Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 mai 2018, n° 16-07847

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Johnson Health Tech France (Sasu)

Défendeur :

Tool Sport (SAS); Gorrias (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Régnier, Alibert, Rouillon, Boccon Gibod

T. com. Paris, du 28 janv. 2015

28 janvier 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Johnson Health Tech France (ci-après Johnson) est l'importateur exclusif en France du matériel de fitness fabriqué par le groupe taïwanais Johnson et vendu, notamment, sous les marques Johnson, Matrix et Horizon.

La société Tool Sport, dont le nom commercial était Tool Fitness, proposait aux particuliers la vente en ligne de matériels de fitness qui étaient commercialisés sur son site internet www.tool-fitness.com.

A partir de 2006, la société Tool Sport a noué une relation commerciale avec la société Johnson portant sur la commercialisation de produits de fitness des marques Johnson, Matrix et Horizon. Aucun contrat-cadre n'a été conclu entre les deux sociétés, la société Tool Sport effectuant ses commandes auprès de la société Johnson par courriel, en indiquant le produit, la quantité et le prix du produit applicable au jour de la passation de la commande, chaque commande étant ainsi régie par les conditions générales de vente de la société Johnson.

Le 15 janvier 2010, les deux sociétés ont conclu un contrat de partenariat aux termes duquel la société Johnson s'est engagée à accorder des remises de fin d'année en fonction du chiffre d'affaires réalisé par la société Tool Sport auprès de la société Johnson sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010, soit :

- 4 % à partir de 1 000 000 euros HT,

- 5 % à partir de 1 500 000 euros HT,

- 6 % à partir de 1 800 000 euros HT,

- 7 % à partir de 2 200 000 euros HT,

- 8 % à partir de 2 500 000 euros HT.

Par contrat de partenariat 15 décembre 2010, les sociétés Tool Sport et Johnson ont reconduit le principe de l'octroi d'une remise commerciale de fin d'année pour l'année 2011, tout en augmentant le taux des RFA, comme suit :

- 7 % du chiffre d'affaires TTC à partir de 1 400 000 euros du chiffre d'affaires HT,

- 8 % du chiffre d'affaires TTC à partir de 1 600 000 euros du chiffre d'affaires HT,

- 9 % du chiffre d'affaires TTC à partir de 1 800 000 euros du chiffre d'affaires HT,

- 10 % du chiffre d'affaires TTC à partir de 2 000 000 euros du chiffre d'affaires HT.

Durant le 1er semestre 2011, tout en maintenant un rythme de commandes soutenu, la société Tool Sport n'a procédé à aucun règlement générant une créance de la société Johnson auprès de la société Tool Sport, qui a culminé à plus de 1,5 million d'euros en juillet 2011.

A partir du mois de mai 2011, aucune nouvelle commande de la société Tool Sport n'a été acceptée par la société Johnson et les relations entre les deux sociétés ont alors cessé de fait.

A compter du mois de juillet 2011, la société Tool Sport a commencé à apurer sa dette par le versement mensuel d'un chèque de 100 000 euros.

En février 2012, les sociétés Johnson et Tool Sport ont constaté un différend important entre elles tant sur le montant des sommes dues par la société Tool Sport à la société Johnson que sur l'échéancier et les modalités de paiement desdites sommes.

Par courrier du 20 septembre 2012, la société Johnson a informé la société Tool Sport que sa créance à son encontre n'était pas de 314 020,59 euros TTC, comme le prétendait la société Tool Sport, mais de 678 146,72 euros TTC.

Par courrier du 10 octobre 2012, la société Tool Sport, par l'intermédiaire de son conseil, a répondu à la société Johnson que, compte tenu du désaccord né entre les parties, elle suspendait tout paiement.

C'est dans ce contexte que, par exploit du 15 février 2013, la société Johnson a assigné la société Tool Sport devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le paiement de sa créance, soit la somme de 678 146,72 euros TTC.

Par jugement du 28 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire :

- condamné la société Tool Fitness au paiement de la somme de 678 146,72 euros à la société Johnson Health Tech France, outre les intérêts calculés sur le taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage à compter du 15 février 2013,

- condamné la société Tool Fitness à payer à la société Johnson Health Tech France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société Tool Fitness aux dépens.

Par déclaration du 4 février 2015, enrôlée sous le numéro 15/02628, la société Tool Sport a relevé appel de ce jugement.

Par jugement du 28 avril 2015, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Tool Sport, nommant Maître Gérard Philippot, en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP BTSG, prise en la personne de Me Stéphane Gorrias, en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 17 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Tool Sport en liquidation judiciaire, désignant la SCP BTSG, prise en la personne de Me Gorrias, en qualité de liquidateur et maintenant Me Philippot dans sa mission d'administrateur.

Par ordonnance du 20 octobre 2015, l'interruption d'instance a été constatée et le délai pour accomplir les diligences prévues à l'article R. 622-20 du Code de commerce a été fixé au 24 novembre 2015.

Par ordonnance du 24 novembre 2015, le conseiller de la mise en état du pôle 5 - chambre 4 de la Cour d'appel de Paris a ordonné la radiation de l'appel enregistré sous le numéro 15/02628 et a dit que l'affaire pourra être réenrôlée par le conseiller de la mise en état sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation.

Par déclaration du 30 mars 2016, la société Johnson a sollicité le ré-enrôlement de l'affaire, ayant, par exploit du 22 mars 2016, assigné en intervention forcée et en reprise d'instance la SCP BTSG, prise en la personne de Me Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tool Sport. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 avril 2018.

LA COUR

Vu l'appel de la société Tool Sport, représentée par la SCP BTSG, prise en la personne de Me Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire, qui n'a pas régularisé de conclusions devant la cour ;

Vu les conclusions de la société Tool Sport et de la SCP BTSG (avant radiation) du 31 juillet 2015 ;

Vu les dernières conclusions de la société Johnson Health Tech France, notifiées le 22 mars 2016, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer la société Tool Sport mal fondée en son appel du jugement rendu le 28 janvier 2015 par le Tribunal de commerce de Paris,

- débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer la société Johnson Health Tech France recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée à l'encontre de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tool Sport,

- fixer la créance de la société Johnson Health Tech France au passif de la société Tool Sport, à titre chirographaire, comme suit :

* 678 146,72 euros en principal,

* 136 145 euros au titre des intérêts arrêtés au 28 avril 2015 calculés selon les modalités fixées dans les conditions générales de vente de la société Johnson Health Tech France,

* 135 629 euros au titre de la clause pénale figurant dans les conditions générales de vente de la société Johnson Health Tech France,

* 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que les entiers dépens de première instance et d'appel seront inscrits à titre privilégié, au passif de la société Tool Sport ;

SUR CE

Sur la demande en intervention forcée

Il y a lieu de déclarer recevable la demande d'intervention forcée de la société Johnson Health Tech France contre la SCP BTSG, ès qualités.

Sur la créance de 678 146,72 euros que la société Johnson prétend avoir à l'égard de la société Tool Fitness

C'est par une juste motivation que la cour reprend à son compte que les premiers juges ont condamné la société Tool Fitness au paiement de la somme de 678 146,72 euros à la société Johnson, outre les intérêts calculés sur le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 15 février 2013. Il sera simplement rappelé que la société Tool Fitness, qui ne conteste pas être redevable de la somme de 314 020,69 euros, qu'elle aurait réglée sous forme de traites, estime que la somme de 678 146,72 euros est réclamée à tort par la société Johnson, le différentiel de 364 126,03 euros correspondant, selon Tool Fitness, à des sommes qui lui sont dues, à savoir :

- 121 394 euros de frais de participation publicitaire de Johnson pour l'année 2001,

- 199 374,40 euros d'avoir auprès de Johnson,

- 40 694,66 euros de remises de fin d'année pour 2011.

Or, le tribunal de commerce a justement constaté :

- qu'aucun accord n'est versé aux débats qui aurait consacré la participation de Johnson aux frais de publicité,

- que les parties n'ont jamais convenu de " prix négociés ", au niveau de la holding du groupe Johnson à Taiwan, inférieurs au prix de la société Johnson, qui justifieraient l'octroi d'un avoir à Tool Fitness de 199 374,40 euros,

- qu'aucune remise supplémentaire n'est dûe pour l'année 2011 à la société Tool Fitness. Le tribunal a, à raison, estimé que la société Tool Fitness ne saurait prétendre avoir satisfait à son obligation de paiement de la somme de 314 020,69 euros, par la remise de trois traites à l'encaissement qui ont été refusées par la société Johnson, à cause des frais financiers appliqués à ce type de règlement en cas d'escompte.

Il y a donc lieu de fixer au passif de la société Tool Sport les créances de la société Johnson au titre des sommes impayées, de 678 146,72 euros en principal et 136 145 euros au titre des intérêts arrêtés au 28 avril 2015 calculés selon les modalités fixées dans les conditions générales de vente de la société Johnson Health Tech France.

Sur la cessation des prises de commandes de la société Tool Fitness par la société Johnson

Il y a lieu d'approuver les premiers juges d'avoir, au terme d'une motivation que la cour fait sienne, estimé qu'aucune rupture brutale des relations commerciales établies ne pouvait être imputée à la société Johnson pour avoir cessé d'honorer les commandes de la société Tool Fitness. Il sera simplement rappelé que le tribunal a justement estimé que :

- il existait des relations commerciales établies entre les deux partenaires, initiées en 2006 et ayant perduré jusqu'en mai 2011,

- l'absence de tout règlement pendant six mois des sommes dûes par Tool Fitness à Johnson, qui s'élevaient à plus d'un million d'euros hors taxes, constitue une inexécution suffisamment grave de ses obligations, justifiant la résiliation sans préavis de la relation commerciale, conformément à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- la cessation des prises de commandes par Johnson n'est donc pas fautive et ne constitue pas une rupture brutale,

- il y a donc lieu de débouter la société Tool Fitness de sa demande en paiement de la somme de 923 444 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande de la société Johnson tendant à la condamnation de la société Tool Fitness au paiement de la clause pénale figurant dans les conditions générales de vente

Ces conditions générales de vente prévoient que " toute facture recouvrée par le service contentieux sera majorée à titre de clause pénale non réductible au sens de l'article 1229 du Code civil d'une indemnité fixée forfaitairement à 20 % de la facture impayée et ce, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient lui être dus ".

Mais le juge peut d'office réduire une clause pénale, selon les dispositions d'ordre public de l'article 1152 du Code civil, alors en vigueur, toute stipulation contraire étant réputée non écrite. Il y a lieu de réduire cette indemnité à la somme de 1 000 euros, la somme de 135 629 euros demandée par la société Johnson étant manifestement excessive, eu égard au préjudice réellement subi par cette dernière.

Il y a donc lieu de fixer au passif de la société Tool Sport la créance de la société Johnson de 1 000 euros au titre de la clause pénale.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SCP BTSG, prise en la personne de Me Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tool Sport, succombant au principal, sera condamnée à supporter les dépens de l'instance et la créance de 15 000 euros de la société Johnson au titre de l'article 700 du Code de procédure civile sera fixée au passif de la société Tool Sport.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevable et bien fondée la demande d'intervention forcée de la société Johnson Health Tech France à l'encontre de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tool Sport ; Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Tool Sport ; Fixe la créance de la société Johnson Health Tech France au passif de la société Tool Sport comme suit : 678 146,72 euros en principal et 136 145 euros au titre des intérêts arrêtés au 28 avril 2015 calculés selon les modalités fixées dans les conditions générales de vente de la société Johnson Health Tech France ; y ajoutant, Fixe la créance de la société Johnson Health Tech France de 1 000 euros au titre de la clause pénale au passif de la société Tool Sport ; Fixe la créance de la société Johnson Health Tech France de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au passif de la société Tool Sport ; Condamne la SCP BTSG, prise en la personne de Me Gorrias, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tool Sport, aux dépens de l'instance d'appel.