CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 17 mai 2018, n° 16-02400
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Comil (SARL)
Défendeur :
Mitsubishi Electric Europe BV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Meslin
Conseillers :
Mme Guillou, M. Ardisson
Vu l'appel déclaré le 4 avril 2016 par la société à responsabilité limitée Comil (société Comil) contre le jugement prononcé le 25 février 2016 par le Tribunal de commerce de Nanterre dans l'affaire qui l'oppose à la société de droit hollandais Mitsubishi Electric Europe BV (société Mitsubishi) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu l'ordonnance d'incident du 12 juin 2017 ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :
- 19 janvier 2018 par la société Mitsubishi, intimée,
- 2 février 2018 par la société Comil, appelante ;
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.
Sur ce,
LA COUR se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.
1. Données analytiques, factuelles et procédurales du litige
La société Comil a pour activité le commerce de gros d'électroménagers et plus particulièrement, d'appareils audiovisuels, électroniques et de projections à destination des professionnels tandis que la société Mitsubishi est spécialisée dans le commerce de gros de composants et d'équipements électroniques et de télécommunication.
Les deux sociétés sont en relation d'affaires depuis plus de dix ans.
La société Comil ayant dans le cadre de son activité, conclu avec la société Mitsubishi un accord de tacite distribution commerciale en vertu duquel elle s'est engagée auprès de cette dernière, à passer régulièrement commande de projecteurs et de vidéoprojecteurs en vue de leur revente, a ainsi formalisé pour les besoins de son activité entre le 30 août et le 11 octobre 2013, plusieurs commandes de projecteurs ayant donné lieu à diverses factures établies par la société Mitsubishi pour un total de 52 794,50 .
La société Comil n'ayant pas réglé cette somme, la société Mitsubishi lui a dans un premier temps, vainement adressé plusieurs mises en demeure pour en obtenir le paiement. Le 13 décembre 2013, la société Comil a ensuite remis à la société réclamante, 4 744,25 à titre de règlement partiel et ainsi, réduit sa dette envers celle-ci à la somme de 48 050,25 avant de pratiquer deux règlements supplémentaires de 1 000 et 500 .
Le 7 juin 2013, la société Mitsubishi a assigné la société Comil devant le Tribunal de commerce de Nanterre en paiement d'un arriéré de 46 550,25 .
La défenderesse s'est reconventionnellement prévalue des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce et a sollicité l'indemnisation de ses préjudices et ainsi, la condamnation de son adversaire à lui verser 15 088 à titre de dommages-intérêts correspondant à la valeur de son stock désormais invendable outre, 47 639,28 à raison de la perte des bénéfices du fait du caractère brutal de cette rupture, 45 000 en réparation du préjudice né de l'obligation de réédition du catalogue annuel 2013-2014 et encore, 10 000 à titre de dommages-intérêts pour désorganisation des approvisionnements et des relations avec la clientèle. Elle a, à titre subsidiaire, sollicité la condamnation de la société Mitsubishi à lui verser 15 088 correspondant à la valeur du stock déprécié outre 7 000 à titre de frais irrépétibles et les dépens.
