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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 19 avril 2018, n° 149-2018

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cap Développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bech

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

Avocats :

Mes Laurent, Nadal, Landas

CA Douai n° 149-2018

19 avril 2018

Par contrat du 31 décembre 2013, M. Laurent M. a confié à la société Cap Développement la conception d'un site internet moyennant 45 200 euros HT pour la création puis 6 840 euros HT par an pour l'hébergement, la maintenance, le référencement et le " community management ". Il a versé un acompte de 22 600 euros le 13 janvier 2014.

Par jugement du 2 mars 2017, rendu contradictoirement mais en l'absence de conclusions au fond de la défenderesse, le Tribunal de grande instance de Lille, saisi par M. M., a rejeté une demande de rabat de l'ordonnance de clôture présentée par la société Cap Développement et a condamné cette dernière à payer à M. M. 22 600 euros en remboursement de l'acompte outre 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que le contrat était nul faute de respect par la société Cap Développement de dispositions du Code de la consommation relatives aux contrats conclus dans le cadre d'un démarchage.

La société Cap Développement, ayant relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 avril 2017, en sollicite l'infirmation et demande à la cour de débouter M. M. de ses prétentions et de le condamner à lui payer 22 600 euros représentant le solde du prix outre 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient à cet effet, d'une part, que le contrat dont il s'agit, conclu par M. M. pour les besoins de son activité professionnelle au cœur de laquelle se trouvait le site internet, n'était pas soumis aux dispositions du Code de la consommation dont le tribunal a fait application, d'autre part, que ce sont les manquements de M. M. à son engagement de lui fournir en temps voulu toutes les données utiles à la conception du site et diverses modifications qu'il a apportées à son projet qui l'ont empêchée de livrer ledit site dans le délai contractuellement fixé, qu'elle n'a commis aucune faute justifiant la résolution du contrat et que c'est M. M. qui a commis une faute en mettant fin à l'exécution du contrat.

M. Laurent M. demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement, de le compléter en faisant droit à hauteur de 3 000 euros à sa demande de dommages et intérêts sur laquelle il n'a pas été statué, subsidiairement de " constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant dans le contrat du 31 décembre 2013 " et de faire droit à la même demande de dommages et intérêts, en tout état de cause de condamner la société Cap Développement aux dépens et à lui payer 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir d'une part qu'il a conclu le contrat litigieux en tant que simple personne physique n'exerçant pas d'activité professionnelle indépendante et bénéficie, comme l'a jugé le tribunal, de la protection reconnue au " consommateur " par le Code de la consommation, d'autre part que le défaut de livraison du site internet dans le délai prévu n'est dû qu'à l'inaptitude de la société Cap Développement à appréhender la singularité de son projet malgré les indications explicites qu'il lui a fournies et justifie l'application de la clause résolutoire insérée dans le contrat.

Vu les conclusions récapitulatives de l'appelante en date du 1er décembre 2017 et les conclusions de l'intimé en date du 6 novembre 2017.

SUR CE

Compte tenu de la date du contrat en cause, le présent litige est à examiner au regard des dispositions du Code civil relatives aux conventions dans leur rédaction et leur numérotation antérieures à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l'ordonnance du 10 février 2016 et des dispositions du Code de la consommation antérieures à l'entrée en vigueur de la loi dite Hamon du 17 mars 2014.

Le tribunal a exactement rappelé que sous l'empire de ces dispositions du Code de la consommation, le consommateur était défini par la jurisprudence comme une personne physique agissant sans rapport direct avec son activité professionnelle.

L'article L. 121-22 du Code de la consommation disposait que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 relatives au démarchage, notamment, les ventes, locations ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

S'il ressort de la convention du 31 décembre 2013 que M. Laurent M. a contracté avec la société Cap Développement en son nom personnel, il s'est néanmoins réservé à ce moment-là la faculté de se substituer toute personne morale qu'il viendrait à constituer et il est acquis aux débats que le site internet commandé était destiné à être exploité par une société qu'il avait effectivement le projet de créer (et qu'il a effectivement créée au mois de novembre 2014 sous la dénomination LVMA) et à " la mise en place d'un système original de rapprochement, via une plateforme internet, de vendeurs/bailleurs et d'acheteurs/locataires dans le domaine immobilier ", selon l'exposé du projet professionnel de M. M. figurant dans les statuts de ladite société.

