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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 22 juin 2018, n° 15-06613

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Compagnie Générale de Location (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Dotte Charvy, M. Pothier

Avocats :

Mes Bettini Malecot, Moncoq, Leclercq

TGI Saint-Malo, du 24 juin 2015

24 juin 2015

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable de location avec option d'achat acceptée le 10 mai 2007, la société Compagnie générale de location d'équipement (la CGL) a loué à Mme X un véhicule Audi A3 d'une valeur de 34 257 euros TTC pour une durée de 36 mois, avec faculté de l'acquérir moyennant un prix égal à 43,787 % de la valeur initiale, soit 15 000 euros.

Le 3 juin 2010, M. Y s'est porté acquéreur de ce véhicule qui présentait alors un kilométrage de 68 000 kilomètres, en réglant les sommes de 15 075 euros à la CGL et de 2 125 euros à Mme X.

Prétendant avoir constaté l'apparition de divers désordres affectant la climatisation et le moteur dans les jours suivants la vente, M. Y a, selon ordonnances de référé des 9 juin 2011 et 9 février 2012, obtenu l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

Puis, après le dépôt du rapport de l'expert H. intervenu le 2 mai 2012, il a, par acte du 14 août 2012, fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Saint-Malo Mme X et la CGL en résolution de la vente, restitution du prix et paiement de dommages intérêts.

Par jugement du 24 juin 2015, le premier juge a :

• déclaré l'action de M. Y recevable,

• prononcé la résolution de la vente, condamné M. Y à restituer le véhicule,

• condamné la CGL à restituer le prix de 15 075 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012,

• condamné Mme X, qualifiée de " vendeur intermédiaire ", à restituer sa commission sur le prix de vente de 2 125 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012,

• condamné Mme X à garantir la CGL à hauteur de la moitié du prix de vente, soit 7 537,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012,

• condamné solidairement Mme X et la CGL à payer à M. Y les sommes de 3 960,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, au titre du préjudice matériel, de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 2 000 euros au titre du préjudice moral,

• condamné solidairement Mme X et la CGL au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile incluant des frais d'avocat pour 109,48 euros, ainsi qu'aux dépens, incluant des frais du référé et de l'expertise.

• Mme X a relevé appel de cette décision le 18 août 2015.

La CGL a également relevé appel principal de cette décision le 20 août 2015.

Le conseiller de la mise en état a joint les deux procédures le 7 septembre 2015 et, par ordonnance du 14 octobre 2016, a ordonné l'exécution provisoire des chefs du jugement ayant déclaré l'action recevable, prononcé la résolution de la vente, condamné M. Y et la CGL aux restitutions réciproques et Mme X à la restitution de la somme de 2 125 euros.

Soutenant n'être intervenue à l'opération qu'en qualité d'intermédiaire et cessionnaire du contrat de location avec option d'achat, Mme X demande à la cour de :

• déclarer la demande formée à son encontre irrecevable faute d'intérêt à agir, débouter M. Y et la CGL de leurs demandes formées à son encontre, condamner in solidum M. Y et la CGL au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Prétendant que Mme X devait être considérée comme la venderesse du véhicule, la CGL demande quant à elle à la cour de :

• débouter M. Y des demandes formées à son encontre, subsidiairement, débouter M. Y de ses demandes en paiement de dommages intérêts, condamner Mme X à garantir intégralement la CGL de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

• condamner M. Y ou, à défaut, Mme X au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. Y conclut pour sa part à la confirmation de la décision attaquée tout en réclamant de façon contradictoire des dommages intérêts d'un montant supérieur à ceux alloués par le premier juge et la fixation du point de départ des intérêts moratoires au 3 juin 2010.

Il sollicite en outre la condamnation solidaire de Mme X et de la CGL au paiement d'une indemnité complémentaire de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, incluant ceux de l'incident.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X le 20 février 2018, pour la CGL le 30 août 2016, et pour M. Y le 5 mars 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 22 mars 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 3 juin 2010, alors que le contrat de location avec option d'achat conclu le 10 mai 2007 pour une durée de 36 mois venait à expiration, M. Y a acquis la propriété du véhicule moyennant le paiement des sommes de 15 075 euros à la CGL et de 2 125 euros à Mme X.

La CGL, qui lui a au demeurant délivré le certificat de cession de véhicule et qui a facturé et encaissé le prix de levée de l'option d'achat prévu au contrat du 10 mai 2007, est donc bien le vendeur, Mme X ayant quant à elle corrélativement cédé son droit de levée de l'option.

Cette opération formant un ensemble contractuel indissociable, la résolution de la vente conclue entre la CGL et M. Y entraînerait corrélativement la caducité de la cession du droit de levée d'option d'achat, de sorte que ce dernier à un intérêt à agir contre Mme X en restitution de la somme de 2 125 euros et en paiement de dommages intérêts.

Pour ces motifs, substitués à ceux du premier juge, c'est donc à juste titre que le jugement attaqué a déclaré cette action recevable.

Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule avait une culasse défectueuse, avarie grave d'une pièce maîtresse du moteur provoquant la fuite d'un cylindre, rendant le véhicule inapte à son fonctionnement et nécessitant pour y remédier de remplacer le moteur.

L'expert ajoute que ce désordre, qui résulte d'un défaut de respect des périodicités de vidange d'huile par l'utilisateur précédent, était indécelable pour un acquéreur non professionnel.

Il s'en évince que le véhicule vendu par la CGL était bien affecté d'un vice rédhibitoire, préexistant à la vente et caché pour l'acquéreur, ayant rendu la chose vendue impropre à son usage, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la résolution de la vente conclue entre la CGL et M. Y et ordonné les restitutions, de part et d'autre, du véhicule et du prix.

