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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 26 avril 2018, n° 17-05854

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pépinières V. (SARL)

Défendeur :

Lodder-Unterlagen GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clozel-Truche

Conseillers :

Mmes Pages, Blanchard

Avocat :

Selarl Lexavoué Grenoble

T. com. Romans-sur-Isère, du 13 déc. 201…

13 décembre 2017

La SAS Pépinières V. est fondée en 1926 et a son siège social à Crest dans la Drôme.

Elle a pour activité la production d'arbres fruitiers notamment de type Prunus à destination des professionnels de l'arboriculture.

Elle utilise la technique du greffage ce qui nécessite l'utilisation de porte-greffes.

La SARL Pépinières V. est spécialisée dans la commercialisation des produits de la SAS.

La société Lodder Unterlagen (Lodder) est une pépinière produisant dans la région de Munster en Westphalie des portes greffes.

Le 25 février 2013, la SAS Pépinières V. commande auprès de la société allemande Lodder 1000 porte-greffes GF 655-2 livrés le 18 mars 2013 et facturés le 6 avril 2013 et 1500 porte-greffes GF 655-2 commandés le 9 janvier 2014, livrés le 11 mars 2014 et facturés le 31 mars 2014, certifiés exempts de virus.

Selon la SAS Pépinières V., ces porte-greffes se sont révélés infectés par le virus SHARKA, confirmé par des analyses de laboratoire, obligeant l'acquéreur à détruire 32 400 arbres fruitiers situés à proximité du matériel végétal et à suspendre toute commercialisation d'arbres situés dans un environnement proche.

La SAS Pépinières V. fait citer la société allemande Lodder par assignation en date du 2 juillet 2016 devant le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en vue de l'indemnisation de son préjudice consécutif à cette infection sur le fondement de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des produits défectueux.

La SARL Pépinières V. intervient volontairement à cette procédure sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle s'estimant victime d'un préjudice propre, n'ayant pu commercialiser les arbres de la SAS Pépinières V. et en vue également de son indemnisation par la société Lodder.

Par jugement du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date du 13 décembre 2017 :

- il est donné acte à la société Pépinières V. de ce qu'elle accepte les dernières conclusions de la société Lodder,

- constate que les conditions générales de vente de la société Lodder contiennent une clause attributive de juridiction au profit exclusif des juridictions allemandes du ressort du siège social du vendeur et sont opposables à la SAS V.,

- accueille l'exception d'incompétence soulevée par la société Lodder,

- se déclare territorialement incompétent au profit de la juridiction allemande,

- renvoie les parties à mieux se pourvoir,

- dit que la demande de la SARL V. pépinières se rattache avec un lien suffisant à la demande initiale,

- se déclare incompétent,

- renvoie les parties à mieux se pourvoir.

Par déclaration au greffe en date du 29 décembre 2017, la SAS Pépinières V. et la SARL Pépinières V. relèvent appel de la décision susvisée.

Par ordonnance du 17 janvier 2018 du premier président de la Cour d'appel de Grenoble, la SAS Pépinières V. et la SARL V. pépinières sont autorisées à assigner la société Lodder à l'audience de la chambre commerciale de la Cour d'appel du 21 mars 2018.

La société Lodder est régulièrement assignée à la demande des sociétés appelantes par acte d'huissier en date du 29 janvier 2018.

Au vu de leurs dernières conclusions en date du 21 mars 2018, la SAS Pépinières V. et la SARL V. pépinières demandent l'infirmation du jugement contesté en ce qu'il a accueilli l'exception d'incompétence soulevée par la société Lodder et s'est déclaré incompétent.

Elles font valoir la compétence du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère pour connaître de leurs demandes.

Elles sollicitent le renvoi de la présente affaire devant le Tribunal de commerce de Romans pour connaître du présent litige sur le fond.

À titre subsidiaire, elles demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent quant à la demande de la SARL V. pépinières et demandent le renvoi de l'affaire au fond devant le Tribunal de commerce de Romans pour statuer sur les demandes de la SARL V. pépinières.

En tout état de cause, elles demandent la condamnation de la société Lodder à payer la somme de 49 000 euros à la SAS Pépinières V. et celle de 15 500 euros à la SARL V. pépinières au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Pépinières V. fait valoir que les conditions générales de vente de la partie adverse prévoyant en leur article 11.2 une clause attributive de compétence ne sont pas inapplicables car cette clause est rédigée en termes imprécis.

