CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 29 mai 2018, n° 16-14549
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Conseil des Grands Crus Classés 1855 (Syndicat), Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne, Conseil des Vins de Saint Emilion (Syndicat)
Défendeur :
Caudalie (SAS), Sources de Caudalie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Baud, Olivier, Agostini, Etevenard, Le Guen
EXPOSÉ DES FAITS
La société Caudalie, immatriculée le 3 octobre 1994, a pour objet la conception et la commercialisation de produits de beauté ; elle gère des spas en France et dans le monde, en particulier celui situé sur le site du Château Smith Haut Lafitte.
Elle est notamment titulaire des marques verbales suivantes :
- la marque française " Soin Premier Grand Cru " n° 98 764 846 déposée le 17 décembre 1998 dans les classes 3, 5, 42, 43, 44 et 45,
- la marque française " Premier Cru " n° 3 356 674 déposée le 25 avril 2005 dans les classes 3, 5 et 44,
- la marque internationale " Premier Cru " n° 1 005 300 déposée le 2 février 2009 dans les classes 3, 5 et 44 pour étendre dans 14 pays étrangers, la marque française n° 3 356 674.
Elle fabrique et commercialise sous ces marques, des crèmes de soin " Premier Cru, la Crème ", " Premier Cru, la crème riche ", " Premier Cru, la crème yeux " ainsi qu'un soin " premier cru ".
La société Les Sources de Caudalie, immatriculée le 21 janvier 2005, a pour activité " l'exploitation de centres hôteliers, restaurants, sous tous modes direct ou indirect, la réception de séminaires et congrès, et la vente de produits divers autres que les vins ", dont l'hôtel éponyme situé à Martillac (33) sur le site du Château Smith Haut Lafitte.
Le Conseil des Grands Crus Classés en 1855 est un syndicat créé le 13 décembre 2004, né du regroupement du Conseil des Grands Crus Classés de Sauternes et Barsac et du Conseil des Grands Crus Classés du Médoc, qui indique avoir pour mission la défense et la promotion du classement de 1855.
La Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne a pour objet la représentation, la défense et les intérêts généraux de la viticulture de Bourgogne et de ses membres.
Le Conseil des Vins de Saint-Emilion a pour objet de défendre cette appellation ainsi que les droits et intérêts des opérateurs de cette région.
Par lettre du 26 avril 2011, le Conseil des Grands Crus Classés en 1855 a mis en demeure la société Les Sources de Caudalie, de cesser toute utilisation des termes " Premier Cru " ou de toute autre mention traditionnelle.
Par acte du 4 août 2014, le conseil des Grands Crus Classés et la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne ont fait assigner les sociétés Caudalie et Les Sources de Caudalie, en sollicitant notamment la nullité de l'intégralité des marques appartenant à la société Caudalie.
En cours de procédure, les demandeurs ont abandonné leurs demandes concernant la marque internationale ; le Conseil des Vins de Saint-Emilion est intervenu volontairement aux côtés des demandeurs.
Par jugement du 20 mai 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs,
- déclaré recevable comme non prescrite, l'action du Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion, fondée tant sur le droit des marques que sur l'atteinte aux droits des demandeurs,
- ordonné la mise hors de cause de la société Les Sources de Caudalie, au titre des prétentions relatives à la validité des marques,
- rejeté la demande de mise hors de cause de la société Les Sources de Caudalie au titre des prétentions fondées sur le comportement fautif de celle-ci,
- débouté le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion de l'intégralité de leurs prétentions,
- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Les Sources de Caudalie, pour procédure abusive,
- débouté des parties de leurs plus amples ou contraires prétentions,
- condamné le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion, aux dépens,
- condamné le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion, in solidum à payer à :
- la société Caudalie, chacun une indemnité pour frais irrépétibles de 8 000 euros, la société Les Sources de Caudalie, chacun une indemnité pour frais irrépétibles de 3 000 euros,
- autorisé Me Annick Lecomte et Maître Catherine Le Guen à recouvrer directement auprès des demandeurs, ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Un jugement rectificatif d'erreur matérielle est intervenu le 10 juin 2016, précisant que le montant, dans le dispositif de la décision, au versement duquel étaient condamnés in solidum les demandeurs, au profit de la société Les Sources de Caudalie, était pour chacun de 4 000 euros pour frais irrépétibles au lieu de " 3 000 euros ".
Le Conseil des Grands Crus Classés 1855 (ci-dessous, le CGCC), la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (ci-dessous, la CAVB) et le Conseil des Vins de Saint Emilion (ci-dessous, le CVSE) ont interjeté appel du jugement du 20 mai 2016 rectifié par jugement du 10 juin 2016.
Par conclusions du 10 novembre 2017, les appelants demandent à la cour de :
- Accueillir l'appel principal comme régulier en la forme et juste au fond ;
- Infirmer le jugement rendu le 20 mai 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris sous le n° RG 14/12759 ainsi que le jugement rectificatif rendu le 10 juin 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris sous le n° RG 16/08735, sauf en ce qu'ils ont :
(i) consacré le caractère d'ordre public de la mention traditionnelle " Premier Cru ",
(ii) rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du Conseil, de la CAVB et du CVSE,
(iii) déclaré recevable comme non prescrite, l'action du Conseil, de la CAVB et du CVSE, fondée tant sur le droit des marques que sur l'atteinte aux droits des demandeurs,
(iv) rejeté la demande de mise hors de cause de la société Les Sources de Caudalie au titre des prétentions fondées sur le comportement fautif de celle-ci et
(v) rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Les Sources de Caudalie, pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau :
- Constater que la mention traditionnelle " Premier Cru " bénéficie d'une notoriété et d'un prestige au niveau mondial dans le domaine vinicole, de sorte que la mention traditionnelle " Premier Cru " véhicule une image positive et attractive exceptionnelle ;
- Juger que les sociétés Caudalie et Sources de Caudalie, en fabriquant et commercialisant notamment des crèmes " Premier cru, la crème ", " Premier cru, la crème riche ", " Premier Cru, la crème yeux " et des " Soins Premier Cru ", et en associant systématiquement la promotion de ces produits et services à l'univers des vins prestigieux bénéficiant de la mention traditionnelle " Premier Cru " :
ont commis une faute au sens de l'article 1382 [devenu 1240] du Code civil ;
ont porté atteinte aux appellations d'origine classées en " Premier Cru " et en particulier à celles dont la CAVB et le CVSE ont la charge d'assurer la défense ;
ont commis une pratique commerciale trompeuse et déloyale ; et
ont commis des actes de propagande ou de publicité indirecte illicite en faveur de boissons alcooliques.
