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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 8 juin 2018, n° 16-03564

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ideus Consulting (SAS)

Défendeur :

Compagnie Internationale André Trigano (Sasu), CIAT Production - CIAT DPS (Sasu), Les Campéoles (SARL), Les Etapes André Trigano (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Grappotte Benetreau, Schermann, Boccon Gibod, Touati

T. com. Paris, du 18 janv. 2016

18 janvier 2016

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société SAS Ideus Consulting (ci-après Ideus), est une SSI crée en décembre 2005 par Monsieur X pour reprendre le fonds de commerce de la société Établissement Fournier (ci-après Fournier) dont Monsieur X avait été le salarié depuis 1996. La société Fournier demeurait actionnaire à 25 % de cette société.

Le groupe CIAT a confié à la société Fournier la gestion de ses problématiques informatiques puis internet. Ces relations ont été formalisées par des contrats d'infogérance.

La société Fournier a assuré également des missions pour les filiales CIAT DPS, Les Campeoles et Etapes André Trigano, sociétés entrées dans le périmètre du groupe CIAT.

Les relations entre la société Ideus et le groupe CIAT ont été formalisées par des documents dénommés avenants la version n° 2 et la version n° 10, auquel s'ajouteront des conventions de service spécifiques.

Le 23 janvier 2015, la société CIAT a adressé un courrier RAR à la société Ideus pour dénoncer des dysfonctionnements.

Par courrier RAR du 30 janvier 2015, la société Ideus a répondu qu'elle s'étonnait du procédé utilisé, l'usage établi consistant à " ouvrir des tickets d'incident " pour informer la société Ideus des " bugs " identifiés auxquels il était demandé de remédier.

A partir de cette date, les relations entre la société Ideus et le groupe CIAT se sont dégradées.

Le 12 février 2015, la société Ideus a mis en demeure le groupe CIAT et chacune de ses filiales débitrices de lui régler le solde des factures échues. Le 25 février 2015, elle a réitéré sa demande.

Le 27 février 2015, la société Ideus a reçu copie des constats d'huissier des 30 janvier, 2 et 6 février 2015 réalisés à l'initiative du groupe CIAT.

Le 26 mars 2015, la société CIAT et chacune des filiales ont dénoncé l'avenant n° 6 au contrat de prestation informatique à la date du 30 septembre 2015.

En l'absence de payement des factures exigibles, la société Ideus a fait délivrer assignation par actes en date du 5 juin 2015 aux sociétés CIAT-Compagnie Internationale André Trigano, CIAT DPS, Les Campeoles et Etapes André Trigano devant le Tribunal de commerce de Paris aux fin de les voir condamner à lui payer des intérêts aux taux conventionnels de 12 % pour les factures échues, des sommes venant à échéances des 1er novembre et 1er décembre 2015 sous astreinte, la somme de 1 424 528,19 euros au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire rendu le 18 janvier 2016, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

Condamné chacune des sociétés débitrices, à verser à la société Ideus un intérêt de retard égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, déboutant pour le surplus, Condamné les sociétés SAS CIAT - Compagnie Internationale André Trigano, Sasu CIAT Production - CIAT DPS, SARL Les Campeoles et la SARL Les Etapes André Trigano à verser, in solidum, à la société Ideus la somme de 90 750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'insuffisance de préavis ayant précédé la rupture de leurs relations commerciales ;

Condamné les sociétés SAS CIAT - Compagnie Internationale André Trigano, Sasu CIAT Production - CIAT DPS, SARL Les Campeoles et la SARL Les Etapes André Trigano à verser in solidum à la SAS Ideus Consulting la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le tribunal a rejeté la demande au payement d'un intérêt conventionnel de retard, non justifiée, mais retenu l'application de l'intérêt légal en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, correspondant au taux d'intérêt appliqués par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majorée de 10 points de pourcentage.

Il a rejeté les demandes de condamnation sous astreinte formée pour des créances qui ne présentent pas un caractère certain, liquide et exigible.

Il a jugé que, même si la société Ideus n'a été créée qu'en 2006, elle a acquis le fonds de commerce de l'activité des Établissements Fournier qui a pris une participation dans cette entité ; le groupe CIAT a continué d'avoir des relations commerciales avec Ideus sur les mêmes bases des documents contractuels que celles qu'elle avait avec son prédécesseur, initiées en 1996.

Les prestations fournies par la société Ideus aux différentes entités du groupe CIAT l'ont été à la demande des mêmes interlocuteurs, dans le cadre d'une mise en commun des ressources informatiques, ce qui conduit à rejeter l'analyse de l'existence d'une relation commerciale établie et la durée d'un préavis raisonnable, pour chacune des sociétés du groupe CIAT.

Par conséquent, la relation commerciale entre Ideus et le groupe CIAT est établie de 1996 au 30 septembre 2015, soit 19 ans.

Sur la brutalité de la rupture et la durée du préavis : un préavis écrit a pour objet de permettre à celui qui se voit notifier de la fin d'une relation de disposer du temps et des moyens nécessaires pour réorganiser son activité.

La société Ideus pouvant légitimement croire à la pérennité de sa relation commerciale en anticipant raisonnablement pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires avec le groupe CIAT, la nature des prestations fournies, mise à disposition de personnel qualifié sur les sites des sociétés, se trouvant en région, dans des bassins d'emploi ne permettant pas de trouver, sans délai, des solutions alternatives, sans que ne soit retenu la circonstance que la quasi-totalité du chiffre d'affaires était réalisée avec le groupe CIAT, en l'absence d'une cause d'exclusivité, ce qui ne l'empêchait pas de proposer ses services à d'autres sociétés, justifie, en l'absence de références à usages professionnels sur la durée d'un préavis à l'occasion de la rupture de contrat d'infogérance, de fixer à 12 mois la durée, plus appropriée, du préavis.

La société Ideus a disposé d'un préavis de 6 mois, soit un temps suffisant pour procéder à un ajustement de sa masse salariale. Le calcul ne prend donc pas en compte les indemnités de rupture conventionnelle, le préjudice est égal à la marge brute sur coûts variables en déduisant les charges de salariales., soit pour l'insuffisance de préavis allant de la période du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016 la somme de 90 750 euros.

La société Ideus Consulting a régulièrement relevé appel par acte le 18 janvier 2016.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées par la société Ideus Consulting le 17 avril 2018, aux fins de voir la cour :

Déclarer la société Ideus Consulting recevable et bien fondée en son appel, Déclarer la société SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel incident les en débouter.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné :

la société SAS CIAT-Compagnie Internationale André Trigano à verser à la société Ideus Consulting un intérêt de retard égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage :

- à hauteur de 9 552,39 euros du 29 janvier 2015 au 10 mars 2015

- à hauteur de 4 776,19 euros du 10 mars 2015 au 12 mai 2015,

- à hauteur de 8 531,77 euros du 28 février 2015 au 12 mai 2015, date du règlement de ces factures,

- à hauteur de 8 501,77 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 3 juin 2015,

- à hauteur de 30 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 13 mai 2015,

- à hauteur de 30 euros du 29 avril 2015 au 13 mai 2015,

- à hauteur de 8 501,77 euros du 29 avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015,

- à hauteur de 10 469,77 euros du 1er juin 2015 jusqu'au 30 juin 2015, la société CIAT Production - CIAT DPS à verser à la société Ideus Consulting un intérêt de retard égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage :

- à hauteur de 6 068,02 euros du 29 janvier 2015 au 10 mars 2015

- à hauteur de 3 033,99 euros du 10 mars 2015 au 12 mai 2015,

- à hauteur de 8 657,68 euros du 28 février 2015 au 12 mai 2015, date du règlement des trois premières factures échues le 28 février 2015

- à hauteur de 180 euros à compter du 28 février 2015 jusqu'au 3 juin 2015,

- à hauteur de 4 999,01 euros à compter du 1er avril 2015 jusqu'au 3 juin 2015,

- à hauteur de 30 euros à compter du 1er juin 2015 jusqu'au 13 mai 2015,

- à hauteur de 5 029,01 euros à compter du 29 avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015,

- à hauteur de 5 029,01 euros à compter du 1er juin 2015 jusqu'au 30 juin 2015.

