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Décisions

Cass. com., 9 mai 2018, n° 14-23.273

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Tünkers France (SARL) , Tünkers Maschinenbau GmbH (Sté)

Défendeur :

Expert France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Bénabent

Paris, pôle 1, ch. 2, du 19 juin 2014

19 juin 2014

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2014), rendu en matière de contredit, que, par un jugement du 14 juillet 2006, le Tribunal de Darmstadt (Allemagne) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'égard de la société de droit allemand Expert Maschinenbau GmbH (la société Expert Maschinenbau), un administrateur judiciaire étant désigné ; que, le 13 septembre 2006, celui-ci a conclu un accord provisoire avec la société de droit allemand Tünkers Maschinenbau GmbH (la société Tünkers Maschinenbau), candidate à la reprise de l'activité de propulsion secteur " P " de la société Expert Maschinenbau ; que, les 19 septembre, 24 et 27 octobre 2006, la société Tünkers Maschinenbau a écrit directement aux clients de la société Expert France, filiale française de la société Expert Maschinenbau, distributeur exclusif en France des matériels de celle-ci, pour les inviter à s'adresser désormais à elle pour effectuer leurs commandes ; que, par un acte définitif du 22 septembre 2006, l'administrateur a cédé le secteur " P " à la société de droit allemand Wetzel Fahrzeugbau GmbH, filiale de la société Tünkers Maschinenbau ; que, le 25 février 2013, la société Expert France a assigné les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau devant le Tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour avoir commis des actes de concurrence déloyale en s'appropriant sa clientèle ; que, se fondant sur l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les sociétés défenderesses ont décliné la compétence de la juridiction saisie et revendiqué celle du Tribunal de Darmstadt ; que, le Tribunal de commerce de Paris ayant rejeté leur exception d'incompétence, les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau ont formé contredit ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a rejeté le contredit et renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris ; que, par un arrêt du 29 novembre 2016, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 3 du règlement (CE) du Conseil n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;

Attendu que les sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau font grief à l'arrêt de rejeter leur contredit et de renvoyer l'affaire devant le tribunal pour la poursuite de l'instance au fond alors, selon le moyen : 1°) que relève exclusivement du tribunal ayant ouvert une procédure d'insolvabilité une action en justice découlant de la prise d'une décision qui dérive directement de cette procédure et s'y insère étroitement ; que tel est le cas d'une action, fût-elle en responsabilité délictuelle, par laquelle il est reproché à celui qui a bénéficié de la cession d'une branche d'activité prononcée dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité de s'être présenté à tort comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur, dès lors qu'il appartient au seul tribunal de la procédure d'insolvabilité de déterminer le périmètre de la cession ; qu'en l'espèce, la société Tünkers Maschinenbau soutenait que c'était en vertu d'un accord provisoire du 13 septembre 2006 conclu dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ouverte par l'Amstgericht de Darmstadt (RFA) à l'égard de la société de droit allemand Expert Maschinenbau que les produits relevant du secteur " P " fabriqués par celle-ci avaient été proposés exclusivement à la société Tünkers Maschinenbau en vue de leur commercialisation et que cet accord provisoire avait été confirmé par accord définitif du 22 septembre 2006 ; qu'elle en déduisait que la société Expert Maschinenbau, sous couvert de concurrence déloyale, contestait en réalité le droit de distribution exclusive conféré à la première société dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ; qu'en affirmant la compétence du Tribunal de commerce de Paris pour connaître de cette action, au prétexte que la société Expert France se bornait à exciper de ce que la société Tünkers Maschinenbau aurait laissé croire à sa clientèle qu'elle détenait un contrat de distribution exclusive des articles fabriqués par la société débitrice, quand seul le tribunal ayant ouvert la procédure d'insolvabilité était compétent pour se prononcer sur le point de savoir si le cessionnaire s'était présenté à tort comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur, la cour d'appel a violé l'article 3 du règlement (CE) du Conseil n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; 2°) que la Cour de cassation interrogera la Cour de justice de l'Union européenne sur le point de savoir si l'article 3 du règlement (CE) du Conseil n° 1346/2000 du 29 mai 2000 doit être interprété en ce sens que relève exclusivement du tribunal ayant ouvert une procédure d'insolvabilité une action en justice, fût-elle en responsabilité délictuelle, par laquelle il est reproché à celui qui a bénéficié de la cession d'une branche d'activité prononcée dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité de s'être présenté à tort comme assurant la distribution exclusive des articles fabriqués par le débiteur, dès lors qu'il appartient au seul tribunal de la procédure d'insolvabilité de déterminer le périmètre de la cession ;

Mais attendu que par un arrêt du 9 novembre 2017 (C-641/16), la CJUE a dit pour droit que l'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure d'insolvabilité une action en responsabilité pour concurrence déloyale par laquelle il est reproché au cessionnaire d'une branche d'activité acquise dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité, de s'être présenté à tort comme assurant la distribution exclusive d'articles fabriqués par le débiteur ; qu'il en résulte que l'arrêt retient exactement que l'action engagée par la société Expert France ne relevait pas de la compétence du juge de la procédure d'insolvabilité et que le contredit des sociétés Tünkers France et Tünkers Maschinenbau devait être rejeté ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche dès lors que la CJUE a été interrogée, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.