CA Agen, ch. civ., 13 juin 2018, n° 16-00138
AGEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Spie Sud-Ouest
Défendeur :
Allianz Iard (SA), Wra (SELARL) (ès. qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blum
Conseillers :
Mmes Benon, Menu
Avocats :
Mes Dubuisson, Borgia, Narran, Gelibert, Raimbault
FAITS ET PROCÉDURE
Selon marché public de travaux conclu le 1er août 2011, l'École Nationale de l'Administration Pénitentiaire (l'Enap) a confié une mission d'extension et d'optimisation de l'éclairage public de son site d'Agen à la société Spie Sud-Ouest (ci-après SPIE), le marché portant sur la fourniture et la pose de 130 luminaires de marque VARIO, avec système de programmation, et de 7 candélabres, pour un prix de 148 627,70 euro TTC.
SPIE a procédé à l'installation des luminaires et candélabres objets du contrat, préalablement achetés auprès de la société Epled France.
Les travaux ont été réceptionnés par l'Enap le 6 janvier 2012, avec des réserves concernant 10 luminaires défectueux à remplacer, plusieurs luminaires faisant disjoncter l'installation et un luminaire clignotant, réserves levées le 11 et le 13 janvier 2012 selon mention portée au procès-verbal produit.
Par courrier recommandé du 26 janvier 2012, l'Enap s'est plainte de multiples dysfonctionnements de l'installation, en rappelant les réserves formulées lors de la réception et a demandé la mise en œuvre de mesures correctrices.
Après nouvelle plainte de l'Enap faisant état le 23 mai 2012 de l'absence de fonctionnement de 34 luminaires, puis mise en demeure de l'Enap, SPIE et Epled sont intervenus fin septembre 2012 pour tenter de remédier aux dysfonctionnements.
Exposant que divers désordres étaient apparus lors de la mise en service et qu'il n'avait pu y être remédié, SPIE a sollicité devant la juridiction administrative une expertise qui, au contradictoire de l'Enap, de Epled et de Allianz, a été ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux, selon ordonnance des 19 juin 2013 et 14 novembre 2014.
Le 26 mai 2015 la société Epled a été placée en redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 9 juin 2015, Me Wiart étant alors nommé en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 3 juin 2015 l'expert commis, M. Labrousse, a déposé son rapport, en relevant notamment :
- des erreurs de conception des luminaires, sur le presse étoupe, sur le capot supérieur, sur sa fixation par vis, sur le positionnement de l'orifice de passage du câble, conduisant à de nombreux problèmes de fonctionnement liés à un défaut d'étanchéité et de liaison électrique entre les cartes électroniques de programmation ;
- des problèmes de certification, les luminaires affichant le marquage CE, sans qu'il ait été procédé aux essais préalables pour certifier leur conformité et légitimer le marquage CE ;
- un problème d'étanchéité, l'indice de protection Ipx6 porté sur les luminaires ne correspondant pas au niveau d'étanchéité de ceux-ci et les rendant dangereux et par suite impropres à leur destination.
L'expert a conclu que ces manquements, imputables à Epled France, rendaient l'installation non fonctionnelle et les luminaires impropres à leur destination, que la seule solution pérenne était la dépose de l'intégralité du matériel d'éclairage litigieux et l'installation d'un nouveau matériel conforme aux termes du marché, en chiffrant le coût de cette opération à la somme de 94 364 euro TTC.
Le 17 juillet 2015 SPIE a déclaré au passif de la société Epled France une créance d'un montant de 171 649,52 euro.
Par acte des 4 et 13 janvier 2015, SPIE a fait assigner la compagnie Allianz Iard, assureur de la société Epled France, et Me Wiart, en sa qualité de liquidateur judiciaire de Epled France devant le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Agen, aux fins notamment de voir condamner Allianz Iard à lui payer une provision de 161 649,52 euro.
Le juge des référés, estimant qu'il existait des contestations sérieuses et faisant application des dispositions de l'article 811 du Code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de grande instance d'Agen pour qu'il soit statué au fond sur les demandes présentées.