la société Les Campeoles à verser à la société Ideus Consulting un intérêt de retard égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage :

- à hauteur de 36 130,10 euros du 30 décembre 2014 au 10 mars 2015

- à hauteur de 26 617,43 euros du 10 mars 2015 au 12 mai 2015,

- à hauteur de 37 224,66 euros, du 29 janvier 2015 au 12 mai 2015,

- à hauteur de 4 200 euros du 12 mai 2015 jusqu'au 3 juin 2015,

- à hauteur de 36 250,10 euros du 28 février 2015 jusqu'au 3 juin 2015,

- à hauteur de 31 980,10 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 3 juin,

- à hauteur de 4 320 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015,

- à hauteur de 34 872,50 euros du 29 avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015,

- à hauteur de 59 417,40 euros du 1er juin 2015 jusqu'au 30 juin 2015.

la société Les Etapes André Trigano verser à la société Ideus Consulting un intérêt de retard égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage :

- à hauteur de 23 657,76 euros du 30 décembre 2014 au 10 mars 2015

- à hauteur de 18 046,61 euros du 10 mars 2015 au 12 mai 2015.

- à hauteur de 24 955,14 euros du 29 janvier 2015 au 12 mai 2015

- à hauteur de 1 020,00 eurosdu 29 janvier 2015 jusqu'au 3 juin 2015.

- à hauteur de 36 502,97 euros du 28 février 2015 jusqu'au 3 juin 2015.

- à hauteur de 702 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 3 juin 2015.

- à hauteur de 702 euros du 29 avril 2015 jusqu'au 3 juin 2015.

- à hauteur de 23 657,76 euros du 1er avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015.

- à hauteur de 23 657,76 euros du 29 avril 2015 jusqu'au 15 juin 2015 - à hauteur de 24 431,56 euros du 1er juin 2015 jusqu'au 30 juin 2015. Ajoutant au jugement entrepris condamner :

La société SAS CIAT-Compagnie Internationale André Trigano à verser à la société Ideus Consulting au titre des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 la somme de 480 euros.

La société Sasu CIAT Production- CIAT DPS à verser à la société Ideus Consulting au titre des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 la somme de 600 euros.

La société SARL Les Campeoles à verser à la société Ideus Consulting au titre des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 la somme de 2 800 euros, La société SARL Les Etapes André Trigano à verser à la société Ideus Consulting au titre des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 la somme de 1 720 euros, Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe d'une condamnation in solidum des sociétés CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, CIAT Production-CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano à indemniser la société Ideus Consulting pour une insuffisance de préavis et en ce que la durée des relations commerciales a été fixée à 19 ans.

Recevant Ideus en son appel condamner in solidum les sociétés SAS CIAT-Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à verser à la société Ideus Consulting la somme de 900 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

A titre subsidiaire condamner in solidum les sociétés SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à verser à la société Ideus Consulting la somme de 678 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

Condamner in solidum les sociétés SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés SAS CIAT - Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production-CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à verser 10 000 euros à la société Ideus Consulting au titre de l'article 700 du CPC.

Y ajoutant condamner in solidum les sociétés SAS CIAT - Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à verser à Ideus Consulting la somme de 42 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Au soutien de ses demandes l'appelante fait valoir que :

Sur les arrières de factures : des discussions ont été tentées sur le retard dans les payements sans qu'un accord commun n'aboutisse, plaçant la société dans une situation de fragilité importante.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies : en l'absence de reproche d'une inexécution fautive par la société Ideus dans la lettre de résiliation, les griefs formulés à postériori de la dénonciation à l'encontre de la société Ideus sont irrecevables au titre de l'article 442-6-I-5°, ce que le tribunal a jugé.

Les manquements sont contestés. La réduction du volume de réservation sur les sites Vacances André Trigano 6 (ci-après VAT), résulte d'une nouvelle politique du groupe CIAT.

Le rapport ENTAT, évoquant des dysfonctionnements dont le groupe CIAT fait état, n'ayant pas été réalisé par un expert désigné judiciairement et contradictoirement, ne contient pas d'informations pertinentes.

