format page publicitaire 260 x 196 ;

Que cet ordre d'insertion ne peut être considéré comme une commande ferme sur laquelle les parties se seraient mises d'accord sur la chose et sur le prix, ces deux éléments demeurant imprécis et indéterminés ; que l'article 6 des conditions générales de vente qui dispose : "Les annulations de contrat ne peuvent en aucun cas être prises en considération, la présente commande constitue un Engagement définitif et irrévocable", ne peut donc être applicable ; que l'ordre d'insertion ne définit pas la chose sur laquelle les parties se sont mises d'accord ; qu'il ne comporte aucune mention indiquant le nombre de parutions, leur format (1 page, 1/2, 1/4 ou 1/8 de page), la couleur de la parution et la date des insertions ; que le prix de 4 000 euros HT ne vise aucune prestation déterminée ; qu'il ne correspond pas au prix réclamé dans la facture du 8 avril 2008 (laquelle comporte une mention biffée), d'un montant de 5 597,28 euros pour deux insertions d'une demi page, comprenant un montant de 680 euros de frais de fabrication qui ne sont justifiés par aucune pièce, alors que, selon l'ordre d'insertion, seuls les frais de conception peuvent donner lieu à une facturation supplémentaire sur justificatif ; que RNPO n'établit pas que la société Coopérative Voyages ait eu connaissance des tarifs de la publicité Île-de-France, lesquels ne correspondent d'ailleurs pas au tarif réclamé dans la facture ; qu'il s'en déduit que, le 7 mars 2007, le contrat n'était pas encore formé ;

Que la société Coopérative Voyages était, dans ces conditions, autorisée, dès le 27 mars 2007, à informer, par lettre recommandée avec accusé de réception, RNPO qu'elle ne donnerait pas suite à sa " proposition commerciale ", lettre dont RNPO n'a tenu aucun compte en délivrant deux bons à tirer les 3 mai 2007 et 25 février 2008 de deux demi pages pour des parutions pour les mois d' avril et de mai 2008, délai, au demeurant, particulièrement long pour l'exécution d'un contrat signé le 7 mars 2007 ;

Qu'en conséquence, la société RNPO n'est pas en droit de réclamer le paiement d'une prestation qu'elle a exécutée de mauvaise foi sans tenir compte de la lettre du 27 mars 2007 ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que l'équité impose de condamner la société RNPO à payer à la société Coopérative Voyages la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne la société RNPO à payer à la société Coopérative Sélectour Afat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, la condamne aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.