Dans le dernier état de ses demandes, oralement soutenues à l'audience, la société Mitsubishi a donc prié les premiers juges de :
- vu les dispositions du code commerce et notamment l'article L. 442-6 5°
- vu les dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce et
- vu les dispositions des articles 1134 et suivants du Code civil,
vu la jurisprudence,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins, moyens qu'elles comportent,
- in limine litis,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Comil, fins, moyens qu'elles comportent, le Tribunal de commerce de Nanterre étant incompétent pour connaître de ses demandes reconventionnelles fondées sur l'article L. 442.6 5° du Code de commerce, le Tribunal de commerce de Paris étant seul compétent pour en connaître suivant les dispositions de l'article D. 442-3 et l'annexe 4.2.1 du décret 2012-1444 du 24 décembre 2012,
- déclarer que la société Mitsubishi Electric Europe BV justifie de la réalité et du bien fondé de sa créance,
- en conséquence :
- condamner la société Comil à payer la somme de 46 550,25 [52 794,50 - (4 744,25 - 1 000 - 500 )] à parfaire à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2014, intérêts majorés de 5 points à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la date du jugement à intervenir,
- si par extraordinaire, le tribunal se déclare compétent pour examiner les demandes reconventionnelles de la société Comil,
- rejeter ses demandes, la société Comil ne justifiant pas de la réalité du préjudice qu'elle invoque, d'autant plus qu'elle en est pour partie à l'origine, le lien de causalité étant absent aussi,
- en tout état de cause :
- condamner la société Comil à payer la somme de 3 000 pour résistance abusive au paiement,
- condamner la société Comil à payer la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société Comil a pour sa part présentée aux premiers juges les demandes suivantes oralement soutenues à l'audience :
- vu l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce,
- débouter purement et simplement la société Mitsubishi de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Comil,
- et à titre reconventionnel,
- constater le caractère établi des relations commerciales entre la société Comil et la société Mitsubishi Electric,
- constater que la société Mitsubishi Electric a mis fin aux relations commerciales établies avec la société Comil, sans aucun préavis,
- dire en conséquence que la société Mitsubishi a rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Comil,
- dire que la société Mitsubishi a ainsi commis une faute qui engage sa responsabilité à l'égard de la société Comil,
- constater le préjudice subi par la société Comil à raison du caractère brutal de cette rupture.
- en conséquence,
- dire et juger que la société Comil est recevable et bien fondée à solliciter la réparation de son entier préjudice,
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la sonune de 15 088 à titre de dommages et intérêts correspondant à la valeur du stock de la société Comil désormais invendable,
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la somme 47 639,28 à titre de dommages et intérêts à raison de la perte des bénéfices du fait du caractère brutal de cette rupture,
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la somme de 45 000 à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice né de l'obligation de réédition du catalogue annuel 2013-2014,
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice résultant de la désorganisation des approvisionnements et des rapports avec sa clientèle.
- à titre subsidiaire
- dans l'hypothèse où le tribunal accueillerait l'exception d'incompétence soulevée
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la somme de 15 000 correspondant à la valeur du stock déprécié
- en tout état de cause,
- condamner la société Mitsubishi au paiement de la somme de 7 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Mitsubishi en tous les dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir nonobstant appel.
Selon jugement contradictoire du 25 février 2016, le Tribunal de commerce de Nanterre a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :
- dit la société Mitsubishi Electric Europe BV recevable et bien fondée en son exception d'incompétence concernant les demandes reconventionnelles de la SARL Comil,
- dit les demandes reconventionnelles de la SARL Comil irrecevables,
- condamne la SARL Comil à payer à la société Mitsubishi Electric Europe BV la somme de 46 550,25 outre intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2014,
- déboute la SARL Comil de sa demande de délais de paiement,
- déboute la société Mitsubishi Electric Europe BV de sa demande de dommages et intérêts,
- condamne la SARL Comil à payer à la société Mitsubishi Electric Europe BV la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamne la SARL Comil aux dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont notamment retenu que : 1) sur " l'exception d'incompétence territoriale ", - le siège de la société Comil est situé à Chaville (92370) et ressort dès lors, de la Cour d'appel de Versailles ; - en application des dispositions de l'annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 du Code de commerce, la juridiction compétente pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code est pour le ressort de la Cour d'appel de Versailles, le Tribunal de commerce de Paris; - la société Mitsubishi est ainsi fondée en son " exception d'incompétence " se rapportant à la demande reconventionnelle de la partie adverse ; 2) Sur la demande principale en paiement : - les commandes et les livraisons ne sont pas contestées ; - la société Comil confirme avoir eu connaissance de l'arrêt de la production et de la commercialisation des projecteurs le 14 octobre 2013 ; - la société Mitsubishi a organisé le déstockage des projecteurs en pratiquant des prix de déstockage ; - c'est donc en toute connaissance de cause, que la société Comil a poursuivi ses commandes de projecteurs auprès de cette société laquelle avait alors baissé ses prix ; - selon les factures produites, des remises spéciales significatives de 30 à 34 % ont ainsi été pratiquées ; - la société Comil ne contestant pas sa dette, celle-ci présente un caractère certain, liquide et exigible à hauteur de 46 550,25 ; 3) Sur la demande de délais de paiement, - la société Comil ne versant aux débats aucun élément, permettant d'apprécier sa situation financière, il ne peut être fait droit à ce chef de demande.
