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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 24 mai 2018, n° 15-17062

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque Solfea (Sté) ; BNP Paribas Personal Finance (SA) (ès qual.), Sygma Banque ; Laser Cofinoga (Sté) (ès qual.) ; Laser (Sté) (ès qual.) ; BNP Paribas Personal Finance (SA) (ès qual.)

Défendeur :

Eco Synenergie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Conseillers :

Mmes Mongin, Bou

Avocats :

Mes Grappotte Benetreau, Canet, Goutail, Abdallah, Rouland

TI Paris, du 16 juin 2015

16 juin 2015

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 11 avril 2012, à l'occasion d'un démarchage à domicile par un préposé de la société Eco Energie, M. W. et Mme D. concluaient avec ladite société, deux contrats d'achat se présentant, en gros caractères, comme des " Demande de candidature au programme "Maison Eco Verte" ", portant sur un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque avec ballons thermodynamiques d'un montant de 24 500 euros chacun. Un crédit affecté de 24 500 euros leur était consenti d'une part par la société Banque Solfea et d'autre part par la société Sygma Banque.

Par jugement en date du 28 mars 2013, le Tribunal de commerce de Bobigny ouvrait une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Eco Energie.

Le 20 janvier 2014, les consorts W. et D. assignaient Me Danguy, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco Energie, la société Sygma Banque et la Banque Solfea devant le Tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris, pour obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le prononcé de la nullité du contrat de vente et des contrats de crédit affecté.

Par jugement réputé contradictoire en date du 16 juin 2015, le Tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris :

- Prononçait la nullité des deux contrats conclus le 11 avril 2012 entre la société Eco Energie et M. W. et Mme D.,

- Constatait la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la Banque Solfea et M. W. et Mme D.,

- Constatait la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la société Sygma Banque et M. W. et Mme D.,

- Disait que M. W. et Mme D. seraient dispensés de restituer à la Banque Solfea et à la société Sygma Banque le montant des crédits affectés,

- Déboutait la Banque Solfea et la société Sygma Banque de l'intégralité de leurs demandes,

- Disait que Me Danguy, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco Energie, devait reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile de M. W. et Mme D. dans les 2 mois suivant la signification du jugement,

- Condamnait la Banque Solfea et la société Sygma Banque in solidum à payer à M. W. et Mme D. la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de sa décision, le tribunal retenait que la désignation des équipements achetés était peu précise en ce que n'étaient indiqués ni le modèle des panneaux, ni leurs caractéristiques de température, ni leur puissance à faible ensoleillement ou en plein soleil, ni leurs dimensions ou poids, ni leur garantie de performance, ni leur composition, la description des caractéristiques du ballon d'eau chaude thermodynamique étant tout aussi lacunaire. Le contrat ne mentionnait pas non plus les modalités de livraison et les détails techniques de la pose des matériels vendus.

Aux termes de cessions de créances, la société BNP Paribas Personal Finance venait aux droits et obligations de la Banque Solfea, et de la société Laser, venant elle-même aux droits de la société Laser Cofinoga, venant elle-même aux droits de la société Sygma Banque.

Par déclaration en date du 6 août 2015, la société Banque Solfea a relevé appel de cette décision, la procédure a été enregistrée sous le n° 15/ 17062 et la société BNP Paribas Personal Finance est intervenue volontairement à l'instance ; cette dernière, venant aux droits de la société Sygma Banque a interjeté appel de ce même jugement le 8 octobre 2015 ; les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 23 février 2018 ;

Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 5 février 2018, la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits et obligations de la société Sygma Banque, demande en premier lieu à la cour d'annuler le jugement rendu en violation du principe du contradictoire, subsidiairement, si la cour évoquait l'affaire, son infirmation, le débouté des demandes des consorts W. et D., plus subsidiairement si la cour retenait la nullité du contrat principal, leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 24 500 euros en remboursement du capital outre celle de 12 778 euros à titre de dommages intérêts ou celle de 37 278 euros à titre de dommages intérêts et, en toute hypothèse, celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures d'appelante en date du 2 février 2018, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits et obligations de la Banque Solfea, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, invoquant que la violation des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation serait sanctionnée par une nullité relative et que les causes éventuelles de nullité auraient été couvertes par les consorts W. et D.. A cet égard, l'appelante sollicite de la cour qu'elle dise que le remboursement du crédit sera réalisé conformément au tableau d'amortissement, de lui donner acte que l'inscription des emprunteurs au FICP était une erreur qui a été rectifiée, subsidiairement de condamner les emprunteurs à lui rembourser le capital emprunté et les condamner à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. W. et Mme D., dans leurs dernières conclusions d'intimés en date du 29 janvier 2018, réclament la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions, ainsi que la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me Danguy ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eco Energie, à qui les conclusions et la déclaration d'appel ont été signifiées respectivement les 26 novembre et 12 octobre 2015, n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 20 février 2018.