Elle conteste la validité de la clause attributive de compétence revendiquée par la partie adverse selon laquelle la juridiction territorialement compétente serait celle du siège social de la société Lodder, comme non conforme aux conditions de validité prévues par l'article 25 du Règlement européen, n'ayant pas accepté par écrit une telle clause, à défaut de relation commerciale longue et régulière entre les parties et à défaut de comportement généralement suivi par les opérateurs dans le secteur de la vente de ce type de produit.

Elle précise que la partie adverse ne justifie par aucun élément que les conditions générales de vente auraient été stipulées au verso des documents commerciaux communiqués lors des ventes litigieuses, ou auraient figuré sur son site internet aux dates concernées par le présent litige.

Elle ajoute qu'il n'existe pas de relation commerciale établie entre les parties, que les commandes n'ont été qu'occasionnelles, soit en mars 2005, qu'aucun des documents contractuels transmis à cette date ne mentionne les conditions générales en cause, et ce pour la commande de mars 2006 et celles de mars 2013 et 2014 objet du présent litige.

Elle explique qu'au contraire les conditions générales de vente revendiquées ne lui ont jamais été communiquées et donc ne peuvent avoir été acceptées.

Elle fait par conséquent valoir la compétence territoriale du lieu d'exécution de l'obligation et en application de l'article 7-1 du règlement européen n° 1215/2012, soit le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère.

La SARL Pépinières V. fait valoir que la clause litigieuse ne peut lui être opposée en l'absence de relation contractuelle, sa demande à l'encontre de la société Lodder étant fondée sur la responsabilité délictuelle.

Elle précise que sa demande se rattache à celle de la SAS Pépinières V. avec un lien suffisant s'agissant de la demande d'indemnisation de son incapacité à honorer ses commandes suite à la destruction par la SAS des arbres contaminés mais est une action autonome de sorte que la compétence territoriale de l'action principale ne s'impose pas à elle.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 21 mars 2018, la société Lodder-Unterlagen GmbH demande la confirmation du jugement contesté en ce qu'il a accueilli son exception d'incompétence territoriale et à la fois pour la SAS Pépinières V. mais aussi la SARL Pépinières V..

Elle fait valoir que la SARL Pépinières V. n'a pas subi de préjudice propre et ne peut donc intervenir volontairement à la présente instance.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que la SARL Pépinières V. avait connaissance des conditions générales.

Elle conclut au débouté des demandes de la SAS Pépinières V. et de la SARL Pépinières V. et demande qu'elles soient invitées à se pourvoir devant les juridictions allemandes.

Elle sollicite la condamnation solidaire de la SAS Pépinières V. et de la SARL Pépinières V. au paiement de la somme de 132 845,22 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que le Règlement de l'Union européenne du 12 décembre 2012 conduit à l'application de ses conditions générales de vente en ce qu'elles prévoient une clause attributive de compétence au profit des juridictions du ressort de son siège social.

Elle précise que la clause litigieuse est valable étant claire et non équivoque.

Elle fait valoir l'opposabilité de cette clause attributive de juridiction au regard des dispositions de l'article 25 du règlement applicable puisque la SAS Pépinières V. en a eu connaissance et les a acceptées.

Elle ajoute que ses conditions générales de vente mentionnées au verso de tous les documents commerciaux bien qu'en langue allemande justifient de leur acceptation et ce dès la commande de 2005 et qu'à partir de 2013 ces mêmes conditions générales de vente figurent sur son site internet ainsi que sur l'envoi annuel de la liste de ses produits.

Elle explique que si la SARL Pépinières V. n'est pas partie à la vente, sa demande ne peut être jugée indépendamment de celle de la SAS Pépinières V..

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le présent litige étant entre deux sociétés dont les sièges sont situés tous deux au sein de l'Union européenne, le règlement de Bruxelles de l'Union européenne du 12 décembre 2012 n° 1215/2012 est applicable compte tenu de la nature du présent litige.

Ce règlement prévoit en son article 25 la validité d'une clause de prorogation de compétence.