- Juger que les mentions " Premier Cru " et " Soin Premier Grand Cru " ne constituent pas des signes susceptibles de constituer des marques, sont descriptives ou déceptives, sont contraires à l'ordre public et en tout état de cause ne peuvent faire l'objet d'une exploitation, de sorte que la société Caudalie ne pouvait procéder à l'enregistrement des marques verbales françaises " Premier Cru " n° 3356674 et " Soin Premier Grand Cru " n° 98764846 ;
En conséquence :
- Ordonner l'annulation de :
(i) la marque verbale française " Premier Cru " n° 3356674 déposée le 25 avril 2005 en classes 3, 5 et 44 et de
(ii) la marque verbale française " Soin Premier Grand Cru " n° 98764846 déposée le 17 décembre 1998 en classes 3, 5, 42, 43, 44 et 45, pour l'intégralité des produits et services visés ;
- Ordonner la transcription par l'Institut National de la Propriété Industrielle au Registre National des Marques de la décision à intervenir sur réquisition de Monsieur le Greffier en Chef ;
- Interdire aux sociétés Caudalie et Sources de Caudalie, directement ou indirectement, de fabriquer, faire fabriquer, importer, détenir, promouvoir, offrir à la vente et vendre des crèmes " Premier cru, la crème ", " Premier cru, la crème riche ", " Premier Cru, la crème yeux " et des " Soins Premier Cru ", ainsi que tout autre produit (autre qu'un vin en bénéficiant) ou service faisant référence à la mention " Premier Cru " dans les trois (3) mois de la signification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour de retard ;
- Ordonner la confiscation et la destruction de l'intégralité des crèmes " Premier cru, la crème ", " Premier cru, la crème riche ", " Premier Cru, la crème yeux " et des " Soins Premier Cru ", ainsi que de tout autre produit (autre qu'un vin en bénéficiant) ou service faisant référence à la mention Premier Cru incriminés restant en stock, ainsi que de tous éventuels supports, documents commerciaux, promotionnels ou marketing sur lesquels serait reproduite la mention " Premier Cru ", dans un délai de trois (3) mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour de retard ;
- Ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans les dix (10) jours de son prononcé, sur la première page des sites internet www.caudalie.com, www.sources-caudalie.com et www.etangs-corot.com pendant trois (3) mois ainsi que dans quinze (15) journaux ou magazines, professionnels ou grand public, nationaux ou locaux, français ou étrangers au choix du Conseil, de la CAVB et du CVSE, et ce aux frais avancés des sociétés Caudalie et Sources de Caudalie, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 4 000 euros ;
- Autoriser le Conseil, la CAVB et le CVSE, à leur seule discrétion, à publier le dispositif de l'arrêt à intervenir sur leurs sites Internet ;
- Condamner les sociétés Caudalie et Sources de Caudalie, solidairement, à payer au Conseil une somme de 35 000 euros, à la CAVB une somme de 35 000 euros et au CVSE une somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner les sociétés Caudalie et Sources de Caudalie aux entiers dépens.
En tout état de cause,
- Rejeter les demandes, fins et prétentions de la société Sources de Caudalie et de la société Caudalie, notamment celles tendant à la réparation d'un prétendu préjudice résultant du prétendu caractère abusif de la procédure dont elles seraient l'objet et à la mise hors de cause de la société Sources de Caudalie.
Par conclusions du 4 janvier 2018, la SAS Caudalie demande à la cour de :
Sur l'appel principal
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion de l'intégralité de leurs prétentions,
Sur l'appel incident
Réformer et statuant à nouveau
- Déclarer irrecevable l'action engagée par le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion pour violation de la spécialité statutaire desdits Syndicats professionnels,
- Déclarer irrecevable l'action engagée par le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion pour violation de la spécialité légale des mentions traditionnelles complémentaires établie par les articles 40 du règlement (CE) n° 607/2009 et 113-2 du règlement (UE) n° 1308/2013 ainsi que par l'article 13 alinéa 3 du décret modifié du 19 août 1921,
Subsidiairement
- Déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion
En toute hypothèse et reconventionnellement
- Condamner in solidum le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion à 100 000 euros de dommages et intérêts dans les termes de l'article 1240 du Code civil pour procédure abusive,
- Condamner le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion à 40 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans les dix (10) jours de son prononcé, sur les sites internet du Conseil des Grands Crus Classés 1855, de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et du Conseil des Vins de Saint Emilion pendant trois (3) mois ainsi que dans quinze (15) journaux ou magazines, professionnels ou grand public, nationaux ou locaux, français ou étrangers au choix de la SAS Caudalie et ce aux frais avancés de ces entités, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 4 000 euros,
- Condamner le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Lagourgue & Olivier, avocat constitué, sur ses affirmations de droit dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 25 novembre 2016, la société Les Sources de Caudalie demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 20 mai 2016 tel que rectifié le 10 juin 2016 en ce qu'il a débouté le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre d'appel incident,
- Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Ordonner la mise hors de la cause pure et simple de la société Les Sources de Caudalie ;
Déclarer irrecevable en l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Les Sources de Caudalie, le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion et les en débouter ;
En tout etat de cause, à titre reconventionnel
- Condamner le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion solidairement à verser à la société Les Sources de Caudalie la somme de soixante-quinze mille (75 000) euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamner le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion solidairement à verser à la société Les Sources de Caudalie la somme de vingt mille (20 000) euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion solidairement aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Frédérique Etevenard, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2018.
