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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 26 juin 2018, n° 16-01853

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Peugeot (SA)

Défendeur :

SICMA (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Combes

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

Avocats :

Mes Grandgonnet, Barety, Gasperoni, Grimaud, Le Ray, Guido, Reboul, Bordon

TGI Grenoble, du 21 mars 2016

21 mars 2016

EXPOSE DU LITIGE

En janvier 2010, Stéphane G. et Frédérique M. ont acheté auprès de la société SICMA, concessionnaire Peugeot, un véhicule neuf Peugeot 5008, au prix de 21 939,50 euros.

Le 5 novembre 2012, Stéphane G. a constaté un manque de puissance du moteur alors qu'il circulait sur autoroute.

Une expertise amiable a été diligentée à l'initiative de l'assureur de Stéphane G.. L'expert a convoqué la société SICMA, vendeur, et la société Automobiles Peugeot, constructeur, laquelle ne s'est pas présentée aux opérations d'expertise.

Stéphane G. et Frédérique M. ont fait procéder aux travaux de réparation du véhicule le 25 février 2013.

Par actes des 4 et 13 juin 2013, ils ont assigné la société Automobiles Peugeot et la société SICMA devant le Tribunal de grande instance de Grenoble en paiement des sommes de 10 096,31 euros au titre des réparations et de 2 500 euros au titre du préjudice de jouissance, sur le fondement de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, de la responsabilité contractuelle du garagiste.

Par jugement du 21 mars 2016, le tribunal a :

- condamné la société SICMA à payer à Stéphane G. et Frédérique M. les sommes de :

• 10 096,31 euros au titre de la réparation du moteur,

• 2 260 euros au titre du préjudice de jouissance,

• 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la société Automobiles Peugeot à payer à la société SICMA la totalité des condamnations prononcées à son encontre,

- condamné la société Automobiles Peugeot à payer à la société SICMA la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Automobiles Peugeot a relevé appel de cette décision le 18 avril 2016.

Par conclusions du 12 juillet 2016, elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 et suivants du Code civil, d'infirmer le jugement et de :

- dire que Stéphane G. et Frédérique M. ne rapportent pas la preuve de l'existence et de la cause d'un vice caché antérieur à la première mise en circulation du véhicule,

- en conséquence, les débouter de l'intégralité de leurs demandes et dire sans objet l'appel en garantie formé par la société SICMA à son encontre,

- subsidiairement, dire que Stéphane G. et Frédérique M. ne rapportent pas la preuve du respect des préconisations du constructeur,

- dire que le défaut d'entretien, qui leur est imputable, l'exonère totalement de sa responsabilité et les débouter de leurs demandes,

- dire que la société SICMA ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation de résultat lors des opérations d'entretien du véhicule les 9 mai 2011 et 2 juillet 2012,

- dire que l'intervention fautive de la société SICMA, seule à l'origine des désordres survenus sur le véhicule, l'exonère totalement de sa responsabilité,

- dire que la preuve d'une faute contractuelle à l'égard de la société SICMA n'est pas rapportée,

- débouter Stéphane G., Frédérique M. et la société SICMA de l'intégralité de leurs demandes,

- très subsidiairement, dire que Stéphane G. et Frédérique M. ne justifient de leur demande au titre du préjudice de jouissance, ni dans son principe, ni dans son montant, et les débouter,

- condamner la société SICMA à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle soutient qu'en l'état des constatations de l'expert, la preuve n'est pas rapportée d'un vice caché.

Subsidiairement, si un vice caché était retenu, elle estime que sa responsabilité est exonérée en raison :

- du défaut d'entretien imputable aux consorts S.G. (dépassements du pas de révision périodique du véhicule à deux reprises : 13 140 kilomètres pour la 1ère révision et 5 404 kilomètres pour la seconde)

- du manquement de la société SICMA à son obligation de résultat lors de ses interventions pour la révision

- de l'absence de tout manquement contractuel à l'égard de la société SICMA, avec laquelle elle n'a aucun lien contractuel.

Elle relève que le raisonnement du tribunal revient à vider entièrement de son contenu l'obligation de résultat qui pèse sur les garagistes réparateurs.

Par conclusions du 9 septembre 2016, la société SICMA demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter Stéphane G. et Frédérique M. de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle sollicite subsidiairement la condamnation de la société Automobiles Peugeot à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que le tribunal a justement retenu que la preuve d'un vice caché antérieur à la vente n'était pas rapportée, mais qu'il n'a pas étendu son raisonnement à l'action fondée sur la responsabilité contractuelle du garagiste.