Étant rappelé que la vente et la cession par Mme X du droit de levée de l'option d'achat constituaient un ensemble contractuel indissociable et que la résolution de la première entraînait la caducité de la seconde, c'est également à juste titre que le premier juge a condamné la cédante à restituer au cessionnaire le prix de cession de 2 125 euros.

C'est aussi à juste titre que le premier juge a fixé le point de départ des intérêts moratoires à la date de l'assignation du 14 août 2012, étant de principe que les restitutions consécutives à l'anéantissement d'un contrat ne peuvent produire intérêts qu'à compter de la demande en justice équivalant à la sommation de payer, et non à compter du versement.

M. Y sollicite en outre la condamnation in solidum de la CGL et de Mme X au paiement de dommages intérêts en réparation de ses préjudices matériels étrangers aux frais de la vente (intérêts de l'emprunt contracté en vue de financer l'acquisition du véhicule, location d'un garage, taxe d'habitation sur le garage, frais de remorquage du véhicule, location d'un véhicule de remplacement, frais de déplacement routiers et ferroviaires, frais de gardiennage, frais d'assurance du véhicule) ainsi que de ses préjudices moral, financier et de jouissance.

Toutefois, le vendeur n'est, aux termes de l'article 1645 du Code civil, tenu au paiement de dommages intérêts que s'il connaissait le vice affectant la chose vendue ou si, en sa qualité de vendeur professionnel, il était réputé le connaître.

Or, la CGL, société de financement de matériels de tous ordres, ne saurait être assimilée à un professionnel du négoce automobile lorsqu'elle cède un véhicule en vertu de la clause de levée de l'option d'achat, dès lors qu'elle ne l'a jamais détenu, celui-ci ayant été directement livré à la locataire qui devait contractuellement en assurer l'entretien, que cette dernière l'a elle-même remis à M. Y, et que la CGL ne pouvait donc connaître les vices susceptibles de l'affecter au moment de la vente.

Par ailleurs, Mme X, qui n'a pas la qualité d'un vendeur tenu à la garantie des vices cachés mais a seulement cédé son droit de levée de l'option d'achat, ne saurait être tenue au paiement de dommages intérêts que s'il était démontré qu'elle a fautivement négligé l'entretien du véhicule lorsqu'elle en était la locataire.

Or, à cet égard, il ressort de l'expertise judiciaire que le véhicule était doté d'un réglage " long life " permettant d'espacer l'entretien de 15 000 à 25 000 kilomètres, que Mme X avait fait effectuer les vidanges comme s'il bénéficiait du réglage " long life ", de sorte qu'elle " a utilisé sa voiture semble-t-il normalement mais avec un réglage inapproprié ou des consignes orales d'entretien inappropriées ", et qu'il fallait " avoir un bac + 10 pour comprendre la notice d'utilisation ".

De fait, Mme X, qui conteste avoir déposé le bidon de liquide de refroidissement trouvé dans le coffre du véhicule au moment de l'expertise judiciaire, affirme avoir prévenu M. Y au moment de la vente, intervenue à 68 000 kilomètres alors que la vidange précédente avait été réalisée à 42 453 kilomètres, que la vidange était à faire.

D'autre part, l'expert n'a pu déterminer si le voyant rappelant au conducteur la nécessité de procéder à l'entretien s'allumait en mode " long life " ou non, et, si le chef d'atelier du garage agréé par le constructeur Audi a apposé manuscritement sur un protocole de diagnostic dressé le 23 mars 2012 que l'entretien était à réaliser tous les 15 000 kilomètres, rien ne démontre que Mme X en ait été informée au moment où elle a reçu livraison du véhicule.

Il n'est donc pas établi que celle-ci ait fautivement négligé l'entretien du véhicule lorsqu'elle en était la locataire.

C'est donc à tort que le jugement attaqué a condamné solidairement la CGL et Mme X au paiement de dommages intérêts.

Le premier juge a en outre condamné Mme X à garantir la CGL de sa condamnation à restitution du prix de vente dans la limite de moitié, et, au titre de son appel, la CGL demande à la cour d'être intégralement relevée indemne de cette condamnation.

Cependant, la restitution du prix n'incombe qu'au vendeur auquel la chose vendue est restituée, celui-ci ne pouvant en conséquence être garanti par un tiers d'une obligation résultant des obligations de restitution de part et d'autre.

Partie principalement succombante en première instance comme en appel, la CGL supportera la totalité des dépens de première instance, incluant les frais du référé et de l'expertise, et de l'appel, incluant ceux de l'incident.

Elle sera d'autre part seule condamnée à indemniser M. Y de ses frais irrépétibles de première instance dans la proportion de 4 000 euros équitablement arbitrée par le premier juge.

Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Y et de Mme X l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte que la CGL sera condamnée à leur payer une indemnité de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 24 juin 2015 par le Tribunal de grande instance de Saint-Malo en ce qu'il a : dit que Mme X était un vendeur intermédiaire, condamné Mme X à garantir la société Compagnie générale de location d'équipements (CGL) à hauteur de la moitié du prix de vente, soit 7 537,50 euros, condamné solidairement Mme X et la société Compagnie générale de location d'équipements (CGL) à payer à M. Y les sommes de 3 960,07 euros au titre du préjudice matériel, de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 2 000 euros au titre du préjudice moral, condamné Mme X au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance, incluant les frais du référé et de l'expertise ; Déboute M. Y de ses demandes en paiement de dommages intérêts ; Déboute la société Compagnie générale de location d'équipements (CGL) de sa demande de garantie ; Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; Condamne la société Compagnie générale de location d'équipements (CGL) à payer à M. Y et à Mme X une somme de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Compagnie générale de location d'équipements (CGL) aux dépens de première instance, incluant les frais du référé et de l'expertise, et d'appel, incluant ceux de l'incident ; Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.