En dépit du non-paiement des factures à l'échéance, la société Ideus a poursuit ses prestations.

La relation commerciale entre les établissements Fournier Frères et le groupe CIAT a été initié en 1996. La société Ideus venant bien aux droits des Établissements Fournier, l'avenant n° 6 reprend les prestations antérieures que la société Ideus servait depuis près d'une année.

L'augmentation constante des demandes des sociétés du groupe CIAT a conduit la société Ideus à une situation de dépendance économique. En 2013 et 2014, le chiffre d'affaires réalisé par la société Ideus avec les sociétés du groupe CIAT ont représenté de 95 % à 96 % de son chiffre d'affaires.

Le préavis de six mois est insuffisant. Les prestations de services fournies au groupe CIAT jusqu'en septembre 2015 ne lui permettaient pas, d'une part, de prévenir les salariés dont 95 % travaillaient pour le groupe CIAT. Au regard de l'ancienneté des relations de la situation de dépendance économique à l'égard du groupe CIAT, le délai de 19 mois doit être retenu, conduisant à une évaluation de préjudice calculée sur une période de 13 mois en tenant compte du délai de 6 mois donné par le groupe CIAT ;

Concernant le montant de l'indemnisation, la société Ideus se réfère aux mentions d'un rapport d'évaluation établi par l'expert Marion détaillant le chiffre d'affaires, les marges, le montant de l'indemnisation. Elle forme une demande subsidiaire, au cas du rejet du calcul proposé.

Enfin, en tenant compte d'un contrat unique liant l'ensemble des sociétés du groupe CIAT et des lettres de rupture des relations commerciales signées par le dirigeant de la société CIAT en substitution des sociétés du groupe CIAT, l'appelante sollicite la cour de prononcer une condamnation in solidum au paiement des sociétés du groupe CIAT.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées par la société Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), la société CIAT Production - CIAT DPS, la société Les Campeoles, la société Les Etapes André Trigano le 5 avril 2018 tenant à voir la cour :

Vu les dispositions des articles 1134 du Code civil et 442-6. I. 5 du Code de commerce,

Vu le rapport de Monsieur Mikael Ouaniche, expert près la Cour d'appel de Paris spécialisé dans l'évaluation des préjudices économiques dans le cadre de contentieux financier et commerciaux, constituant la pièce n° 48, Recevoir les sociétés Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), CIAT Production - CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano en leur appel à titre incident du jugement du Tribunal de commerce de Paris rendu le 18 janvier 2016 ;

Les en dire bien fondées ;

En conséquence, Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

Vu les usages commerciaux auxquels il est fait référence dans le préambule de l'avenant n° 6 au contrat informatique résultant des " préconisations de la chambre professionnelle des SSII et des éditeurs de logiciels " Syntec Informatique " ayant conduit à fixer la durée du préavis contractuel à 6 mois ;

Dire et juger que les sociétés Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), CIAT Production - CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano ont régulièrement mis fin aux contrats qui les liaient à la société Ideus consulting à effet du 30 septembre 2015 ;

Dire et juger que le délai de préavis de 6 mois accordé à la société Ideus Consulting par les sociétés Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), CIAT Production - CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano, était pleinement suffisant et conforme aux usages ;

Déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondée la société Ideus Consulting en toutes ses demandes, fins et conclusions, L'en débouter purement et simplement, En conséquence, Condamner la société Ideus Consulting à rembourser aux sociétés Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), CIAT Production - CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano la somme sauf à parfaire de 82 606,77 euros correspondant aux sommes recouvrées par la société Ideus Consulting dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 2016 ;

A titre subsidiaire, si par impossible la Cour estimait le délai de préavis de 6 mois appliqué par les sociétés du groupe CIAT insuffisant,

Vu le rapport de Monsieur Mikaël Ouaniche, expert près la Cour d'appel de Paris spécialisé dans l'évaluation des préjudices économiques dans le cadre de contentieux financiers et commerciaux, constituant la pièce n° 48 ;

Dire et juger que le préjudice économique revendiqué par la société Ideus Consulting ne saurait excéder la somme de 7 300 euros par mois au-delà des six mois de préavis exécutés, de sorte que si le délai de préavis retenu par les premiers juges devait être confirmé, le montant de l'indemnisation due à la société Ideus Consulting ne saurait excéder la somme de 43 800 euros.