La commande du site internet par M. M. était donc la première étape concrète de la mise en œuvre d'un projet professionnel qui en était la seule raison d'être ; elle doit dès lors être considérée comme ayant un rapport direct, au sens de l'article L. 121-22 susvisé, avec une activité exercée dans un cadre commercial, certes future mais dont ce site était l'instrument essentiel, et comme ne relevant pas des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29.

C'est donc à tort que le tribunal a condamné la société Cap Développement à rembourser à M. M. l'acompte de 22 600 euros en raison d'une nullité fondée sur lesdites dispositions, nullité qu'il n'a, au demeurant, pas prononcée ni constatée dans le dispositif de sa décision.

L'article 17 de la convention stipule qu'en cas de manquement par l'une des parties à une quelconque de ses obligations prévues au présent contrat auquel il ne serait pas remédié dans un délai de trente jours calendaires suivant une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'autre partie pourra résilier le contrat de plein droit sans formalité judiciaire, sans préjudice également de tous dommages et intérêts. La résiliation devra être notifiée par la partie non défaillante à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'article 6 stipule l'obligation pour la société Cap Développement de fournir les prestations conformément aux niveaux de qualité, de performance et de réactivité attendus et figurant aux annexes et dans le délai convenu contractuellement entre les parties.

L'une de ces annexes, signée des parties, prévoit que la " recette " du site interviendra le 16 mars 2014.

Il n'est pas contesté que tel n'a pas été le cas.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 avril 2014, M. M. a déclaré rejeter la proposition de graphisme du site faite par l'appelante, lui a donné des indications pour en établir une autre, a proposé de se mettre à la disposition du graphiste et de travailler avec lui et mis en demeure la société Cap Développement de lui délivrer le projet sur l'ensemble des aspects fonctionnels sous trois semaines.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 avril 2014, le conseil de M. M. a mis en demeure la société Cap Développement de lui livrer l'intégralité des développements du site " Côté Acheteur " dans le délai de trente jours prévu par l'article 17 précité sous peine de résiliation.

Enfin, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juin 2014, M. M. a notifié à la société Cap Développements la résiliation du contrat et l'a invitée à lui rembourser sans délai l'acompte de 22 600 euros.

Par courrier du 31 juillet 2014, la société Cap Développements expose notamment à M. M. qu'elle n'est pas responsable du retard de livraison enregistré et qu'elle n'a toujours pas la totalité des éléments nécessaires à la réalisation du projet qu'il devait lui fournir, qu'elle a néanmoins élaboré des prototypes qu'elle lui a soumis et qu'elle est prête à continuer à avancer et à livrer rapidement le projet si les conditions sont réunies.

Toutefois, elle ne verse aux débats aucune pièce justifiant de ce qu'elle aurait réclamé à M. M. des précisions manquantes, de ce que ce dernier aurait modifié plusieurs fois ses choix ni de ce qu'elle aurait attiré son attention sur l'allongement du délai de livraison qui en résulterait. Les courriels réciproques versés aux débats par M. M. n'en font pas état et elle n'en produit pas d'autres, alors même qu'il en ressort que les parties ont poursuivi leurs échanges sur des points techniques bien au-delà du 16 mars 2014.

La cour n'est pas en mesure de porter un jugement sur la qualité des prestations réalisées par la société Cap Développements ni sur le caractère éventuellement excessif ou changeant des exigences de M. M..

Elle constate en revanche que le délai de livraison convenu n'a pas été respecté et que l'intimé et son conseil ont appliqué la procédure contractuellement prévue leur permettant de se prévaloir dans cette hypothèse de la résiliation du contrat.

Cette résiliation entraîne la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient initialement et, par conséquent, la restitution de l'acompte.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à procéder à cette restitution.

M. M. ne caractérise pas le préjudice sur lequel il fonde sa demande de dommages et intérêts à laquelle il ne peut dès lors être fait droit.

Il appartient à l'appelante, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, et il est en outre équitable, vu l'article 700 du même Code, qu'elle indemnise l'intimé des autres frais qu'il a été contraint d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel.