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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 19 juin 2018, n° 16-01728

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Salève Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Combes

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

Avocats :

Mes Benhamou, Braud, Reboul

TGI Grenoble, du 22 févr. 2016

22 février 2016

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 21 juin 2013, la société Salèves Automobiles a vendu à Madame Evelyne M. un véhicule d'occasion de marque Audi, moyennant le prix de 16 600€.

Suite à une panne survenue le 7 août 2013 avec préconisation de remplacement du moteur et démarches infructueuses de règlement amiable du litige, Madame M. a, suivant acte d'huissier du 21 janvier 2014, fait citer la société Salèves Automobiles, devant le Tribunal de grande instance de Grenoble, en résolution de la vente.

Par jugement du 22 février 2016, cette juridiction a :

• prononcé la résolution de la vente du 21 juin 2013, condamné la société Salèves Automobiles à payer à Madame M. la somme de 16 600€ au titre de la restitution du prix de vente,

• dit que la société Salèves Automobiles récupérera, à ses frais, le véhicule Audi à l'endroit indiqué par Madame M.,

• débouté Madame M. de ses demandes au titre des frais de gardiennage et des frais de diagnostic,

• condamné la société Salèves Automobiles à payer à Madame M. la somme de 6 363€ au titre de son préjudice de jouissance sur la période du 7 août 2013 au 22 février 2016 inclus,

• condamné la société Salèves Automobiles à payer à Madame M. la somme de 7€ par jour à compter du 23 février 2016 et jusqu'à la restitution du véhicule au titre du préjudice de jouissance,

• condamné la société Salèves Automobiles à payer à Madame M. la somme de 648,16€ en remboursement de ses frais de location,

• condamné la société Salèves Automobiles à payer à Madame M. une indemnité de procédure de 1 500€, outre les dépens de l'instance.

Suivant déclaration en date du 7 avril 2016, la société Salèves Automobiles a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance juridictionnelle du 8 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a débouté la société Salèves Automobiles de sa demande en expertise sur l'existence d'un mauvais usage ou d'un usage intensif du véhicule litigieux.

Au dernier état de ses écritures en date du 24 juin 2016, la société Salèves Automobiles demande de :

1) à titre principal, au regard de la conformité du véhicule aux dispositions des articles L. 211-5 et suivants du Code de la consommation, constater son absence de responsabilité et débouter Madame M. de l'ensemble de ses prétentions,

2) subsidiairement :

• débouter Madame M. de sa demande en résolution de la vente, ramener ses prétentions indemnitaires à de plus justes proportions, débouter Madame M. de ses demandes au titre des frais de gardiennage, des frais de diagnostic et au titre du préjudice de jouissance,

3) en tout état de cause, condamner Madame M. à lui payer la somme de 2 000€ d'indemnité de procédure.

Elle fait valoir que :

• le véhicule litigieux a été utilisé de façon intensive, en moins d'un mois, Madame M. a roulé plus de 3 000 km dans des conditions inexpliquées

• elle a fait le choix d'interrompre l'expertise amiable préférant se prévaloir des dispositions relatives à la non-conformité afin d'éviter tout débat sur le fond et la cause réelle de la panne,

• la présomption de non-conformité ne peut jouer, dès lors que Madame M. est totalement défaillante à rapporter la preuve des causes de l'avarie,

• subsidiairement, l'article L. 211-9 du Code de la consommation offre à l'acquéreur le choix entre la réparation ou le remplacement du bien, ainsi que la possibilité pour le vendeur de refuser le choix de l'acquéreur, si celui-ci entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité,

• ce texte ne prévoit aucunement la résolution et Madame M. devra être déboutée de ce chef de demande,

• le coût de remplacement du moteur est de 8 781,17€, soit bien plus favorable que le prix du remplacement de l'automobile,

• Madame M. ne démontre pas avoir engagé des frais de gardiennage ni ne démontre de préjudice de jouissance.

• Par conclusions récapitulatives du 12 août 2016, Madame M. sollicite la confirmation du jugement déféré, sauf sur le rejet de la demande au titre du gardiennage et des frais de diagnostic qui seront quantifiés et facturés au moment de la récupération du véhicule et, y ajoutant, la condamnation de la société Salèves Automobiles à lui payer une indemnité de procédure de 3 000€.

Elle expose que :

• un mois et demi après l'acquisition, et alors qu'elle avait parcouru 2 377 kilomètres, la voiture est tombée en panne,

• conformément aux dispositions de l'article L. 211-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité étant apparus dans un délai de six mois à compter de la délivrance, elle bénéficie de la présomption d'antériorité du défaut de conformité affectant son véhicule,

• le défaut de conformité recouvre, à la fois, les vices cachés et les manquements classiques à l'/obligation de délivrance conforme,

• il n'est pas contestable que le véhicule ne peut plus rouler et que la capacité à circuler est l'usage habituellement attendu d'un véhicule,

• il n'est démontré aucun sur régime, s'agissant d'une simple allégation de l'expert du garage non compatible avec la nécessité de poursuivre les investigations pour déterminer la cause des désordres,

• si ce véhicule a fait l'objet d'un sur régime, il n'est nullement démontré que ce soit de son fait, elle a sollicité vainement la réparation du bien, et est bien fondée, par application de L'article L. 211-10, à solliciter la résolution de la vente,

• si aucune facture au titre du diagnostic ou des frais de gardiennage n'a été encore établie, son préjudice est toutefois constitué.

• La clôture de la procédure est intervenue le 24 avril 2018.

SUR CE

1 - sur les demandes de Madame M.

sur la résolution de la vente

Il est établi que le véhicule de Madame M. est tombé en panne 47 jours après son acquisition et que le concessionnaire Audi, suivant devis du 18 septembre 2013, a préconisé le remplacement du moteur pour un coût global de 8 781,86€.

Par application de l'article L. 211-4 Code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme aux contrats et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

L'article L. 211-5 de ce Code dispose que pour être conforme au contrat, le bien doit, notamment, répondre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.

En l'espèce et contrairement à ce que prétend le garage Salèves la conformité ne s'apprécie pas au regard du bon de commande sur les caractéristiques convenues de la chose, objet de la vente, mais par rapport à l'usage qui en est attendu, à savoir la capacité à rouler et à transporter, s'agissant d'un véhicule automobile.

Madame M. établit que le bien litigieux n'est pas conforme à son utilisation dès lors :

- qu'un mois et demi après son acquisition, il n'est plus en mesure de rouler,

- qu'il convient, pour parvenir à cet objectif, de remplacer un organe majeur, à savoir le moteur,

- que la réparation coûte plus de la moitié du prix d'acquisition.

Au terme de l'article L. 211-7, les défauts de conformité, qui apparaissent dans le délai de six mois à partir de la délivrance, sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

En l'espèce, au regard de la survenance de ce défaut de conformité dans le délai de six mois, Madame M. est bien fondée à se prévaloir de la présomption d'existence de ce défaut au moment de la vente et il appartient à la société Salèves Automobiles d'en rapporter la preuve contraire.

La société Salèves Automobiles entend se prévaloir, à cet égard, d'un contrat d'expertise amiable qu'elle a fait réaliser et des conclusions de son expert sur l'existence d'une utilisation du véhicule en sur régime.

Cet expert, bien qu'indiquant que les mesures conservatoires n'ont pas été respectées, le moteur et le circuit de refroidissement ayant été vidangés, et que ses opérations d'expertise sont inachevées, conclut que les dommages relevés, à savoir contact soupapes/pistons et linguets sortis de leur logement, sont caractéristiques d'un sur régime.

D'une part, ces éléments, au regard des réserves exprimées par l'expert lui-même, sont insuffisants pour démontrer que la cause des désordres réside dans l'utilisation excessive du véhicule et, d'autre part, à supposer qu'il y ait eu une utilisation inadaptée de l'automobile, il n'est nullement rapporté la preuve de son imputabilité à Madame M..

