CA Versailles, 3e ch., 29 mai 2018, n° 16-06750
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Y
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Portelli
Conseillers :
Mmes Brogly, Bonnet
Avocats :
Mes Rey, Peccavy, Linee Michelot, Ewango
EXPOSE DU LITIGE
Mme B. a acquis six chatons de race Main Coon auprès de M. P., exerçant sous l'enseigne "Just a Dream's", selon six contrats de vente échelonnés entre le mois d'octobre 2014 et le mois de juillet 2015, au prix unitaire de 1 500 euros.
Quatre des six chats vendus sont morts respectivement les 19 octobre, 10 novembre 2015 et entre le 2 et le 19 février 2016.
Par acte du 2 février 2016, Mme B. a assigné M. P. et Mme L., en nullité des contrats de vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 22 juillet 2016, le Tribunal d'instance de Mantes la Jolie a :
- mis hors de cause Mme L.,
- déclaré irrecevable l'action en nullité de Mme B.,
- débouté Mme B. de sa demande tendant à la réalisation de mesures d'instruction,
- condamné M. P. à payer à Mme B. la somme de 4 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
- condamné M. P. à payer à Mme B. la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
- débouté M. P. de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2 000 euros,
- condamné M. P. à payer à Mme B. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné M. P. aux dépens.
Le tribunal a retenu que M. P. ne justifiait pas de l'exécution de son obligation d'information à l'égard de Mme B. quant aux maladies mortelles fréquentes de l'espèce féline, ce qui constituait une réticence dolosive. Il a fait droit aux demandes formées par Mme B. au titre de son préjudice matériel et de son préjudice moral.
Par déclaration du 13 septembre 2016, M. P. a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses
conclusions transmises le 4 décembre 2017, il demande à la cour de :
à titre principal sur le dol et le préjudice moral,
- infirmer le jugement de première instance et juger qu'il n'a pas commis de dol par défaut d'information,
- débouter en conséquence Mme B. de l'intégralité de ses demandes,
- condamner en conséquence Mme B. à lui rembourser toutes les sommes qu'il a dû lui verser suite au prononcé de l'exécution provisoire,
à titre subsidiaire sur le dol et le préjudice moral,
- infirmer le jugement et juger que Mme B. a subi seulement au titre du devoir d'information une perte de chance qui ne saurait être indemnisée au-delà de 150 euros,
- infirmer le jugement et débouter l'intimée intégralement de sa demande au titre du préjudice moral,
- ne pas le condamner en tout état de cause au titre du préjudice moral au-delà de la somme de 250 euros,
- condamner en conséquence Mme B. à lui rembourser à l'excédent des sommes versées par celui-ci suite au prononcé de l'exécution provisoire,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause Mme L. et rejeté la mesure d'instruction sollicitée par Mme B.,
- dire qu'il n'y a pas de défauts de conformité prouvés dans la mesure où Mme B. ne rapporte pas la preuve d'un souci de santé au jour des ventes,
- débouter en conséquence Mme B. de l'intégralité de ses demandes fondées sur le Code de la consommation,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
* jugé que les conventions de vente ne comportent pas de convention dérogatoire au Code rural permettant l'application du Code civil,
* débouté Mme B. de l'intégralité de ses demandes fondées sur le Code civil,
* jugé que Mme B. est irrecevable à agir sur le fondement du Code rural dans la mesure où son action est tardive,
- dire et juger que les chats n'étant pas atteints par la Pkdef,
- infirmer le jugement quant à sa demande reconventionnelle et condamner reconventionnellement Mme B. à payer la somme de 2 000 euros au titre du montant non acquitté sur les ventes des chatons,
- condamner Mme B. au versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme B. aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises le 5 janvier 2018, Mme B. demande à la cour de :
- confirmer les condamnations pécuniaires prononcées par le jugement du 22 juillet 2016 à son bénéfice,
statuant à nouveau,
- dire s'il y a lieu de mettre Mme L. hors de cause, le cas échéant prononcer sa condamnation solidaire avec M. P.,
y ajoutant,
- les débouter du surplus de leurs demandes,
- les condamner en cause d'appel à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 janvier 2018.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au préalable, il y a lieu de constater que Mme L., qui a été mise hors de cause par le tribunal d'instance et qui n'a donc pas interjeté appel, n'a pas été appelée par Mme B. dans l'instance
d'appel, de sorte que le jugement en ce qu'il a mis hors de cause Mme L. ne peut qu'être confirmé.