MOTIVATION
Sur la demande de mise hors de cause de la société Sources de Caudalie
Les appelants sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu en la cause la société Sources de Caudalie, car elle assure sur son site internet la promotion des produits en question, et propose leur utilisation dans ses établissements
La société Sources de Caudalie fait valoir que son activité se limite à l'exploitation de l'hôtel et des restaurants à Martillac et qu'elle n'est pas titulaire des marques dont l'annulation est sollicitée. Elle conteste exploiter lesdites marques, qui appartiennent exclusivement à la société Caudalie qui dirige le spa, et soutient qu'il n'existe pas de risque de confusion.
Elle précise qu'il n'est procédé sur ses sites à aucune vente en ligne de produits cosmétiques, notamment de produits sous les marques exploitées par Caudalie.
Sur ce
Les appelants sollicitent notamment l'annulation de deux marques dont est titulaire la société Caudalie, et dénoncent l'atteinte portée à leurs droits par la fabrication, la commercialisation et la promotion des crèmes " Premier cru, la crème ", " Premier cru, la crème riche ", " Premier Cru, la crème yeux " et des " Soins Premier Cru ".
Le site internet www.sources-caudalie.com dont la société Sources de Caudalie ne conteste pas qu'il lui appartient - ayant déposé le nom de domaine -, y présente le spa et les services qui y sont proposés, dont les " soins premier cru ".
Il en est de même pour son autre site www.etangs-corot.com qui présente aussi des soins premiers crus.
Ainsi, la pièce 5-12 des appelants justifie aussi que sur le site www.sources-caudalie.com est disponible une brochure présentant le spa, dans laquelle est évoquée l'application d'un produit porteur de la marque en cause.
Même si le spa n'est pas exploité par la société Sources de Caudalie qui n'est pas titulaire des marques en cause, elle participe néanmoins, en présentant ce spa sur son site, à la promotion des produits qui sont mis en avant.
La société Sources de Caudalie ne peut utilement faire état d'une absence de risque de confusion entre ses activités et celles de la société Caudalie, titulaire des marques et exploitante du spa, alors qu'elle permet par ses propres sites la présentation à l'internaute de ce spa et des produits porteurs des marques en question.
En conséquence, la demande de la société Sources de Caudalie tendant à sa mise hors de cause sera rejetée, et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la recevabilité des appelants
Les appelants soutiennent avoir chacun intérêt à agir puisque qu'ils invoquent une atteinte aux droits et intérêts matériels et moraux de leurs membres et agissent dans l'intérêt collectif de ceux-ci. Ils ajoutent que l'action introduite entre dans l'objet statutaire des parties.
La société Caudalie avance que les demandes sont irrecevables pour défaut d'intérêt, les appelants agissant en dehors de leur objet statuaire puisqu'il n'y entre pas de défendre l'usage des mentions Premier Cru et Premier Grand Cru par des cosmétiques.
La société Sources de Caudalie soutient aussi que les appelants agissent en dehors de leur spécialité statutaire, le CGCC ayant pour fonction d'assurer la défense des mentions traditionnelles associées au classement de 1855 mais n'ayant pas de droit sur la mention " premier cru ", comme le CAVB et le CVSE. Elle affirme que les appelants ne peuvent agir que contre des produits viticoles, mais ni contre des produits alimentaires autres que viticoles, ni contre des produits autres comme les cosmétiques.
Sur ce
Vu les articles 31, 32, 122 du Code de procédure civile,
L'article L. 2131-1 du Code du travail prévoit que " les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ".
Le CGCC a notamment pour objet, selon ses statuts
" d'assurer l'illustration du classement de 1855 et la défense contre toute atteinte pouvant être portée, par toute personne ou entité, aux mentions traditionnelles (ou aux dénominations les évoquant) associées aux vins bénéficiant du classement, et la poursuite de tels actes en justice...
De maintenir la protection des intérêts des crus et d'assurer la mise en valeur de leur prestige,
- d'organiser toutes actions communes d'ordres économiques, juridiques, techniques ou de promotion relatives aux Grands Crus Classés en 1855 " ...
Le classement de 1855 contient un classement de vins du Médoc en cinq classes, allant des premiers crus au cinquièmes crus, et pour les vins de Sauternes, en trois classes allant de premier cru supérieur à seconds crus.
Il fait expressément mention de la dénomination " premier cru " de sorte que le CGCC, chargé d'assurer la défense du classement de 1855, est légitime à agir pour la défense de cette dénomination qui en est issue.
Les demandes des appelants, notamment sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, portent sur l'atteinte portée au classement de 1855 et aux mentions traditionnelles associées aux vins bénéficiant du classement ; aussi sont-ils fondés à agir au vu d'une banalisation alléguée ou d'une dévalorisation de la dénomination " premier cru ", quand bien même l'exploitation en cause de celle-ci interviendrait pour la commercialisation de produits non concernés par le classement de 1855.
Les intimés ne peuvent utilement opposer aux appelants la nature différente des produits commercialisés sous les marques en cause pour soutenir que le principe de spécialité - qui limiterait l'action du CGCC au seul secteur des produits du vin - la rendrait irrecevable, une telle interprétation ne permettant pas au CGCC d'assurer pleinement sa mission, ce d'autant que si les produits proposés sous les marques en cause sont des cosmétiques, ils sont associés dans leur promotion au monde de la vigne et présentés comme des produits de haut standing, présentant ainsi un lien avec le domaine des vins de grande qualité que le CGCC a la charge de défendre.
L'assertion selon laquelle le CGCC n'aurait pas engagé d'action à l'occasion de chacune des atteintes portées aux intérêts dont il assure la défense ne peut être utilement invoquée pour contester sa légitimité à agir en la présente instance.
Le CAVB a aussi pour objet, ainsi qu'il ressort de ses statuts, " la représentation, la défense et les intérêts généraux de la viticulture de Bourgogne et de ses membres ".
Il est constitué de membres ayant le statut d'organismes de défense et de gestion prévu par le code rural et de la pêche maritime afin qu'un tel organisme assure " la défense et la gestion d'un produit bénéficiant d'un label rouge, d'une appellation d'origine, d'une indication géographique ou d'une spécialité traditionnelle garantie ", et les intimées ne contestent pas qu'il s'est vu reconnaître ce statut.
