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Décisions

CA Versailles, 21e ch., 5 avril 2018, n° 17-00594

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Lagardere Travel Retail France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Flores

Conseillers :

Mmes Michon, Humbourg

CA Versailles n° 17-00594

5 avril 2018

M. Jean-Pierre G. a été engagé à compter du 2 février 1998 en qualité d'agent stagiaire par la société Relais H, devenue société Lagardère Travel Retail France (la société), laquelle exploite des commerces (presse, librairie, cafétéria, restauration, etc...) concédés dans des établissements publics ou privés. La société lui a ensuite confié la gestion des points de vente situés à la station de métro Georges V du 14 mai 1998 au 8 juillet 1999, à la station de métro Gabriel Péri du 8 juillet 1999 au 10 août 2005 et à compter du 10 août 2005, à la gare de Saint Quentin en Yvelines.

Le 18 février 2014, M. G. a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles, auquel il a demandé de :

- fixer la moyenne des salaires à 2 622,91 euros,

- condamner la société Lagardère Travel Retail France au paiement de sommes suivantes : 63 864 euros à titre de rappel de salaire, 6 386,40 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente, 33 542 euros à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour retard dans le paiement des salaires, 8 248,64 euros au titre du remboursement de la caution et 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Lagardère Travel Retail France a demandé au conseil de débouter M. G. et de le condamner au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 19 décembre 2016, notifié aux parties par courrier du 4 janvier 2017, le conseil (section encadrement) a :

- débouté M. G. de toutes ses demandes,

- débouté la société Lagardère Travel Retail France de toutes ses demandes,

- condamné M. G. aux dépens.

M. G. a relevé appel total de cette décision le 31 janvier 2017, par voie électronique.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2018, l'affaire étant fixée pour plaidoiries à l'audience du 12 février 2018.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2017, M. G. demande à la cour de :

- dire et juger qu'il était sous la subordination juridique de la société Lagardère Travel Retail France,

- dire et juger que le contrat de travail liant les parties est un contrat de travail de droit commun,

- dire et juger que la société Lagardère Travel Retail France n'a pas respecté ses obligations contractuelles d'assurer des conditions normales de travail pour son salarié,

- dire et juger que la dégradation des conditions de travail de M. G. est la conséquence de l'inaction fautive de l'employeur,

- dire et juger qu'il n'a commis aucune faute de gestion, à fortiori lourde,

- dire et juger que la société Lagardère Travel Retail France ne démontre pas l'incompétence et l'insuffisance professionnelle de son salarié, susceptible de justifier l'imputation des démarques,

en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- juger que la moyenne de ses douze dernières rémunérations s'élève à la somme de 2 622,91 euros,

- condamner la société Lagardère Travel Retail France au paiement, à son profit, des sommes suivantes : 62 715,18 euros en remboursement de la " prime de risque commercial " indument retenue et non justifiée, 8 248 euros à titre de remboursement de la caution, 31 450 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis, en toute hypothèse, condamner la société Lagardère Travel Retail France à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce comprenant les frais d'huissier nécessaires à la signification de la déclaration d'appel à la société Lagardère Travel Retail France.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2017, la société Lagardère Travel Retail France demande à la cour de :

- constater qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle et M. G.,

en conséquence

- débouter M. G. de sa demande de requalification du contrat d'engagement en contrat de travail de droit commun,

- confirmer le jugement déféré,

- condamner M. G. à lui verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. G. aux entiers dépens, et dire qu'ils pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions susvisées, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs :

Sur la requalification du contrat de gérant salarié en contrat de travail :

M. G. soutient que bien qu'ayant aux termes de son " contrat d'engagement " le statut de " gérant de succursale " soumis aux dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail, il se trouvait en réalité sous la subordination juridique de la société Lagardère Travel Retail France, et placé, dans les faits, dans la situation d'un salarié de droit commun. Les prescriptions résultant de ce " contrat d'engagement " et des conditions générales de gestion des kiosques caractérisaient l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner d'éventuels manquements de son subordonné. Ainsi :

- l'article 2 du contrat prévoyait que la gestion du point de vente devait se faire conformément aux " conditions de gestion des points de vente ",

- l'article 3 précisait, de plus, que le gérant s'engageait à " se conformer aux horaires et règles édictées par Relais H SNC pour le fonctionnement des points de vente et à respecter les instructions qui lui seront données par la suite, complétant ou modifiant les dispositions existant actuellement " ; le gérant était notamment tenu de " tenir le point de vente ouvert aux heures qui lui sont indiquées par Relais H SNC et résultant des obligations de la concession ",

- régulièrement, des contrôles étaient effectués sur le point de vente : tous les 4 mois, un enquêteur venait y réaliser un contrôle strict (propreté du point de vente, présentation des articles, attitude et présentation du personnel, organisation fonctionnelle et administrative) et faire l'inventaire,

- le gérant était soumis tous les ans à une évaluation, donnant lieu à l'établissement d'une fiche portant sur ses performances,

- il recevait des instructions de la société relatives par exemple aux modalités précises de vente de certains articles,

- la modification des installations du point de vente ne pouvait se faire sans l'accord préalable de la société,

- contrairement aux termes de l'article L. 7321-4 du Code du travail et de l'article 4 de son contrat d'engagement, il ne disposait pas de toute liberté en matière d'embauche, de licenciement et de fixation des conditions de travail des salariés : tous les salariés étaient tenus de respecter les horaires prescrits par la société,

- il n'a jamais bénéficié des moyens les plus élémentaires lui permettant d'assurer la gestion optimale du point de vente dont il avait la charge, tant au niveau commercial qu'au niveau de la sécurité ; les budgets annuels prévisionnels étaient réalisés exclusivement par la société, qui ne le consultait pas sur ses besoins et ne tenait donc pas compte de l'état matériel du point de vente ainsi que des nouvelles implantations de commerces concurrents prévus dans la gare, et les sommes allouées de révélaient insuffisantes pour qu'il puisse prendre des décisions adéquates quant à la gestion du personnel placé d'office sous sa responsabilité, et notamment envisager le coût d'une rupture de contrat d'un salarié présent bien avant son arrivée ou le recrutement d'une personne supplémentaire pour assurer une meilleure gestion de son point de vente, ou augmenter le temps de travail de ses salariés. En définitive, il ne jouissait d'aucune liberté dans l'exploitation de son commerce, et ses obligations étaient d'une telle précision qu'elles ne différaient en rien de celles d'un salarié de droit commun tenu de rendre des comptes. Il existait donc un lien de subordination juridique entre lui et la société, qui prive de tout fondement légal l'application des dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail.

La société fait valoir que le contrat de M. G. est bien un contrat de gérant salarié, et considère que M. G. n'apporte à aucun moment la preuve de ses allégations. Le gérant salarié, qui bénéficie d'un statut particulier, n'est soumis à aucune subordination juridique ; il ne s'agit néanmoins pas d'un gérant libre, et il exploite le point de vente dans le respect des conditions générales fixées par la société en application de l'article L. 7321-2 du Code du travail. M. G. organise ses horaires et ceux de son personnel de vente de façon autonome. Il s'est engagé, conformément à l'article 3 du contrat, " à tenir le point de vente ouvert aux heures qui lui sont indiquées par " la société " et résultant des obligations de concession ", mais ces horaires d'ouverture, issues du contrat conclu avec l'autorité concédante, en l'espèce la SNCF, ne sont bien évidemment pas les horaires de travail du gérant, qui bénéficie d'une autonomie et d'une indépendance totale dans l'organisation de ses horaires de travail. M. G. est également libre de déterminer les dates de ses congés payés sans que la société ait à donner son accord. Enfin, employeur de son personnel de vente, il l'embauche et le gère de façon autonome, garde la maîtrise de son organisation interne, et répartit les tâches et les horaires comme il le souhaite ; il fixe notamment de façon totalement autonome les conditions de travail de ses salariés, leur rémunération et leurs horaires. Il perçoit pour pouvoir embaucher du personnel une participation aux frais de vente (PFV) versée par la société, qu'il utilise de manière autonome sans aucun contrôle par la société, et qui est déterminée de façon forfaitaire après discussion avec le gérant salarié, sur la base d'un nombre de points réajusté chaque année, et fonction notamment de l'amplitude horaire du point de vente et de son chiffre d'affaires, et qui fait l'objet d'une acceptation par le gérant. L'affirmation de M. G. tenant à l'existence d'un lien de subordination à son égard est dénuée de tout fondement.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en établir l'existence.

