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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 mai 2018, n° 16-02607

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Firat Sprl (Sté)

Défendeur :

Fantaisie (SARL), Tiberghein (ès qual.), Malfaisan (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Meynard, Nivaud-Pelletier

T. com. Lille, du 8 janv. 2015

8 janvier 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Firat, de droit belge, créée en 2006, a pour activité la vente de produits d'alimentation.

La société Fantaisie, créée en 1998, avait pour activité la restauration rapide.

De l'année 2006 à la fin de l'année 2010, la société Firat et la société Fantaisie ont noué une relation commerciale.

Estimant que les factures ayant donné lieu à des livraisons de marchandises du mois d'octobre jusqu'au 3 novembre 2010 étaient demeurées impayées, la société Firat a adressé des courriers recommandés à la société Fantaisie les 2, 10 et 29 novembre 2010, réclamant la somme totale de 197 574,94 euros.

Par ordonnance sur requête du 11 janvier 2011 du Président du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, la société Firat a obtenu l'autorisation de réaliser une saisie conservatoire sur les comptes de la société Fantaisie ouvert auprès de la banque CIC Nord-Ouest, saisie dénoncée le 24 janvier 2011 par la société Fantaisie.

Par acte du 4 février 2011, la société Firat a assigné la société Fantaisie devant le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme 197 574,94 euros.

Par jugement du 2 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a condamné la société Fantaisie à payer à la société Firat la somme de 33 239,56 euros et a débouté la société Firat de l'ensemble de ses autres demandes.

La société Firat a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 7 mars 2013, la Cour d'appel de Douai, infirmant le jugement déféré, a condamné la société Fantaisie à payer à la société Firat la somme de 197 574,94 euros et a rejeté la demande de validation de la saisie conservatoire formulée par la société Firat.

Par acte du 25 juin 2013, la société Firat a assigné la société Fantaisie devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 3 mars 2014, la société Fantaisie a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et un plan de continuation a été validé le 17 mars 2015.

Par jugement du 8 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la société Firat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Firat à payer à la société Fantaisie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Firat aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros.

La société Firat a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 22 janvier 2016.

Par jugement du 5 décembre 2017, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la liquidation judiciaire de la société Fantaisie et désigné Me Emmanuel Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur.

La procédure devant la cour a été clôturée le 27 février 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 19 avril 2016 par lesquelles la société Firat, appelante, invite la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à :

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille du 8 janvier 2015,

- constater la brusque rupture des relations commerciales entre les sociétés Firat et Fantaisie du fait de la société Fantaisie,

- dire que la société Fantaisie était tenue de respecter un préavis de 18 mois,

- fixer l'indemnisation de ce préavis de 18 mois sur la perte de la moyenne de la marge brute, soit la somme de 193 500 euros, augmentée des intérêts judiciaires à compter de l'assignation,

- dire que le jugement sera opposable à Me Jean-Lin Tiberghien, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Fantaisie,

- dire que la somme de 193 500 euros, augmentée des intérêts judiciaires à compter de l'assignation devra être inscrite au passif de la société Fantaisie,

- condamner la société Fantaisie au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, pour ceux que la concerne.

Vu les conclusions du 9 février 2018 par lesquelles Me Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Fantaisie, intimé ayant formé appel incident, demande à la cour, de :

- lui donner acte de son intervention volontaire et de la reprise de la présente instance,

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 8 janvier 2015,

en conséquence,

- débouter la société Firat de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Firat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- la condamner aux entiers frais et dépens,

à titre subsidiaire,

- ramener les demandes de la société Firat à de plus justes proportions.

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Firat fait valoir que la société Fantaisie est l'auteur de la rupture, en n'effectuant plus aucun règlement des factures à compter d'octobre 2010 et en ne procédant plus à aucune commande depuis le 3 novembre 2010. Elle explique ensuite que le préavis suffisant doit être fixé à 18 mois compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales entre les deux sociétés et son état de dépendance économique. Elle fixe son préjudice lié à la brutalité de la rupture à la somme de 193 500 euros au titre de la perte de marge brute sur 18 mois de préavis.

En réplique, Me Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Fantaisie, estime que c'est la société Firat qui a rompu la relation en refusant de livrer une commande de marchandises qu'elle avait formulée le 28 octobre 2010 et en engageant ensuite une procédure en paiement de factures. Elle conteste que la durée du préavis puisse être fixée à 18 mois compte tenu de l'ancienneté de la relation entre les deux sociétés, soit 4 ans et 8 mois. Elle explique que la société Firat ne démontre pas son préjudice, faute pour cette dernière de justifier de la marge brute moyenne évoquée.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Les parties s'opposent sur l'imputabilité de la rupture, la durée du préavis dont aurait dû bénéficier la société Firat et le préjudice qu'elle a subi.

Il est constant que les deux sociétés ont entretenu des relations commerciales établies depuis le 15 février 2006 et que la rupture est intervenue au mois de novembre 2010.

Ainsi, au jour de la rupture, les relations commerciales établies ont duré 4 ans et 8 mois.

Il ressort de l'instruction du dossier que :

- par courrier du 28 octobre 2010 la société Firat demande à la société Fantaisie de lui envoyer chaque vendredi les commandes pour la semaine suivante, afin qu'elle puisse approvisionner ses stocks,

- par télécopie du 28 octobre 2010, la société Fantaisie commande à la société Firat de la viande et l'informe qu'elle a pris note de l'organisation des commandes,

- par courrier du 2 novembre 2010 la société Firat indique à la société Fantaisie que cette dernière restait lui devoir la somme de 129 533,61 euros au titre de factures impayées, et qu'elle demandait désormais un paiement des livraisons au comptant, compte-tenu des retards de paiements,

- par arrêt du 7 mars 2013, la Cour d'appel de Douai a condamné la société Fantaisie à payer à la société Firat la somme de 197 574,94 euros au titre des factures impayées.

Il n'est pas contesté par les parties que la dernière commande envoyée par la société Fantaisie à la société Firat date du 28 octobre 2010 et que cette dernière n'a pas honoré la livraison, aucune pièce ne venant, pas ailleurs, établir que cette commande a été livrée.

L'auteur de la rupture est donc la société Firat, pour ne pas avoir livré la commande qui lui a été passée par la société Fantaisie. En effet, la circonstance que la société Fantaisie restait devoir à la société Firat, à la date de la rupture, la somme de 197 574,94 euros au titre des factures impayées est indifférente pour déterminer à qui est imputable la rupture en application du texte précité et ne peut faire d'elle l'auteur de la rupture.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par la société Firat à l'encontre de Me Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Fantaisie.

Le jugement doit donc être confirmé.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Firat, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Me Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Fantaisie, la somme supplémentaire de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Firat.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement ; Y ajoutant, Condamne la société Firat aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Me Malfaisan, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Fantaisie, la somme supplémentaire de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.