La société Comil a déclaré appel de cette décision. Par ordonnance du 12 juin 2017, le magistrat de la mise en état saisi par voie d'incident d'une demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable, a débouté la société Mitsubishi de sa demande dès lors que le jugement entrepris étant d'évidence un jugement mixte, seule la voie de l'appel était ouverte contre cette décision, peu important s'agissant d'un appel général que les prétentions d'appel aient ensuite été circonscrites à certaines dispositions du jugement querellé et ce d'autant plus, qu'il peut être observé que la véritable nature de "l'exception d'incompétence" examinée par les premiers juges s'analyse en réalité en une fin de non-recevoir puisqu'ayant trait aux pouvoirs juridictionnel de la Cour d'appel de Versailles, non habilitée par le législateur à se prononcer sur des demandes d'indemnisation de préjudices pour cause de rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce. La clôture de l'instruction a finalement été ordonnée le 20 février 2018 et l'affaire, renvoyée à l'audience du 13 mars suivant tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré.
2. Dispositifs des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile ;
La société Comil prie la cour de :
- vu les articles 42 et suivants, 568 et 753 du Code de procédure civile
- vu l'article 1103 du Code civil [dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016]
- vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 juin 2017,
- vu les pièces produites
- In limine litis
- constater que la demande de la société Mitsubishi Electric portant sur l'irrecevabilité de l'appel de la société Comil a déjà été tranchée par le conseiller de la mise en état suivant ordonnance en date du 12 juin 2017, qui l'a écartée ;
- dire et juger que cette demande d'irrecevabilité de l'appel est désormais sans objet et que la société Mitsubishi Electric ne peut donc qu'en être déboutée ;
- constater que la demande reconventionnelle subsidiaire de la société Comil concernant la protection de stock et visant à obtenir le paiement de la somme de 15 088 correspondant à la valeur du stock déprécié, était indépendante de la demande reconventionnelle principale au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;
- infirmer le jugement rendu le 25 février 2016 en ce qu'il a accueilli l'exception d'incompétence concernant la demande reconventionnelle subsidiaire de la société Comil au titre de la protection de stock visant à obtenir le paiement de la somme de 15 088 correspondant à la valeur du stock déprécié,
- débouter la société Mitsubishi de l'ensemble de ses demandes,
- évoquer la demande de la société Comil au titre de la protection de stock visant à obtenir le paiement de la valeur du stock déprécié ;
- Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Comil est recevable est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Mitsubishi Electric au paiement de la valeur du stock déprécié, au titre de la protection de stock,
- condamner la société Mitsubishi Electric au paiement de la somme de 14 868,70 correspondant à la valeur du stock déprécié de la société Comil,
- condamner la société Mitsubishi Electric au paiement de la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Mistubishi en tous les dépens.
La société Mitsubishi demande à la cour de :
- vu les dispositions du Code de commerce et notamment l'article L. 442-6 5°
- vu les dispositions de l'article D. 442-3 du code commerce et l'annexe 4.2.1 du décret 2012-1444 du 24 décembre 2012;
- vu les dispositions des articles 1134 et suivants du Code civil
- vu la jurisprudence
- vu les conclusions au fond en première instance des sociétés Mitsubishi Electric Europe BV et Comil
- vu l'assignation de la société Comil contre l'intimée devant le Tribunal de commerce de Paris
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins moyens qu'elles comportent
- In limine litis
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Comil, fins, moyens qu'elles comportent,
la Cour d'appel de Versailles étant compétente pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle portant sur la valeur du stock annoncé " désormais invendable " de la société Comil reformulée en appel valeur du stock déprécié
- dire et juger que la société Comil a entendu limiter ses demandes dans le délai de 3 mois de son appel uniquement quant à sa demande reconventionnelle subsidiaire formulée en première instance et devenue la seule en appel, ne contestant à aucun moment sa condamnation à payer la somme de 46 550,25 ,
- dire et juger que le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent ratione materiae et loci pour connaître des demandes reconventionnelles fondées par la société Comil.