En l'espèce, M. G. ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il se trouvait dans un lien de subordination juridique à l'égard de la société Lagardère Travel Retail France caractérisant l'existence d'un contrat de travail.

Les obligations découlant du contrat d'engagement conclu avec la société sont conformes aux obligations qui pèsent sur les gérants de succursale que l'article L. 7321-2 du Code du travail, définit notamment comme toute personne " dont la profession consiste essentiellement (...) à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ".

À supposer que le chef d'entreprise ait lui-même fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou que celles-ci aient été soumises à son accord, cet élément ne serait pas pour autant de nature à entraîner la requalifiation du contrat conclu avec M. G., mais aurait uniquement pour effet, en application de l'article L. 7321-3 du Code du travail, de rendre le chef d'entreprise responsable de l'application au gérant salarié des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail.

La dépendance à l'égard de la société Lagardère Travel Retail France que décrit M. G. est une dépendance économique, qui ne caractérise pas un lien de subordination juridique. En l'absence de preuve d'un tel lien de subordination, il n'y a pas lieu de requalifier le contrat d'engagement en contrat de travail.

La demande de M. G. sera donc rejetée.

Sur la demande au titre de la prime de risque commercial :

M. G. considère que le mode de rémunération prévu par les conditions générales de gestion des kiosques, en ce qu'il est constitué, pour partie, d'une prime de risque commercial (PRC) annuelle calculée à partir du chiffre d'affaires réalisé pendant l'année considérée, mais également à partir du solde débiteur généré durant la même période, revient à lui imputer le déficit de l'entreprise. Or, dès lors que son contrat d'engagement doit être considéré comme un contrat de travail de droit commun, il ne peut se voir contraint de garantir le déficit d'inventaire qu'en cas de faute lourde, laquelle suppose que soit établie l'existence d'une intention de nuire. Dans la mesure où le second élément de calcul de la prime de risque commercial, relatif au solde débiteur résiduel, est de nature à venir réduire cette prime, il appartient à l'employeur de justifier du calcul du solde débiteur résiduel, sur des éléments objectifs, et de démontrer qu'il n'a pas surévalué indûment le solde débiteur annuel et par voie de conséquence minoré la prime commerciale due à son salarié. Or, il a été déduit de sa prime commerciale une somme totale de 62 765,18 euros, et il relève que les montant des démarques injustifiées qui sont cités ne sont pas les mêmes sur les courriers de l'employeur et sur le solde de tous comptes. Par ailleurs, il ressort du contrat de travail et du protocole d'accord applicable dans l'entreprise que cette prime de risque commercial est calculée mensuellement et cumulée sur un compte courant personnel apuré annuellement, or, si la prime est quant à elle apurée annuellement, la démarque résiduelle qui vient en déduction s'additionne quant à elle tous les ans, et ce compte n'étant donc en réalité pas apuré, le 'gérant salarié' est assuré de ne jamais percevoir ladite prime. Le système déséquilibré ainsi imposé aux 'gérants salariés' les lèse totalement. Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation a confirmé les condamnations au remboursement de ces primes de risque commercial prononcées à l'encontre de la société Lagardère Travel Retail France. À titre subsidiaire, il fait valoir que puisqu'il reste dépositaire des marchandises qu'il est chargé de vendre dans son point de vente, le préjudice, en cas de manquant, doit en principe s'évaluer à la valeur de remplacement, c'est à dire à la valeur d'acquisition figurant en stock dans le patrimoine du déposant, et qu'en calculant la prime due au salarié sur la base d'un solde débiteur résiduel lui-même calculé sur la base d'un prix des marchandises manquantes fixé à tort au prix de vente au public, l'employeur a surévalué indûment le solde débiteur annuel et par voie de conséquence a minoré la prime commerciale due au salarié. Ce manquement de l'employeur à l'obligation de régler l'intégralité des rémunérations contractuelles dues à son salarié est lui-même suffisamment grave pour justifier la condamnation de l'employeur à rembourser lesdites sommes. Les premiers juges ont de manière erronée retenu une prétendue incompétence du gérant, pour reconnaître la validité de l'imputation de la démarque résiduelle. Or, la démarque n'est pas le résultat de son incompétence et de sa mauvaise gestion, mais du défaut évident d'exécution de ses propres obligations par la société. Contrairement à ce qui est prétendu par cette dernière, les démarques observées sur le point de vente n'étaient pas excessives, au regard de celles réalisées sur des points de vente comparables, et la société l'a gardé pendant plus de 15 ans, en l'affectant sur les points de vente les plus difficiles, sans jamais juger opportun de le licencier. En réalité, l'incompétence et les carences graves invoquées par la société sont imputables aux circonstances extérieures et à l'absence de toute aide de l'employeur, qu'il n'a pourtant eu de cesse d'alerter sur la dégradation de ses conditions de travail : son point de vente a été masqué par des travaux, ce qui a eu nécessairement des conséquences sur son chiffre d'affaires, il ne disposait pas des moyens budgétaires indispensables pour lutter contre le phénomène de démarque, que ce soit la démarque externe, qui est nécessairement fonction notamment de la configuration du magasin et de l'effectif du personnel, ou la démarque interne. En dépit de ses nombreux courriers d'alerte, aucune aide et aucun moyen n'ont été mis à sa disposition, et il se trouvait dans une situation de totale dépendance financière et juridique vis à vis de la société. Au surplus, sa prétendue mauvaise gestion ne constitue pas une faute lourde, alors qu'il appartenait à la société de démontrer qu'une faute lourde avait été commise, laquelle n'est pas alléguée, ni a fortiori démontrée.

