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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 15 juin 2018, n° 16-17210

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aesthetic Center (SAS)

Défendeur :

Syndicat National de Médecine Morpho-Esthétique et Anti-Age, Syndicat National des Centres Laser en Dermatologie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner-Menay

Conseillers :

M. Vasseur, Mme Dias-da Silva

TGI Paris, du 22 juill. 2016

22 juillet 2016

EXPOSE DU LITIGE

M. Dominique D. est un médecin généraliste qui s'est spécialisé dans l'épilation définitive au laser. Il exerce son activité sous la forme juridique d'une Selarl dans son cabinet " Centre M. " situé [...] 16ème.

La SAS Aesthetic Center qui a pour objet social d'assurer des soins de beauté propose également au sein des locaux situés [...] 16ème des épilations au laser à l'enseigne " Clinica Aesthetic Center ".

M. Dominique D., la Selarl D., le Syndicat National de Médecine Morpho-esthétique et Anti-âge et le Syndicat National des Centres Laser en Dermatologie ont été autorisés à assigner à heure indiquée le 3 juin 2016 et ont fait délivrer une assignation en référé devant le président du Tribunal de grande instance de Paris le 7 juin 2016 à la SAS Aesthetic Center.

Ils ont sollicité qu'il soit enjoint à la défenderesse de cesser la réalisation de tout acte d'épilation laser par des personnels non médecins sous astreinte de 20 000 euros par infraction constatée ; qu'elle procède à la publication de l'ordonnance sur la page d'accueil du site " clinica.fr " et à son affichage dans les salles d'attente et de soin de l'établissement du [...] sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée et enfin qu'elle soit condamnée à leur payer la somme totale de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils ont soutenu qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 4161-1 du Code de la santé publique et de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 et de la jurisprudence subséquente, l'épilation au laser ne peut être pratiquée que par un docteur en médecine. M. D. ajoute avoir été alerté de ce que la société AC pratiquait une telle épilation à proximité de son cabinet sans qu'elle soit accomplie par des médecins, ce qui, selon lui, est objectivé par un rapport d'enquête privé du 22 juin 2015 et les attestations versées aux débats qui montrent que des opératrices non médecins réalisent l'ensemble des actes mais que des ordonnances sont délivrées par un docteur S. ou S. sans qu'il apparaisse que ce dernier soit inscrit à l'ordre des médecins de Paris. Il précise que ses dénonciations des faits au Conseil de l'ordre, au préfet de police, à l'Agence régionale de santé sont restées vaines et que les demandeurs se sont heurtés, dans leur volonté de faire cesser ces agissements illégaux, à la méconnaissance des dirigeants de l'entreprise. Il ajoute qu'il résulte de l'exécution d'une ordonnance du 22 mars 2016, obtenue sur sa requête, que l'établissement du [...] est exploité par la défenderesse ; qu'un seul médecin y officie, le docteur François S. ; qu'il en ressort également ainsi que d'autres attestations que les règles d'épilation au laser y sont méconnues puisque les actes y sont accomplis par des praticiennes non médecins et pas même sous le contrôle effectif d'un docteur en médecine, en dépit des manœuvres de la défenderesse destinées à masquer ses turpitudes à sa clientèle. Ils considèrent que ces circonstances caractérisent à elles seules un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du Code de procédure civile et constituent des actes de concurrence déloyale en sus de méconnaître le " monopole légal " des docteurs en médecine au regard du coût horaire pratiqué sans proportion avec les actes médicaux dans une aire géographique proche du lieu d'exercice des deux premiers demandeurs.

La société Aesthetic Center (AC) a conclu au rejet de l'ensemble et à la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en faisant valoir principalement que le demandeur a créé les deux syndicats également requérants aux seules fins de défendre ses intérêts commerciaux et ceux de son épouse exerçant une activité de centre laser au [...]. Elle précise que le docteur D. prônait pourtant il y a peu la délégation de ces actes à des opératrices professionnelles ; que l'opportunité des poursuites appartient aux autorités saisies par le demandeur qui sont pourtant restées inactives. Elle soutient qu'elle emploie en réalité, non pas seulement le docteur S. mais également le docteur Johan L., tous deux présents et supervisant les assistantes qui pratiquent l'épilation laser, et ce, en conformité avec les préconisations du Conseil de l'ordre et la réglementation.

