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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 15 mai 2018, n° 16-00260

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

ATE (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes Daniel, Fouquet-Lapar

CA Rennes n° 16-00260

15 mai 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant offre en date du 23 mai 2014, monsieur et madame B. ont acquis auprès de la société ATE un véhicule d'occasion Peugeot 206 Cabriolet pour un prix de 2 750 € stipulé payé au comptant.

Suivant certificat en date du 15 juin 2014, la société ATE a repris un véhicule Cadillac BLS appartenant aux époux B. pour un prix de 1 300 €.

Invoquant des défauts de conformité et des dysfonctionnements affectant le véhicule acheté, les époux B. ont fait assigner la société ATE devant le tribunal de commerce de Saint Nazaire par acte en date du 19 juin 2015 afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 2 705 € 52 au titre des réparations, 300 € au titre des frais de certificat d'immatriculation et de pneumatiques, 6 000 € au titre de préjudice de jouissance, 2 000 € au titre du préjudice moral et 4 200 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 2 décembre 2015, le tribunal a débouté les époux B. de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés à verser à la société ATE une somme de 1 500 € pour procédure abusive, outre 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur et madame B. ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 11 janvier 2016.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 7 mars 2018 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 28 mars 2018.

A l'appui de leur appel, par conclusions déposées le 10 février 2017, les époux B. invoquent une violation par la société ATE de son obligation de délivrance et rappellent les dispositions des articles L. 211-4 et L. 211-7 du Code de la consommation. Ils versent aux débats différents devis et un rapport d'expertise amiable pour démontrer l'existence de différents dysfonctionnements affectant le véhicule et apparus dans les six mois de la vente ainsi que des attestations établissant selon eux des pratiques commerciales douteuses imputables au vendeur. Ils invoquent en outre un manquement par la société ATE à son obligation d'information sur l'existence de surcoût représenté par les frais de pneumatiques, de certificat d'immatriculation ou de vidange. Selon eux, l'offre d'achat en date du 23 mai 2014 serait un faux et ils maintiennent n'avoir eu aucun élément sur le kilométrage du véhicule et n'avoir jamais été en possession du contrôle technique. Ils précisent avoir porté plainte pour faux et relèvent des incohérences dans les dates et documents produits par la partie adverse. Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la cour d'infirmer la décision et d'ordonner la communication en original de l'offre d'achat du véhicule Peugeot et le certificat de reprise du véhicule Cadillac, de procéder à une vérification d'écriture, de dire que l'officier d'état civil certifiant conforme un document n'est pas compétent pour attester de son authenticité, de condamner la société ATE à leur verser une somme de 829 € 85 au titre des réparations effectuées, une somme de 200 € au titre des pneumatiques, une somme de 100 € au titre de sur facturation pour le certificat d'immatriculation, une somme de 2 000 € au titre de leur préjudice moral et une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'EURL ATE, par conclusions déposées le 29 avril 2016, après avoir réfuté les allégations factuelles des époux B., affirment que les appelants n'apportent aucun élément permettant d'affirmer que le véhicule n'était pas conforme. Elle conteste notamment la pertinence du devis de réparation fourni et l'impartialité de l'expertise amiable versée aux débats. Elle affirme avoir fourni aux époux B. le procès-verbal de contrôle technique et dément que l'offre d'achat du 29 mai 2014 soit un faux. Elle soutient au vu de ces pièces avoir rempli son obligation d'information. Elle relève enfin le caractère non documenté des demandes d'indemnisations, demandes aux demeurant fortement minorées en cause d'appel. L'EURL ATE conclut en conséquence à la confirmation de la décision déférée et demande à la cour de porter à la somme de 3 000 € la condamnation pour procédure abusive et à 3 000 € la condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure abusive.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le manquement à l'obligation de délivrance

Il résulte des dispositions des articles 1604 du Code Civil et L. 2114 du Code de la consommation que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme à sa destination et conforme aux stipulations contractuelles.

En l'espèce, le bien vendu par la société ATE aux époux B., selon l'offre en date du 23 mai 2014, était un véhicule de type Peugeot 206 Cabriolet mis en circulation le 17 juillet 2002 et ayant un kilométrage de 144 941 kms ; ce véhicule était indiqué garanti pour une durée de six mois en ce qui concerne le moteur, la boîte et le pont ; ce document précise qu'un contrôle technique a été remis aux acquéreurs le jour même de la vente.

