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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 29 juin 2018, n° 17-04850

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tech'Service (SARL)

Défendeur :

Toshiba Systèmes France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Lerioux, Etevenard, Troncquée

T. com. Paris, du 23 janv. 2017

23 janvier 2017

Faits et procédure

Le 12 mars 2014, la société Tech'Service, spécialisée dans la réparation de matériels électroniques, a conclu un contrat de maintenance avec la société Toshiba Systèmes France par lequel elle s'engageait à fournir des prestations de maintenance dans le cadre du service après-vente des produits de la marque Toshiba. Ledit contrat prévoyait un terme au 31 décembre 2014 avec une possibilité de reconduction tacite pour un an.

Par acte du 26 septembre 2014, la société Toshiba Systèmes France a cédé à la société Toshiba Europe GmbH la partie de son fonds de commerce correspondant au contrat de maintenance.

Par courrier du 7 octobre 2014, la société Toshiba Systèmes France a notifié à la société Tech'Service la fin du contrat au 31 décembre 2014. Ce courrier indiquait que si la société Tech'Service souhaitait continuer son activité de maintenance pour les produits Toshiba, elle devait en référer à la société Toshiba Europe GmbH.

La société Tech'Service a considéré que la société Toshiba Systèmes France avait rompu le contrat au mépris de ses droits.

Par assignation délivrée le 10 juillet 2015 à la société Toshiba Systèmes France, la société Tech'Service a saisi le Tribunal de commerce de Paris d'une demande visant à faire condamner la société Toshiba Systèmes France au paiement des sommes de :

36 003,39 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation irrégulière

48 006,08 euros pour rupture brutale des relations commerciales

Par jugement rendu le 23 janvier 2017, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit l'assignation recevable ;

- dit les demandes de la société Tech'Service irrecevables ;

- condamné la société Tech'Service à payer à la société Toshiba Systèmes France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- condamné la société Tech'Service aux dépens.

Le Tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevables les demandes de la société Tech'Service en application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles. Les premiers juges ont en effet constaté que la société Tech'Service sollicitait la condamnation de la société Toshiba Systèmes France à la fois sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ce cumulativement et non subsidiairement.

La société Tech'Service a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration du 7 mars 2017.

Prétentions des parties

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 22 mai 2017, auxquelles il est fait référence pour plus amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Tech'Service sollicite de la cour de :

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,

Vu les articles 56, 73, 74, 122, 123, 127, 515 et 700 du Code de procédure civile,

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

juger l'appelante recevable et bien fondée,

rejeter et débouter la société Toshiba Systèmes France de ses exceptions et/ou irrecevabilités,

à titre principal, condamner la société Toshiba Systèmes France à payer à la société Tech'Service la somme de 48 006,08 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales,

à titre subsidiaire, constater l'irrégularité de la résiliation du contrat du 12 mars 2014,

en conséquence, condamner subsidiairement la société Toshiba Systèmes France à payer à la société Tech'Service la somme de 36 003,39 euros au titre de dommages et intérêts,

condamner la société Toshiba Systèmes France à payer à la société Tech'Service la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Toshiba Systèmes France aux entiers dépens,

Sur la prétendue cession des activités de la société Toshiba Systèmes France à la société Toshiba Europe GmbH,

La société Tech'Service soutient que la société Toshiba Systèmes France ne peut lui opposer la cession d'une partie de son fonds de commerce. Elle explique que la société Toshiba Systèmes France affirme elle-même être restée en charge de la gestion des contrats de maintenance malgré la cession. En outre elle ajoute qu'elle n'a jamais reçu notification de la prétendue cession et que c'est bien la société Toshiba Systèmes France qui a dénoncé le contrat de maintenance. Elle prétend également que la cession d'un fonds de commerce n'entraine pas nécessairement la cession automatique des contrats au profit du cessionnaire.

Sur l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales,

La société Tech'Service soutient qu'elle entretient des relations commerciales avec la société Toshiba Systèmes France depuis 1999. Elle explique que pendant toute la durée de leurs relations commerciales, la société Toshiba Systèmes France ne s'est jamais plainte de la qualité du service fourni. Elle explique qu'aucun avertissement ou mise en demeure n'a pu lui permettre d'envisager une interruption de leurs relations commerciales. Elle rappelle que la société Toshiba Systèmes France ne lui a donné aucun préavis alors qu'elle aurait dû respecter un préavis de 16 mois.