SUR CE,

Sur la demande tendant à nullité du jugement

Considérant que la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque invoque à l'appui de cette demande une violation par le Tribunal d'instance du principe du contradictoire, faute pour lui d'avoir sollicité les explications des parties avant de fonder sa décision sur la faute que le prêteur aurait commise en ne s'assurant pas que le contrat principal respectait les dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation ;

Que cependant il résulte du jugement (p. 5), lequel fait foi jusqu'à inscription de faux, que le conseil de la société Sygma Banque avait répondu au moyen pris de la faute du prêteur au regard de son

obligation de vérifier la validité du contrat principal puisqu'il faisait valoir " qu'il n'est pas établi que l'organisme de crédit ait eu connaissance du bon de commande, aucun texte ne prévoyant la communication à l'organisme de crédit de la convention signée entre le vendeur et l'acquéreur ", de sorte qu'il est démontré que la société Sygma Banque a pu faire valoir son argumentation sur la faute qui lui était reprochée de ne pas avoir vérifié ce bon de commande ;

Que c'est surabondamment que sera rappelée la présomption lorsque la procédure est orale, ainsi qu'il en va devant le tribunal d'instance, que les moyens ont été débattus oralement à l'audience ;

Que la nullité du jugement n'est donc nullement encourue et cette prétention sera rejetée ;

Sur la recevabilité de l'action des emprunteurs

Considérant que c'est à tort que la société venant aux droits de la société Banque Solfea soutient que l'action des emprunteurs ne serait pas recevable en application de l'article L. 622-21 I du Code de commerce, dès lors que les emprunteurs ne sollicitent aucune condamnation de la société venderesse placée en liquidation judiciaire mais se bornent à demander à la cour de constater qu'ils tiennent à la disposition du liquidateur le matériel installé ;

Que l'action des consorts W. - D. est donc recevable ;

Sur la nullité des contrats principaux et des contrats de crédit affecté

Considérant que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits des société Sygma Banque et Banque Solfea, conteste la nullité des contrats principaux ;

Considérant cependant que c'est à juste titre et par des motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal d'instance a constaté cette nullité en application de l'article L. 121-23,4° et 5°, du Code de la consommation, faute pour les bons de commande litigieux de désigner de façon suffisamment précise la " nature et des caractéristiques " des matériels vendus et de prévoir les " conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services ", aucun délai de livraison n'étant stipulé ; que la société appelante ne peut utilement soutenir que l'indication dans les conditions générales du contrat que les " livraisons sont opérées en fonction des disponibilités et de l'ordre d'arrivée des commandes " satisferait aux exigences du texte précité ;

Que c'est, en outre, à juste titre que les intimés font également valoir qu'un des deux contrats ne précisait pas, comme l'impose le 6° de l'article L. 121-23 du Code de la consommation dans sa numérotation alors applicable, les modalités de règlement en cas de vente à crédit au regard des dispositions de l'article L. 313-1 dudit code ;

Que s'agissant de l'argumentation prise d'un " devoir de vigilance, sinon de curiosité " de l'acquéreur alléguée par l'appelante, ce " devoir " ne saurait faire obstacle aux dispositions impératives du Code de la consommation, spécialement dans le cadre de démarchage à domicile, hypothèse dans laquelle les consommateurs sont particulièrement vulnérables puisque leur possibilité de se soustraire aux éventuelles insistances du vendeur est, de fait, limitée ;

Que la nullité des deux contrats principaux retenue par le premier juge ne pourra qu'être confirmée ;

