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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 20 juin 2018, n° 17-01532

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SNC Ineo Midi-Pyrénées Languedoc Roussillon

Défendeur :

Créations Nicolas R. (SARL), Aviva Assurances (SA), Lighting Components International (SARL), Allianz Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Penavayre

Conseillers :

Mme Truche, M. Delmotte

T. com. Toulouse, du 2 févr. 2017

2 février 2017

EXPOSE DU LITIGE

Suivant marché de travaux du 6 décembre 2011, la SNC Ineo Midi-Pyrénées Languedoc (dite Ineo MPLR en abrégé) a réalisé le lot électricité d'un complexe cinématographique avec parking souterrain pour le compte de la commune de Rodez.

Elle a passé commande auprès de la SARL Créations Nicolas R. (dite CNR en abrégé) :

- le 26 décembre 2012 d'un ensemble d'appareils d'éclairage de salles (205), modèle CINELED 5 qui sont fabriqués par la société CNR (pour un montant de 29 007,50€ HT),

- le 25 janvier 2013, de 1025 ampoules à LED de type SPOTLED GU 10 6W pour les équiper qui sont fournies par la société Lighting Components International (pour un montant de 17 373,75 euros HT).

La pose des luminaires a été effectuée par la société Ineo MPLR.

La réception du lot électricité a été prononcée le 30 septembre 2013 et la mise en service a eu lieu le 8 octobre 2013.

L'exploitant de la salle de cinéma ayant constaté que 41 % des ampoules à LED ne fonctionnaient plus, la société SNC Ineo MPLR a mis en demeure son cocontractant de remplacer l'intégralité des ampoules défectueuses par lettre recommandée du 19 mars 2014.

Le 13 mai 2014, une expertise a été organisée par le cabinet Polyexpert à la demande de l'assureur de la SARL CNR, la compagnie Aviva.

Le 17 juin 2014, la société Ineo a procédé au remplacement des ampoules défectueuses pour un prix, selon devis, de 72 000 € hors-taxes soit 82 300 € TTC.

La compagnie Aviva a dénié sa garantie le 19 août 2015.

Par lettre recommandée du 2 septembre 2015, la société Ineo a vainement mis en demeure la société CNR de l'indemniser du préjudice subi puis, par acte d'huissier du 23 février 2016, l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Toulouse sur le fondement des articles 1147, 1641 et 1787 du Code civil.

Par acte d'huissier du 7 juin 2016, la société Créations Nicolas R. et son assureur, la compagnie Aviva Assurances ont appelé en garantie, le fournisseur, la société Lighting Components International, et son assureur, la société Allianz Iard.

Par jugement du 2 février 2017, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- ordonné la jonction des deux procédures,

- débouté la SNC Ineo MPLR de sa demande,

- dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné la SNC Ineo MPLR aux dépens.

La SNC Ineo MPLR a interjeté appel de cette décision le 9 mars 2017.

Au terme de ses conclusions notifiées le 11 septembre 2017, la SNC Ineo MPLR demande à la cour, sur le fondement des articles 1147, 1641 et 1787 du Code civil :

- de condamner in solidum la SARL Créations Nicolas R. et son assureur la société Aviva à lui payer la somme de 82 300 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2015 ainsi que la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les entiers dépens de l'instance étant laissés à la charge des sociétés intimées.

La SARL Créations Nicolas R. et la SA Aviva Assurances ont conclu le 10 juillet 2017.

Elles demandent à titre principal :

- de rejeter les conclusions adverses,

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de condamner la société SNC Ineo MPLR à leur payer une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance,

à titre subsidiaire :

- de condamner la société Lighting Components International et la compagnie Allianz in solidum à les relever et garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,

- de constater l'exclusion de garantie quant au coût des travaux de remise en état,

- de limiter en conséquence la garantie de la compagnie Aviva au seul coût de remplacement des LEDS soit 21 536,75 euros HT

- de laisser à la charge de la société CNR la franchise correspondant à

10 % du dommage avec un minimum de 1 550 € et un maximum de 7 625€,

- de condamner tout succombant à leur verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

La société Lighting Components International dite LCI en abrégé, et la SA Allianz France ont notifié leurs conclusions récapitulatives le 20 juillet 2017.

Elles demandent, à titre principal, de rejeter les réclamations de la société Ineo qui ne rapporte la preuve d'aucun préjudice indemnisable,

à titre subsidiaire :

- de dire et juger que la société CNR ne rapporte pas la preuve d'un défaut de conformité ou d'un vice caché susceptible d'affecter les ampoules à LED fournies par la société LCI,

- de rappeler que la garantie de la compagnie Allianz est acquise, dans les conditions et limites du contrat d'assurance souscrit,

- de rejeter les demandes de la société appelante et de confirmer le jugement du 2 février 2017 en toutes ses dispositions,

- de condamner tout succombant à leur verser une indemnité de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 6 mars 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action en garantie engagée à l'encontre du vendeur :

La SNC Ineo MPLR agit sur le fondement de l'ancien article 1641 du Code civil qui stipule que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'ils les avaient connus.

Il lui appartient d'établir la preuve de l'existence de défauts qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine.

Le vice doit être inhérent à la chose, d'une certaine gravité et caché.

Il doit exister préalablement à la vente, peu important à cet égard que la vente ait été conclue entre professionnels dès lors que l'acheteur n'avait pas de connaissance particulière sur les spécifications des ampoules à LED, objets de la vente.

Lorsque les conditions de la garantie sont réunies, l'acquéreur n'a pas à rapporter d'autre preuve et est en droit d'obtenir la réparation de tout le préjudice lié au vice.

En l'espèce il n'est pas contesté que la majorité des ampoules à LED fournies par la société LCI ont eu une durée de vie anormalement courte, de l'ordre de quelques jours à quelques semaines au lieu de plusieurs années et qu'il a fallu procéder au remplacement d'un nombre significatif d'ampoules, parfois à plusieurs reprises, alors que les luminaires-support étaient neufs et qu'il venait d'être procédé à la mise en service d'une nouvelle installation électrique.

Le rapport d'expertise réalisé par le cabinet Polyexpert, à la demande de l'assureur de la société CNR, au contradictoire de l'ensemble des parties et de leurs propres experts rappelle qu'au 17 mars 2014, il est fait état de 589 ampoules défaillantes et que la société Ineo a dû, à la demande de l'exploitant, procéder au remplacement des ampoules par des ampoules identiques qui ont été fournies par la société LCI par l'intermédiaire de la société CNR.

Les pannes ayant persisté, il a été procédé au remplacement des ampoules de marques différentes (OSRAM) qui n'ont plus donné lieu à aucune réclamation.

L'expert note que selon les explications fournies par le dirigeant de la société CNR, la société LCI avait dû s'approvisionner auprès d'une autre marque d'ampoules à la suite d'un problème d'approvisionnement par le constructeur PHILIPS.

Il conclut que la défaillance des éclairages provient uniquement des ampoules dès lors que les autres multiplexes fournis avec les mêmes équipements n'ont subi aucune anomalie, sauf qu'ils sont équipés d'ampoules de marque PHILIPS et que les deux seuls complexes pour lequel il a été fourni des ampoules LCI (Agen et Rodez) sont précisément ceux pour lequel des défaillances des sources lumineuses ont été constatées.

Il en résulte que le vice était indécelable avant la livraison et la mise en service de la salle de cinéma et que la défaillance a été constatée très rapidement.

Il est incontestable que si la société appelante avait connu la fragilité desdites ampoules, elle ne les aurait pas acquises compte tenu des engagements pris auprès de son propre cocontractant.

Les conclusions de l'expert n'ont pas été sérieusement contredites et aucune demande de contre-expertise ou d'investigations complémentaires n'a été sollicitée dans le cours de la procédure par la société intimée qui prétend désormais qu'il aurait dû être procédé au contrôle du réseau électrique.

Quant au fournisseur, la société LCI, elle n'a pas indiqué la marque de lampe qu'elle avait fournie et, après avoir pris soin de prélever une ampoule pour la faire analyser, n'a jamais communiqué le résultat de ses investigations.

Elle ne peut donc se contenter d'émettre des doutes sur la bonne marche de l'installation sans fournir la preuve d'une cause étrangère.

Dès lors la société CNR qui a fourni les lampes défectueuses utilisées dans le système Cineled 5 ne saurait contester l'existence d'un vice rédhibitoire et le principe de sa responsabilité.

Elle sera condamnée à réparer l'entier préjudice subi.

Sur le préjudice :

En matière contractuelle, le préjudice doit permettre au cocontractant d'obtenir la prestation promise et qui fait défaut.

En l'espèce, il y a lieu de rembourser à la SNC Ineo MPLR l'intégralité des ampoules à LED au remplacement duquel elle a dû procéder ainsi que le coût de la main-d'œuvre pour réaliser la prestation, ce qui implique d''installer des échafaudages sous plafond dans les salles de projection.

Pour débouter la SNC Ineo MPLR, le Tribunal de Commerce de Toulouse a à tort considéré que le devis qu'elle avait établi à ce sujet le 17 juin 2014, ne pouvait constituer une preuve suffisante de son préjudice alors que le dommage est certain.