Or, l'article 643-1 de ce code prévoyant que
" le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation "
le CAVB peut agir lorsque les produits en cause, susceptibles d'affaiblir la notoriété de l'appellation, ne sont pas des produits viticoles.
Le CVSE a pour objet, dans ses statuts, " de défendre les intérêts des AOC Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand Cru et du classement attaché... d'étudier et de défendre les droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par les...statuts ", et bénéficie également du statut d'organisme de défense et de gestion.
Par ailleurs, le classement attaché des vins de Saint-Emilion, auquel font référence les statuts du CVSE, contient notamment des " premiers grands crus classés ", ce qui légitime aussi son action lors de l'utilisation de la mention " premiers cru ".
Au vu de ce qui précède, la défense des intérêts de leurs membres par les appelants n'est pas limitée aux seules atteintes portées en matière de vins et de produits viticoles, et leur présente action participant à la protection des intérêts de leurs membres contre une atteinte alléguée à leurs droits, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déclarés recevables à agir.
Sur la prescription
Les appelants contestent toute prescription de leur action, s'agissant tant de l'atteinte à leurs droits que de la validité des marques.
S'agissant des marques, ils déclarent que la demande peut être présentée sans délai car la déceptivité, sanctionnée par une action en nullité absolue, peut être invoquée à tout moment.
Ils ajoutent qu'aucune forclusion ne peut leur être opposée, car ils ne sont pas investis d'un pouvoir ou d'un droit de tolérer l'usage en cause, au sens de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Ils soulignent que la prescription quinquennale ne courant qu'à compter du jour où ils ont connu ou auraient dû connaître les faits, il revient à la société Caudalie de démontrer la date de la connaissance de ses marques par tous les appelants, pour pouvoir invoquer la prescription, et qu'en l'espèce il n'est pas justifié de l'écoulement d'un délai de cinq années.
La société Caudalie conteste le jugement, arguant que les appelants auraient dû connaître les faits qu'ils lui reprochent.
Selon elle, le fait que le vice de déceptivité, dont une marque est entachée, ne puisse être purgé ni par l'usage ni par le temps, ne rend pas l'action principale en nullité de la marque fondée sur ce vice imprescriptible, et ne suspend pas le délai de prescription tant que la marque demeure inscrite au registre national des marques.
Elle déduit du dépôt des marques avant la loi du 18 juin 2008 que les appelants avaient jusqu'au 18 juin 2013 pour agir, et qu'ils étaient du fait de la couverture médiatique nécessairement informés de l'usage des dénominations contestées.
Sur ce
Les marques dont les appelants sollicitent l'annulation ont été déposées le 17 décembre 1998 pour la marque française " Soin Premier Grand Cru " n° 98 764 846, et le 25 avril 2005 pour la marque française " Premier Cru " n° 3 356 674.
Le CGCC a mis en demeure, par lettre du 26 avril 2011, la société Les Sources de Caudalie de cesser toute utilisation des termes " Premier Cru " ou de toute autre mention traditionnelle, et l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 4 août 2014.
Si les appelants soutiennent que la déceptivité d'un signe est sanctionnée par une action en nullité absolue, le fait que le vice de déceptivité, dont une marque est entachée, ne puisse être purgé ni par l'usage ni par le temps n'est pas de nature à rendre imprescriptible l'action, par voie principale, en nullité de la marque fondée sur ce vice et n'a pas pour effet de suspendre le délai de prescription tant que la marque demeure inscrite au registre national des marques.
Le délai de prescription posé par l'article 2224 du Code civil est, depuis la loi du 17 juin 2008, de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, s'appliquant à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Si l'activité des sociétés Caudalie et Sources de Caudalie a bénéficié d'une couverture de presse importante depuis 1999, il n'était fait usage du terme " cru " pour la promotion des produits cosmétiques que dans trois articles de presse, soit un article de 1999 faisant mention d'un " soin du visage Premier Grand Cru ", un autre de 2004 titrant " grand cru " à propos du spa et des services proposés, un troisième du Figaro de 2006 présentant la ligne vinothérapie comme " grand cru ".
Or, ces signes ne correspondent pas aux marques " soins premier grand cru " et " premier cru " dont il est sollicité l'annulation.
Il n'est ainsi pas justifié par les pièces versées que les appelants ont connu ou auraient dû connaître les marques déposées par la société Caudalie.
Le premier acte révélant que le CGCC avait connaissance des marques en cause est le courrier de mise en demeure du 26 avril 2011.
Par conséquent, l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée le 4 août 2014, la demande principale en nullité des marques de la société Caudalie sollicitée par le CGCC, la CAVB puis le CVSE n'a pas été introduite hors délai.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Il sera au surplus ajouté que la prescription ne saurait être retenue pour les autres faits reprochés par les appelants à la société Caudalie, ceux-ci étant continus.
Sur l'utilisation parasitaire de la mention " premier cru "
Les appelants contestent le jugement en ce qu'il s'est fondé sur le principe de spécialité, dont l'application est selon eux peu compatible avec une action fondée sur l'article 1240 du Code civil.
Ils déduisent de la notoriété incontestable de la mention traditionnelle " Premier Cru " dans le domaine vinicole, le caractère fautif de la reprise, la différence des spécialités ne s'opposant pas au succès de l'action en responsabilité délictuelle pour un signe antérieur renommé, ce d'autant que cet usage pour des crèmes cosmétiques et produits de soin " Premier Cru " est effectué en se référant systématiquement à l'univers du vin. Ils soulignent la confusion entretenue par les sociétés intimées de l'exploitation de leurs produits avec le monde de la vigne et du vin.
Ils affirment que les consommateurs associent les produits " premier cru " aux prestigieux vins Premier Cru, et que l'usage de ce terme a été choisi à dessein par les intimées.
Ils précisent que ce comportement fautif cause un préjudice résultant du détournement du signe de qualité notoire, de l'affaiblissement du pouvoir attractif du signe de qualité notoire et de la dévalorisation qui en résulte.
