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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 8 juin 2018, n° 17-21725

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Metaboli (SA)

Défendeur :

Square Enix Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Hardouin, Eberhardt Le Prevost, Boccon Gibod, Glatz

T. com. Paris, du 14 nov. 2017

14 novembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La SA française Metaboli, exploitant une plate-forme de vente en ligne, distribue des jeux vidéo en s'approvisionnant depuis 2002 auprès de la société anglaise Square Enix Ldt. Le 16 décembre 2016, se plaignant d'une rupture brutale des relations commerciales existant depuis 12 ans environ, la société Metaboli a attrait la société Square Enix devant le Tribunal de commerce de Paris en lui réclamant la somme de 306 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code (français) de commerce.

Invoquant une clause attributive de compétence au profit des tribunaux anglais, insérée dans le contrat du 10 juillet 2008, la société Square Enix a décliné à titre principal, la compétence du Tribunal de commerce de Paris et a soulevé subsidiairement la nullité de l'assignation.

La société Metaboli s'est opposée à l'exception d'incompétence en invoquant les dispositions de l'article 7.1 du Règlement européen n° 1215/2012 sur la compétence judiciaire et en prétendant que le contrat du 10 juillet 2008, contenant attribution exclusive aux juridictions anglaises, ne concernait qu'un seul jeu sur les 90 jeux distribués par la société Metaboli en s'approvisionnant auprès de la société Square Enix, les autres contrats invoqués par les parties donnant une compétence seulement " non exclusive " aux juridictions anglaises. Elle a en outre aussi fait valoir que son action fondée sur l'article L. 442-6 précité du Code de commerce vise la rupture brutale des relations commerciales établies et pas spécifiquement la résiliation du contrat conclu en 2008.

Par jugement du 14 novembre 2011, le tribunal s'est déclaré incompétent et a condamné la société Metaboli à verser une indemnité d'un montant de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, en invitant cette dernière à mieux se pourvoir en ayant essentiellement retenu que les tribunaux anglais étaient seuls compétents en raison de la volonté des parties de soumettre toutes contestations les opposant aux droit anglais appliqué par une juridiction anglaise.

La société Metaboli a interjeté appel le 30 novembre 2017, puis sur sa requête, a été autorisée, par ordonnance du 19 décembre 2017 du magistrat délégataire du Premier président, à assigner la société Square Enix à jour fixe pour l'audience du 2 mai 2018 à 9 h 30 de la chambre 11 du pôle 5 de la cour.

Vu les dernières écritures télétransmises le 30 novembre 2017, par la société Metaboli appelante, réclamant la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en demandant à la cour de déclarer compétent le Tribunal de commerce de Paris, en faisant valoir que l'essentiel des relations commerciales des parties se sont développées hors du contrat du 10 juillet 2008, les contrats de 2004 et de 2007, visés par le tribunal ne donnant pas compétence exclusive aux juridictions anglaises et qu'en l'absence de toute clause attributive de juridiction couvrant l'action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies, les dispositions de l'article 7.1 du Règlement européen précité donne compétence aux tribunaux français en visant le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

Vu les dernières conclusions télétransmises le 29 mars 2018, par la société Square Enix intimée, réclamant la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement en indiquant que les relations entre les parties se sont poursuivies jusqu'en 2016 sur la base des contrats de 2004, 2007 et 2008 et en faisant état de l'existence, dans tous ces contrats, de clauses attributives de compétence aux juridictions anglaises et de leur soumission au droit anglais, pour en déduire que de la volonté commune des parties a été de soumettre leurs différents à la compétence des tribunaux anglais ;

SUR CE,

Considérant qu'il ressort des explications des parties que les trois contrats de 2004, 2007 et 2008 sont toujours en vigueur et qu'ils recouvrent la majeure partie des jeux vidéo édités par la société Square Enix et distribués par la société Metaboli principalement en France ;

Qu'il s'en déduit que la relation commerciale établie depuis 2002 entre les parties est aujourd'hui essentiellement régie par l'un ou l'autre de ces contrats, de sorte que l'éventuelle brutalité dont se plaint la société Metaboli dans la rupture de la relation commerciale établie, résulte d'un litige en lien avec ces accords ;

Qu'il n'est pas contesté que les parties ont soumis les trois contrats à la loi anglaise et que : les contrats de 2004 et de 2007 désignent les juridictions anglaises pour juger leurs éventuels litiges, même si la clause stipule que cette désignation n'est pas exclusive (article 41 du contrat de 2004 et article 15.7 du contrat de 2007), le contrat de 2008 fait attribution de compétence exclusive aux juridiction anglaises (article 24.2) ;

Que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges en ont déduit que la volonté commune des parties a été de soumettre toutes contestations les opposant au droit anglais appliqué par une juridiction anglaise, le moyen tiré par la société Metaboli de la nature du litige fondé sur la brutalité alléguée de la rupture étant inopérant pour déterminer la juridiction compétente dès lors que seules les règles de conflit de juridiction doivent être mises en œuvre pour la déterminer, des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient-elles applicables au fond du litige ;

Considérant que l'équité ne commande pas de fixer en appel l'indemnisation complémentaire des frais irrépétibles et que les dépens d'appel doivent être mis à la charge de l'appelante qui succombe dans son recours ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Rejette les demandes d'indemnisation des frais irrépétibles en appel, Condamne la SA Metaboli aux dépens d'appel, Admet Maître Matthieu Boccon Gibod (cabinet Lexavoué), avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.