Elle prétend que sa marge brute moyenne s'élève à la somme de 631 638,50 euros. Elle prétend également qu'elle réalise en moyenne 5,7 % de son chiffre d'affaires avec la société Toshiba Systèmes France. Elle sollicite donc la somme de 48 006,08 euros.

Sur l'irrégularité de la résiliation du contrat du 12 mars 2014,

La société Tech'Service rappelle que l'article 3 du contrat prévoyait, en cas de résiliation, un préavis de 3 mois. Or elle explique que la société Toshiba Systèmes France lui a notifié la résiliation du contrat le 7 octobre 2014, soit moins de 3 mois avant le terme du contrat. Elle en déduit que le contrat doit être considéré comme tacitement reconduit à partir du 30 septembre 2014 jusqu'au 31 décembre 2015. Elle sollicite une indemnisation calculée comme l'indemnisation pour rupture brutale mais sur 12 mois, soit la somme de 36 003,39 euros.

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 12 juillet 2017, auxquelles il est fait référence pour plus amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Toshiba Systèmes France sollicite de la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu l'article 1134 du Code civil,

recevoir la société Toshiba Systèmes France en ses demandes,

A titre principal,

confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2017 en ce qu'il a dit les demandes de la société Tech'Service irrecevables,

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Tech'Service à payer à la société Toshiba Systèmes France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Tech'Service aux dépens,

Subsidiairement,

débouter purement et simplement la société Tech'Service des demandes formulées, fins et conclusions, au regard des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

débouter purement et simplement la société Tech'Service des demandes formulées, fins et conclusions, dès lors que la résiliation est intervenue conformément aux dispositions contractuelles

Y ajoutant,

condamner la société Tech'Service à régler à la société Toshiba Systèmes France la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

condamner la société Tech'Service à régler à la société Toshiba Systèmes France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Tech'Service aux dépens,

Sur la cession du fonds de commerce de la société Toshiba Systèmes France à la société Toshiba Europe GmbH,

La société Toshiba Systèmes France soutient que la société Tech'Service ne peut prétendre ignorer cette cession puisqu'un avis a été publié au BODACC. Elle ajoute que l'ensemble de ses fournisseurs et prestataires ont été informés de la cession d'une partie de son fonds de commerce par courrier du 12 septembre 2014. Elle explique que ce courrier indiquait que " les activités relatives aux gammes de produits informatiques et électriques Grand Public actuellement distribuées par Toshiba Systèmes France seront transférées à Toshiba Europe GmbH ".

Elle affirme que la société Toshiba Systèmes France ne conteste pas qu'il existe une clause de cession au profit de la société Toshiba Systèmes France.

Elle rappelle en outre que le 14 octobre 2014, la société Tech'Service a directement écrit à la société Toshiba France GmbH qu'elle confirmait sa volonté de continuer le partenariat de maintenance avec elle. De même, elle rappelle que le 6 novembre 2014, la société Tech'Service a facturé directement la société Toshiba France GmbH.

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Tech'Service,

La société Toshiba Systèmes France soutient que la société Tech'Service n'a pas critiqué le jugement déclarant irrecevables ses conclusions en raison de la violation du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. Elle en déduit que la société Tech'Service reconnaît le bien-fondé dudit jugement et l'acquiesce.

Elle en déduit que les demandes de la société Tech'Service doivent être déclarées irrecevables.

Sur les demandes de la société Tech'Service au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

La société Toshiba Systèmes France soutient que la durée des relations commerciales avec la société Tech'Service ne peuvent attester ni de l'intensité des dites relations commerciales ni de la pérennité de celle-ci. Elle rappelle qu'elle ne s'est jamais engagée à fournir un volume d'affaires déterminée. Elle explique que les interventions de la société Tech'Service ne dépendait pas d'elle mais de tiers qui faisait librement appel à ses services. Elle soutient également que la société Tech'Service ne pouvait ignorer l'amenuisement du marché sur lequel elle intervenait, compte de la perte de valeur des matériels concernés. Dès lors elle assure que la société Tech'Service ne pouvait légitiment croire à la pérennité de leurs relations commerciales

Elle ajoute qu'avant même la résiliation du contrat, la société Tech'Service, consciente de la fin prochaine de leur partenariat, a recherché et obtenu l'agrément d'autres fabricants. Elle explique ainsi qu'en 2014, elle a obtenu l'agrément de la marque Haier et de la marque Vestel et en 2017, l'agrément de la société Panasonic. Elle soutient en outre qu'il était évident qu'après avoir cédé une partie de son activité à la société Toshiba Systèmes France, elle mettrait un terme aux contrats de maintenance correspondant à cette activité. Elle en déduit que la rupture de leurs relations commerciales était prévisible.