Par une ordonnance du 22 juillet 2016, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevables en leur action le Syndicat National de Médecine Morpho-esthétique et Anti-âge et le Syndicat National des Centres Laser en Dermatologie pour défaut d'intérêt à agir ;

- fait interdiction à la société Aesthetic Center de faire pratiquer des actes d'épilation au laser par tout personnel non docteur en médecine, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à compter du délai d'un mois après la signification de l'ordonnance ;

- ordonné la mise en ligne, par la société Aesthetic Center sur le site internet " clinica.fr " du communiqué suivant :

" Par ordonnance du 22 juillet 2016, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, statuant à la requête de M. Dominique D. et de la Selarl Docteur Dominique D., a fait interdiction, sous astreinte, à la société Aesthetic Center de faire pratiquer des actes d'épilation au laser par tout personnel non docteur en médecine ".

- dit que ce communiqué, placé sous le titre " Publication judiciaire ", devra figurer en dehors de toute publicité, être rédigé en caractères gras de police 12, le titre étant de police 14, disponible à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente ordonnance sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard :

- directement sur la première page-écran de la page d'accueil du site pendant une durée de 8 jours,

- puis sur une page du site immédiatement accessible par un lien hypertexte depuis une rubrique (ou une icône) intitulée " Publication Judiciaire " et figurant sur la première page-écran de la page d'accueil du site, pendant une durée de 2 mois ;

- condamné la société Aesthetic Center à payer à la Selarl Dominique D. la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit n'y valoir lieu à d'autre condamnation de ce chef ;

- condamné la société Aesthetic Center aux dépens.

Par déclaration en date du 5 août 2016, la SAS Aesthetic Center a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 avril 2018, elle demande à la cour de :

- La recevoir en son appel et le dire bien fondé ;

- Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer le Dr Dominique D., la Selarl Dominique D., le Syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti- âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie irrecevables du fait de leur absence d'intérêt légitime à agir ;

Subsidiairement,

- Débouter le Dr Dominique D., la Selarl Dominique D., le syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti- âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie de toutes leurs demandes ;

- Ordonner le remboursement en deniers et quittances de l'intégralité des sommes perçues au titre de l'ordonnance attaquée, soit un montant de 18 909,32 euros ;

En tout état de cause,

- Dire que l'action engagée par les intimés est abusive ;

En conséquence,

- Condamner solidairement le Dr. D., la Selarl Dominique D., le syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie à lui payer la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les dommages et intérêts qui lui seront alloués par le juge du fond ;

- Condamner solidairement le Dr. D., la Selarl Dominique D., le Syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner le Dr. D., la Selarl Dominique D., le Syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Philippe S., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 30 avril 2018, M. D., la Selarl D., le syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti âge, le syndicat national des centres laser en dermatologie demandent à la cour de :

A titre principal,

- Rejeter l'appel interjeté par la SAS Aesthetic Center à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal de grande de Paris le 22 juillet 2016 ;

A titre subsidiaire,

- Enjoindre à la SAS Aesthetic Center, dès la signification de l'arrêt à intervenir, de cesser, au sein de l'établissement sis [...]), la réalisation de tout acte d'épilation au laser par des personnels ne possédant pas le titre de docteur en médecine, sous astreinte, par infraction constatée, d'une somme de 10 000 (dix mille) euros, au profit du docteur Dominique D., de la Selarl Docteur Dominique D., du syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge (SYMEA) et du syndicat national des centres laser en dermatologie (SNCLD) ;

Par ailleurs et en tout état de cause,

- Enjoindre à la SAS Aesthetic Center, dès la signification de l'arrêt à intervenir, de procéder à la publication de cet arrêt, pendant une période continue de 2 (deux) mois, sur la page d'accueil du site internet www.clinica.fr, sous astreinte, par infraction constatée, d'une somme de 10 000 (dix mille) euros, au profit du docteur Dominique D., de la Selarl Docteur Dominique D., du syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge (SYMEA) et du syndicat national des centres laser en dermatologie (SNCLD) ;

- Condamner la SAS Aesthetic Center à verser au docteur Dominique D., à la Selarl Docteur Dominique D., au Syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge et au Syndicat national des centres laser en dermatologie, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Aesthetic Center aux entiers dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR

La recevabilité de l'action du fait de l'absence d'intérêt légitime à agir

La société Aesthetic Center soutient que l'intérêt à agir de M. D. et de la Selarl éponyme est non seulement inexistant mais au-delà illégitime, leur action en justice n'ayant pour seule visée que d'évincer une concurrente, en lui imputant des actes illégaux qu'ils commettent eux-mêmes. Elle soutient ainsi que l'ensemble des poursuites et dénonciations opérées à son encontre par le Docteur D. n'ont donné lieu à aucune condamnation de sorte que les accusations de pratiques anti-concurrentielles portées à son encontre sont peu opérantes. Elle ajoute qu'en revanche, le docteur D. a été condamné précisément pour avoir fait réaliser des actes d'épilation au laser par du personnel non médecin, hors la présence d'un médecin à l'exception d'un passage en début de séance, par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins suivant une décision du 30 novembre 2017. Une suspension temporaire d'exercer la médecine pendant une durée d'un an dont six mois assortis du sursis a été prononcée.

La société Aesthetic Center ajoute que s'agissant des deux syndicats, il conviendra de confirmer la décision du premier juge, faute pour les intéressés de démontrer non seulement leur existence mais a fortiori leur objet social, la preuve de leur intérêt à agir n'étant pas démontrée.

Les intimés soutiennent au contraire d'abord l'infirmation de la décision, en ce qu'elle a déclaré irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, l'action du syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge et celle du syndicat national des centres laser en dermatologie.

Ils soutiennent qu'à la date de saisine du juge des référés, ces organisations professionnelles avaient un intérêt légitime à engager une action destinée à faire cesser les pratiques d'un opérateur économique dans le domaine de la médecine esthétique apparaissant contraire à la réglementation et par suite susceptible de porter atteinte aux intérêts des membres qu'elles représentent. Ils produisent leurs statuts qui prévoient que leur objet social est de "défendre les intérêts moraux et matériels de ses adhérents par tous moyens légaux appropriés " et s'agissant du syndicat national des centres laser en dermatologie, précisent que les adhérents sont " des praticiens (...) utilisant des lasers (...) et souhaitent promouvoir la possibilité d'en déléguer l'usage à des professionnels formés et qualifiés, sous la responsabilité d'un médecin présent sur les lieux et pouvant intervenir sans délai ". Ils contestent le fait que ces syndicats soient des " coquilles vides " rappelant qu'ils ont été parties à certaines actions engagées devant le Conseil d'Etat.

Le docteur D. et de la Selarl éponyme soutiennent la recevabilité de leur action en précisant que la sanction ordinale n'a aucune conséquence sur leur intérêt à agir, l'interdiction de déléguer à des personnels non médecins ne valant que sur le plan ordinal sans conséquence dans le domaine de la répression des actes de concurrence déloyale. Ils soutiennent qu'ils assurent, eux, la surveillance effective, sérieuse et suivie des actes qu'ils proposent comme exigé par la Cour de cassation, de sorte qu'ils ont un intérêt à agir aux fins de faire cesser les pratiques non conformes de son adversaire.

L'article 31 du Code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

La cour constate que pas plus qu'en première instance, il n'est produit de documents attestant de l'existence des deux syndicats visés, la production de statuts sans indication d'une immatriculation en mairie pour le syndicat national de médecine morpho-esthétique et anti-âge ainsi que ceux du syndicat national des centres laser en dermatologie sur lesquels figure un numéro d'immatriculation à la mairie de Paris sans justificatif complémentaire de cette immatriculation étant insuffisante à cet égard. En outre, comme indiqué par le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point, il ne peut qu'être constaté que ces syndicats ne démontrent pas leur intérêt légitime à agir que ce soit dans l'intérêt collectif de ses éventuels membres ou celui qui leur serait propre.

