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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 mai 2018, n° 15-24305

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

GLI Consulting (Sté)

Défendeur :

Société Internationale de Promotion et de Création (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Basson Larbi, Martin

T. com. Paris, du 24 sept. 2015

24 septembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE :

La société internationale de promotion et de création (SIPC), ayant pour activité la création, fabrication et vente de produits de prêt-à-porter et accessoires sous le nom commercial de Daniel H., dont elle est le licencié exclusif, a, par contrat à durée indéterminée " Agreement for licence research and follow up " signé le 1er janvier 2009, confié à la société de droit sud-coréen G. Consulting (G.), spécialisée dans le développement de sociétés étrangères sur le continent asiatique, une mission de recherche et de suivi de licences.

Par courriel du 13 mars 2012, la société SIPC a notifié à la société G. qu'elle envisageait de mettre un terme au contrat à la fin du mois de mars 2012.

A la suite de divers échanges, par courriel du 30 mars 2012, la société G. a confirmé l'accord intervenu de procéder à la résiliation amiable du contrat si " H. n'avait pas contracté avec un prospect présenté avant le 31 décembre 2013 ".

Par lettre du 8 janvier 2014, la société SIPC a signifié à la société G. la résiliation du contrat au 1er janvier 2014.

La société SIPC refusant de lui payer l'indemnité de rupture de 27 500,67 US$ qu'elle lui réclamait, la société G. l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 24 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société GLI Consulting de ses demandes de paiement des sommes de 2 492,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 19 941,03 euros au titre de l'indemnité compensatrice de cessation du contrat et de 3 000 euros de dommages et intérêts ;

- condamné la société GLI Consulting à payer à la société SIPC la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

- condamné la société GLI Consulting aux dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2015 par la société GLI Consulting ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société GLI Consulting, par conclusions signifiées le 14 février 2018, demande, au visa des articles 1107, 1134, et 1146 et suivants du Code civil, L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce et notamment ses articles L. 134-11 et L. 134-12 et L. 134-16, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- constater que le contrat litigieux est bien un contrat d'agence commerciale qui a fait l'objet d'une rupture unilatérale de la part de SIPC, mandant ;

- dire que G. a droit à une indemnité de rupture contractuelle du contrat d'agence commerciale entre les parties ;

- dire la société GLI Consulting bien fondée en toutes ses demandes à l'égard de SIPC ;

En conséquence,

- condamner SIPC à verser à G. la somme de 2 492,63 euros en principal à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamner SIPC à verser à G. la somme de 19 941,03 euros en principal à titre d'indemnité de rupture contractuelle outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 février 2014 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du Code civil ;

- condamner SIPC à verser à G. la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en compensation du préjudice économique et financier subi ;

- condamner SIPC à verser à G. la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Basson Larbi ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir au titre des articles 515 et suivants du Code de procédure civile ;

- dire qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les sommes relevant du droit proportionnel prévues par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront mis à la charge des défenderesses et s'ajouteront aux condamnations prononcées.

Elle fait valoir que le contrat du 1er janvier 2009 est un contrat d'agent commercial dès lors que :

- la commune intention des parties était bien de qualifier le contrat d'/agent commercial/ comme en atteste l'emploi de cette qualification dans leurs échanges ;

- l'activité de prospection commerciale est bien constitutive de négociation au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, et c'est bien le cas de la société G. qui prospectait seule en Asie au nom et pour le compte de SIPC, laquelle devait seulement parapher le contrat final.

La société G. estime, sur le fondement des articles L. 134-1 à L. 134-16 du Code de commerce, qu'elle a droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi, qui naît du seul fait de la cessation du contrat. Elle prétend que l'article 8 dudit contrat est applicable et que la société SIPC doit lui payer au titre de la rupture du contrat d'agent commercial :

- 2 492,63 euros à titre d'indemnité compensatrice du préavis légal de trois mois basé sur la moyenne annuelle de 13 750,33 US$ ;

- une indemnité de cessation de contrat, soit deux années de commission, soit 19 941,03 euros.

