CA Poitiers, 1re ch. civ., 29 mai 2018, n° 16-03426
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Camping Le Pavillon (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chassard
Conseillers :
Mme Verrier, M. Orsini
Avocats :
Mes Zoro, Sanson, Simon Wintrebert, Helier
Mme B. et M. B. ont vendu un mobil home à la société camping Le Pavillon 7 500 euros à une date qui n'est pas précisée.
La société Le Pavillon a revendu le mobil home pour un prix de 17 000 euros aux consorts M. et G. selon facture du 5 août 2011, prix incluant une année de location.
La facture porte sur un mobil home de marque Willerby année 1999. L'inventaire du mobilier indique en revanche un modèle Leven du 28 avril 1995.
Le vendeur s'était engagé à effectuer divers travaux de rénovation portant principalement sur la toiture, travaux qui ressortent des factures du 28 février et 1 mars 2012.
Le 31 mai 2014, M. G., Mme M. mandatent la société le Pavillon pour vendre leur mobil home pour six personnes marque Willbury, type année 1999 pour un prix de 14 000 euros (négociable à 12 000 euros).
Le bien est décrit comme en bon état à l'intérieur (toilettes neuves), à l'extérieur.
Les vendeurs ayant relevé que la facture d'achat mentionnait un mobil home de 1999 imperial house Heden road 1251 alors que le livret d'inventaire décrivait un modèle Leven Serial du 28/04/1995 interrogent le constructeur le 2 février 2015.
Ce dernier leur confirme que le mobil home était un modèle Leven année 1996.
Par acte du 15 avril 2015, Mme M. et M. G. ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance des Sables d'Olonne la société Le Pavillon aux fins de résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants, 1135, 1147, 1184 du Code civil, subsidiaire 1110 et L. 111-1 du Code de la consommation.
Par jugement en date du 28 juin 2016, le Tribunal de grande Instance des Sables d'Olonne a statué comme suit :
- Déboute Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. de leurs demandes principales en garantie des vices cachés et en responsabilité du vendeur pour manquement au devoir de conseil,
- Déboute en conséquence Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. de leur demande en résolution de la vente,
- Déboute Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. de leur demande en nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles,
- Déboute Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. de leurs demandes en dommages et intérêts et en indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamne Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. à verser à la SARL Camping Le Pavillon la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,
- Condamne Madame Françoise M. et Monsieur Jackie G. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Elvine Le Foll, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le premier juge a notamment retenu que :
L'acquéreur a pu faire usage de son mobile home, à savoir jouir de son habitation de plein air, sans aucune restriction entre 2011 et la date d'introduction de la présente instance.
Il ne démontre pas l'existence d'un vice ayant rendu le mobile home impropre à son usage ou l'ayant tellement diminué qu'ils ne l'auraient pas acquis.
Le mobile home a fait l'objet d'une rénovation complète par le vendeur avant ou concomitamment à la vente.
Cette remise à neuf a permis aux acheteurs de profiter pleinement de celui-ci durant quatre années sans qu'ils forment la moindre réclamation.
L'acquéreur ne peut sérieusement soutenir que la revente fait partie intégrante de l'usage, que le vice soit établi du fait d'une vétusté supplémentaire. En effet, l'usage a été satisfaisant pendant plusieurs années, le bien ayant été remis à neuf avant la vente.
Le mobile home n'est affecté d'aucun vice caché au sens des dispositions de l'article 1641 du Code Civil.
S'il est démontré qu'un mobile home perd 30 % de sa valeur la première année, 15 % la deuxième année, 10 % la troisième et 7 % par année supplémentaire, la revente du mobile home ayant été envisagée en 2014-2015, le mobile home n'est en toute hypothèse plus côté qu'il soit de 1999 ou de 1996.
En outre, s'agissant d'un matériel d'occasion, le prix de revente est fonction de l'offre et de la demande.
Les demandeurs avaient reçu une offre de 11 966 euros conforme à leur mandat de vente.
Aucun préjudice n'est démontré du fait d'un éventuel défaut d'information sur le millésime du mobile home. Aucun manquement fautif du vendeur à son obligation de conseil n'est démontré.
L'année de fabrication ne constitue pas une qualité substantielle ayant vicié le consentement des acheteurs s'agissant d'un mobile home d'occasion ancien.
LA COUR
Vu l'appel général en date du 23 septembre 2016 interjeté par Mme M. et M. G.
Vu l'article 954 du Code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 28 mars 2018, les consorts M. et G. ont présenté les demandes suivantes :
Dire et juger Mme Françoise M. et M. Jackie G. recevables et particulièrement bien fondés en leur appel,
Y FAIRE DROIT
- Réformer dans sa totalité le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne du 28 juin 2016 ;
EN CONSÉQUENCE A TITRE PRINCIPAL
Tenant les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, 1135 ; 1231-1 et 1217 du même Code,
Voir constater que le mobile home vendu comme millésime 1999 s'avère en réalité un mobile home de l'année modèle 1996 et d'un modèle Leven au lieu d'un Imperial House Eden R. .
Voir constater que les consorts n'ont pu avoir une pleine et entière jouissance du mobile home compte tenu des désordres découverts après leur achat.
- Voir en conséquence prononcer la résolution de la vente en raison de la non-conformité de la chose vendue et du vice caché l'affectant,
EN TOUTE HYPOTHÈSE
- Voir condamner la SARL Camping Le Pavillon au paiement de la somme de 17 000 nonobstant la somme de 30 000 à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis
- Voir condamner la SARL Camping Le Pavillon au paiement de la somme de 9500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Brottier Zoro avocat sur ses affirmations de droit par application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile,
A l'appui de leurs prétentions, ils soutiennent notamment que :
- La vente est nulle pour réticence dolosive. La réticence porte sur l'âge réel du mobile home.
- La cote argus d'un mobile home existe, tient compte de l'année. C'est un critère essentiel d'appréciation du prix.
- Le vendeur a manqué à son obligation de délivrance d'un mobile home conforme à la commande.
- Le mobile home était atteint de vices cachés, vices affectant les toilettes. Elles ont été changées en 2014. Cela n'a pas réglé le problème d'évacuation. Le dysfonctionnement de l'installation d'assainissement rend le mobile home impropre à son usage.
- Il n'a pas été refait à neuf. Il était occupé le 19 août 2012 contrairement à ce qui avait été convenu.
- La jouissance en est entravée. L'acquéreur n'a pu l'occuper que 3,5 mois en cinq ans. Ils ont dû exposer des frais de location. Ils estiment subir un préjudice de jouissance, matériel, moral.
- Le vendeur a appris fortuitement la date réelle en mai 2014, lors de la signature du mandat.
- Les annonces avaient été publiées avant. Ils ont oublié de faire supprimer l'annonce publiée sur la site Paru Vendu.
- La confirmation de l'ancienneté exacte de la caravane est du 2 février 2015.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 24 mai 2017, la société Le Pavillon a présenté les demandes suivantes :
- Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance des Sable d'Olonne en date du 28 juin 2016,
En conséquence :
- Débouter Monsieur G. et Madame M. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner les demandeurs à payer à la SARL Le Pavillon une indemnité de 5 000 par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner les mêmes en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Simon Winterbert, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses prétentions, la société soutient notamment que :
- Le vice affectant le bien vendu n'est pas démontré.
- Le mobile home est apte à l'usage d'habitation.
- Les problèmes allégués n'ont été formulés que dans les conclusions du 19/12/2016, ne sont pas justifiés.
- Le mobile home n'était plus côté lors de sa vente.
- L'information relative à la date de fabrication n'était pas fondamentale, sans conséquence.
- Le vendeur a remis en état le mobile home pour 5000 euros, a réalisé un toit en dur.
- L'acquéreur a repris le millésime 1999 quand il a voulu vendre.
- Le millésime était indifférent, s'agissant d'un mobile home d'occasion.
- Le vendeur n'a pas vendu pour neuf un mobile home d'occasion.
- La non-conformité d'un bien d'occasion ne s'apprécie pas comme celle d'un bien neuf, lequel doit être exempt de tout désordre.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 avril 2018.
SUR CE
- sur la résolution de la vente
La non-conformité de la chose aux attentes convenues est une inexécution de l'obligation de délivrance.
L'article L. 211-12 du Code de la consommation dispose que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.
Les consorts M.G. font valoir qu'ils ont acheté un mobile home fabriqué en 1996 alors que le vendeur leur a fait croire que le mobile home avait été fabriqué en 1999.
Ils n'ont eu connaissance de la date réelle de fabrication que le 2 février 2015 lorsque le fabricant leur a confirmé l'information qui figurait sur l'inventaire.
Ils estiment que le mobile home n'est pas conforme à ce qui était convenu, l'ancienneté étant déterminante de sa valeur.
Le vendeur soutient que le mobile home étant d'occasion, ancien, que le fait qu'il ait été fabriqué en 1996 et non en 1999 est sans incidence.
Il rappelle que le mobile home n'est plus côté, que sa conformité aux attentes de l'acquéreur doit être appréciée en tenant compte des travaux de restauration qui ont été réalisés en 2011-2012 et non au regard de la date réelle de fabrication.
Il est constant que seule une non-conformité significative du bien aux attentes connues de l'acquéreur peut entraîner la résolution de la vente.
En l'espèce, l'acquéreur ne démontre pas que le fait que le mobile home a été fabriqué en 1996 et non en 1999 ait eu une incidence tangible sur son usage et sur sa valeur.
- sur la garantie des vices cachés
Il est constant que la non-conformité de la chose à sa destination normale ressortit de la garantie des vices cachés. L'acquéreur a l'obligation d'agir dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.
Le vice doit être d'une gravité suffisante pour entraîner la résolution de la vente.
Les consorts M.G. font valoir que le mobile home est inhabitable du fait du défaut affectant les toilettes, le système d'évacuation.
La société Le Pavillon considère que ce défaut n'est pas établi.
Force est de relever que les attestations produites par les acquéreurs n'établissent pas la réalité du défaut dénoncé.
Seul le courrier du 12 janvier 2013 émanant de l'acquéreur adressé au vendeur fait référence à un problème affectant les toilettes, problème signalé courant août 2012.
S'il est justifié ensuite d'un changement du syphon de la chasse d'eau le 1 mars 2012, il n'est justifié d'aucune réclamation, protestations ultérieures.
La société Le pavillon fait observer à juste titre que lors de la mise en vente du mobile home, le vendeur a décrit les toilettes comme neuves, n'a fait aucune réserve quant à un problème d'assainissement.
De même, l'annonce publiée par le vendeur " à vendre très beau grand mobile home Willerby toilette neuve avec lavabo, salle de bain avec douche et lavabo, chauffe-eau au gaz " le 23/09/2014 décrit un mobile home de qualité, fabriqué au demeurant en 1999.
Les consorts M.G. n'expliquent pas comment un vice relatif aux toilettes et au système d'évacuation peut être qualifié de vice caché alors qu'il s'agit d'un vice apparent, inhérent à l'utilisation du mobile home.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts M. G. de leurs demandes.
- sur les autres demandes
Il résulte de l'article 696 du Code de procédure civile que " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). "
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme M. et de M. G.
Il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Simon Winterbert.
Il est équitable de condamner Mme M. et M. G. à payer à la société Le Pavillon la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.