La cour fait sienne la motivation du premier juge qui a considéré que M. D. et la Selarl sous la forme de laquelle il exerce son activité, sans considération des compétences ordinales, administratives ou même judiciaire de nature à faire respecter la réglementation en matière d'accomplissement d'un acte médical, justifient, d'une part, par la proximité du cabinet de consultation avec le lieu d'exercice de la société AC et d'autre part, par la circonstance que les agissements dont ils se plaignent sont susceptibles de profiter aux médecins exerçant au sein de la société AC, d'un intérêt à faire cesser un éventuel comportement déloyal par violation des règles légales pouvant être à l'origine d'un détournement de clientèle.

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite

La société Aesthetic Center soutient d'abord que la cour doit se placer où jour où elle statue pour apprécier l'existence du trouble manifestement illicite. Elle soutient que le premier juge a fait une appréciation erronée ou à tout le moins trop catégorique de la réglementation applicable aux manipulations lasers sur les personnes ; que selon la position majoritaire résultant d'un arrêt de la Cour de cassation de 2005 et d'une décision du Conseil de l'ordre des médecins de 2008 et conformément aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 30 janvier 1974, il est seulement imposé une présence permanente d'au moins un médecin assurant supervision et contrôle de chaque prestation réalisée par une collaboratrice formée. Elle ajoute encore qu'il n'appartient pas au juge des référés de dire quelle est la norme exacte qui doit s'appliquer à l'espèce au regard du flou juridique qui persiste, de sorte que le trouble ne peut donc pas être jugé manifestement illicite en l'état du droit en la matière. Elle constate encore qu'aucune poursuite n'a été engagée contre elle par les différentes autorités auxquelles s'est adressé M. D. et notamment pas l'Ordre des médecins qui l'a envisagé dans un courrier versé aux débats mais ne l'a pas effectué. Enfin, elle soutient que l'examen de sa situation démontre qu'elle emploie toujours au moins un médecin salarié qui est présent pour examiner les patientes et surveiller les assistantes qui pratiquent les épilations laser conformément aux décisions du Conseil de l'ordre.

Les intimés précisent en premier lieu que le trouble manifestement illicite s'apprécie non pas au jour où la cour statue mais à la date à laquelle le juge des référés à statuer. Ils rappellent qu'il résulte des articles L. 4161-1 du Code de la santé publique et de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 ainsi que d'un arrêt de la 2ème chambre civile en date du 14 décembre 2015 (pourvoi n° 15-21.597) que les actes d'épilation au laser sont des actes médicaux que seuls, en principe, des docteurs en médecine, dûment inscrits au tableau de l'Ordre des médecins peuvent pratiquer. Ils ajoutent que la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 février 2018 (pourvoi n° 17-81.962) a admis qu'il peut en aller autrement si ces actes, bien que réalisés par des opérateurs dépourvus de la qualité de médecin, sont toutefois exécutés " sous la surveillance effective, sérieuse et suivie d'un médecin ". Ils soutiennent ainsi que la réglementation, en matière d'acte d'épilation au laser, impose qu'ils soient exécutés par un docteur en médecine ou, à défaut, sous sa surveillance, effective, sérieuse et suivie. Ils considèrent ainsi que la réglementation se trouve manifestement méconnue lorsque les actes d'épilation au laser sont réalisés par des personnels dépourvus de la qualité de médecin et en l'absence de tout médecin ou lorsque le médecin se borne à être présent sur les lieux, sans recevoir les patients avant leurs traitements et sans procéder à la moindre vérification au cours du traitement. Ils ajoutent qu'il résulte des attestations M. et L. établies courant avril 2016 que les actes d'épilation au laser n'ont pas été pratiqués par un médecin et qu'aucun médecin n'était présent au sein de l'établissement au moment de leur exécution de sorte qu'il ne peut y avoir eu, comme la réglementation l'impose, une surveillance effective, sérieuse et suivie par un docteur en médecine ce qui constitue le trouble manifestement illicite prévu par l'article 809 du Code de procédure civile.