- dire et juger que la société Comil indique elle-même avoir saisi le Tribunal de commerce de Paris aux termes de ses dernières conclusions
- confirmer le jugement du 25 février 2016 en toutes ses dispositions
- condamner la société Comil à payer la somme de 3 000 pour procédure manifestement abusive.
- condamner la société Comil à payer la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction est faite au profit de Maître X, avocat au Barreau de Versailles.
LA COUR renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
CELA ETANT EXPOSE,
1. Il y a lieu à hauteur d'appel, de statuer sur la recevabilité et le bien fondé d'une demande en paiement de dommages-intérêts présentée par la société Comil correspondant à la valeur de son stock de marchandises déprécié en raison de la cessation de production de ces produits décidée par son fournisseur habituel (société Mitsubishi), cette action en protection du prix du stock prévoyant qu'en cas de baisse de tarif d'un produit, le fournisseur établit au client un avoir correspondant à l'écart entre le prix précédent et le nouveau, multiplié par le nombre de produits en stock chez le client.
2. La question de la recevabilité de cet appel ayant été tranchée selon ordonnance du magistrat de la mise en état du 12 juin 2017, non déférée à la cour, les parties ne sont plus aujourd'hui aux termes de l'article 914 du Code de procédure civile, recevables à invoquer l'irrecevabilité de cet appel après dessaisissement du magistrat de la mise en état (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-24.575). Au demeurant, cette demande n'apparaît pas être explicitement formée dans le dispositif des dernières écritures de la société Mitsubishi.
3. Pour ce qui concerne la portée du recours ainsi formé, la cour constate que nonobstant un appel général formalisé par la société Comil ayant opéré dévolution de l'entier litige, les premières conclusions de la société appelante et les suivantes ne développent des moyens qu'à l'encontre d'une seule disposition du jugement et ainsi, à l'encontre de celle statuant sur la demande incidente qualifiée de " reconventionnelle ", tendant à l'indemnisation du préjudice corrélatif à la dépréciation des stocks acquis auprès de la société Mitsubishi par suite de l'arrêt de la fabrication de ces produits.
4. Régulièrement saisie du tout, la cour n'est donc en réalité tenue de répondre que sur ce seul moyen en constatant que l'appel n'est pas soutenu en ce qui concerne les dispositions négligées et partant, en les confirmant.
5. Au demeurant, il n'est pas sans intérêt de relever, qu'il ressort des éléments du débats et des documents soumis à l'appréciation de la cour, que la société Comil a le 20 avril 2017 fait assigner la société Mitsubishi devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins, au visa des articles L. 442-6 I 5° et D. 442-3 du Code de commerce ainsi que 1240 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, de la voir condamner à lui verser 38 376 à titre de dommages-intérêts à raison des gains manqués durant la période de préavis qui aurait dû être respectée à l'occasion de la rupture des relations commerciales litigieuses outre 10 000 à titre de dommages-intérêts à raison tant de la désorganisation corrélative à cette rupture brutale vis-à-vis de sa clientèle que du préjudice moral qui en est résulté, 10 000 à titre de frais irrépétibles ainsi que les dépens.
6. La juridiction parisienne, régulièrement saisie de la demande d'indemnisation du préjudice de la société Comil faisant suite à une prétendue rupture brutale de relations commerciales établies, n'apparaît ainsi pas saisie de la demande de dommages-intérêts pour protection du stock déprécié, actuellement soumise à la cour de céans sur appel du jugement entrepris et la société Comil observe à raison, que son adversaire interprète de manière erronée ses intentions en affirmant qu'elle reconnaîtrait elle-même, par la saisine du Tribunal de commerce de Paris, que le Tribunal de commerce de Nanterre était " incompétent " pour statuer sur toutes les demandes "reconventionnelles" et qu'il y avait lieu pour cette raison, de considérer qu'elle demandait deux fois la même chose devant deux juridiction différentes.