La société Caudalie soutient que le principe de spécialité est applicable aux mentions traditionnelles complémentaires, et qu'il résulte du décret du 19 août 1921 comme du règlement 607/2009 que les mentions " premier grand cru " et " premier cru " sont d'usage libre dans tous les autres domaines que le vin.
Elle soutient que ces mentions n'ont subi ni dilution ni ternissement et ajoute qu'il reviendrait aux appelants, qui invoquent le parasitisme, de démontrer la valeur ajoutée qu'elle réaliserait du fait de cet emprunt.
Elle souligne que les parties ne sont pas des acteurs économiques concurrents dans la même spécialité, et conteste les griefs invoqués pour fonder la demande de nullité des marques litigieuses : ainsi, la mention " premier cru " ne constituerait pas, en dehors de sa spécialité, un signe de qualité, de sorte qu'elle pourrait valablement être utilisée comme signe distinctif ; elle ajoute n'avoir jamais affirmé ou suggéré que ses cosmétiques seraient à base de vin, mais simplement qu'ils sont élaborés à partir de raisins, de sève de vigne et de sarments.
Elle affirme qu'en dehors de leur spécialité les signes en cause sont de simples signes distinctifs.
La société Sources de Caudalie déclare n'effectuer aucun acte de promotion des produits en cause.
Sur ce
L'article 13 du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 412-1 du Code de la consommation interdit l'emploi, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie,
1° De toute indication, de tout mode de présentation (dessin, illustration, image ou signe quelconque) susceptible de créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur la nature, l'origine, les qualités substantielles, la composition des produits, ou la capacité des récipients les contenant ;
2° Des mots " grand cru " ou " premier cru ", sauf lorsqu'il est fait de ces mots un usage collectif conformément aux dispositions des cahiers des charges des appellations d'origine protégées pouvant en bénéficier.
3° Des mots cru classé précédés ou non d'une indication hiérarchique ou de tout autre mot évoquant une hiérarchie de mérite entre les vins provenant de domaines viticoles particuliers, sauf : ...
b) Lorsqu'il s'agit de vins de Bordeaux provenant de domaines viticoles figurant dans le classement de 1855 ; Pour l'étiquetage de ces vins, les termes : " cru classé " ou " grand cru classé " peuvent être utilisés, précédés ou non de l'indication de leur ordre de classement et suivis ou non de la référence à l'année de classement : " 1855 ".
L'article 112 du règlement 1308/2013 indique que
On entend par "mention traditionnelle", une mention employée de manière traditionnelle dans un État membre pour les produits visés à l'article 92, paragraphe 1 : (dont le vin)
a) pour indiquer que le produit bénéficie d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée en vertu du droit de l'Union ou du droit national ; ou
b) pour désigner la méthode de production ou de vieillissement ou la qualité, la couleur, le type de lieu ou un événement particulier lié à l'histoire du produit bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée.
Alors que l'article 113 point 1 précise
" Les mentions traditionnelles protégées peuvent être utilisées exclusivement pour un produit qui a été produit en conformité avec la définition figurant à l'article 112, paragraphe 1.
Les mentions traditionnelles sont protégées contre toute utilisation illicite ".
Et le règlement 607/2009, en son article 40, que
Les mentions traditionnelles figurant à l'annexe XII (dont les appellations d'origine contrôlées) sont protégées, uniquement dans la langue et pour les catégories de produits de la vigne indiquées dans la demande, contre :
" toute usurpation, même si la mention protégée est accompagnée d'une expression telle que " genre ", " type ", " méthode "," façon ", " imitation ", " goût ", " manière " ou d'une expression similaire;
toute autre indication fausse ou trompeuse quant à la nature, aux caractéristiques ou aux qualités essentielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné;
toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur et notamment de donner l'impression que le vin bénéficie de la mention traditionnelle protégée ".
En l'espèce, les signes " premier grand cru " et " premier cru " sont utilisés par la société Caudalie pour des produits cosmétiques, très distincts du vin.
Les appelants reconnaissent du reste que les textes précités ne sanctionnent la reprise d'une mention traditionnelle que lorsqu'elle est utilisée pour des produits similaires aux vins, mais soutiennent que le principe de spécialité ne saurait permettre la reprise d'un signe bénéficiant d'une renommée, constitutive de parasitisme au vu de l'article 1240 du Code civil.
Ils ne peuvent invoquer le grief de concurrence déloyale faute de situation de concurrence entre les parties, les produits de la société Caudalie n'étant pas concurrents des vins, et ne relevant pas de la même catégorie.
Le parasitisme consiste, pour une personne physique ou morale, à se placer dans le sillage d'autrui en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements et ce sans bourse délier, indépendamment de tout risque de confusion.
Cette notion, qui doit être appréciée à l'aune du principe de la liberté du commerce, est essentiellement utilisée lorsqu'une entreprise reproche à un autre opérateur économique de se placer dans son sillage et de profiter ainsi volontairement ou de façon déloyale de ses investissements, de son savoir-faire ou de son travail intellectuel - produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel -.
La notoriété de la mention " premier cru " n'est pas contestée par la société Caudalie, et les appelants produisent un sondage attestant qu'environ 75 % des personnes interrogées associent les notions " premier cru " et " premier grand cru " au vin, qu'elles sont perçues comme indicatrices de bonne qualité par plus de 80 %.
Toujours selon ce sondage, si un produit de beauté ou un service de soins est commercialisé avec ces mentions, 35 % des sondés s'attendent à ce que du vin entre dans la composition du produit ou soit utilisé lors du soin, et 61 % ne le pensent pas.
La cour observera néanmoins que les produits en cause n'ont pas été présentés aux sondés, qui auraient pu alors estimer la probabilité de la présence de vin dans ces produits, et que plus de 60 % des sondés estimaient, sans même considérer les produits Caudalie, que du vin n'entrait pas dans la composition de produits de beauté ou d'un service de soin portant les mentions en cause.
Par ailleurs, l'usage de ces mentions est toléré, comme le tribunal l'avait relevé, pour des produits agricoles autres que viticoles, et associés à un terroir spécifique.