La société considère qu'aucun rappel de prime de risque commercial n'est dû. Outre le fait que M. G. ne peut se prévaloir du statut de salarié de droit commun et de l'absence de démonstration d'une faute lourde, la PRC est en tout état de cause licite. M. G. a expressément accepté les conditions de fixation de la PRC, issue d'un protocole d'accord signé avec les organisations syndicales représentées au sein de la société le 28 février 1994, telles que prévues à l'article 7 des conditions générales de gestion des kiosques. La PRC est calculée en fonction du chiffre d'affaires du point de vente, et du solde débiteur (c'est à dire les manquants en marchandises ou leur contrepartie en numéraire), qui est déduit, à hauteur de 60% de son montant, du pourcentage du chiffre d'affaires retenu ; elle est d'autant plus importante que le chiffre d'affaires du point de vente est élevé et que le solde débiteur résiduel est faible, et est égale à zéro si le solde débiteur résiduel excède le montant issu du pourcentage du chiffre d'affaires. Elle est fondée sur des éléments objectifs, et peut être analysée en une prime de résultat, fondée sur ce double objectif de chiffre d'affaires et d'absence de solde débiteur résiduel. L'élément reposant sur le chiffre d'affaires est très classique ; pour ce qui concerne l'élément négatif du calcul, la société supportant 40% du solde débiteur, la part restante correspond à un manquement totalement anormal qui ne peut résulter que d'une mauvaise gestion du point de vente, et sa prise en compte est un élément incitatif pour le gérant salarié à contrôler la démarque de son point de vente. La PRC est versée en sus de la rémunération fixe du gérant, laquelle se situe bien sûr au-delà des minima conventionnels de salaire. Le seul fait d'attribuer cette prime au gérant salarié n'est pas susceptible de lui faire courir en tout ou partie le risque d'exploitation, comme tente de le prétendre M. G., son calcul étant sans lien avec le résultat, bénéficiaire ou déficitaire, du point de vente. La jurisprudence a déjà eu à statuer sur la validité de la PRC et a très clairement validé ses modalités de calcul. La démarque résiduelle retenue sur la PRC ne constitue pas une sanction pécuniaire illicite. C'est bien la gestion défaillante de M. G. qui explique le montant totalement anormal de la démarque générée sur son point de vente. Les causes de cette démarque se trouvent dans les pièces de M. G. : erreurs de caisse, absence de retour de la presse invendue, erreurs de comptage des marchandises livrées, et M. G. reconnaît que la démarque porte essentiellement sur le tabac ( 2 cartouches par jour disparaissent), produit auquel la clientèle n'a pas accès en sorte que les disparitions ne peuvent provenir que du gérant ou de ses propres vendeurs, sur lesquels la société n'a pas autorité. M. G. s'est plaint à plusieurs reprises de l'absence de moyens, mais il était seul en possession des moyens à mettre en œuvre. Enfin, contrairement à son affirmation, il n'a jamais avant la présente procédure contesté le montant de la démarque. Par ailleurs, aucun " remboursement de la démarque " ne saurait être dû, puisque M. G. n'a jamais payé tout ou partie de la démarque, qui correspond simplement aux modalités de calcul de la PRC.