1) sur l'appel de M. P.
M. P. poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Mme B.. Il rappelle que la vente des animaux de compagnie est régie à titre principal et prioritaire par l'article L. 213-1 du Code rural de sorte que le Code civil ne peut trouver application à défaut de convention contraire et dérogatoire au Code rural. Il relève que le premier juge a justement constaté que les actes de vente ne contenaient aucune convention dérogatoire au Code rural et que par voie de conséquence les dispositions du Code civil ne pouvaient recevoir application. Il invoque les dispositions de l'article R. 213-5 du Code rural au terme desquelles l'acheteur doit introduire son action indemnitaire dans le délai de trente jours à compter de la délivrance de l'animal, ce que Mme B. n'a pas fait de sorte qu'elle doit être déboutée de toutes ses demandes.
Par ailleurs, il reproche au premier juge d'avoir retenu un défaut d'information alors que rien ne permet d'affirmer qu'il a vendu des chatons malades. Il relève que seul un chaton sur quatre a été autopsié et peut être déclaré décédé de la péritonite infectieuse féline tandis que la cause du décès des autres chatons reste inconnue.
Il indique que les informations que doit délivrer l'éleveur sont encadrées par le Code rural et relève que la loi ne fait nullement obligation au vendeur de mentionner les maladies qu'un chat pourrait contracter ; il précise que tous les chatons vendus à Mme B. ont fait l'objet d'un examen par un vétérinaire et que Mme B. a reçu l'information adéquate notamment par la remise de tous les carnets de santé qui comportent le détail des principales maladies que peut contracter un chaton dont la péritonite infectieuse féline. Il affirme avoir rempli toutes ses obligations.
Mme B. estime qu'il y a lieu de retenir non seulement l'existence d'une réticence dolosive de la part du vendeur mais aussi des défauts de conformité s'agissant de la vente de chats de race dont les qualités étaient mises en avant de façon ostentatoire. Elle reproche à M. P. une dissimulation de la présence de la Pkdef au sein de l'élevage au moment de la vente des chatons Jaïpur et Jaguar, affirmant que la mère de ces chatons était porteuse des gènes Pkdef. Elle reproche également au vendeur la dissimulation de la présence du corona virus et des antécédents de péritonite infectieuse féline au sein de l'élevage au moment des ventes. Elle soutient que dès lors que le corona virus était présent au sein de l'élevage et que celui-ci avait connu des antécédents de PIF le vendeur avait l'obligation d'en informer l'acquéreur.
sur ce
- sur les textes applicables
L'article L. 213-1 du Code rural et de la pêche dans sa version applicable au présent litige prévoit que l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques, est régie, à défaut de
conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice ni de l'application des articles L. 211-1 à L. 211-15, L. 211-17 et L. 211-18 du Code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.
L'article R. 213-5 du même Code précise le délai imparti à l'acheteur pour introduire l'une des actions ouvertes par l'existence d'un vice rédhibitoire tel qu'il est défini aux articles L. 213-1 à L. 213-9.
Il résulte de la lecture du premier de ces textes que, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'action en garantie pour vices rédhibitoires prévue au Code rural n'est pas exclusive de l'action en dommages et intérêts en cas de dol, laquelle n'est pas enfermée dans le délai de l'article R. 213-5 du Code rural et de la pêche maritime.
Ce moyen soulevé par M. P. est donc inopérant.
- sur la réticence dolosive
L'article L. 214-8 du Code rural et de la pêche prévoit que toute vente d'animaux de compagnie doit s'accompagner d'une attestation de cession et d'un document d'information sur les caractéristiques et les besoins de l'animal contenant également, au besoin, des conseils d'éducation.
Comme le relève justement M. P., au terme de cette réglementation, le vendeur n'est pas tenu d'informer l'acquéreur des maladies qu'un chat pourrait contracter.
Mais en tout état de cause, force est de constater qu'avant la vente de chaque chaton, M. P. l'avait fait examiner et vacciner par un vétérinaire et qu'un carnet de santé a été remis à Mme B. lors de la vente. Ce carnet de santé comporte le détail des principales maladies que peut contracter un chaton dont la péritonite infectieuse féline.