La société internationale de création et de promotion (SIPC), par conclusions signifiées le 21 février 2018, demande de :

- déclarer la société internationale de promotion et de création recevable et bien fondée en son appel incident ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il fait application du statut des agents commerciaux à la société GLI Consulting au titre de l'une des trois missions confiées par la SIPC en vertu du contrat de " recherche et de suivi de licences " signé le 1er janvier 2009 ;

- dire que le contrat de recherche et de suivi de licences signé le 1er janvier 2009 ne s'analyse pas comme un contrat d'agent commercial dès lors que la société GLI Consulting était dépourvue du droit de négocier et de la capacité de passer des actes au nom et pour le compte de la SIPC ;

- dire que la société GLI Consulting ne peut revendiquer le statut d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GLI Consulting de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

Subsidiairement et en toute hypothèse,

- dire que la cessation du contrat de recherche et de suivi de licences signé entre les sociétés GLI Consulting et Société Internationale de Promotion et de Création le 1er janvier 2009 est intervenue le 1er janvier 2014 à l'initiative de la société GLI Consulting ;

- dire que les sociétés GLI Consulting et SIPC sont convenues d'une résiliation amiable du contrat de recherche et de suivi de licences à effet du 1er janvier 2014 en l'absence de signature d'un contrat de sous licence au 31 décembre 2013 entre la SIPC et des partenaires présentés par la société GLI Consulting ;

- dire que la SIPC n'a pas rompu unilatéralement le contrat de recherche et de suivi de licences signé le 1er janvier 2009 avec la société GLI Consulting ;

- dire que la SIPC n'a conclu aucun contrat de sous licence avec des partenaires présentés par la société GLI Consulting ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GLI Consulting de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

- dire qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la SIPC, les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense et faire valoir ses droits tant en première instance qu'en cause d'appel ;

- condamner la société GLI Consulting à verser à la SIPC, une somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle prétend que la société G. ne peut bénéficier du statut d'agent commercial car :

- elle était dépourvue de tout pouvoir de négociation, de capacité de signer des actes en son nom et pour le compte de la société SIPC ;

- la commune intention des parties n'était pas de placer leur relation sous le statut des agents commerciaux.

Elle fait valoir que la société SIPC n'est redevable d'aucune indemnité à la société G. dès lors que :

- le contrat est venu à son terme le 1er janvier 2014 après un accord des parties du 30 mars 2012, soit après un préavis de 21 mois ;

- l'indemnisation de l'agent est exclue lorsque la cessation du contrat est à l'initiative de l'agent : c'est la société G. qui a proposé que soit mis un terme au contrat au 1er janvier 2014 ;

- à défaut de commission perçue, l'agent ne saurait se plaindre du préjudice que lui cause la cessation du contrat ; or, la société SIPC n'a pu signer aucun contrat présenté par la société G..

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de son mandant ;

Considérant que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve ;

Considérant que, par le contrat conclu entre SIPC et G. le 1er janvier 2009, dit " Accord aux fins de recherche et de suivi de licences ", SIPC a donné à G. :

- le mandat de rechercher, pour le compte de SIPC, des partenaires capables de fabriquer et de distribuer sous licence les Produits (listés dans l'annexe A et ci-après désignés les produits) portant les marques Daniel H. (listées dans l'annexe B) sur le territoire suivant : République de Corée, République populaire démocratique de Corée (ci-après désigné le territoire) ;

- le mandat de mettre en œuvre, sur le territoire, le contrôle et le suivi réguliers tels que décrits à l'article 4 b) des accords de licence signés avec les partenaires que G. a présentés à SIPC ;

- le droit d'assurer le suivi des quatre accords de licence existants en Corée (tels que listés dans l'annexe C : sociétés Silvertex Ltd (Daniel H.), Silvertex Ltd (Hechter Studio), Yeajin Commercial Ltd et Songwol Towel Ltd ;

Considérant qu'au soutien de sa qualité d'agent commercial, G. invoque la commune intention des parties de qualifier le contrat les liant de contrat d'agent commercial et prétend qu'elle avait le pouvoir de négocier des accords de licences ou de sous licence pour le compte de SIPC ;