Par jugement en date du 15 janvier 2016 le Tribunal de grande instance d'Agen a homologué le rapport d'expertise déposé le 3 juin 2015 et a débouté SPIE de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société Allianz Iard, en condamnant SPIE aux dépens, au motif que SPIE ne rapportait pas la preuve de la réalité du préjudice qu'elle invoquait.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 2016, SPIE a relevé appel de ce jugement, en intimant, d'une part, Me Wiart en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Epled, d'autre part, la SA Allianz Iard.
Par acte délivré à personne habilitée le 15 avril 2016, la déclaration d'appel a été signifiée à la SELARL Wra, nommée en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Epled France, en remplacement de Me Wiart.
La SELARL Wra, es qualités, n'a pas constitué avocat.
Par dernières conclusions déposées le 25 novembre 2016 (totalement identiques aux conclusions enregistrées au greffe le 26 août 2016 qui ont été signifiées à la SELARL Wra le 28 novembre 2016) auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, SPIE conclut à la confirmation des dispositions du jugement homologuant le rapport d'expertise du 3 juin 2015, admettant l'action directe de SPIE et rejetant les prétentions d'Allianz Iard concernant la responsabilité d'Epled.
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir :
- que le rapport d'expertise confirme clairement que les luminaires fournis par Epled étaient affectés de défauts cachés, plus particulièrement d'un défaut d'étanchéité et d'un indice de protection erroné ;
- que l'expert a confirmé que les désordres ne pouvaient se manifester qu'après la pose et la mise en fonctionnement des luminaires, respectivement leur exposition aux intempéries, la société SPIE n'ayant pas compétence en matière de conception et de fabrication de luminaires ;
- que l'expert a également souligné le caractère trompeur du matériel livré par Epled qui, par son aspect robuste et son étiquetage, comportant notamment le sigle CE, laissait croire qu'il s'agissait d'un produit de qualité ;
- que le rapport d'expertise confirmait également que les désordres affectant les luminaires les rendaient impropre à l'usage auquel ils étaient destinés, à telle enseigne qu'il était nécessaire de tous les déposer et les remplacer ;
- que les premiers juges ont retenu à juste titre qu'elle bénéficiait d'un droit d'action directe contre Allianz Iard, dès lors que Epled n'a pas commis de faute intentionnelle ou dolosive au sens de l'article L. 113-12 du Code des assurances et que l'exclusion prévue à l'article 4.1.4, des dispositions générales du contrat d'assurance n'ont pas lieu à s'appliquer ;
- que le jugement mérite toutefois d'être infirmé en ce que son dommage s'élève à 153 469,52 euro, se décomposant comme suit : 86 184 euro au titre du coût de remplacement des luminaires défectueux, 51 380,85 euro au titre des surcoûts engagés pour remédier aux dysfonctionnements et pour aider l'expert judiciaire dans ses investigations ; 15 904,67 euro au titre du remboursement des frais d'expertise ;
- que le montant de la franchise déductible s'élève à 1 575 euro et non à 4 000 euro ;
- que même si elle a revendu les luminaires, elle continue de bénéficier contre Epled de l'action en garantie contre les vices cachés et peut donc agir directement contre celle-ci, sans qu'il soit nécessaire qu'elle assigne l'Enap ;
- qu'au demeurant cette question est définitivement réglée puisque SPIE a été formellement subrogée dans les droits de l'Enap selon quittance subrogatoire du 17 novembre 2017 ;
- que l'Enap a sollicité la mise en œuvre de la garantie des vices cachés, en adressant à SPIE une mise en demeure de reprendre les travaux, puis en réclamant le 7 octobre 2015 la livraison d'un produit conforme ;
- qu'en matière de garantie contre les vices cachés la jurisprudence admet l'exécution en nature ou le remplacement du produit, réclamé en l'espèce par l'Enap, qu'elle a donc l'obligation de réaliser les travaux de remplacement des luminaires affectés de désordres, sans avoir à attendre d'être assigné en justice ;
- que le dommage découlant de l'obligation pour elle de remplacer les luminaires est certain, même s'il devait être considéré comme futur et qu'il doit donc être réparé ;
- que les surcoûts engagés pour réparer les dysfonctionnements et pour aider l'expert judiciaire à exécuter sa mission, qu'elle chiffre à 51 380,85 euro doivent être inclus dans le dommage indemnisé ;
- que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande de remboursement des frais d'expertise (d'un montant total de 15 904,67 euro selon ordonnance de taxe du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2015) qu'elle avait formé en première instance et que toujours en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, la compagnie Allianz doit être condamné à les régler, à moins que la Cour ne préfère les lui accorder au titre des dépens sur le fondement de l'article 695 du Code de procédure civile ;
Enfin, elle sollicite de la part de la société Allianz Iard une indemnité de procédure de 4 500 euro, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 28 mars 2017 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, Allianz Iard conclut :
1°) à titre principal, à la confirmation du jugement et à la condamnation de SPIE aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 5 000 euro en faisant valoir :
- que SPIE ne rapporte pas la preuve d'un préjudice direct, certain et légitime, dès lors que les préjudices résultant des dysfonctionnements de l'installation sont directement subis par l'Enap et non par SPIE, ainsi que l'ont justement énoncé les premiers juges, et qu'aucune subrogation conventionnelle régulière n'est intervenue, la quittance subrogative produite étant nulle et non avenue ;
- que la demande de condamnation au payement de la somme de 15 904,67 euro au titre des frais d'expertise est irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile, pour avoir été présentée pour la première fois à hauteur d'appel ;
- que Epled a volontairement trompé son co contractant et a donc commis une faute intentionnelle ou à défaut dolosive et que par suite, en application de l'article L113-1 alinéa 2 du Code des assurances, elle est déchargée de la garantie des dommages résultant de cette faute ;
- que l'attitude de Epled entre parfaitement dans le champ d'application de l'article 4.1.4 des conditions générales du contrat d'assurance, qui exclut du champ de la garantie les dommages résultant de la violation délibérée par l'assuré des règles particulières de sécurité et de prudence imposées par une loi ou une réglementation quand cette violation constitue une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire et de la conscience du danger que l'assuré devait en avoir ;
- que par ailleurs le contrat d'assurance exclut de la garantie le coût de remplacement des produits, de dépose et de repose (article 4.1.10) ; de réparation des produits livrés par l'assuré (article 4.3.1 et 2) ainsi que les dommages immatériels résultant d'une inexécution défectueuse ou non conforme provenant d'un fait délibéré et conscient de l'assuré (article 4.3.3 et 4.3.5) et que l'assuré avait à minima conscience de la non-conformité du matériel fourni ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter l'indemnisation de SPIE et de dire que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens en exposant :
- que SPIE ne justifie pas avoir réglé la somme de 51 380,85 euro qu'elle inclut dans son préjudice pour en réclamer le paiement et qu'au surplus ce montant inclut des frais de défense et d'expertise technique et des sommes soi-disant réglées en application du marché la liant à l'Enap, qui pour les premiers font double emploi avec la demande relative aux frais de défense, et pour les seconds n'entrent pas dans le champ de la garantie ;
- que tant en première instance qu'en appel, SPIE a retiré de ses demandes indemnitaires celles relatives aux frais d'expertise, en tant que de besoin de la débouter de cette prétention qui ne repose sur aucun fondement juridique ;
- qu'aux termes du rapport d'expertise, SPIE a engagé sa responsabilité en réceptionnant des produits non finis et à l'état de prototype et qu'elle doit en toute hypothèse conserver à sa charge une part de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 50 % ;
- qu'elle est en droit d'opposer à SPIE les plafonds de garantie et la franchise contractuelle, plafonnée à 4 000 euro ;
- que l'indemnisation ne pourrait intervenir que hors taxe, SPIE étant une société récupératrice de TVA.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2018.