Elle soutient de surcroît qu'elle a respecté le préavis contractuel puisque les relations avec la société Tech'Service n'ont pas cessé du jour au lendemain. Elle explique que la société Tech'Service a continué à assurer la maintenance des téléviseurs Toshiba, et ce du 7 octobre 2014 au 31 janvier 2015. Elle assure que pendant cette période, la société Tech'Service a continué de bénéficier des prestations prévues au contrat. Elle explique qu'au-delà, la société Tech'Service a continué son activité de maintenance avec la société Toshiba Europe GmbH.

Elle ajoute que le calcul de la durée du préavis ne repose pas que sur la durée des relations commerciales mais également sur la nature des produits, l'importance financière des relations commerciales et des investissements réalisés. Elle rappelle que la société Tech'Service a elle-même indiqué qu'elle ne réalise que 5,7 % de son chiffre d'affaires avec elle. Elle en déduit qu'un préavis de 16 mois est excessif.

Elle soutient enfin que la société Tech'Service ne verse aucun élément probant permettant de justifier la réalité de son préjudice. Elle explique ainsi que la société Tech'Service ne fournit que les bilans des années 2012 et 2013 alors qu'elle calcule la proportion de son chiffre d'affaires réalisée avec elle sur 6 ans.

Sur la résiliation,

La société Toshiba Systèmes France soutient qu'elle a parfaitement respecté les termes de l'article 3 du contrat du 12 mars 2014. Elle affirme en effet que cet article ne prévoit pas de préavis de 3 mois. Elle explique que l'article 3 du contrat prévoit simplement que la dénonciation du contrat doit intervenir avant la fin de la période initiale, soit le 31 décembre 2014, et qu'à compter de cette date, un préavis de 3 mois doit être respecté. Elle indique que la société Tech'Service a effectivement bénéficié d'un préavis de 3 mois puisqu'elle a dénoncé le contrat le 7 octobre 2014 et que les comptes entre les parties ont été clôturés le 31 janvier 2015.

Elle soutient que la société Tech'Service avait en outre parfaitement accepté la résiliation du contrat puisque dès le 14 octobre 2014, elle se tournait vers la société Toshiba Europe GmbH et facturait directement cette dernière, considérant ainsi cette dernière comme son unique partenaire.

Elle prétend en tout état de cause que la société Tech'Service n'établit pas la réalité de son préjudice puisqu'elle ne produit aucun élément probant.

Sur la demande de la société Toshiba Systèmes France pour procédure abusive,

La société Toshiba Systèmes France soutient que la société Tech'Service s'est contentée, trois mois après avoir interjeté appel, de signifier des conclusions d'appel qui ne sont que la reproduction de ses conclusions de première instance.

SUR CE

Considérant que la société Tech'Service, appelante, ne soutient aucun moyen sur la recevabilité de sa demande se contentant de reprendre ses moyens sur le fond de première instance,

qu'il est établi que par assignation délivrée le 10 juillet 2015 à la société Toshiba Systèmes France, la société Tech'Service a saisi le Tribunal de commerce de Paris d'une demande au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 1134 et 1147 du Code civil visant à faire condamner la société Toshiba Systèmes France au paiement des sommes de :

36 003,39 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation irrégulière,

48 006,08 euros pour rupture brutale des relations commerciales,

que les demandes d'indemnisation qui concernent le même fait générateur intitulé soit résiliation soit rupture résultant du courrier 7 octobre 2014 envoyé par Toshiba notifiant à la société Tech'Service AGEPS la fin du contrat au 31 décembre 2014 sont faites de façon cumulative,

que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré cette demande irrecevable en application du principe du non-cumul de responsabilité, la réparation du préjudice résultant de la résiliation irrégulière étant demandé au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil (responsabilité contractuelle) et l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales établies au visa de l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce (responsabilité délictuelle),

que cette demande n'a pas été faite à titre subsidiaire,

qu'il y a donc lieu à confirmer le jugement entrepris;

Considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ce que la société Toshiba n'a pas établi,

qu'en l'espèce, la société Tech'ServiceS n'a fait qu'user de son droit d'ester en justice,

qu'il y a donc lieu à rejeter la demande en dommages et intérêts de Toshiba;

Considérant que l'équité impose de condamner la société Tech'ServiceS à payer à la société Toshiba la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; Déboute la société Toshiba de sa demande en dommages et intérêts ; Condamne la société Tech'ServiceS à payer à la société Toshiba la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens.