CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 31 mai 2018, n° 17-03452
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Soreau (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
FAITS ET PROCÉDURE :
Madame Marie Ketteline G. a commandé trois véhicules d'occasion auprès de la SARL Soreau selon bon de commande du 22 avril 2010 pour la somme de 14 000 euros. Un acompte de 1 200 euros a été réglé le 22 avril 2010 et le solde a été payé selon cinq chèques remis à la SARL Soreau selon le reçu en date du 15 juin 2010.
Invoquant que les véhicules n'avaient pas été livrés, Madame G. a mis en demeure la société Soreau le 27 février 2014 de lui restituer le prix versé. Cette mise en demeure étant restée sans effet, elle a, le 24 juin 2014, obtenu du président du Tribunal de commerce de Melun une ordonnance faisant injonction à la société Soreau de lui payer la somme de 14 000 euros en principal.
Sur opposition de la société Soreau, le Tribunal de commerce de Melun a, par jugement rendu le 7 septembre 2015 :
- déclaré l'opposition formée par la société Soreau à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer du 4 août 2014 recevable mais non fondée ;
- débouté l'ensemble des prétentions, fins et conclusions de la société Soreau ;
- dit que le jugement se substituait à l'ordonnance portant injonction de payer conformément aux dispositions de l'article 1420 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Soreau à verser à Madame Marie Ketteline G. la somme de 14 000 euros TTC au titre des sommes dues relatives à la vente de trois véhicules camion, outre intérêts au taux légal à compter du 27 février 2014, date de la mise en demeure ;
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la société Soreau au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 111,47 euros ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société Soreau a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société Soreau, par conclusions signifiées le 25 janvier 2016, demande à la cour de :
- déclarer la société Soreau recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- mettre à néant l'ordonnance d'injonction de payer en date du 4 août 2014 telle que requise par Madame Marie Ketteline G. à l'encontre de la société Soreau ;
- recevoir la société Soreau en sa demande ;
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 22 avril 2010 aux torts et griefs exclusifs de Madame G. ;
- dire que conformément à la convention des parties, les acomptes d'un montant de 12 000 euros versés par Madame G. resteront acquis à titre de dommages et intérêts à la société Soreau ;
- condamner Madame G. à verser à titre complémentaire à la société Soreau la somme de 4 485 euros pour frais de conservation des véhicules dont s'agit jusqu'à la date du 1er avril 2011, prise d'effet de la mise en demeure de retirer les matériels dont s'agit ;
- condamner Madame G. à titre de dommages complémentaires au paiement de la somme de 32 740,50 euros pour immobilisation des véhicules, frais de garde et de conservation, pour la période comprise entre le 1er avril 2011 et le 1er avril 2016 ;
- débouter en conséquence Madame G. de tous ses chefs de demandes, fins et conclusions ;
- condamner Madame G. à verser à la société Soreau la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que c'est à tort que Madame G. soutient que :
- la société Soreau n'a pas été en mesure de présenter les certificats d'immatriculation des véhicules en cause, alors que les documents correspondants sont versés aux débats ;
- elle n'aurait pas été mise en mesure de procéder au retirement, alors que la facture mentionnait " dépôt ".
Elle ajoute que, Madame G. n'a allégué, depuis la vente du 22 avril 2010, ni une quelconque difficulté qui aurait été tirée d'une prétendue absence de délivrance, ni les dispositions prises pour assurer l'exportation des véhicules vers Haïti.
Madame G., appelante à titre incident, par conclusions signifiées le 22 mars 2016, demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée Madame G., en son appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Soreau à payer à Madame G. les sommes de 14 000 euros au titre des sommes relatives à la vente des véhicules, au taux légal à compter du 27 février 2014, et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a rejeté l'ensemble des demandes de la société Soreau ;
- réformer pour le reste ;
Y ajoutant,
- condamner la société Soreau à payer à Madame G. les sommes de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Maître Daphnée H..
Elle invoque le manquement du vendeur qui n'a, à aucun moment, été en mesure de présenter les documents de circulation des véhicules et n'a pu délivrer les camions objet de la vente ; elle ajoute que la société Soreau ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 1657 du Code civil dès lors qu'elle ne justifie pas d'un refus de Madame G. de prendre livraison et qu'il n'est démontré ni que l'acheteur ait eu la possibilité matérielle de procéder au retirement, ni que le vendeur ait mis la chose vendue à la disposition de l'acheteur avant l'expiration du terme convenu.