Sur la validité de la clause attributive de compétence :

Les conditions générales de vente produites par la société Lodder mentionnent en leur article 11-2 "si le client est commerçant, une personne morale de droit public ou un établissement public, les tribunaux du ressort de notre siège social sont exclusivement compétents pour connaître de tout litige."

Cette clause permet de parfaitement identifier la juridiction compétente soit la juridiction du lieu du siège social de la société Lodder-Unterlagen GmbH et pour tous les litiges issus d'une relation contractuelle, y compris du contrat de vente entre la société Lodder et son client.

La rédaction de cette clause en termes généraux ne justifie pas de son caractère imprécis mais de ses modalités d'application soit à tout litige.

La non application de cette clause pour imprécision sera par conséquent rejetée.

Sur l'opposabilité de la clause attributive de compétence à la SAS Pépinières V. :

La confirmation des commandes en date des 8 mars 2013 et 5 février 2014 relatives aux portes greffes objet du présent litige produites par la société appelante mentionne "conditions de livraison et de paiement au verso".

L'original recto-verso de ces documents transmis à la SAS Pépinières V. ne peuvent être produits que par cette dernière, à défaut et sans explication, elle ne peut légitimement en tirer un quelconque argument ; elle ne peut dès lors prétendre avoir ainsi démontré ne pas avoir été destinataire des conditions générales, et ce alors qu'au contraire la société Lodder produit un exemplaire vierge de son papier à en-tête, en pièce n° 19, modèle en vigueur pour les années 2013 et 2014, utilisé pour les confirmations de commande et les factures litigieuses et sur lequel figurent au verso les conditions générales de vente.

La société Lodder produit également l'exemplaire de son papier à en-tête, en pièce n° 18, modèle en vigueur en 2005 et 2006 et sur lequel figurent les conditions générales de vente au verso, également utilisé pour les confirmations de commande et factures et alors qu'il est constant que la SAS Pépinières V. a procédé à une commande ayant fait l'objet d'une confirmation et d'une livraison en 2005 puis en 2006.

La société Lodder justifie dès lors de la mention de ses conditions générales de vente sur ces différents documents commerciaux et également de l'existence de ses conditions générales de vente sur son site internet et consultables en différentes langues dont le français.

La SAS Pépinières V. qui a été destinataire de ces différents documents commerciaux à plusieurs reprises et dès 2005 ne pouvait par conséquent ignorer les conditions générales de vente.

Il est justifié de la confirmation des différentes commandes et du paiement des factures correspondantes par la SAS Pépinières V. dès 2005 sans protestation et alors qu'il est démontré qu'elle a à chaque fois eu connaissance des conditions générales de vente démontrant qu'elle les a acceptées et y compris en son article 11-2 "si le client est commerçant, une personne morale de droit public ou un établissement public, les tribunaux du ressort de notre siège social sont exclusivement compétents pour connaître de tout litige."

Il appartenait également à la SAS Pépinières V. d'être vigilante, de consulter sur le site internet les conditions générales de vente comme indiqué sur les documents contractuels à partir de 2013, mentionnées en différentes langues y compris en français.

Ces conditions générales sont dès lors applicables entre les parties, y compris en ce qu'elles prévoient la compétence de la juridiction du siège social de la société Lodder.

Dans la mesure où la demande en réparation de préjudice de la SARL Pépinières V. se rattache à la demande principale de la SAS Pépinières V. également en réparation de son préjudice, les deux préjudices invoqués étant issus du même sinistre, l'intervention volontaire de cette dernières est recevable et ne peut par conséquent faire l'objet d'une disjonction et devra être jugée avec l'affaire principale soit par la juridiction compétente pour connaître le litige entre la SAS Pépinières V. et la société Lodder, et ce indépendamment de l'opposabilité des conditions générales de vente litigieuses à la SARL Pépinières V..

Le jugement contesté du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère se déclarant incompétent au profit des juridictions allemandes pour connaître à la fois de la demande principale de la SAS Pépinières V. et de la demande additionnelle de la SARL Pépinières V. sera confirmé en toutes ses dispositions.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Lodder.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement contesté en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne in solidum la SAS Pépinières V. et de la SARL Pépinières V. à payer à la société Lodder la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne in solidum la SAS Pépinières V. et de la SARL Pépinières V. aux entiers dépens.