En effet, la société Salèves Automobiles, qui ne caractérise nullement l'utilisation intensive alléguée, souligne uniquement le nombre de kilomètres effectués par Madame M. dont elle prétend faussement qu'elle a réalisé 3 000 kilomètres en un mois.

En réalité, Madame M. a roulé 2 377 kilomètres en 47 jours, soit un ratio quotidien de 51 kilomètres, ce qui ne correspond aucunement à une utilisation intensive.

Par voie de conséquence, Madame M. est bien fondée à se prévaloir d'un défaut de conformité préexistant à la vente du 21 juin 2013.

Suivant l'article L. 211-9, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation ou le remplacement.

L'article L. 211-10 précise que si la solution demandée, proposée ou convenue en application de L. 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur, celui-ci peut, soit rendre le bien et se faire restituer le prix, ou, garder le bien et se faire rendre partie du prix.

En l'espèce, Madame M. démontre avoir sollicité par lettre avec accusé de réception du 23 août 2013 la réparation du véhicule, de surcroît alors qu'il bénéficiait d'une garantie contractuelle de 6 mois, qu'elle a ensuite adressé à la société Salèves Automobiles un mail du 30 août 2013 dans le même sens de demande de réparation, puis que l'UFC Que Choisir a écrit au garage les 27 septembre et 15 octobre 2013 pour déplorer l'absence de toute réponse.

Dès lors, en l'absence de toute réaction de la part de la société Salèves Automobiles à la demande en réparation de Madame M. dans le délai légal d'un mois de l'article L.211-10 du Code de la consommation, c'est à bon droit que le tribunal, faisant application des dîtes dispositions, a prononcé la résolution de la vente, ce qui correspond à la possibilité pour l'acquéreur de " rendre le bien et se faire restituer le prix ".

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

sur la réparation des préjudices de Madame M.

1) au titre des frais de diagnostic

En l'absence de facturation de ceux-ci, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Madame M. de ce chef de demande.

2) au titre du préjudice de jouissance

Il est incontestable que Madame M. est privé de la jouissance de son véhicule du fait de la panne majeure qui l'affecte et du refus de la société Salèves Automobiles de le réparer.

Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a indemnisé ce préjudice à hauteur de la somme de 7€ par jour, depuis la panne jusqu'à la date de la restitution du prix de vente, déduction faite de la durée durant laquelle Madame M. a loué un véhicule.

3) au titre des frais de location de véhicule

Au regard des justificatifs produits, le jugement entrepris, qui a condamné la société Salèves Automobiles à payer, à ce titre, la somme de 648,16€, sera confirmé sur ce point.

4) sur les frais de gardiennage

Depuis le jour de la panne, le véhicule litigieux est stationné auprès de la société Grenoble Sport Auto.

A ce stade de la procédure, si ce garage n'a pas sollicité l'indemnisation du gardiennage qu'il effectue depuis bientôt cinq ans, il convient de garantir Madame M. d'une éventuelle demande à ce titre alors que cette prise en charge est la conséquence de la responsabilité de la société Salèves Automobiles.

Le jugement déféré sera réformé sur ce seul point et la société Salèves Automobiles sera condamnée à prendre en charge, sur justificatifs, les frais de gardiennage qui pourraient être facturés à Madame M..

2/ sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au seul bénéfice de Madame M..

Enfin, la société Salèves Automobiles les dépens de la procédure d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré sauf sur le rejet de la demande de Madame Evelyne M. au titre des frais de gardiennage, Statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société Salèves Automobiles à prendre en charge, sur justificatif de facture acquittée, les frais de gardiennage éventuellement facturés à Madame Evelyne M., Y ajoutant, Condamne la société Salèves Automobiles à payer à Madame Evelyne M. la somme de 3 000€ par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Salèves Automobiles aux dépens de la procédure d'appel.