Ils observent que l'absence de médecin lors de la réalisation de 17 actes a été confirmée ultérieurement par des procès-verbaux d'huissier établis les 23 novembre 2016, 30 novembre 2016, 14 décembre 2016, 7 janvier 20107, 22 mars 20107, 21 avril 2017 et 28 avril 2017.

Ils précisent encore s'agissant des médecins supposés être chargés de la supervision des actes d'épilation au laser, outre que leur présence n'était qu'épisodique, qu'ils ont tous mis fin à leur collaboration avec la société appelante en raison des pratiques irrégulières de cette dernière. Ils soutiennent que le trouble demeure à la date où la présente cour est appelée à statuer.

L'article 809 du Code de procédure civile prévoit que le président peut toujours même en cas de contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du " dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer " et le trouble manifestement illicite résulte de " toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ".

Pour apprécier la réalité du trouble ou du risque allégué, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue et constater, avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit ou l'imminence d'un dommage, d'un préjudice sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés. La constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets.

L'article L. 4161-1 du Code de la santé publique définit la pratique illégale de la médecine par renvoi à des dispositions réglementaires dont celle pertinente en l'espèce de l'article 2 du de l'arrêté du ministre de la santé du 6 janvier 1962 en vertu duquel " Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine (...) les actes médicaux suivants : 5° tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire ".

L'article 2 de l'arrêté du 30 janvier 1974 prévoit que " les lasers à usage médical sont des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ".

La jurisprudence a jugé, par une combinaison de ces textes, que selon l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, pris en application de l'article L. 372, devenu l'article L. 4161-1, du Code de la santé publique, l'épilation, sauf à la pince ou la cire, ne peut être pratiquée que par les docteurs en médecine et que l'utilisation du laser, même à des fins esthétiques, constitue, en conséquence, l'infraction pénale d'exercice illégal de la médecine (Crim 8 janvier 2008, pourvoi n° 07-81.193 et Crim, 13 septembre 2016, pourvoi n° 15-85.046). En matière civile, la première chambre de la Cour de cassation retient la même interprétation (1re Civ. 14 décembre 2016 pourvois n° 15-21.597 et 15-24.610). Au plan disciplinaire enfin, le Conseil d'Etat, statuant suite à une décision de la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins, a également clairement affirmé que les actes d'épilation doivent être pratiqués par des docteurs en médecine, à la seule exception des épilations pratiquées à la pince ou à la cire, rappelant ainsi purement et simplement les dispositions très claires de l'arrêté de 1962 (CE, 28 mars 2013, n° 348089, M.B). M. D., qui prétend aujourd'hui, à titre subsidiaire, que ces actes peuvent être accomplis sous la seule surveillance et responsabilité d'un médecin, ne peut ignorer qu'il soutient une position qui n'a pas non plus été retenue récemment par la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins qui l'a condamnée le 30 novembre 2017 pour ces motifs.

Ainsi, à l'exception, d'un arrêt du 27 février 2018 de la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant retenu que la cour d'appel avait caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction d'exercice illégal de la médecine et de complicité en relevant que les personnes poursuivies, faisaient pratiquer, par des assistantes non titulaires du diplôme de docteur en médecine, au moyen d'appareils mis à leur disposition par cette dernière, des actes d'épilation au laser, sans surveillance effective, sérieuse et suivie du médecin sous la responsabilité duquel ces actes étaient censés être accomplis, toutes les décisions judiciaires et administratives, y compris les plus récentes ont affirmé la prévalence des dispositions de l'arrêté de 1962.

La cour constate, comme le premier juge qu'il ressort des attestations rédigées par Mmes Alexandra M. et Nancy L. (pièces n° 4 et 5 des intimés) qu'elles ont fait l'objet d'actes d'épilation au laser hors la présence de tout médecin. Il ressort encore des constatations effectuées sur requête par un huissier le 25 avril 2016, l'absence de médecin à cette date alors que le centre de la société Aesthetic Center fonctionne.