En revanche, Condamner la société Ideus Consulting à payer aux sociétés Compagnie Internationale André Trigano (CIAT), CIAT Production - CIAT DPS, Les Campeoles et Les Etapes André Trigano, la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Ideus Consulting aux entiers dépens de l'instance.

En réplique aux prétentions de l'appelante, les sociétés intimées soutiennent que :

la demande de la restitution des sommes qu'elles versées à la société Ideus Consulting au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris entre dans l'appel incident régulièrement formé.

Concernant les intérêts de retard, les intimées font grief au tribunal d'avoir appliqué le taux de 10 %, en l'absence de courrier de relance ou de mise en demeure à l'encontre des intimées, et de disposition contractuelle, l'article 14 de l'avenant n° 6 du contrat prévoyant le seuil minimum prévu par les dispositions de l'article 441-6 du Code de commerce.

Elles soutiennent en outre des payements de factures avant et après délivrance de l'assignation ou à échéance s'agissant des factures à échéances de novembre 2015.

La demande formulée par la société Ideus Consulting, afin de solliciter la condamnation des sociétés intimées au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité forfaitaire pour les frais de recouvrement a fait l'objet d'une nouvelle demande, laquelle devra être déclarée irrecevable.

Les intimées soutiennent la délivrance d'un préavis contractuel par courriers recommandés avec accusé de réception le 26 mars 2015 à effet au 30 septembre 2015, confirmé par lettres du 26 mai 2015.

Elles contestent la durée soutenue des relations commerciales de 19 ans, ne s'élevant qu'à 9 ans au moment de la rupture.

La société Ideus ne peut se prévaloir d'une clause d'exclusivité et a fait le choix dès le départ de consacrer quasiment toute l'activité de son entreprise aux sociétés du Groupe CIAT.

Les importants dysfonctionnements informatiques qui sont apparus à partir du mois de janvier 2015 sont imputables aux comportements de la société Ideus dont il est réputé une perte de confiance du groupe en la société appelante.

La durée de préavis de 6 mois était suffisante pour permettre à la société appelante de se reconvertir. Le rapport de Monsieur Olive Marion produit par la société appelante n'a pas été annexé le document sur lequel elle prétend avoir élaboré une large part de son raisonnement pour déterminer le montant de la prétendue indemnité. Or, le rapport établi par Monsieur Ouaniche à la demande des intimées, indique que " la marge sur coût variables chiffrée par Monsieur Marion n'est pas conforme à cette définition, en raison de ce qu'elle ne tient pas compte de l'ensemble des économies réalisées par Ideus Consulting, notamment du fait du départ des salariés au cours des mois qui ont suivi la fin des relations commerciales ".

La société appelante a cessé toute activité avant la fin de l'année 2015 depuis l'interruption de ses relations commerciales avec le groupe CIAT. Le montant des charges économisées doit être déduit de la perte de marge :

La jurisprudence exclut le coût des licenciements et des déséquilibres financiers et économiques consécutifs à la rupture, de sorte que le montant sollicité par la société Ideus au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° n'est pas justifié.

MOTIFS

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

1. Sur les intérêts de retard et les demandes d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :

L'intimée soutient sans l'établir un accord de règlement passé entre les parties, faisant valoir un payement de l'intégralité des factures visées à la lettre de mise en demeure du 12 février 2015 adressée par le conseil, avant la délivrance de l'assignation, puis des payements des factures à échéances ultérieures, des 30 avril, 30 septembre, 31 octobre et 30 novembre 2015.

L'intimée tenue de rapporter la preuve du payement dans les délais contractuels des factures exigibles, échoue dans sa vaine contestation de la demande de condamnation au payement d'intérêts moratoires. En effet les dispositions contractuelles visées n'édictent pas la nécessité d'une mise en demeure préalable pour faire courir les intérêts moratoires, lesquels sont "versés au titre des retards de payement" aucune condition de forme n'étant stipulée.