Ainsi, le terme " cru " est utilisé pour d'autres notions que du vin, et les appelants reconnaissent qu'il existe des " cafés grand cru " voire des " cafés premier cru " et que les signes " grand cru " et " premier cru " ont aussi été identifiés pour du cacao.
Si ces signes sont porteurs pour les vins de valeur économique, il ne peut être déduit de leur longévité et du succès des vins commercialisés avec que la société Caudalie tire indûment profit du savoir-faire qui y est attaché lorsqu'elle commercialise sous ces signes des produits cosmétiques.
Ces signes font référence, s'agissant de vin, à la qualité des produits et non à leur provenance, ne constituant pas une indication géographique.
La société Caudalie ne laisse pas croire au consommateur à la présence de vin dans la composition de ses produits cosmétiques ; elle explique que ces produits sont issus d'extraits de raisins, sans référence expresse au vin, les nombreux articles de presse illustrant la mise en avant par la société Caudalie de la fabrication de ses produits à partir des raisins et de vigne.
Si les appelants soulignent qu'elle a axé sa communication sur l'univers de la vigne et du vin, les éléments de communication produits par les intimées montrent aussi l'importance de l'évocation des vignes du château Smith Haut Lafitte (auquel ils n'attribuent pas la qualité de " premier cru "), référence qui permet aussi à la société Sources de Caudalie de bénéficier du prestige associé à ce château du bordelais, région connue pour ses vignes comme pour le vin.
Le recours à un vocabulaire lié à l'œnologie lors du lancement de produits de nature très différente des vins, sans que ne soient utilisés les termes " premier cru " et " premier grand cru " et alors que le consommateur n'est pas incité à penser que du vin entre dans la composition desdits produits, ne saurait entraîner une dépréciation de la valeur économique attachée à ces termes dans le domaine du vin.
Au surplus, s'il ressort des pièces versées par les appelants que la société Caudalie utilise les signes " premier cru " et " premier grand cru " pour des produits revendiquant une qualité élevée, il n'est pas établi qu'ils seraient de nature à diminuer l'attractivité de ces signes pour les vins ou à ternir l'image des vins les utilisant.
Au vu des éléments qui précèdent, faute de démontrer que les sociétés intimées aient cherché à se placer dans leur sillage et à bénéficier ainsi indûment d'un avantage concurrentiel, les appelants - qui au surplus ne justifient pas d'une quelconque dépréciation - seront déboutés de leur demande au titre du parasitisme et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la pratique commerciale trompeuse
Les appelants dénoncent une pratique commerciale trompeuse, même si la volonté des intimées de tromper n'est pas rapportée, car elles ne respectent dans leurs agissements ni les exigences reposant sur les ventes de cosmétiques ni celles applicables aux ventes de " premier cru ".
Ils avancent que la promotion de produits cosmétiques associés à la mention " premier cru " et à l'univers du vin altère le comportement du consommateur, ce d'autant que de nombreux cosmétiques contiennent du vin et que les intimées ont cherché à s'inscrire dans l'univers du vin. Ils reprochent au jugement d'avoir omis d'apprécier si le consommateur était amené à penser que les cosmétiques proposés avec la mention " premier cru " présentait une qualité supérieure.
Sur ce
Vu les articles L. 121-1, L. 121-2, L. 121-3 et L. 441-1 du Code de la consommation,
En l'espèce, il n'est pas soutenu que la société Caudalie ait cherché à tromper les consommateurs sur la nature des produits vendus revêtus des mentions " premier cru " ou " premier grand cru ", soit des produits cosmétiques.
Comme l'a relevé le tribunal, les produits vendus avec ces signes contiennent notamment des polyphénols issus du raisin, et les appelants ne démontrent pas que les intimées auraient cherché à tromper le consommateur sur la composition du produit, notamment en l'incitant à penser que du vin entrait dans sa composition, ou ses qualités substantielles.
Le procès-verbal dressé le 16 juillet 2014 (pièce 5-8 appelants) établit que la composition des produits vendus porteurs des mentions en cause est annoncée, ce qui exclut une intention délibérée de tromper.
Dans ces conditions, l'utilisation du signe " premier cru " sur ces produits, qui ne mentionnent pas la présence de vin dans leur composition, ne saurait constituer une présentation fausse de leurs qualités essentielles, ou visant à leur attribuer des caractéristiques ou des fonctions qu'ils ne possèdent pas.
Les produits cosmétiques n'étant pas des produits viticoles ni des produits alimentaires, ils ne sauraient être soumis aux exigences fixées pour que ces derniers puissent utiliser les mentions en cause, ce alors que l'utilisation de ces signes pour les cosmétiques - si elle induit les idées de qualité et de supériorité - ne relève pas de l'évocation d'une provenance géographique.
L'affiliation des produits Caudalie à l'univers de la vigne et du vin ne saurait, par la présence de cette mention, altérer le comportement du consommateur qui pourrait être amené, selon les appelants, à penser que des vins " premier cru " entrent dans leur composition.
La cour observe que l'étude d'opinion versée par les appelants n'a pas interrogé les sondés sur la présence de vins " premier cru ", ou " premier grand cru " dans la composition de cosmétiques ou de services revendiquant ces mentions, mais de vin.
Il ne peut être déduit de la présence sur le marché des cosmétiques de produits dans la composition desquels entre du vin que le consommateur, devant un produit marqué " premier cru ", serait conduit à penser que des vins " premier cru " entreraient dans la composition de ces produits, ce d'autant ces produits précisent leur composition.
Enfin, le référencement naturel sur internet des produits Caudalie à la suite d'une recherche sur internet pour des cosmétiques à base de vin n'étant pas le fait de la société Caudalie, ne peut caractériser une pratique trompeuse dont elle serait l'auteur.
Au vu de ce qui précède, il n'est pas établi que les intimées se seraient livrées à des pratiques commerciales trompeuses, et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'évocation illicite des appellations d'origine contrôlée
Les appelants soutiennent que l'évocation du signe qualificatif " premier cru ", qui correspond à des AOC pouvant être accompagnées de cette mention traditionnelle, constitue une évocation illicite des AOC. Ils affirment que le jugement n'a pas motivé sa décision sur ce point, alors qu'il relevait que la mention utilisée par les intimés faisait référence au vin, et n'a pas tiré les conséquences du lien entre cette mention et les AOC auxquelles cette mention est traditionnellement liée.