Il n'est pas contesté que la société SNC Ineo MPLR a procédé elle-même au remplacement des ampoules défectueuses en sorte qu'elle n'avait pas à établir de facture pour sa prestation contrairement à ce qui est soutenu.

Elle a fourni un devis pour un montant de 72 000 € hors taxes qui a été soumis à l'expert lequel a sollicité des justificatifs complémentaires sur le chiffrage de la main-d'œuvre qui lui paraissait surestimé.

Dès lors que le montant qu'elle réclame n'a pas été approuvé par l'expert et est contesté par les sociétés intimées, il lui appartient de produire des justificatifs suffisants pour quantifier son préjudice.

Or elle ne produit pas le marché initial qui aurait permis d'évaluer le coût de la main-d'œuvre qui avait été initialement facturé et aurait pu être comparé avec celui qui est réclamé.

Dès lors, il y a lieu d'en tirer toutes conséquences sur le chiffrage du préjudice.

Il n'est pas contesté que la société Ineo a dû procéder à deux interventions successives, louer des échafaudages à deux reprises et procéder à la dépose et à la repose des sièges dans les salles 1 et 2 de nuit pour ne pas gêner l'exploitation.

Il y a lieu d'agréer les sommes suivantes :

- 22 208,55 euros au titre du remplacement des ampoules à LED,

- 2 308,37 euros au titre de la location d'échafaudages,

- outre un forfait de 4 000 € au titre de la main-d'œuvre,

les sommes réclamées en sus au titre de l'intervention des ouvriers, des déplacements longue distance et des réunions sur site n'étant pas justifiées.

En définitive il sera alloué une somme de 28 516,92 euros HT en réparation du préjudice subi outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 septembre 2015.

Compte tenu des stipulations du contrat d'assurance qui lie la société CNR à la société Aviva Assurances qui limite la garantie " au coût de remboursement, de remplacement, de réparation, de modification du produit, du travail ou de la prestation à l'origine du dommage ainsi que les frais destinés à remplir complètement l'engagement contractuel ou ceux occasionnés par la vente ", il y a lieu de dire que la garantie de l'assureur est limitée au coût de remplacement des ampoules LEDS à hauteur de 22 208,55 euros hors-taxes et qu'il y aura lieu de déduire une franchise qui demeure à la charge de la société CNR à hauteur de 10 % du dommage immatériel avec un minimum de 1 550 € et un maximum de 7 625 €.

Sur l'appel en garantie de la société Lighting Components International et de son assureur la société Allianz Iard :

Le vendeur intermédiaire est en droit d'appeler en garantie, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, le vendeur d'origine, en l'espèce la société LCI qui a fourni les ampoules litigieuses.

Cette dernière n'établissant aucun élément susceptible de le décharger de la garantie dont elle est redevable, il y a lieu de la condamner, avec son assureur, la société Allianz, à relever et garantir la société CNR et son assureur, des présentes condamnations, dans les conditions et limites du contrat conclu entre les parties.

Sur la demande de frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société appelante partie des frais irrépétibles par elle exposée pour assurer sa représentation en justice. Il lui sera alloué la somme de 3 000 € de ce chef.

Par contre les sociétés intimées qui succombent pour l'essentiel dans leurs prétentions seront déboutées de l'ensemble de leurs réclamations sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant après en avoir délibéré, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 2 février 2017 en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Fait droit à l'action en garantie de la SNC Ineo MPLR, Condamne la SARL Nicolas R. et la société Aviva Assurances in solidum à payer à la SNC Ineo MPLR, la somme de 28 516,92 euros HT en réparation du préjudice subi avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 2 septembre 2015, Condamne in solidum la SARL Nicolas R. et son assureur, la société Aviva Assurances à payer à la SNC Ineo MPLR la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que la garantie de la société Aviva Assurances est limitée envers son assuré au seul coût de remplacement des LEDS soit 22 208,55 euros hors-taxes, Laisse à la charge de la société CNR la franchise à hauteur de 10 % du dommage immatériel avec un minimum de 1 550 € et un maximum de 7 625 €, Condamne la société Lighting Components International et la société Allianz, à relever et garantir in solidum la SARL Nicolas R. et la société Aviva Assurances, de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre, dans les conditions et limites du contrat d'assurance, Dit que la société Lighting Components International supportera le solde des condamnations non couvertes par son assureur, Rejette le surplus des demandes et les prétentions contraires, Condamne in solidum la SARL Nicolas R. et son assureur la société Aviva Assurances aux entiers dépens de l'instance.