Les époux B. contestent l'authenticité de l'offre en date du 23 mai 2014, notamment en ce qui concerne le prix et la remise d'un contrôle technique ; il convient cependant de constater que ce document porte les deux même signatures que sur la déclaration de cession de véhicule, que les époux B. n'expliquent pas comment ils auraient pu procéder au changement de certificat d'immatriculation sans fournir de contrôle technique et qu'enfin aucune suite n'a été donnée à leur plainte pénale pour faux ; le seul fait que les acquéreurs aient demandé le 27 mai 2014 le contrôle technique par lettre recommandée ne suffit dès lors pas à établir le caractère mensonger des énonciations de l'acte du 23 mai 2014, et encore moins la nature falsifiée du document en entier.

Il y a lieu de retenir en conséquence que l'objet du contrat était un véhicule âgé de douze ans, au kilométrage de plus de 140 000 kms, et dont le prix avait été fixé à la somme de 2 750 € et pour lequel le contrôle technique daté du 20 mai 2014 a été remis; ce véhicule était apte à son usage puisque le contrôle technique ne relevait aucun défaut à corriger avec contre visite, et seulement deux défauts affectant le feu de croisement et les pneumatiques, défauts corrigés au moment de la vente et en toute hypothèse ne rendant pas impropre le bien à sa destination.

L'expertise amiable du cabinet CETA relève que le véhicule vendu était affecté de six défauts liés à la sécurité et listés en page 5 ; cependant, ces défauts, qui n'ont pas été relevés lors du contrôle technique et ne peuvent en conséquence être considérés comme rendant le véhicule dangereux ou impropre à son usage, sont des défauts liés manifestement à l'âge et au kilométrage ; ils ont eux même été considérés comme tels par les époux B. qui ont refusé la proposition faite par le vendeur d'y remédier, puis n'ont pas donné suite à la proposition d'annuler à l'amiable la vente ; il apparaît dès lors que ces défauts affectant un véhicule de plus de douze ans d'âge, ayant parcouru plus de 140 000 kms et acheté à un prix de 2 750 € ne peuvent être considérés comme caractérisant de la part du vendeur un manquement à une obligation de délivrance.

Sur le manquement à l'obligation d'information

Les époux B. ne démontrant pas le caractère apocryphe de l'offre en date du 23 mai 2014, il convient de retenir que les intéressés ont donné leur accord sur le prix, notamment au titre des pneumatiques et du certificat d'immatriculation, et ont reçu le contrôle technique, pièce au demeurant indispensable pour effectuer le transfert du certificat d'immatriculation ; ils ont en conséquence été déboutés à juste titre de leurs demandes formées au titre du manquement à l'obligation d'information.

Sur les demandes en remboursement de frais

La facture en date du 1er décembre 2014 dont les époux B. demandent le remboursement correspond à des travaux de réparation et surtout d'entretien nécessaires au vu de l'ancienneté et du kilométrage du véhicule acquis six mois avant ; il n'existe dès lors aucun élément permettant d'en ordonner le remboursement par le vendeur.

Les frais de certificat d'immatriculation sont indiqués clairement sur l'offre en date du 23 mai 2014 et aucun document ne prouve que le vendeur ait exigé une somme complémentaire de 100 € ; par ailleurs, l'état des pneumatiques était indiqué sur le contrôle technique et aisément constatable par l'acquéreur, fut-il profane en matière automobile ; il n'existe dès lors aucun élément permettant de faire supporter à la société ATE le coût de leur remplacement.

Sur les demandes accessoires

Aucun élément ne permet de douter de l'authenticité du certificat de reprise du véhicule Cadillac, observation étant faite que de surcroît ce document a fait l'objet d'une plainte pénale demeurée sans suite ; les époux B. seront en conséquence déboutés de leur demande en vérification d'écritures.

Les époux B. ont manifestement tenté d'obtenir les garanties liées à l'acquisition d'un véhicule neuf alors qu'ils savaient pertinemment avoir acheté à un prix très faible un véhicule d'occasion d'un kilométrage important ; il n'est cependant pas démontré que leur action était dictée par une intention de nuire, ni présentait un caractère manifestement abusif ; il convient dès lors d'infirmer la décision les ayant condamnés au paiement de dommages-intérêts à ce titre.

L'équité commande de confirmer la condamnation prononcée en première instance en application de l'article 700 du Code de procédure civile sans toutefois aggraver en cause d'appel le montant de l'indemnité par eux due.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement du tribunal de commerce de Saint Nazaire en date du 2 décembre 2015 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné les époux B. au paiement d'une somme de 1 500 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, Statuant à nouveau sur ce point, Déboute la société ATE de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive. Ajoutant à la décision déférée, Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Met l'intégralité des dépens à la charge des époux B., dont distraction au profit des avocats à la cause.