CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 31 mai 2018, n° 16-05645
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Konstantinovitch
Conseillers :
Mmes Peltier, Fillioux
Vu le jugement en date du 11 février 2016, aux termes duquel le Tribunal d'instance d'Antibes a déclaré Mme X irrecevable faute de qualité pour agir et l'a condamnée à payer à la société Y la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre entiers dépens.
Vu l'appel formé par Mme X.
Vu les dernières écritures de l'appelante en date du 4 avril 2017, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, aux termes desquelles elle conclut à la réformation du jugement déféré ; à la condamnation de la société Y à lui payer les sommes de 23 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 12 octobre 2015 et 5 000 euros pour résistance abusive, à titre principal sur le fondement de son droit de rétractation, à titre subsidiaire sur le fondement du dol ayant vicié son consentement ; en toute hypothèse, à la capitalisation des intérêts et au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre entiers dépens.
Vu les dernières écritures de l'intimée en date du 8 août 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, aux termes desquelles elle conclut à titre principal, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré Mme X irrecevable faute de qualité pour agir ; à titre subsidiaire, au débouté de la demande adverse fondée sur le droit de rétractation ; à titre liminaire, au débouté de la demande adverse fondée sur le dol ; au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre entiers dépens.
SUR CE
Il ressort des débats et pièces du dossier que :
- par contrat en date du 21 août 2015, dont chaque page est rédigée en langue française et en langue russe, Mme X, de nationalité russe, demeurant à Moscou, a réservé auprès de la société Y, agence immobilière sise à Antibes, la location meublée saisonnière d'une villa <adresse>, pour une durée de 27 jours du 22 août 2015 au 17 septembre 2015, moyennant paiement d'un loyer de 23 500 euros, qui a été intégralement réglé le 20 août 2015 par un virement émanant de la société Z,
- Mme X n'a pas pris possession du bien loué le 22 août 2015 ; elle soutient que c'est en raison du refus de la société Y de signer un état des lieux en langue russe ou anglaise, tandis que la société Y affirme qu'elle n'a pas souhaité payer le montant du dépôt de garantie,
- par lettre recommandée accusé de réception en date du 26 août 2015, réceptionnée le 27 août 2015, Mme X a exercé son droit de rétractation en renvoyant le formulaire de rétractation annexé au contrat,
- par lettre recommandée accusé de réception en date du 12 octobre 2015, Mme X a vainement mis en demeure la société Y d'avoir à lui restituer la somme de 23 500 euros payée.
Sur la qualité pour agir de Mme X :
En application de l'article 31 du Code de procédure civile : " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention ".
La société Y fait valoir que le paiement de la location a été réalisé par virement du 20 août 2015 émanant de la société de droit étranger Z ; que si Mme X soutient que ce paiement est intervenu pour son compte, il n'est produit aucun élément, le cadre juridique n'étant pas déterminé ; que si Mme X produit une attestation de paiement pour son compte, émanant de ladite société Z, laquelle atteste également avoir été remboursée de cette somme, il n'est pas justifié de l'identité et de la qualité du signataire de l'attestation, contenant en outre des erreurs quant à la référence du contrat souscrit et sa date de signature ; qu'à défaut de prouver avoir réellement remboursé cette société Mme X doit être déclarée irrecevable.
Toutefois, et comme le fait valoir Mme X, l'article 1 du contrat souscrit prévoit : " le locataire sera remboursé par le bailleur au plus tard 30 jours après la date de réception de la lettre recommandée confirmant la rétractation " ; il en résulte que la société Y s'est engagée contractuellement à restituer les sommes versées à Mme X en cas de rétractation notifiée dans les conditions prévues au contrat ; Mme X est en conséquence recevable à agir à l'encontre de son cocontractant sur le fondement du contrat dont elle demande l'exécution et ce d'autant que la société Y lui a délivré quittance de la somme réglée en ces termes " A la signature de la convention de location 21 août 2015, le locataire a versé la somme de 23 500 euros " ; la fin de non-recevoir, en tout état de cause inopérante, ne peut en conséquence qu'être écartée ; le jugement déféré sera en conséquence réformé de ce chef.
Sur le droit de rétractation :
En application de l'article 1134 du Code civil, dans sa version applicable au litige, " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. "
En son paragraphe " cadre juridique ", le contrat souscrit précise : " (...) Ce contrat est donc régi par les dispositions du Code civil et par les dispositions incluses au présent contrat. "
En son paragraphe " droit de rétractation ", le contrat souscrit prévoit : " Conformément à l'article L. 121-20 du Code de la consommation, le locataire dispose d'un délai de 7 jours francs pour se rétracter à partir de la date de signature de la présente convention de location. Il n'a pas à se justifier et n'est redevable d'aucune pénalité (...) Afin d'exercer son droit à rétractation, le locataire devra envoyer au bailleur par lettre recommandée avec AR le formulaire de rétractation (Voir annexe n° 1), cet envoi devant être effectué avant l'expiration du délai, cachet de la Poste faisant foi. / Le locataire sera remboursé par le bailleur au plus tard 30 jours après la date de réception de la lettre recommandée confirmant la rétractation ".