L'avenant n° 6 mentionne en son article 14 que " des intérêts communément admis seront versés au titre des retards de payement, à un taux minimum égal à une fois et demi le taux d'intérêt légal de l'année en cours ", à défaut de payement à " 60 jours date de factures pour les prestations de service et à 30 jours date de réception des factures pour les ventes de matériel ".

Or il résulte des dispositions légales de l'article L. 441-6 alinéa 12 du Code de commerce que " sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à "trois fois" le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de (L. n° 2008-776 du 4 août 2008, art. 21-I, 3°) "10" points de pourcentage ", de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a fait application des dispositions légales, applicables aux montants exigibles et non acquittés dans les délais contractuels.

En application de l'article 565 du Code de procédure civile, " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent " ; il s'ensuit que la demande de condamnation formée pour la première fois en cause d'appel au payement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue à l'article L. 441-6 alinéa 12 du Code de commerce n'est pas nouvelle et, partant, est recevable.

Il est fait droit dans les termes de la demande de sorte que les sociétés débitrices seront condamnées à payer respectivement les sommes de 480 euros, 600 euros, 2 800 euros et 1 720 euros.

2. Sur la résiliation :

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel on artisan : (...) 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".

L'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale, qui s'entend d' échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux ; en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.

Au soutien de sa demande d'indemnisation fondée sur la rupture abusive l'appelante justifie avoir acquis par acte du 30 décembre 2005 le fonds de commerce de la société Ets Fournier exerçant une activité de " Formation études et conseils, achat et vente de prestations de services commerciaux, ingénierie informatique et consulting, exploité Paris à Mérignac. ", au titre de laquelle la société Ets Fournier était entrée en relation avec le groupe CIAT en 1996, activité qu'elle exerce elle-même depuis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 9 février 2006.

Il ne peut être sérieusement contesté par la partie intimée que les relations commerciales ont commencée en 1996. Jean-Paul Y et X ont procédé à l'audit des systèmes informatiques de la société " Les Campéoles " comprenant dix-sept campings et de la société, l'audit de reprise de la société Campéoles, rachetée par CIAT en 1996 puis à une mission de management et une mission de mise en place d'outils informatiques en vue d'élaborer un système d'informations propre à la chaîne Campéoles mais aussi du groupe CIAT, réalisée jusqu'en 2004 sous forme de régie au temps passé.

En effet l'appelante produit le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Fournier dès 1996 jusqu'à la cession de la branche informatique à la société Ideus, avec le groupe CIAT, le relevé comportant la référence des prestations effectuées.

L'ensemble des éléments produits rapporte suffisamment la preuve du bien-fondé de l'existence de relations commerciales continues dès 1996.

Ideus justifie ensuite par les diverses pièces contractuelles et des factures, des relations entre la société Fournier et le groupe André Trigano la poursuite des relations commerciales établies antérieurement entre les parties, en particulier les contrats " Infogérance " que la société Fournier mettait en œuvre pour les différentes société du groupe CIAT en 2003-2004, puis après la reprise de l'activité informatique, par la société Ideus, conduisant à un contrat global de prestations informatiques.

L'avenant n° 6 du 15 octobre 2010 conclu entre Ideus et le groupe Compagnie Internationale André Trigano (CIAT) met en place une "réorganisation des contrats qui annule et remplace les contrats précédents en s'appuyant sur les préconisations de la chambre professionnelle". Une telle réorganisation de nature professionnelle et technique, comprenant également la modification du préavis contractuel n'est cependant pas de nature à faire échec à l'application des dispositions spéciales d'ordre public tirées de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce en matière de rupture abusive, au préjudice de la victime de cette rupture.

L'intimée ne peut valablement soutenir contre les dispositions susdites la novation du contrat.

L'intimée n'ayant pas fondé sa lettre de résiliation du 26 mars 2015 confirmée le 12 mai 2015 sur des manquements contractuels d'une gravité suffisante pour justifier d'un préavis de six mois, mais l'ayant exclusivement délivrée en exécution des dispositions contractuelles issues de l'avenant n° 6, elle n'est plus recevable en cours d'instance à soutenir de tels manquements ou des relations dégradées pour justifier le délai accordé.

