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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 mai 2018, n° 16-03436

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodibreuil (SAS)

Défendeur :

Tantale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocat :

Me Verdier

T. com. Lille, du 19 janv. 2016

19 janvier 2016

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de prestation de services du 1er avril 2014, la société Sodibreuil a confié à la société Tantale, spécialisée dans le gardiennage et la sécurité de bâtiments et habitations, la surveillance du site " X " situé à Breteuil (60).

Ce contrat a été conclu pour une durée de 2 ans renouvelable tacitement, sauf dénonciation 90 jours avant la date anniversaire du contrat, soit avec un préavis de 3 mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2014, la société Tantale a informé la société Sodibreuil de l'augmentation du tarif mensuel de ses prestations à effet au 1er octobre 2014.

La société Sodibreuil s'est acquittée de la facture du mois d'octobre 2014, émise par la société Tantale en application du nouveau tarif.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2014, la société Sodibreuil a mis un terme immédiat au contrat, justifiant cette rupture par la modification unilatérale des clauses du contrat par la société Tantale.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2014, la société Tantale a mis en demeure la société Sodibreuil de lui payer la somme de 157 115,79 euros au titre de la rupture abusive du contrat, non-respect de la procédure et non-respect du préavis.

Cette mise en demeure étant restée infructueuse, par exploit du 13 janvier 2015, la société Tantale a assigné la société Sodibreuil devant le Tribunal de commerce de Lille Europe en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

Par jugement du 19 janvier 2016, le Tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la société Sodibreuil de sa demande de nullité de l'assignation pour indication erronée du Tribunal de Lille Europe,

- s'est déclaré compétent,

- condamné la société Sodibreuil à payer à la société Tantale la somme de 21 160 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la société Sodibreuil de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sodibreuil à payer à la société Tantale la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Sodibreuil aux entiers frais et dépens de l'instance, taxés et liquidés à la somme de 81,12 euros en ce qui concerne les frais de greffe,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

LA COUR

Vu la déclaration d'appel de la société Sodibreuil signifiée par exploit du 7 avril 2016 à la société Tantale, intimée défaillante,

Vu les dernières conclusions signifiées à la société Tantale, intimée défaillante, par exploit du 4 mai 2016 par lesquelles la société Sodibreuil, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 ancien du Code civil, à :

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille le 19 janvier 2016,

statuant à nouveau,

- déclarer la société Sodibreuil recevable et bien fondée en son appel,

en conséquence,

- constater que la relation commerciale ayant lié les parties n'était pas établie,

- dire que la société Tantale s'est rendue coupable d'une violation de ses obligations contractuelles,

- dire que la rupture du contrat ne revêt pas un caractère brutal et abusif,

- condamner la société Tantale à payer à la société Sodibreuil la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Tantale à payer les entiers dépens ;

SUR CE

Conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile, si l'intimé n'a pas constitué avocat, la cour d'appel statue néanmoins sur le fond et ne fait droit à la demande de l'appelant que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Par ailleurs, l'effet dévolutif de l'appel suppose que la cour statue sur l'entier litige en prenant en compte l'ensemble des données et notamment les prétentions formées par l'intimée en première instance.

Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Tantale, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la somme de 21 160 euros au titre du gain manqué du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, faute de lui avoir accordé un préavis suffisant qu'il a évalué à 3 mois, la société Sodibreuil soutient, à juste titre, qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce la relation commerciale entre les deux sociétés, qui a duré seulement 6 mois, n'étant pas établie au sens de ce texte.

En effet, l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qui dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ...5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", suppose que les relations commerciales, qui ont donné lieu à rupture, soient établies, c'est-à-dire qu'elles présentent un caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable de sorte qu'elle pouvait laisser augurer, à la partie qui se prétend victime d'une rupture brutale, que cette relation avait vocation à perdurer.

Or, en l'espèce, au jour de la rupture intervenue le 20 novembre 2014, les relations commerciales entre les parties, constituées d'un seul contrat souscrit le 1er avril 2014, n'avaient duré que quelques mois de sorte qu'elles ne sont pas susceptibles d'entrer dans les prévisions de l'article précité. Par suite, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions et la société Tantale sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

La société Tantale qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et devra verser à la société Sodibreuil la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau, Déboute la société Tantale de l'intégralité de ses demandes ; Condamne la société Tantale aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la société Tantale à verser à la société Sodibreuil la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.