Dans un écrit daté du 23 avril 2016, le docteur B., vétérinaire suivant l'élevage de M. P., atteste n'avoir jamais relevé de cas de péritonite infectieuse au sein de l'élevage au cours des trois dernières années.
C'est donc à tort que le tribunal a non seulement retenu que M. P. ne rapportait pas la preuve de l'exécution de son obligation d'information à l'égard de Mme B. quant aux maladies mortelles fréquentes de l'espèce féline mais a dit qu'il était d'autant plus astreint à cette obligation que son élevage avait déjà connu par le passé un cas de péritonite infectieuse féline, ce qui est inexact pour avoir été déduit d'une interprétation erroné d'un SMS échangé entre Mme L., compagne de M. P., le 8 novembre 2015.
S'agissant de l'information relative au gène Pkdef dont était porteuse la mère des chatons Jaïpur et Jaguar vendus début octobre 2014, cette information n'avait pas à être portée à la connaissance de Mme B. dès lors que le père des chatons n'était pas porteur de ce gène récessif. En outre, la PkDef est sans lien avec la péritonite infectieuse féline ou une autre maladie infectieuse grave que peuvent contracter les chats.
Aucune réticence dolosive ou manquement à son obligation d'information ne peut être retenue à l'encontre de M. P..
- sur les défauts de conformité
A titre subsidiaire, Mme B. invoque un défaut de conformité sur la qualité des chats relative à la rigoureuse sélection des reproducteurs au motif que les vendeurs ont reconnu que la mère de Jaïpur et Jaguar était porteuse du gène Pkdef et que ceux-ci étaient susceptibles d'en avoir hérité. Elle reproche également au vendeur de n'avoir réalisé aucun test de corona.
M. P. répond que sa garantie ne peut être engagée sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation dès lors que l'acheteur ne prouve pas que les chats étaient malades lors de la vente.
sur ce
Selon l'article L. 211-5 du Code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, pour être conforme au contrat, le bien doit correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle.
Mme B. ne démontre nullement que les chatons qu'elle a acquis n'étaient pas conformes à la description donnée par le vendeur ou qu'ils ne possédaient pas les qualités présentées par l'éleveur dans les affirmations : " il est vraiment très beau pas de défaut donc pourra faire des expos " et " nous sélectionnons vraiment nos reproducteurs pour rechercher à faire de très beaux Main Coon ". Le fait que la mère des chatons Jaïpur et Jaguar ait été porteuse du gène Pkdef ne constitue nullement un défaut de conformité tout comme le fait que le test corona n'ait pas été réalisé.
La cause des décès des chatons, sauf pour l'un d'eux, est restée inconnue. S'agissant du chaton mort de la PIF, aucun élément du dossier ne permet de dire que le chaton était porteur du virus avant la vente.
La preuve d'un défaut de conformité n'est pas rapportée.
En conclusion de ce qui précède, la décision entreprise doit être infirmée et les demandes de Mme B. rejetées que ce soit sur le fondement de la réticence dolosive que sur celui du défaut de conformité.
3) sur la demande de M. P. au titre du montant non acquitté des ventes des chatons
Il est constant que Mme B. n'a pas réglé l'intégralité du prix de vente des chatons. Elle reste devoir la somme de 2 000 euros. Contrairement à ce que soutient Mme B., le fait que Mme
L. ait indiqué à Mme B. qu'elle n'avait pas encaissé le chèque de 500 euros du mois de novembre pour l'aider ne constitue pas une remise commerciale.
Mme B. est tenue de régler le solde du prix. Il convient en conséquence d'infirmer la décision sur ce point et de condamner Mme B. à régler à M. P. la somme de 2 000 euros.
4) sur les autres demandes
M. P. demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées en exécution du jugement et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande de M. P..
La décision doit encore être infirmée en ce qui concerne les dépens et la condamnation de M. P. à payer à Mme B. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme B., partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel. L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. P. à payer à Mme B. les sommes de 4 600 euros et 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, rejeté la demande reconventionnelle de M. P., condamné M. P. aux dépens et à payer à Mme B. une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant de nouveau sur les ces chefs, Déboute Mme B. de toutes ses demandes, Condamne Mme Anne B. à payer à M. Cyril P. la somme de 2 000 euros pour solde du prix des ventes des chatons, Condamne Mme Anne B. aux dépens de première instance, Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour, Condamne Mme Anne B. aux dépens d'appel, Rejette la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.