Le préavis de six mois ne tenant pas compte de la durée de la relations commerciales établies et continues, la rupture brutale des relations commerciales est caractérisée.

La prétention des intimées à une résiliation contractuelle régulière au 30 septembre 2015, est rejetée. La demande formée par la société Ideus est recevable et fondée.

Les motifs pertinents énoncés par le tribunal, notamment sur le caractère in solidum de la condamnation à l'indemnisation de la rupture brutale, sont au surplus adoptés par la présente cour.

S'agissant de la détermination de la durée du préavis, l'appelante soutient vainement une situation de dépendance économique à l'égard des sociétés du groupe CIAT alors qu'en l'absence de clause d'exclusivité au profit des intimées, il lui appartenait de s'organiser pour développer une clientèle au-delà de 5 % de son chiffre d'affaires, notamment sur les sites où elle mettait à disposition son personnel qualifié.

Les retards dans le payement des factures par l'ensemble des sociétés du groupe CIAT, dont il ne peut être valablement contesté qu'ils sont préjudiciables à la société créancière, procédant de manquements contractuels des intimées, déjà pris en compte dans la détermination du montant de l'intérêt de retard, n'entrent pas dans la fixation de la durée du préavis de la rupture brutale.

La durée du préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale, du temps nécessaire à la société victime pour rechercher des solutions de substitution, sera valablement fixée à quinze mois.

Les parties ayant poursuivi leurs relations pendant une durée de six mois jusqu'au 30 septembre 2015, l'intimée sera tenue d'indemniser l'appelante pour une durée insuffisante de préavis de 9 mois.

Le préjudice subi est évalué en comparant la marge qui aurait dû être perçue en l'absence de rupture, pendant la durée du préavis qui aurait dû être octroyé, à la marge effectivement perçue, sous réserve de la déduction des charges variables.

Contrairement à ce que soutient la partie intimée, le calcul est opéré par l'appelante en prenant en compte les charges variables, sur les ventes de matériel.

Les charges de personnel, de locations mobilières (Web) et immobilières d'une durée de neuf ans, issues de pièces comptables suffisamment probantes en ce qu'elles sont certifiées par le Commissaire aux comptes, dont l'intimée soutient qu'elles devaient être déduites, présentent un caractère de fixité, ou une absence de variabilité telle que leur déduction du montant du chiffre d'affaires doit être exclue.

La marge sur coûts variables annuelle, constituée des prestations et de la marge sur la vente de matériels au groupe CIAT (moyenne des chiffres d'affaires de 2012 à 2014), est de 848 K euros, dont à déduire les charges variables de 35,5 K euros (de 2012 à 2014), soit une marge sur coûts variables annuelle de 812,5 K euros.

La durée de préavis restant à indemniser à neuf mois, l'indemnisation du préjudice subi s'élève à la somme de 609 370 euros, montant auquel les sociétés intimées seront condamnées in solidum au payement.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris sauf du chef de la durée du préavis et du montant de l'indemnisation allouée à la société Ideus ; Statuant à nouveau, Fixe à quinze mois la durée totale du préavis ; Condamne in solidum les sociétés SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à payer à la société Ideus Consulting la somme de 609 370 euros ; Ajoutant, Déclare recevable la demande en condamnation au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ; Condamne la société SAS CIAT-Compagnie Internationale André Trigano à payer à la société Ideus Consulting la somme de 480 euros ; Condamne la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS à payer à la société Ideus Consulting au titre des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 la somme de 600 euros ; Condamne la société SARL Les Campeoles à payer à la société Ideus Consulting la somme de 2 800 euros ; Condamne la société SARL Les Etapes André Trigano à payer à la société Ideus Consulting la somme de 1 720 euros ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamner in solidum les sociétés SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano à payer à Ideus Consulting la somme de 30 000 euros ; Rejette toute demande autre ou plus ample ; Condamne in solidum les sociétés SAS CIAT- Compagnie Internationale André Trigano, la société Sasu CIAT Production- CIAT DPS, la société SARL Les Campeoles et la société SARL Les Etapes André Trigano aux entiers dépens.