Considérant que l'appelante ne peut être suivie dans son argumentation relative à la ratification de cette nullité dès lors qu'il n'est pas établi que les emprunteurs auraient eu connaissance de ces vices, la reproduction en petits caractères des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation au verso du bon de commande étant insuffisante pour établir ce fait ; qu'en outre, à supposer cette première condition remplie, le seul fait de laisser les travaux se poursuivre ou de signer l'attestation de fin de travaux, ne saurait caractériser leur intention de couvrir cette nullité ;

Considérant en conséquence que c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité des contrats principaux et, par voie de conséquence en vertu de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, celle des contrats de crédit affecté ;

Sur les conséquences de la nullité

Considérant qu'en principe la nullité du contrat entraîne la remise des choses dans le même état qu'elles l'étaient avant la conclusion du contrat ;

Que c'est ainsi à bon droit que le premier juge a dit que, faute pour le liquidateur de la société Eco Energie de reprendre l'ensemble du matériel installé dans les deux mois suivant la signification du jugement, les acquéreurs pourraient en disposer comme ils l'entendent ;

Qu'en vertu du principe ci-dessus rappelé, les emprunteurs doivent restituer au prêteur le capital prêté sauf à démontrer une faute du prêteur dans l'exécution de ses obligations de nature à le priver de sa créance de restitution.

Considérant que l'appelante critique la motivation du premier juge à l'appui de sa décision de priver les prêteurs du remboursement du capital, fondée sur la double faute retenue à leur encontre : l'absence de vérification, avant le versement des fonds, tant de la validité du contrat proposé par leur partenaire commercial que de la réalisation complète de la prestation ;

Que ces critiques ne peuvent être accueillies dès lors que l'article L. 311-31 du Code de la consommation prévoit que les obligations de l'emprunteur n'ont pas pris naissance lorsque le prêteur a manqué à ses obligations, de sorte qu'il n'existe aucune contradiction dans le raisonnement du premier juge, lequel a, en application de l'article L. 311-32 dudit code, et par voie de conséquence de la nullité du contrat principal, constaté la nullité du contrat de prêt, et par la suite, dispensé l'emprunteur du remboursement du capital en application de l'article L. 311-31 précité après avoir constaté que le prêteur avait manqué à ces obligations préalables au déblocage des fonds et qu'ainsi les obligations de l'emprunteur n'avaient pu prendre naissance ; que par suite, l'argumentation de l'appelante quant à l'impossibilité de retenir une faute contractuelle lorsque le contrat est annulé est dépourvue de pertinence dès lors que c'est sur le fondement de ce texte spécifique relatif au moment où les obligations de l'emprunteur voient le jour, que s'est, à juste titre, fondé le premier juge ;

Que par ailleurs, comme l'a relevé le premier juge, les contrats principaux ne sauraient être qualifiés de contrats à exécution successive ;

Qu'en outre, l'appelante ne peut utilement prétendre qu'elle n'a aucune obligation de prendre connaissance des contrats principaux, dès lors que l'article L. 311-31 lui impose de vérifier que la prestation convenue a bien été exécutée avant de procéder au déblocage des fonds, de sorte qu'elle doit nécessairement prendre connaissance du contrat principal ; que d'ailleurs la Banque Solfea indique dans son offre de crédit que le " devis détaillé " doit lui être adressé ;

Qu'enfin, et abstraction faite des critiques formulées à l'encontre du jugement entrepris, il doit être relevé, en toute hypothèse, que les attestations de fin de travaux manquaient singulièrement de précision, ne précisant ni le numéro ni la date du bon de commande, non plus que le détail du matériel commandé se bornant à désigner le contrat principal par les mots : " photovoltaïque " et " panneaux photovoltaïques " ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Sur la demande tendant à la mainlevée de l'inscription des emprunteurs au FICP

Considérant que la BNP Paribas Personal Finance reconnaît que cette inscription au FICP a été faite par erreur et affirme que la mainlevée a déjà été effectuée ; que cependant faute d'en justifier il sera fait droit à la demande des consorts W. - D., en tant que de besoin ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens d'appel, l'équité ne commandant pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, - Rejette la demande de nullité du jugement entrepris, - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, - Ordonne, en tant que de besoin, à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder à la mainlevée de l'inscription de M. W. et de Mme D. au fichier des incidents de payement des particuliers (FICP), - Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, - Condamne la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits des sociétés Banque Solfea et Sygma Banque, aux dépens d'appel.