7. Aucune circonstance de litispendance n'est, sous cet angle de vue, caractérisée.
8. Les parties restant cependant contraires sur la présence d'un lien de connexité entre la demande d'indemnisation spécifiquement fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce actuellement portée devant le Tribunal de commerce de Paris et celle tendant à la dépréciation du stock des produits acquis auprès de la société Mitsubishi présentement soumis à la cour de céans, il importe de déterminer précisément si un tel lien de connexité est ou non établi.
9. La société Comil souligne de ce point de vue que : - les demandes actuellement portées devant chacune des juridictions aujourd'hui saisies sont parfaitement indépendantes l'une de l'autre ; - la garantie de protection de stock dont elle se prévaut devant la cour de céans prévoit simplement qu'en cas de baisse de tarif, le fournisseur établit un avoir correspondant à l'écart entre le prix précédent et le nouveau, multiplié par le nombre de produits en stock chez le client ; - le Tribunal de commerce de Nanterre était donc habilité à se prononcer sur cette demande reconventionnelle subsidiaire qui n'était pas spécifiquement fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce ; - les premiers juges ont à tort déclaré la société Mitsubishi recevable et fondée en son " exception d'incompétence " pour l'intégralité des demandes reconventionnelles en ce compris, la demande d'indemnisation pour stock déprécié et se sont à tort, abstenus de statuer au fond sur le mérite de l'action en garantie précitée; - la véritable nature de cette exception est au demeurant une fin de non-recevoir, ainsi que relevé par le magistrat de la mise en état dans le cadre de l'instance d'incident portée devant lui.
10. La justesse des critiques émises par la société Mitsubishi contre cette position, conduit la cour à écarter la demande de la société Comil et à retenir l'existence d'un lien de connexité entre les deux réclamations conduisant à ce que, dans un souci de bonne administration de la justice, elles soient tranchées par la même juridiction.
11. Il ressort ainsi des énonciations des conclusions au fond portées par la société Comil devant le Tribunal de commerce de Nanterre et notamment de la page 13 de ces écritures oralement soutenues à la barre - voir cote 25 du dossier de la société Mitsubishi, que la réparation de l'entier préjudice de la société Comil en ce compris la dépréciation de stock est présenté comme "conséquence" du caractère brutal de la relation commerciale et ainsi, non pas nécessairement comme un préjudice lié par un lien de causalité nécessaire mais, comme un préjudice s'inscrivant dans le sillage de cette première réclamation au point qu'il est de bonne justice de les juger ensemble alors même que leur fondement juridique est différent (délictuel pour la rupture brutale des relations commerciales et contractuel pour la demande de garantie de dépréciation de stock).
12. Il suit de là, au visa de la norme d'interprétation aujourd'hui établie posée par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation dans ses arrêts du 29 mars 2017, pourvois n° 15-24.241 et 15-17.659, que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a déclaré que la société Mitsubishi était fondée en sa fin de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevables, l'ensemble des demandes incidentes, qualifiées de "demandes reconventionnelles", présentées par la société Comil dès lors que ces demandes s'inscrivent dans le cadre ou dans le sillage de la demande de réparation fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui, au regard de cet article et des articles D. 442-3 et R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, excède les pouvoirs juridictionnels du Tribunal de commerce de Nanterre.
13 Aucune circonstance particulière n'étant de nature à caractériser un abus manifeste du droit d'agir en justice, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera écartée.
14. Vu les dispositions des articles 696 et 699 du Code de procédure civile ;
15. La société Comil, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître X, avocat au barreau de Versailles.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant par arrêt contradictoire. Constate que l'appel général formé par la société à responsabilité limitée Comil est dans les dernières écritures de la partie appelante, limitée à la demande incidente d'indemnisation pour stock de marchandises déprécié. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à dire que la société de droit hollandais Mitsubishi Electric Europe BV est recevable en sa fin de non-recevoir concernant les demandes incidentes qualifiées de reconventionnelles de la société à responsabilité limitée Comil et à dire notamment que la demande d'indemnisation pour stock de marchandises déprécié est irrecevable pour cause de connexité, avec la demande d'indemnisation fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Y Ajoutant : Déboute la société de droit hollandais Mitsubishi Electric Europe BV de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Condamne la société à responsabilité limitée Comil aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Christophe D., avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Vu l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles d'appel. Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.