Mais considérant, sur le premier point, que le contrat, en aucune de ses stipulations, ne qualifie G. d'agent commercial, ni ne fait référence à l'application du statut des agents commerciaux prévu aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ; que la seule utilisation du mot " agent " sans aucun autre rattachement au statut spécifique de l'agent commercial ne peut être interprété comme exprimant la volonté des parties de qualifier la convention du 1er janvier 2009 de contrat d'agence commerciale ;

Considérant, sur le second point relatif au pouvoir de négociation, que la négociation s'entend d'une activité d'entremise consistant à entrer en contact avec l'autre partie et à discuter avec elle, au nom et pour le compte du client, les détails des prestations réciproques ;

Qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que G. se limitait à la sélection d'entreprises susceptibles de se voir attribuer une licence et à l'analyse des business plans de ces dernières ; que G. ne rapporte la preuve ni qu'elle ait disposé de la faculté de discuter des conditions du partenariat, et donc de modifier le contenu des contrats de licence pour en faciliter la conclusion, ni qu'elle ait signé des accords de licence ; qu'elle ne bénéficiait d'aucune marge de manœuvre pour adapter les clauses de tels accords, cette absence de marge étant corroborée par :

- l'article 3 du contrat du 1er janvier 2009, qui dénie à G. toute capacité d'initiative : " La société G. n'est pas autorisée à prendre quelque engagement que ce soit envers la société présentée à la société SIPC " ;

- l'article 4 a) du contrat, qui attribue à la seule SIPC le pouvoir de négocier et de signer les contrats de sous licence : " La société SIPC reste libre d'accepter ou de refuser de signer avec les sociétés présentées par la société G. / La société SIPC n'a pas à justifier le refus de signer un contrat de sous licence avec une société proposée par la société G. / La société SIPC est seule habilitée à décider des termes et conditions du contrat de sous licence signé avec une société présentée par la société G. / La société SIPC fournira à la société G. une copie de chaque contrat de sous licence qui serait signé avec une société proposée par la société G.. " ;

Que les pièces invoquées par G. ne constituent pas la preuve d'une quelconque activité de négociation des accords de licence :

- ni les échanges de courriels entre SIPC et G. relatifs à la société Yeonsung (pièces SIPC n° 4.2 et 4.3), par lesquels G. demandait à SIPC de lui adresser un " contrat standard ", ce qui confirme que les contrats était essentiellement établis par SIPC ;

- ni les courriels échangés en mars et avril 2012 (pièce G. n° 20), qui démontrent que G. se bornait à répercuter la position du prospect et à solliciter les instructions de SIPC, laquelle lui communiquait les orientations à mettre en œuvre pour poursuivre la prospection ;

- ni les échanges concernant les sociétés Songwol et Silvertex, qui, s'agissant de sociétés visées à l'annexe C du contrat du 1er janvier 2009, s'appliquent, non à la négociation de contrats de sous licence, mais au suivi d'accords de licence déjà existants, ainsi que l'autorise l'article 1.b du contrat ;

- ni les démarches effectuées auprès de la société Parkland (pièces G. n° 26 et 27) qui s'inscrivent dans le cadre de la mission de prospection dévolue à G. ;

Que G. ne démontre pas que la simple présentation, aux différents prospects, de catalogues de produits " Daniel H. ", insuffisante en elle-même à relever de la négociation d'accords de licence, excédait le cadre de la prospection ;

Qu'il s'en déduit que l'activité effectivement exercée par G. ne relève pas des missions d'un agent commercial telles que prévue à l'article L. 134-1 du Code de commerce ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que G. avait la qualité d'agent commercial ;

Considérant que, dès lors que la société G. ne possède pas la qualité d'agent commercial, ses demandes indemnitaires fondées sur les articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce ne sauraient être accueillies ; que, par motif substitué, la cour confirmera la décision déférée en ce qu'elle a débouté G. de ses demandes ;

Considérant que le jugement entrepris sera également confirmé sur les condamnations accessoires ; que l'équité commande de condamner G. à payer à SIPC la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société GLI Consulting avait la qualité d'agent commercial ; Statuant à nouveau de ce chef ; Dit que la société GLI Consulting n'a pas le statut d'agent commercial ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Condamne la société GLI Consulting à payer à la société internationale de promotion et de création la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la société GLI Consulting aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.