En son paragraphe " liste des annexes ", le contrat qui n'en mentionne qu'une seule, indique : " Annexe n° 1 : formulaire de rétractation en français " ; cette annexe rappelle les mentions suivantes : " Conformément à l'article L. 121-20 du Code de la consommation, le locataire dispose d'un délai de 7 jours francs pour se rétracter à partir de la date de signature de la présente convention de location. Il n'a pas à se justifier et n'est redevable d'aucune pénalité. / Le locataire sera remboursé par le bailleur au plus tard dans 30 jours, des sommes versées. (...) Afin d'exercer son droit à rétractation, le locataire devra envoyer au bailleur par lettre recommandée avec AR le formulaire de rétractation ci-dessous, cet envoi devant être effectué avant l'expiration du délai, cachet de la Poste faisant foi. ", tandis que le formulaire de rétractation est ainsi libellé : " Mme, Monsieur, / Faisant suite à la signature de la convention de location n° CLV210815.2 en date du 21 août 2015, relatif à la location de la propriété : <adresse>, conformément à l'article L. 121-20 du Code de la consommation, je vous prie de noter que je renonce à la location convenue. / En conséquence, je vous remercie de bien vouloir procéder au remboursement de l'acompte versé à la signature par virement sur le compte bancaire dont les références sont situées ci-dessous (...) ".
Mme X démontre avoir renseigné et adressé le formulaire de rétractation par courrier recommandé réceptionné le 27 août 2015.
Pour s'opposer au remboursement de la location, tel que contractuellement convenu entre les parties, la société Y soutient :
- qu'un contrat à exécution successive ayant pris effet ne peut faire l'objet d'une rétractation ;
- que la rétractation est intervenue 4 jours après la prise d'effet du contrat, alors qu'il va de soi qu'elle n'était possible qu'avant la prise d'effet du contrat ;
- que les clauses insérées au contrat ont vocation à s'appliquer aux contrats signés 6 mois ou 1 an à l'avance ;
- que Mme X et son personnel ont pris possession des lieux dès le 22 août 2015 ;
- que les locations saisonnières ou locations de vacances ne sont pas soumises à un droit de rétractation puisque le nouvel article L. 121-20-4 du Code de la consommation exclut expressément la vente à distance de prestations de services d'hébergement et déroge ainsi à l'ancien article L. 121-20 du Code de la consommation ;
- que le contrat précise expressément que toute demande d'annulation ou de résiliation ne donne lieu à aucun remboursement.
Toutefois, et au visa tant de l'article 1134 sus visé du Code civil que des clauses contractuelles ci-avant rappelées, lesquelles organisent expressément un droit de rétractation au profit de Mme X, par référence à l'ancien article L. 121-20 du Code de la consommation, ces moyens sont inopérants ; il sera au demeurant relevé que le contrat de location objet du litige, conclu pour une durée déterminée et objet d'un paiement unique, ne peut être regardé comme étant à exécution successive ; par ailleurs, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'état des lieux contractuellement prévu n'a pas été signé tandis que le montant du dépôt de garantie n'a pas été payé, et qu'en conséquence les clés de la villa n'ont jamais été remises à Mme X, la société Y n'est pas fondée à soutenir que le contrat avait déjà pris effet à la date de la rétractation ; or, le contrat souscrit le 21 août 2015, portant sur la location d'une villa à compter du 22 août 2015, ne prévoit aucune dérogation au droit de rétractation contractuellement organisé en faveur de Mme X, durant un délai de 7 jours francs à compter de " la date de signature de la convention " ; par suite, la société Y n'est également pas fondée à opposer à Mme X les clauses du contrat applicables aux demandes d'annulation ou de résiliation alors qu'elle n'a fait qu'user de la faculté de rétractation qui lui était consentie.
En outre, la société Y soutient encore, au visa de l'article 1156 du Code civil, que la commune intention des parties était claire sur le fait qu'aucune rétractation n'était possible après la prise d'effet du bail ; en ce sens, elle fait valoir qu'en l'espèce la location avait été expressément validée puisque le bail signé le 21 août 2015 précise expressément " A la demande de la locataire Mme X une visite a été effectuée le 20.08.2015 afin de contrôler et valider la location. " ; toutefois, cette mention est sans incidence sur le droit de rétractation organisé par ce même contrat et dont aucune des clauses ne permet d'en exclure l'application au motif que le contrat souscrit devait prendre effet le lendemain ; il en résulte que la société Y n'est également pas fondée à soutenir que le droit de rétractation, qu'elle a consenti expressément à Mme X, était devenu sans objet et que la commune intention des parties était différente de ce qu'elles ont expressément convenu, la veille d'un contrat qui devait prendre effet le lendemain.
Il s'ensuit qu'en visant précisément et à plusieurs reprises, l'article L. 121-20 du Code de la consommation, la société Y s'est expressément engagée à faire bénéficier sa cocontractante des dispositions prévues par cet article dans sa rédaction ancienne ; Mme X, qui fait valoir qu'elle n'a consenti à la signature du contrat et au paiement de la location qu'en considération du droit de rétractation qui lui était consenti, est ainsi et en tout état de cause fondée en sa demande de remboursement, telle que prévue au contrat.
La société Y sera en conséquence condamnée à payer à Mme X la somme de 23 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 12 octobre 2015, et ce sous bénéfice de la capitalisation des intérêts telle que prévue par l'article 1343-2 du Code civil ; en revanche, les circonstances de la cause ne permettent pas de retenir l'existence d'une résistance abusive, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la demande en dommages et intérêts formée de ce chef.
Enfin, les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, seront mis à la charge de l'intimée qui succombe.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la cour, conformément à l'article 450 al. 2 du Code de procédure civile. Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau Condamne la société Y à payer à Mme X une somme de 23 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 12 octobre 2015, et ce et ce sous bénéfice de la capitalisation des intérêts telle que prévue par l'article 1343-2 du Code civil. Condamne la société Y à payer à Mme X une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande. Condamne la société Y aux entiers dépens.