Sur ce
Les appelants visent l'article L. 643-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit notamment en son alinéa 2
" le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation ".
En l'espèce, les cosmétiques ne sont pas des produits similaires au vin, la société Caudalie ne commercialise pas de vin, et n'utilise pas la mention " premier cru " sur ces produits cosmétiques en l'associant à une appellation d'origine.
Aussi, il ne peut être déduit, en l'absence de référence à une appellation d'origine, que l'utilisation de la mention " premier cru " sur des produits cosmétiques constitue une évocation répréhensible d'une appellation d'origine de vin.
Elle n'évoque aucune appellation d'origine individualisée, à laquelle il serait ainsi portée atteinte.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande portant sur l'atteinte à l'AOC.
Sur la publicité illicite
Selon les appelants, l'association de la mention " premier cru " à des cosmétiques constitue un acte illicite de propagande et de publicité en faveur de l'alcool, alors que la référence pour la vente de biens de consommation à une exploitation viticole est réglementée.
Ils affirment que la simple évocation d'une boisson alcoolique peut constituer une publicité indirecte, et que l'association de la mention " premier cru " à une promotion rappelant l'univers des vins révèle son illicéité, indépendamment de la nature des produits en cause. Ils ajoutent que les intimés ont cultivé le rattachement à l'univers du vin dans la commercialisation de leur produit.
La société Caudalie soutient qu'il ne peut lui être reproché de faire la promotion des vins du château Smith-Haut Lafitte qui ne lui appartient pas, et qu'en l'occurrence c'est la brochure de ce château qui vante les mérites de son spa.
Sur ce
L'article L. 3323 du Code de la santé publique fixe les conditions dans lesquelles sont exclusivement autorisées la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques, alors que l'article L. 3323-3 al. 1 prévoit que
" est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ".
Les produits porteurs de la mention " premier cru " dont la société Caudalie assure la promotion et la vente sont des cosmétiques et des produits de beauté, soit des produits éloignés des boissons alcooliques.
L'utilisation de cette mention, même si elle fait référence à l'univers de la vigne et de la production viticole, n'est pas en soi évocatrice d'une boisson alcoolique identifiée, ce d'autant qu'elle évoque également les idées de qualité et de supériorité.
Cette utilisation ne saurait au surplus avoir pour effet de réduire la possibilité des appelants de faire la promotion des produits dont ils ont la responsabilité de défendre les intérêts, et qui relèvent précisément de cette catégorie de boissons alcooliques.
L'affiliation des produits porteurs de cette mention, dans le cadre de leur promotion et pour des raisons historiques à la marque, à l'univers de la vigne et à un château du bordelais, ne saurait caractériser une publicité illicite en faveur des boissons alcooliques.
Le jugement sera aussi confirmé sur ce point.
Sur la nullité des marques
Les appelants soutiennent que les marques sont nulles pour défaut de distinctivité et qu'il revient aux juges d'estimer si, pour des crèmes de beauté et des services de soins, l'exploitation de la mention " Premier Cru " aux côtés de la marque " Caudalie " est de nature à permettre aux consommateurs d'identifier l'origine commerciale des produits et de les distinguer de ceux des concurrents de Caudalie.
Selon eux, la mention " Premier Cru " constitue un signe de qualité et non un signe distinctif, et le consommateur devant un produit portant cette mention l'associera à une gamme de produits premium, répondant à des critères de qualité, mais pas à un produit émanant d'une entreprise en particulier. Ils contestent le jugement qui s'est retranché derrière la catégorie des produits cosmétiques pour déduire que la mention " Premier Cru " aurait un caractère arbitraire.
Ils affirment que l'utilisation de la mention " Premier Cru " est de nature à décrire un ingrédient des vins bénéficiant de la mention traditionnelle " Premier Cru ", et que le consommateur français est susceptible de penser que du vin entre dans la composition des cosmétiques " Premier Cru ".
Ils estiment que le consommateur pensera ou sera susceptible de penser que des vins " Premier Cru " ou du vin entrent dans la composition des produits et services " Premier Cru " comme en attestent les résultats du sondage produit.
Ils approuvent le jugement en ce qu'il a consacré le caractère d'ordre public de la mention traditionnelle " Premier Cru ", mais estiment que le statut d'ordre public des appellations d'origine - en ce qu'il se rattache à la réglementation viticole-, s'applique en dehors du domaine viticole et aux produits autres que du vin, en l'espèce des cosmétiques.
Enfin, ils sollicitent l'annulation des marques en raison de l'interdiction légale d'usage du signe les composant, sur le fondement de l'interdiction d'usage de la mention traditionnelle " Premier Cru " en raison de la commission d'actes de parasitisme, en ce qu'elle évoque des AOC notoires et affaiblit leur notoriété, en raison de la réalisation d'actes illicites de propagande ou de publicité indirecte en faveur de boissons alcooliques et de l'interdiction des pratiques commerciales trompeuses et déloyales, mais aussi au vu de la réglementation du droit de l'Union européenne au jour de son dépôt.
La société Caudalie conteste les différents griefs invoqués pour fonder la demande de nullité des marques litigieuses et explique, sur le défaut de distinctivité allégué, qu'en dehors de sa spécialité et avec une formulation différente de celle que protègent les textes, ladite mention ne constitue pas un signe de qualité et peut donc valablement être utilisée comme signe distinctif.
Elle précise, s'agissant du caractère descriptif, n'avoir jamais affirmé que ses produits seraient à base de vin, mais simplement qu'ils sont élaborés à partir de raisins, de sève de vigne et de sarments.
Elle conteste tout caractère déceptif, n'ayant jamais prétendu faire des cosmétiques à base de vins, comme toute irrégularité des marques sur le fondement de leur contrariété à l'ordre public économique viticole du fait du principe de spécialité des mentions traditionnelles complémentaires.