Elle soutient que :

- les demandeurs ne démontrent pas que les désordres constatés sur le véhicule, trois ans et 68.112 kilomètres après la vente, proviennent d'un vice caché préexistant à la vente, notamment compte tenu du défaut avéré d'entretien du véhicule,

- ils ne démontrent pas que le défaut d'étanchéité des injecteurs était présent au moment de son intervention et n'établissent aucun manquement contractuel de sa part.

Elle sollicite subsidiairement la garantie de la société Automobiles Peugeot, en faisant valoir qu'elle a respecté le programme de révision du constructeur et que celui-ci ne prévoyait aucunement un resserrage des injecteurs.

Par conclusions du 12 septembre 2016, Stéphane G. et Frédérique M. demandent à la cour de confirmer le jugement et de condamner in solidum la société Automobiles Peugeot et la société SICMA à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

A titre subsidiaire, ils demandent la condamnation in solidum de la société Automobiles Peugeot et la société SICMA à leur payer les sommes de 10 096,31 euros au titre des réparations et de 2 500 euros au titre du préjudice de jouissance, sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Ils sollicitent, à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la société SICMA au paiement de ces sommes sur le fondement de la responsabilité contractuelle, pour avoir commis une faute dans l'exécution de son obligation d'entretien du véhicule.

Ils soutiennent, à l'appui de leur demande fondée sur la garantie des vices cachés, que les désordres ont pour origine un défaut d'étanchéité des injecteurs qui constitue, selon l'expert, un défaut de conception récurrent sur ce type de véhicule ; qu'il s'agit d'un vice antérieur à la vente et que l'avarie n'est aucunement en lien avec un défaut d'entretien.

Ils soutiennent, subsidiairement, que la société SICMA a failli à son obligation de résultat lors des opérations d'entretien et de révision du véhicule et que la société Automobiles Peugeot a commis une faute, à l'égard de la société SICMA, en ne préconisant pas le contrôle de l'étanchéité des injecteurs.

Ils indiquent avoir avancé les frais de réparation du véhicule et avoir été privés de son usage pendant quatre mois.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Les consorts G.M. agissent, à titre principal, sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'encontre de leur vendeur.

Le vendeur est tenu, en application de l'article 1641 du Code civil, de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Sur la demande formée contre la société SICMA

Il ressort du rapport d'expertise amiable diligentée au contradictoire de la société SICMA et de la société Automobiles Peugeot, laquelle a fait le choix de ne pas se présenter, que les désordres constatés sur le véhicule ' destruction du turbo compresseur et dégradation des organes mobiles du moteur ' sont la conséquence d'un encrassement anormal du circuit de graissage, notamment du colmatage de la crépine d'aspiration de la pompe à huile.

L'expert explique que les goudrons provoquant le colmatage sont issus d'une polymérisation de l'huile par oxydation consécutive à un défaut d'étanchéité des injecteurs.

Il précise que cette anomalie provient d'un défaut de conception des injecteurs, ce que la société SICMA et la société Automobiles Peugeot contestent, sans toutefois apporter d'éléments techniques de nature à contredire les constatations de l'expert.

Dès lors que le vice est imputable à un défaut originel de conception, il préexistait à la vente.

Il n'était pas visible pour un non professionnel de l'automobile et a entraîné une détérioration du moteur, rendant le véhicule impropre à son usage.

Il n'est aucunement démontré que l'irrespect par les consorts G.M. du planning kilométrique d'entretien du véhicule aurait permis d'éviter les désordres.

La société SICMA est donc tenue de la garantie des vices cachés.

En application de l'article 1644 du Code civil, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Les consorts G.M. ont fait procéder aux réparations et sont fondés en leur demande de restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier au vice, soit 10 096,31 euros selon facture du 25 février 2013.

En application de l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices affectant la chose vendue.

La société SICMA, en sa qualité de concessionnaire, ne pouvait ignorer le vice et devra réparer le préjudice de jouissance subi par les consorts G.M. et que le tribunal a justement évalué, au regard des pièces produites, à la somme de 2 260 euros.

Sur la demande formée par la société SICMA contre le constructeur

La société SICMA a acheté le véhicule à l'état neuf à la société Automobiles Peugeot, et agit à l'encontre de celle-ci sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le vice affectant le véhicule est un défaut de conception des injecteurs qui existait par conséquent lors de la vente initiale à la société SICMA.

La société Automobiles Peugeot ne démontre pas l'existence d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de la garantie qu'elle doit à son acquéreur.

Elle devra donc garantir la société SICMA du moment des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

Le jugement doit par conséquent être intégralement confirmé.

L'équité commande que la société Automobiles Peugeot verse aux consorts G.M. une indemnité de procédure pour les frais exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, - Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant, - Condamne la société Automobiles Peugeot à payer aux consorts G.M. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - Condamne la société Automobiles Peugeot aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.