Elle indique que la résolution de la vente implique la restitution du prix, soit de la somme totale de 14 000 euros, Soreau ne justifiant pas de la restitution d'un chèque de 2 000 euros qu'elle invoque.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS :
Considérant que, selon bon de commande en date du 22 avril 2010, la société Soreau a vendu à Madame G., " pour export Port Au Prince ", trois camions de marque Renault, immatriculés 309 AJH 92, 482 MHD 75 et 7768 NN 76, pour le prix total de 14 000 euros ; qu'aux termes de ce document, Madame G. a versé un acompte de 1 200 euros et s'est engagée à solder le montant du prix dans un délai de deux mois ; que le solde a été réglé par cinq chèques remis à la société Soreau selon reçu en date du 15 juin 2010 : chèques n° 0348244 de 3 200 euros " à remettre le 18/06/2010 ", n° 0348245 de 3 200 euros " à remettre le 23/06/2010 ", n° 0348248 de 2 400 euros " à remettre le 05/07/2010 ", n° 0348247 de 2 000 euros " à remettre le 15/07/2010 " et n° 0348246 de 2 000 euros " à remettre le 20/07/2010 " ;
Considérant que Madame G. ne conteste pas avoir reçu la lettre en date du 22 mars 2011, reçue selon accusé de réception du 29 mars 2011 (pièce Soreau n° 3), par laquelle la société Soreau l'a mise en demeure d'avoir à retirer les véhicules concernés ;
Mais considérant qu'il n'est pas discuté que les véhicules objet du contrat du 22 avril 2010 n'ont pas été livrés à Madame G. ; que, conformément à l'article 1615 du Code civil qui dispose que " l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires (...) ", en matière de vente de véhicule automobile, l'exécution complète, par le vendeur, de son obligation de délivrance s'entend de la remise du véhicule et des pièces administratives permettant sa mise en circulation ; que la société Soreau, qui se borne à produire les documents d'achat des véhicules à des tiers (pièces Soreau n° 4 à 13), ne rapporte pas la preuve qu'elle tenait à la disposition de l'acquéreur les documents permettant la mise en circulation des véhicules concernés (ainsi, la copie du certificat de vente, le certificat de non gage, la copie du contrôle technique de moins de six mois, la carte grise au nom de la société Soreau à la date de la transaction, la facture acquittée), ni le contrat du 22 avril 2010, ni la mise en demeure du 22 mars 2011ne faisant état des conditions de mise à disposition des pièces administratives requises ;
Qu'au surplus, la société Soreau ne saurait se prévaloir de ce que l'acheteur n'a pas satisfait à son obligation de retirement de la marchandise dans le terme convenu ; qu'en effet, le défaut de retirement ne peut entraîner la résolution de la vente aux torts de l'acheteur en application de l'article 1657 du Code civil que si le vendeur a mis au préalable l'acquéreur en mesure de retirer la chose ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce, le contrat du 22 avril 2010 ne fixant ni le lieu, ni le délai du retrait des véhicules et le terme " dépôt " apposé sur ce contrat après les mots " au prix de 14 000 euros " ne constituant pas une précision suffisante ;
Considérant que Madame G. est, dans ces conditions, fondée à invoquer le défaut d'exécution, par la société Soreau, de son obligation de délivrance conforme de la chose ;
Considérant que l'article 1610 du Code civil dispose que, " si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession si le retard ne survient que du fait du vendeur. " ; qu'en l'espèce, le défaut de délivrance constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de vente aux torts du vendeur ; qu'il sera ajouté en ce sens au jugement entrepris ;
Considérant que la résolution du contrat de vente entraîne restitution de la somme que le vendeur a reçue ; que la société Soreau ne conteste pas que Madame G. lui a remis la somme totale de 14 000 euros ; que, si elle prétend avoir restitué à Madame G. un chèque de 2 000 euros, elle n'en rapporte pas la preuve ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Soreau à payer à Madame G. la somme de 14 000 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 27 février 2014, date de la mise en demeure ;
Considérant que, le contrat étant résolu aux torts du vendeur, la demande de la société Soreau relative à des frais de garde des véhicules ne saurait être accueillie ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; qu'il le sera également en ce qu'il a débouté Madame G. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus n'étant établi à l'encontre de la société Soreau, ni dans l'exercice de son droit d'opposition, ni dans celui de son droit d'appel ;
Considérant que l'équité commande de condamner à payer à Madame G. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Prononce la résolution du contrat de vente du 22 avril 2010 aux torts de la SARL Soreau ; Condamne la SARL Soreau à payer à Madame Marie Ketteline G. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SARL Soreau aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.