M. G. réclame le paiement de la " prime de risque commercial " visée ci-dessus, à hauteur du montant des démarques résiduelles cumulées pour les périodes du 4 septembre 2009 au 9 août 2010 (7 195,06 euros), du 9 août 2010 au 28 juillet 2011 (25 228,19 euros), du 28 juillet 2011 au 27 juillet 2012 ( 26 299,96 euros) et du 27 juillet 2012 au 14 décembre 2012 (4 041,97 euros).

Les conditions générales de gestion des kiosques auxquelles renvoie le contrat d'engagement conclu le 14 mai 1998 entre la société et M. G. prévoit en son article 7 que la rémunération des agents est constituée de quatre parties, soit :

- une partie fixe directement liée au niveau et aux spécificités de l'activité du point de vente,

- des commissions mensuelles sur le chiffre d'affaires du point de vente,

- " une prime annuelle de risque commercial égale à la différence affectée d'un coefficient égal à la moitié, majorée d'un point, du taux pratiqué sur le livret A des Caisses d'Épargne lors de son versement, existant entre d'une part, le produit des tranches de chiffre d'affaires réalisé pendant l'année considérée par les taux précisés à l'annexe 2, et, d'autre part, le montant résiduel du solde débiteur généré durant la même période ",

- une prime d'ancienneté conventionnelle calculée sur le salaire minimum garanti de la catégorie.

L'article 11 stipule: " En cas de non représentation des marchandises en nature ou de leur contrepartie en numéraire lors de l'arrêt des comptes annuels ou de mutation, le solde débiteur constitué sera, après prise en charge de 30% de celui-ci par Relais H SNC, imputé sur le montant de la prime de risque épargnée depuis le début de l'exercice. Le dépassement éventuel pourra faire l'objet d'une concertation tant sur le montant que sur les modalités de recouvrement. Il est bien entendu que (sauf faute lourde ou faute d'une particulière gravité, qui entraîne la responsabilité illimitée de l'agent), ce dépassement ne saurait s'imputer au-delà du salaire minimum garanti de la catégorie ".

Le contrat étant soumis aux dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail, le fait que les modalités de la rémunération du gérant conduisent à lui faire prendre en charge une partie du déficit d'inventaire est licite, dans la mesure où il n'est pas porté atteinte à son droit au salaire minimum. Le moyen selon lequel seule la faute lourde du salarié peut engager la responsabilité pécuniaire de ce dernier est privé de portée, dès lors que l'existence d'un contrat de travail a été écartée.

La société verse aux débats les décomptes de gestion portant notamment sur la période au titre de laquelle le paiement est demandé, accompagnés des documents d'analyse du compte agent, détaillant les démarques poste par poste. Ces décomptes montrent que le calcul de la démarque résiduelle a bien été effectué année par année, à partir du solde débiteur relevé sur la période correspondante. M. G., qui est ainsi mis en mesure de vérifier le montant du solde débiteur retenu pour le calcul de la démarque résiduelle, et à qui il revient de justifier du bien-fondé de sa demande en paiement, ne critique pas utilement les éléments produits par l'employeur, ni les calculs qu'il a effectués. Enfin, il n'établit pas que le solde débiteur a été effectivement calculé sur la base du prix de vente des marchandises au public.

Faute pour M. G. de justifier qu'il est bien en droit d'obtenir le paiement de la prime en cause, la demande en paiement sera rejetée, et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la " caution " :

M. G. soutient que la société a retenu abusivement et sans aucune justification une somme de 8 248,64 euros correspondant à la caution constituée en garantie des marchandises détenues, lors de la reprise du point de vente de Saint Quentin en Yvelines, outre les intérêts. Selon lui, l'employeur n'était pas en droit, sans de surcroît justifier de la réalité du montant retenu au titre de la PRC, de compenser de facto la somme qui devait lui être remboursée au titre de sa caution. De surcroît, l'article 11 des conditions générales de gestion des kiosques fait état d'une prise en charge de 30% par la société, et de 70% par le salarié, en sorte qu'à supposer la retenue justifiée, elle pourrait être de 5 773,60 euros au maximum. Enfin, la Cour de cassation estime que dès l'instant que les parties étaient liées par un contrat de travail, les juges n'ont pas à se préoccuper de l'existence d'un " contrat de dépôt ", seules les règles du droit du travail devant être prises en considération pour apprécier la responsabilité du salarié. En tout état de cause, le montant de la démarque ne peut être déduit ni des autres éléments de sa rémunération, ni du montant de la caution exigée, surtout qu'aucune concertation concernant le montant ou les modalités de recouvrement d'une somme supérieure à celle contractuellement imputable sur la prime n'est démontrée.