Elle affirme que ses marques ne présentent aucun caractère interdit, du fait du principe de spécialité, hors de laquelle les mentions traditionnelles complémentaires ne constituent que de simples signes distinctifs.
Sur ce
Les marques dont il est demandé la nullité sont la marque française " Soin Premier Grand Cru " n° 98 764 846 déposée le 17 décembre 1998 dans les classes 3, 5, 42, 43, 44 et 45, et la marque française " Premier Cru " n° 3 356 674 déposée le 25 avril 2005 dans les classes 3, 5 et 44.
Selon l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle,
" Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; ... "
Il n'est pas contesté, s'agissant du défaut de caractère distinctif des marques, que la mention " premier cru " est, dans le domaine des cosmétiques, hors du domaine de spécialité dont elle relève - le vin -.
Ainsi acquiert-elle alors, par son usage en dehors de ce domaine, une distinctivité ; et, si elle est utilisée comme un signe de qualité, son utilisation est inhabituelle et présente un caractère arbitraire pour évoquer la qualité de produits cosmétiques, ainsi de nature à distinguer les produits porteurs des mentions " premier cru " et " soins premier grand cru " de la société Caudalie de ceux d'autres entreprises.
Enfin, les demandeurs ne peuvent utilement invoquer des refus d'enregistrement de signes contenant la mention " grand cru " pour des produits alcooliques ou alimentaires pour contester la distinctivité de cette mention pour des produits cosmétiques et des services de soins, par nature plus éloignés du vin que des produits alcooliques ou alimentaires.
La société Caudalie communiquant depuis l'origine sur l'élaboration de ses produits à partir de pépins de raisin - dont elle extrait le polyphénol -, de sarments de vigne et d'eau de raisin, le consommateur ne sera pas amené à penser que du vin " premier cru " entre dans la composition des cosmétiques " premier cru ".
Le vin n'entrant pas dans la composition de ces produits cosmétiques porteurs des signes " soins premier grand cru " et " grand cru ", le terme " premier cru " ne correspond pas à un produit entrant dans cette composition.
La cour rappelle en outre que les produits Caudalie en cause n'ont pas été présentés aux personnes interrogées par sondage, que la question qui leur a été posée consistait à leur demander s'ils estimaient que du vin - et non un vin grand cru- entrait dans la composition d'un produit porteur de la mention " premier cru " ou " premier grand cru ", de sorte que les appelants ne peuvent tirer argument de la réponse pour soutenir que la mention " grand cru " correspondrait à une " caractéristique potentielle " des produits, susceptible de justifier de l'annulation des marques qui présenteraient ainsi un caractère descriptif.
L'article 711-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que
" Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (...)
c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. "
La société Caudalie communique sur la composition de ses produits avec des extraits de pépins de raisin, de sarments de vigne et d'eau de raisin, et n'a jamais prétendu faire des cosmétiques à base de vins, de sorte qu'il ne peut lui être fait le reproche de faire croire aux consommateurs de produits cosmétiques que des " grands crus " entraient dans leur composition.
Les appelants ne peuvent faire état des réglementations portant sur l'usage des mentions " premier cru ", sans lien avec le domaine des cosmétiques et des services de soins, pour soutenir que l'indication " premier cru " sur de tels produits et services serait de nature à tromper le consommateur sur leur qualité, au sens de l'article précité.
Si l'article précité prévoit également l'interdiction d'adopter comme marque ou élément de marque un signe " contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ", en l'espèce, la protection due à ce titre à la mention traditionnelle " grand cru " est limitée aux produits de la vigne, en application du principe de spécialité.
Le grief de parasitisme n'étant pas plus retenu que l'affaiblissement de la notoriété d'AOC notoires du fait de l'usage de la mention traditionnelle " premier cru ", les appelants ne peuvent soutenir que l'utilisation du signe " premier cru " est interdite au sens de l'article L. 711-3.
De même, les demandeurs ayant échoué à établir des faits de publicité indirecte en faveur de boissons alcoolique ou de pratiques commerciales trompeuses, aucune interdiction de l'usage de ce signe ne peut en résulter.
Enfin, il ressort des termes du règlement communautaire 753/2002 applicable au moment de l'enregistrement de la marque " Premier cru " que la protection assurée aux mentions traditionnelles était limitée par le principe de spécialité au vin.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les marques de la société Caudalie valables et en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de nullité des marques de la société Caudalie.
Sur la demande reconventionnelle
La société Caudalie indique que les appelants savaient pertinemment qu'ils agissaient hors de leur spécialité statutaire, et argue qu'ils n'ont pas fait montre d'un pareil empressement dans d'autres procédures.
La société Sources de Caudalie soutient que les appelants étaient parfaitement conscients du manque de sérieux de leurs demandes à son égard mais s'en sont fait écho par voie de presse, ce qui justifie la réparation de cet abus par le versement de dommages et intérêts.
Les appelants concluent au rejet de ces demandes et contestent tout abus de leur part, en indiquant agir à l'encontre d'autres titulaires de marques intégrant les termes " premier cru ", et en contestant être à l'origine de toute communication par voie de presse sur ce litige.
Sur ce
Comme l'a indiqué le jugement, l'accès au juge est un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, et ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus.
Un tel abus n'ayant pas été démontré en l'espèce, que ce soit lors de l'introduction de la demande ou de l'appel interjeté, les sociétés Caudalie et Sources de Caudalie seront donc déboutées de leur demande à ce titre.
Sur les autres demandes
La demande de publication n'apparaissant pas justifiée en l'espèce, il n'y sera pas fait droit.
Le jugement sera confirmé s'agissant de la condamnation aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les appelants, succombant au principal, seront condamnés au paiement des dépens.
Ils seront également condamnés in solidum au versement, à chacune des sociétés intimées, de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Y ajoutant, Rejette toute autre demande, Condamne in solidum le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion à verser à la chacune des sociétés Caudalie et Les Sources de Caudalie la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum le Conseil des Grands Crus Classés 1855, la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne et le Conseil des Vins de Saint Emilion solidairement aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Frédérique Etevenard et par la SCP Lagourgue & Olivier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.