Il résulte encore de l'examen des contrats de travail ou de mise à disposition de plateau technique produits et d'attestations rédigés par les médecins étant ponctuellement intervenus qu'à de nombreuses périodes antérieures comme postérieures à l'ordonnance attaquée, le centre Clinica qui fonctionne du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures, a fait réaliser des actes d'épilation au laser hors la présence de tout médecin. Il en va ainsi de la période du 2 novembre 2015 au 5 septembre 2016, pendant laquelle était seul employé le docteur François S. et à temps parti partiel les lundi, vendredi et samedi à raison de 7 heures par jour. Il en résulte que les actes d'épilation au laser, dont il n'est nullement soutenu, que leur réservation était limitée à certains jours de la semaine, ont bien effectués hors la présence d'un médecin.

Il en va d'ailleurs de même pour la période postérieure du 6 septembre 2016 au 30 novembre 2016 pendant laquelle la société Aesthetic Center ne justifie l'emploi d'aucun médecin alors qu'il résulte de procès-verbaux d'huissier que des actes d'épilation définitive se réalisent (pièces n° 15 et 16 des intimés). S'agissant de la période du 1er décembre au 20 janvier 2017, si deux médecins, les docteurs L. et Hugentobler, sont employés par l'appelante, le rapprochement de leurs horaires confirme que des actes ont été réalisés hors leur présence (pièces n° 7 et 27 des intimés). Enfin, du 21 janvier 2017 au 30 juin 2017, seul le docteur L. est présent les mardi, jeudis et samedis de 10 heures à midi puis aucun médecin n'exerce au sein du centre du 1er juillet 2017 au 3 octobre 2017.

A compter de cette date, si la société Aesthetic Center justifie avoir conclu deux contrats de mise à disposition de plateau technique avec les docteurs Corinne D. et Pierre C., il n'est nullement préciser leur temps de présence, ni la nature de leur intervention auprès des candidats à une épilation définitive au laser de sorte qu'il résulte de ces développements que c'est à bon droit que le premier juge a considéré, pour la période soumise à son appréciation, l'existence d'un trouble manifestement illicite.

En outre, il vient d'être constaté que pour la période postérieure à l'ordonnance précitée, les faits se sont poursuivis dans des conditions ne permettant pas d'affirmer la cessation du trouble relevé.

Il convient donc, comme sollicité à titre principal par les intimés, de rejeter l'appel et de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Il sera par ailleurs fait droit à la demande de publication de la présente décision tel que sollicité et dans les mêmes formes qu'avait été ordonnée la publication de la décision de première instance.

L'équité commande de condamner l'appelante qui succombe à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile aux appelants unis d'intérêts. Elle sera également condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris en date du 22 juillet 2016 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Ordonne la mise en ligne, par la société Aesthetic Center sur le site internet " clinica.fr " du communiqué suivant : " Par arrêt du 15 juin 2018, la Cour d'appel de Paris a confirmé une ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 25 juillet 2016 au terme de laquelle le juge des référés, statuant à la requête de M. Dominique D. et de la Selarl Docteur Dominique D., a fait interdiction, sous astreinte, à la société Aesthetic Center de faire pratiquer des actes d'épilation au laser par tout personnel non docteur en médecine ". Dit que ce communiqué, placé sous le titre " Publication judiciaire ", situé en dehors de toute publicité, rédigé en caractères gras de police 12, le titre étant de police 14, disponible à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard devra figurer : - directement sur la première page-écran de la page d'accueil du site pendant une durée de 8 jours, - puis sur une page du site immédiatement accessible par un lien hypertexte depuis une rubrique (ou une icône) intitulée " Publication Judiciaire " et figurant sur la première page-écran de la page d'accueil du site, pendant une durée de 2 mois ; Condamne la société Aesthetic Center à payer à M. Dominique D. et la Selarl Dominique D., unis d'intérêts, la somme totale de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Condamne la société Aesthetic Center aux entiers dépens de l'appel.