SUR CE, LA COUR
SUR LA GARANTIE DES VICES CACHÉS
Sur l'homologation du rapport d'expertise
C'est à tort que les premiers juges ont 'homologué' le rapport d'expertise déposé par M. Labrousse en exécution de la mission qui lui avait été confiée par le Tribunal administratif de Bordeaux.
En effet, homologuer signifie conférer un effet ou un caractère exécutoire à un acte, or l'expertise ne constitue qu'un moyen de preuve, soumis comme les autres à la discussion des parties, dont il appartient au juge d'apprécier l'objectivité, la valeur et la portée.
Dès lors il y a lieu d'infirmer de ce chef le jugement entrepris
Sur l'existence de vices cachés
M. Labrousse, désigné en qualité d'expert par le Tribunal administratif de Bordeaux aux fins de décrire les désordres affectant les luminaires litigieux, d'en déterminer les causes, de décrire et chiffrer les travaux nécessaires pour y remédier, a établi un rapport qui n'est critiqué par aucune des parties et dont les conclusions, fondées sur un examen complet, objectif et impartial des matériels, méritent d'être prises en considération pour trancher le litige
L'expert a constaté que les multiples dysfonctionnements (défaut de fonctionnement, disjonction de l'installation, extinction sans motif après une heure de fonctionnement, anomalies de puissance) qui ont affectés les luminaires litigieux avaient pour origine des défauts d'étanchéité et de liaison entre les cartes électroniques de programmation, imputables à des erreurs de conception du produit et que ces défauts ne pouvaient être décelés qu'après mise en service des luminaires, ce que la chronologie de l'apparition progressive des dysfonctionnements confirme d'ailleurs.
C'est vainement que Allianz soutient qu'en raison de la nature de ses activités et de sa certification ISO 9001, SPIE aurait dû déceler ces défauts et refuser les luminaires.
En effet, il n'est tout d'abord pas contesté que les cartons abîmés au moment de la livraison ont été refusés par SPIE et remplacés par Epled France. Par ailleurs, les luminaires livrés avaient un aspect robuste et présentaient un étiquetage de nature à inspirer confiance à l'acheteur qui, nonobstant le fait qu'il exerçait son activité dans le domaine de la construction, ne disposait d'aucune compétence dans le domaine particulier de la conception et de la fabrication de luminaires et qui ne pouvait donc procéder à aucune vérification préalable pour déceler d'éventuels défauts, étant observé que la certification ISO 9001 a pour objet de valider des process de gestion et de qualité des activités du certifié et non de consacrer sa compétence dans un domaine technique particulier.
Dans la mesure où les dysfonctionnements dus aux défauts d'étanchéité ont affecté progressivement un nombre croissant de luminaires et que l'ensemble de ceux-ci présentaient les mêmes défauts, conduisant inexorablement aux mêmes dysfonctionnements pour tous à court ou moyen terme, il apparaît que l'installation d'éclairage public du site de l'Enap n'était pas fonctionnelle et que les luminaires litigieux étaient impropres à leur destination en raison d'un vice caché les affectant.
Sur l'action directe de SPIE
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Si l'action en garantie se transmet en principe avec la chose vendue, le vendeur intermédiaire conserve la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain.
En l'espèce, si les premiers juges ont rejeté la demande de SPIE en considérant que celle-ci ne justifiait pas d'un tel intérêt direct et certain dans la mesure où elle ne justifiait pas avoir procédé au remplacement des luminaires litigieux, force est de constater que la situation a évolué en cours de procédure.
En effet, SPIE produit un document intitulé 'quittance subrogative' en date du 17 novembre 2016, aux termes duquel le secrétaire général de l'Enap reconnaît que SPIE a procédé à la fourniture et à la pose de luminaires Fonroche d'une valeur totale de 86 184 euro 'au titre du remplacement de tous les luminaires de marque Epled suivant les préconisations de l'expert, M. Gilbert Labrousse, dans le cadre de son rapport d'expertise déposé le 5 juin 2015".
Le moyen de défense tiré de ce que ce document ne peut valoir quittance subrogatoire régulière, faute d'avoir été établi dans la forme prévue à l'article 1250 du Code civil et en même temps que le payement mentionné, est dépourvu de pertinence dès lors que SPIE n'a pas modifié le fondement juridique de son action, qui demeure la garantie des vices cachés due par le vendeur, qu'elle n'exerce pas une action subrogatoire et que le document produit n'est destiné qu'à établir qu'elle a indemnisé en nature l'Enap.
Ce document établit que SPIE a bien indemnisé en nature l'Enap du préjudice résultant pour celle-ci des vices cachés dont étaient affectés les luminaires litigieux, en remplaçant ceux-ci par des luminaires d'une valeur de 86 184 euro, montant au demeurant inférieur à l'évaluation faite par M. Labrousse, qui après avoir indiqué que la seule solution techniquement cohérente était de déposer les luminaires litigieux et de poser à leur place du matériel propre à satisfaire aux demandes de l'Enap, avait chiffré le coût de cette opération à 94 364 euro ;
SPIE qui a indemnisé l'Enap, à qui elle avait revendu les luminaires litigieux, dispose donc d'un intérêt personnel, direct et certain à exercer à l'encontre de son propre vendeur, respectivement à l'encontre de l'assureur de responsabilité de celui-ci, une action en garantie des vices cachés.
Sur l'étendue de la garantie de l'assureur
Allianz ne conteste pas que Epled France avait souscrit auprès d'elle le 22 janvier 2008 une police d'assurance de responsabilité civile et professionnelle, garantissant notamment les dommages survenus après la livraison des produits vendus.
Pour s'opposer néanmoins à la demande dirigée contre elle, Allianz invoque tout d'abord les dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances, qui prévoient que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
Le caractère intentionnel ou dolosif d'une faute, au sens de cet article, implique non pas seulement la volonté de son auteur d'en créer le risque, mais celle de provoquer le dommage tel qu'il est survenu.
En l'espèce le dommage ne résulte pas de la mention sur les luminaires litigieux d'une fausse indication de certification et d'un indice d'étanchéité erroné, mais des défauts d'étanchéité et de liaison des cartes électroniques de programmation qui sont seuls à l'origine des dysfonctionnements constatés.
Par ailleurs il n'est ni soutenu et a fortiori ni démontré que Epled aurait volontairement fabriqué des luminaires affectés de défauts cachés ou mis en vente des luminaires qu'elle savait affecté de tels défauts, étant observé qu'elle est intervenue à plusieurs reprises sur site après leur installation pour tenter de remédier aux dysfonctionnements et que l'appréciation inexacte des causes des pannes répétées et l'impossibilité de trouver une solution appropriée ne peuvent constituer une faute intentionnelle ou dolosive.
Par suite ce moyen de défense doit être écarté ;
C'est tout aussi vainement que Allianz invoque l'article 4.1.4 des conditions de la police d'assurance souscrite par Epled France, qui stipule que sont exclus de la garantie les dommages résultant de la violation délibérée par l'assuré de règles particulières de sécurité et de prudence imposées par la loi ou un règlement, d'application générale ou particulière à la profession de l'assuré, des prescriptions du fabricant ou de dispositions contractuelles quand cette violation constitue une faute d'une exceptionnelle gravité dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que l'assuré devait en avoir, de l'absence de toute cause justificative et que cette violation était connue ou ne pouvait être ignorée de l'assuré.
En effet, non seulement Allianz ne précise et ne démontre pas quelles règles de prudence et de sécurité auraient été violées par Epled France, mais que de surcroît elle ne fournit aucun élément de nature à mettre en évidence le caractère délibéré de la violation alléguée, qui ne peut être tiré de l'indication sur les luminaires d'un indice d'étanchéité erroné, le dommage trouvant sa cause dans une erreur de conception, qui n'est pas un acte volontaire et délibéré.
C'est encore vainement que Allianz invoque l'article 4.1.10 des conditions générales de la police d'assurance souscrite pas Epled, qui exclut de la garantie le prix des produits, le coût de leur remplacement, réparation, mise au point, parachèvement, ainsi que les frais de dépose et repose, dés lors qu'il n'est pas réclamé le coût des produits, de leur réparation ou de leur remplacement, mais la réparation du dommage résultant de la vente de luminaires affectés de vices cachés.
Enfin, doit être écartée l'exclusion de garantie prévue à l'article 4.3.3 des conditions générales de la police, dés lors que rien ne permet de retenir que le vice caché affectant les luminaires trouverait son origine dans un fait délibéré et conscient de l'assuré, ou qu'il en aurait eu connaissance au jour de la vente.
Sur le montant de l'indemnisation
Fabricant et vendeur professionnel, Epled est réputé connaître les vices de la chose et donc tenu en application de l'article 1645 du Code civil , de réparer l'intégralité du préjudice provoqué par le vice affectant les choses vendues.
En l'espèce ce préjudice correspond au montant de l'indemnisation de l'Enap par SPIE, telle qu'elle résulte du document établi par l'Enap qui a évalué le coût de la réparation en nature du dommage résultant des vices cachés par fourniture et pose de luminaires différents à la somme de 86 184 euro, montant qui peut être retenu dès lors qu'il est inférieur à l'évaluation qu'en avait faite l'expert, M. Labrousse qui l'avait chiffré dans son rapport à 94 364 euro.
Pour les motifs précédemment exposés, tenant à l'absence de faute de SPIE lors de la livraison des luminaires litigieux, il n'y a pas lieu à partage de responsabilité ou à réduction de l'indemnisation.
Par contre, la franchise de 10 % du montant du dommage matériel (avec plafond de 600 euro) et du dommage immatériel (avec plafond de 4 000 euro) stipulée dans la police d'assurance est opposable à la victime du dommage.
Par suite il y a lieu de limiter l'indemnité allouée à SPIE à la somme de 82 184 euro, montant que Allianz sera condamnée à lui verser.
SUR LA DEMANDE EN PAYEMENT DE LA SOMME DE 51 380,85 euro
A titre liminaire, il convient de relever que le détail de cette réclamation, qui n'est pas mentionné dans les écritures de SPIE, figure en annexe du rapport d'expertise de M. Labrousse, aux pages 165 à 168.
L'examen de ce décompte met en évidence que sont mis en compte :
- des frais d'huissier, mais que les actes correspondants ne sont pas produits, ce qui interdit toute vérification de leur lien avec le litige soumis à la Cour et par suite impose leur rejet ;
- des pénalités de retard à hauteur de 5 500 euro, sur lesquelles il n'est pas fourni par SPIE la moindre explication sur leur fondement et leur exigibilité ;
- des frais de suivi de chantier pour 7 471,62 euro, eux aussi chiffrés unilatéralement sans aucun justificatif de leur fondement, de la réalité du suivi facturé et de leur exigibilité ;
- des frais de câblage des luminaires prétendument exposés lors de la pose des luminaires litigieux et non dans le cadre de la réparation du désordre ;
- des frais de dépannage pour un montant de 15 328,76 euro, pour lesquels il n'est produit ni bon de commande, ni bulletins d'intervention contresignée par l'Enap, alors qu'il est établi par ailleurs que l'Enap avait conclu avec SPIE un contrat de maintenance de l'ensemble des installations d'éclairage et non pas seulement des luminaires litigieux ;
- des frais de location de containers de stockage des luminaires en attente d'expertise, qui ne sont accompagnés d'aucun justificatif, d'aucune facture de location acquittée ni d'aucun document quelconque ;
- des frais de présence de technicien et de mise à disposition de nacelles pour les travaux d'expertise, dont rien ne permet d'établir qu'il ait été convenu avec l'expert qu'ils seraient facturés (pour être ensuite taxés) et qui correspondent à des dépenses exposées pour participer aux opérations d'expertise, qui ne peuvent le cas échéant être pris en considération que dans l'évaluation des faits non répétibles exposés.
Il ne suffit pas d'établir unilatéralement des décomptes et des factures pour en obtenir le payement. Il appartient au contraire à celui qui se prétend créancier de rapporter la preuve de l'existence de sa créance, de son origine et de son montant.
En l'espèce, pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions rejetant intégralement la demande en payement de la somme de 51.380,85 euro il suffira de relever que l'ensemble des factures et des frais unilatéralement décomptés par SPIE ne sont justifiés par aucun contrat, aucun écrit quelconque, que SPIE ne produit aux débats aucune pièce, aucun élément de nature à les corroborer, que d'ailleurs pour la plupart d'entre eux, aucune explication n'est même fournie, ni aucune preuve de la réalité des prestations facturées, que par exemple la facturation des frais de location de containers repose sur une décision unilatérale de SPIE, pour un montant qu'elle a arbitrairement fixé, en dehors de toute concertation avec quiconque et sans que l'on puisse savoir s'il s'agissait de ses propres containers ou de containers loués à des tiers.
La totale défaillance de SPIE dans l'administration de la preuve de l'existence de sa créance, déjà relevée par les premiers juges, s'est confirmée en appel, justifiant la confirmation du rejet de sa prétention.
SUR LA DEMANDE EN PAYEMENT DES FRAIS D'EXPERTISE
Contrairement à ce que soutient Allianz, la demande en payement des frais d'expertise à hauteur de 15.904,67 euro, n'est pas nouvelle à hauteur d'appel.
La simple lecture des dernières conclusions de SPIE en première instance révèle que cette somme de 15.904,67 euro se trouvait incluse dans le montant de l'indemnité globale réclamée par celle-ci et que SPIE n'a jamais renoncé à en réclamer le payement. Le premier juge a d'ailleurs répondu par une motivation particulière à cette demande en énonçant (page 6) " qu'il n'y a donc pas lieu de l'indemniser des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif ".
Cette demande demeure donc parfaitement recevable à hauteur d'appel, étant simplement observé que l'intimée se méprend totalement sur le sens de la mention figurant au dispositif des dites écritures, par laquelle SPIE sollicitait la condamnation de Allianz aux entiers dépens autres que les frais d'expertise, mention parfaitement logique même si elle était surabondante, puisque dès lors qu'il s'agissait d'une expertise ordonnée par une juridiction administrative la rémunération du technicien ne pouvait être incluse dans les dépens taxables de la procédure judiciaire en application de l'article 695 du Code de procédure civile.
L'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Bordeaux est intervenue au contradictoire, notamment, de Allianz, qui a pu faire valoir tous les arguments et moyens qu'elle estimait utile.
La rémunération du technicien désigné par le tribunal administratif, taxée à la somme de 15.978,20 euro par ordonnance du 16 juin 2015, puis à la somme de 18.920,67 euro par ordonnance rectificative du même jour, a été réglée par SPIE.
Cette expertise, qui a été utile pour trancher le litige puisqu'elle à permis d'établir l'existence d'un vice caché, respectivement de déterminer et de chiffrer les moyens permettant de réparer le dommage en résultant, a été rendue nécessaire en raison de la résistance de Epled et de son assureur Allianz à reconnaître l'existence de vices cachés affectant les luminaires vendus.
Cette résistance apparaît fautive au regard de la multiplicité des incidents survenus, et a causé un préjudice à SPIE qui a été contraint de solliciter l'expertise et de régler la rémunération du technicien commis.
Par suite il y a lieu de faire droit à la demande et de condamner Allianz à rembourser à SPIE la somme de 15.904,67 euro réclamée à ce titre.
L'équité justifie l'allocation à SPIE d'une indemnité de procédure de 4 000 euro.
Allianz, succombant au principal, est condamnée aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS SPIE Sud-Ouest de sa demande en paiement de la somme de 51.380,85 euro, Infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions, Dit n'y avoir lieu à homologation du rapport d'expertise de M. Labrousse, Condamne la société anonyme Allianz Iard à payer à la SAS SPIE Sud-Ouest les sommes de : 1°) 82 184 euro 2°) 15 904,67 euro 3°) 4 000 euro à titre d'indemnité de procédure ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions Condamne la société anonyme Allianz Iard aux entiers dépens d'instance et d'appel.