La société soutient que la caution a été valablement compensée, en application de l'article 11 du contrat d'engagement, et de l'avenant en date du 10 août 2005. Le décompte de fin de gestion de M. G. faisant initialement apparaître une démarque résiduelle de 62 765,18 euros, c'est à bon droit qu'elle a retenu le montant de la caution versée.

Le contrat d'engagement conclu entre les parties énonce que les marchandises sont remises au gérant à titre de consignation, et que celui-ci en est responsable, en cette qualité. L'article 11 du contrat prévoit qu'en garantie des marchandises qu'il détient, le gérant devra déposer un " cautionnement ", selon les modalités prévues par avenant. L'avenant conclu le 10 août 2005 entre les parties prévoit que ce " cautionnement " est fixé à la somme de 7 600 euros.

En premier lieu, l'existence d'un contrat de travail ayant été écartée, le moyen développé par le gérant est inopérant en ce qu'il s'appuie sur un tel contrat.

Ainsi qu'il l'a été indiqué ci-dessus, la société justifie suffisamment, sans être utilement contredite par le gérant, du montant des soldes débiteurs imputés à ce dernier. Ses décomptes distinguent la part du solde débiteur qu'elle conserve à sa charge de celle mise à la charge du gérant, en sorte qu'il a bien été fait application des dispositions de l'article 11 des conditions générales de gestion des kiosques invoquées par M. G. Le " cautionnement " étant destiné à la garantie des marchandises, et celles-ci, ou leur contrepartie en numéraire, n'ayant pas été restituées à la fin de la gestion de M. G., il en résulte une créance de la société à l'égard de M. G. L'article 11 des conditions générales de gestion, précédemment énoncé, ne prévoit pas que le recours à la concertation est obligatoire, en sorte que la société était en droit de procéder à une compensation entre sa créance de restitution à l'égard de M. G., et la créance de restitution que détenait M. G. à son égard.

La demande de M. G. doit donc être rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

M. G. fait valoir que l'attitude de l'employeur, qui en dépit de ses nombreuses alertes et demandes d'aide, a laissé gravement se dégrader ses conditions de travail sans intervenir à aucun moment, lui a causé un préjudice certain. L'employeur a manqué à son obligation de régler l'intégralité des rémunérations contractuelles dues à son salarié, en se prévalant d'une baisse de chiffre d'affaires du point de vente qu'il gérait, alors que ceci n'était pas de son fait mais dû à la configuration du point de vente et à des travaux effectués à la gare de Saint Quentin en Yvelines. Il en est résulté des conséquences sur sa santé, et des effets sur son équilibre familial, faute de revenus suffisants.

La société fait valoir que les modalités de calcul de la PRC sont parfaitement légales et validées par la jurisprudence. En tout état de cause, M. G. n'apporte pas le moindre élément de preuve de son préjudice.

M. G. ne rapporte pas la preuve des manquements de la société à ses obligations contractuelles, les seules pièces versées à l'appui de ses dires étant des courriers qu'il a lui-même adressés, essentiellement à son cocontractant. En ce qui concerne spécifiquement l'obligation de règlement de la rémunération, elle n'est pas établie compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment. En toute hypothèse, M. G. ne produit aucun justificatif du préjudice qu'il prétend avoir subi. Sa demande de dommages et intérêts doit en conséquence être rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

M. G., partie perdante, sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Il n'est pas inéquitable, compte tenu de la situation économique des parties, de laisser la société Lagardere Travel Retail France supporter les frais irrépétibles qu'elle a exposé, en sorte que sa demande sur le même fondement sera également rejetée.

M. G. sera condamné aux dépens, qui pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles selon les modalités prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Déboute M. G. de ses demandes en cause d'appel, Déboute la société Lagardère Travel Retail France de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne M. G. aux dépens, qui pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles selon les modalités prévues par l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant