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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 10 juillet 2018, n° 16-02150

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Onepi (SAS), AMC Interim & Recrutement Montpellier

Défendeur :

Synergie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

s : Mmes Olive, Gonzalez

C.A. Montpellier, du 8 mars 2016

8 mars 2016

La société Synergie est une entreprise de travail temporaire qui exploite un réseau d'environ 250 agences sur le territoire national dont une agence à Montpellier.

Elle a employé dans cette agence, composée par ailleurs de trois autres personnes :

- Mme Sylvaine B. par contrat de travail à durée déterminée du 29 février 2012 conclu dans le cadre d'un contrat unique d'insertion pour une durée d'un an prenant effet le 12 mars 2012 jusqu'au 13 mars 2013, en qualité de chargée de recrutement, catégorie employée,

- Mme Clarisse Egee G. embauchée en qualité de chargée de recrutement catégorie 'employé' par contrat de travail à durée déterminée du 11 juin 2012 conclu pour un motif de surcroît temporaire d'activité lié à une augmentation des commandes de plusieurs clients, ledit contrat prenant effet le 25 juillet 2012 jusqu'au 30 mars 2013.

Ces deux salariées n'étaient pas liées par une clause de non concurrence.

La société AMC Intérim et Recrutement à Montpellier était un établissement secondaire de la société Axxis Intérim et Recrutement et une entreprise concurrente de Synergie. La société Onepi Interim vient aux droits de la société AMC Interim.

Par acte du 20 mars 2013, la société Synergie, faisant valoir que le 14 janvier 2013, elle avait été avisée que Mmes G. et B. allaient être embauchées par sa concurrente et avaient apporté à cette dernière un nombre importants de documents provenant de l'agence de leur employeur, a fait assigner la société AMC intérim et recrutement Montpellier devant le Tribunal de commerce de Montpellier aux fins de voir condamner cette dernière à lui payer la somme en principal de 221 257 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale et/ou parasitaire.

Par jugement du 12 mars 2014, le Tribunal de commerce de Montpellier a :

- vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,

- donné acte à Onepi de ce qu'elle venait aux droits d'Axxis,

- dit que l'action de la société Synergie est recevable et bien fondée,

- condamné la société Onepi venant aux droits d'Axxis à payer à la société Synergie la somme de 15 450 euros à titre de 'dommage et matériel' pour concurrence déloyale, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- débouté la société Onepi venant aux droits d'Axxis de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Onepi à 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- 'condamné aux entiers dépens' (sic).

La société Onepi a formé appel de cette décision par déclaration du 28 mars 2014.

Les parties ont demandé conjointement le retrait du rôle de l'affaire et il y a été fait droit par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 8 mars 2016.

L'affaire a été réenrôlée le 14 mars 2016.

La procédure a été clôturée le 15 mai 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2018, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Onepi demande à la Cour de :

- infirmer la décision du Tribunal de commerce de Montpellier du 12 mars 2014 en toutes ses dispositions,

- débouter la société Synergie de toutes ses demandes,

- recevoir la concluante en ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Synergie à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que :

- le tribunal de commerce a eu une lecture trop rapide du constat d'huissier adverse et en a déduit des éléments qu'il ne comporte pas ; les intérimaires ont posé leur candidature entre le 31 décembre 2012 et les premiers jours 2013 parce qu'ils n'étaient pas dans le fichier de la concluante avant, et leurs dossiers n'ont pu être détournés en novembre 2012 ; le constat démontre au contraire qu'aucun intérimaire n'a été intégré au sein d'Onepi avant qu'il ne pose sa candidature,

- la convocation de Mme B. par les services de police ne mentionne aucune des deux sociétés, la concluante a demandé en vain des explications au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nîmes,

- les documents litigieux, à les supposer transmis, n'ont aucun intérêt et ne sont source d'aucun secret, savoir-faire, confidentialité,

- Mme B. s'est rendue chez son concurrent quelques heures après avoir mis fin à la période d'essai, il s'agit d'une vengeance ; la concluante n'aurait pas demandé à une salariée en période d'essai de photocopier les documents détournés et ce n'est pas à elle de prouver qu'elle est 'innocente',

- la société Synergie ne démontre pas qu'elle aurait été victime de désorganisation,

- des intérimaires cités ne sont pas salariés de la concluante,

- 6 salariés étaient en contrat de travail temporaire chez Synergie, et leurs contrats avaient pris fin, ils n'ont donc pas été débauchés, le constat d'huissier démontre l'iniquité de la procédure,

- Mmes B. et Egée G. étaient en CDD et précarisées malgré la longue période travaillée, elles ont été embauchées par CDI, ce qui est encouragé et prévu par la loi et non répréhensible - elles n'étaient pas soumises à une clause de non concurrence,

- aucune liste de clients détournés n'est fournie, aucun intérimaire sous contrat non plus,

- la haute technologie, le savoir-faire et les stratégies commerciales spécifiques n'existent pas sur le secteur,

- un seul client est visé, la société Structure Bois, et cette société atteste avoir quitté Synergie pour des questions financières, il s'agit du jeu du marché et de la libre concurrence,

- l'attestation de Mme P., employée de Synergie, et relative aux conditions tarifaires appliquées au client, est sans effet, nul ne pouvant se faire de preuve à soi-même, les grilles tarifaires et conditions générales de vente proposées par Onépi sont les mêmes pour toutes les sociétés du groupe AMC,

- la perte alléguée de 257 200 euros n'est corroborée par aucune pièce ou attestation comptable d'un professionnel du chiffre,

- il ne reste que 7 % du chiffre d'affaires après paiement des charges, les autres frais allégués ne sont pas prouvés.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2018, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la Synergie demande à la Cour de :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faisant droit,

- in limine litis, rejeter comme tardives les conclusions de la société Onepi ainsi que la nouvelle pièce adverse n°13 signifiées le 25 avril 2018 alors que les conclusions de la concluante sont en date du 11 septembre 2017,

- à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé, à juste titre, que la société Onepi venant aux droits de la société Axxis a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Synergie,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le préjudice de la concluante s'élevait à 15 450 euros,

- condamner la société Onepi à lui payer la somme de 304 094,06 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale et/ou parasitaire,

- dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris sur le principe et l'infirmer sur le quantum,

- condamner la société Onepi à lui payer la somme de 127 912,33 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale et/ou parasitaire,

- dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris sur le principe et l'infirmer sur le quantum,

- condamner la société Onepi à lui payer la somme de 64 898,06 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale et/ou parasitaire,

- dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

- en tout état de cause,

- débouter la société Onepi de l'ensemble de ses demandes et de sa demande reconventionnelle non fondée, ni dans son principe, ni dans son quantum,

- condamner la société Onepi à lui verser la somme de 3 000 euros 'chacune' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle expose que :

- le 14 janvier 2013, elle a été avisée par Mme B., de ce que le 10 janvier 2013, le responsable de son agence mettait fin à sa période d'essai pour la remplacer par Mme Egée G. puis pour embaucher Mme B. ; cette dernière, le 31 décembre 2012, était venue dans les locaux d'AMC Intérim pour remettre à son futur employeur un nombre impressionnant de documents de chez Synergie et qu'il avait été demandé à Mme B. de les photocopier, qu'il s'agissait de dossiers complets d'intérimaires remis en plusieurs fois,

- Mme B. avait également laissé à l'agence AMC Intérim les originaux des CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité), retirés des dossiers, les conditions générales de vente de Synergie et les grilles tarifaires de clients,

- Mme B. avait formulé comme condition d'embauche celle de Mme Egee G., elle avait démissionné le 11 janvier 2013 sans respecter son préavis, et en gardant les clefs, obligeant un changement de serrures ; elle justifiait de son embauche par AMC Intérim à compter du 14 janvier 2013 en qualité d'attachée commerciale ; Mme Egée G. démissionnait le 15 janvier 2013 en faisant état de harcèlement moral et elle était embauchée par AMC Intérim,

- il est apparu au bénéfice d'AMC Intérim la captation de 6 intérimaires et d'une partie de la clientèle de la concluante, rendues possibles par le détournement illicite des fichiers clients intérimaires de la société Synergie au profit d'AMC Intérim,

- l'embauche fautive des salariés de la concluante aux fins de détournement de clientèle et d'intérimaires a désorganisé l'agence alors qu'elles constituaient le socle des salariés permanents et sans préavis, laissant l'agence sans chargées de recrutement ; elle n'a pu bénéficier de personnel de remplacement que quelques mois plus tard,

- la société Onepi a voulu se procurer le savoir-faire et des informations confidentielles concernant la concluante, ce qui a justifié l'embauche par AMC Intérim de Mmes B. et Egée G., il y a eu en conséquence concurrence déloyale et le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande du seul fait de l'absence de clause de non concurrence,

- le détournement de fichiers ne concerne pas des éléments indifférents mais des documents confidentiels, les fichiers constitutifs de documents commerciaux utiles ont été reproduits illicitement puis détournés au moyen de manœuvres déloyales ; la société Onepi a commis une faute en les acceptant et en les reproduisant ; le tribunal de commerce a à bon droit reconnu le détournement de fichiers propriété de Synergie, acquis aux moyens d'un savoir-faire propre et d'investissements importants,

- un procès-verbal du 8 août 2013 fait état des salariés intérimaires dont les fichiers ont été détournés et qui se sont retrouvés dans le fichier d'Onepi, ces contrats ont été conclus au moyen d'actes de concurrence déloyale ; il y a ainsi eu captation de 6 intérimaires par le biais de Mmes B. et Egée G., pour travailler chez un client la société Structure Bois, également capté de manière illicite, d'où une perte de chiffre d'affaires ; peu importe le fait que les intérimaires sont apparus dans le fichier d'AMC Intérim seulement un mois après la fin de leur mission par l'intermédiaire de la concluante pour laquelle ils n'ont plus travaillé par la suite,

- des clients ont également été captés au moyen de manœuvres anti-concurrentielles caractérisées par le débauchage de Mmes B. et Egée G. et la soustraction de documents confidentiels, outre le débauchage d'intérimaires,

- le tribunal de commerce a justement retenu l'attestation de Mme B. qui a été entendue par les services de police et a confirmé sa version, le 27 janvier 2014, cette audition a eu lieu en cours de délibéré et les services de police ont indiqué que l'audition avait été initiée par le tribunal de commerce ; il n'y a pas eu de remise de procès-verbal mais le tribunal de commerce a donné entièrement crédit à l'attestation libre, spontanée, volontaire et conforme à la réalité,

- subsidiairement, il y a eu des actes de parasitisme, par utilisation des fichiers clients, intérimaires et données personnelles,

- le courrier de rupture de la période d'essai de Mme B. est sans effet, de même que le témoignage irrégulier de la responsable de Structure Bois, on prête à tort une volonté de vengeance de Mme B.,

- si les documents captés étaient sans intérêt, son adversaire ne se les seraient pas procurés de manière illicite, et le travail temporaire a, comme d'autres activités, son savoir-faire propre et ses stratégies commerciales,

- c'est du fait des agissements adverses que les contrats des intérimaires ont pris fin de manière brutale et inexpliquée,

- il est sans incidence que Mmes B. et Egée G. aient été embauchées par Onepi par CDI et aucune prétendue précarité ne justifie leur comportement,

- c'est à la société Onepi de démontrer l'absence de détournement des fichiers, et de débauchage,

- elle n'a pas augmenté ses tarifs au préjudice du client Structure Bois avec laquelle elle a réalisé un chiffre d'affaires de 257 200 euros en 2012, elle a subi des frais et investissements, son préjudice est de 304 094,06 euros ; elle justifie de la perte du chiffre d'affaires généré par Structure Bois, certifié conforme ; son préjudice ne peut se limiter à 7 % de ce chiffre, mais 7 % sur 4 ans et demie, (durée de la relation), outre les frais soit 127 912,33 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la concurrence déloyale

Il convient de reprendre successivement tous les faits imputés à la société Onepi par la société Synergie qui a seule la charge de la preuve, contrairement à ce qu'elle affirme dans ses conclusions.

la transmission de documents

La société Synergie appuie principalement sa demande sur le témoignage de Mme B. qui affirme en substance, le 14 janvier 2013, qu'elle a pris son poste le 26 novembre 2012 avec une période d'essai de deux mois chez Onepi, que Sylvie B. est venue dans les locaux avec des dossiers de Synergie le 31 décembre 2012 et lui a demandé de photocopier divers documents dont les dossiers complets d'intérimaires, les conditions générales de vente et des grilles tarifaires des clients Synergie, qu'elle a téléphoné à sa collègue Clarisse pour que cette dernière envoie des dossiers, qu'il y avait des dossiers clients, que les CASES originaux avaient été pris dans les dossiers, que le 4 janvier 2013, Mme B. est venue à nouveau à l'agencer en demandant à une personne de Synergie de faxer des documents clients réceptionnés par le témoin, que le 10 janvier 2013 sa responsable d'agence lui a appris qu'il était mis fin à sa période d'essai et que le lendemain, Mme Egée G. est passée à l'agence pour un entretien d'embauche et pour la remplacer, que Mme B., le même jour, lui a appris qu'elle avait posé comme condition à son embauche celle de Mme Egée G., laquelle allait intenter un procès à la société Synergie, que Mme B. a contacté un employé de Synergie en lui indiquant notamment avoir conservé les clefs des locaux pour venir un week-end s'en servir, que sa responsable lui a demandé de former Mme Egée G. pendant sa prise de poste.

Ce témoignage doit être apprécié avec la plus grande circonspection en ce qu'il émane d'une personne pour laquelle la société Onepi venait de mettre fin à la période d'essai (est produit le courrier du 9 janvier 2013 mettant fin à la période d'essai au motif que Mme B. n'avait pas donné satisfaction) et qui s'est nécessairement trouvée en opposition d'intérêts avec cette société ainsi qu'avec Mmes B. et Egée G. qui ont bénéficié d'un emploi dans le même temps ; ce témoignage donné immédiatement à l'entreprise concurrente apparaît empreint de ressentiment et est de nature à nuire à la société Onepi de sorte qu'il ne peut à lui seul, en raison de son caractère subjectif, établir les faits qui y sont révélés s'ils ne sont confirmés par des éléments objectifs.

Il ne peut être tiré le moindre élément de la production d'une convocation de Mme B. le 16 janvier 2014 pour audition par les services de police, (pièce 48 bis), ce qui n'établit ni les motifs de cette audition, ni l'identité d'un plaignant, ni la teneur éventuelle de l'audition.

Aucun autre élément objectif n'accrédite les dires de Mme B.. Notamment, les extraits de courriels versés aux débats et comportant des commentaires comme 'dossier photocopié par Kamelia chez Axxis sur demande de Sylvaine' ne sont ni authentiques ni convaincants et n'établissement pas les agissements imputés aux deux salariées d'un transfert illicite de documents d'une société à l'autre.

En conséquence, la transmission de documents par Mmes B. et Egée G. n'est pas établie.

le débauchage de Mmes B. et Egée G.

S'il est constant que Mmes B. et Egée G. ont effectivement mis fin en cours de contrat à leur emploi auprès de la société Synergie pour intégrer la société Onepi, il est relevé que les contrats de travail les liant à la société Synergie étaient à durée déterminée de sorte que malgré la durée de ces contrats, elles restaient dans une situation précaire, la société Synergie ne justifiant pas leur avoir donné des assurances sur la poursuite de leurs relations. Il n'existait d'autre part aucune clause de non concurrence liant ces deux salariées à leur employeur.

En conséquence, le choix de Mmes B. et Egée G. de privilégier immédiatement un contrat de travail à durée indéterminée est de nature à expliquer leur attitude en dehors de toute manœuvre déloyale de la société Onepi. Ce choix est également privilégié par le droit du travail qui permet la rupture d'un CDD à l'initiative du salarié avant l'échéance du terme pour conclure un CDI.

En tout état de cause, les manœuvres ne sont pas démontrées et la société Synergie ne procède par ailleurs que par affirmations lorsqu'elle invoque une désorganisation, condition essentielle pour retenir la concurrence déloyale en cas de captation de salariés, étant rappelé que le contrat des deux salariées en cause devait se terminer à brève échéance et qu'elles ne pouvaient de ce fait être considérées comme le 'socle' des salariés de l'agence contrairement à ce qu'affirme la société Synergie.

Le débauchage fautif de Mmes B. et Egée G. par la société Onepi n'est donc pas retenu.

le débauchage d'intérimaires

Il est tout d'abord relevé que des salariés cités par la société Synergie n'ont jamais été salariés d'Onepi de sorte que leur mention est inopérante pour caractériser des actes de concurrence déloyale.

Le tribunal de commerce a retenu le 'captage' de 6 salariés intérimaires (R., V., N., V., H., G.).

La société Onepi produit un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 8 août 2013 sur sa demande mais retenu par le tribunal de commerce comme démontrant que ces salariés étaient inscrits dans le fichier d'AMC Intérim à la fin de l'année '2013" date à laquelle Mme B. était venue apporter déloyalement des éléments très complets sur eux, ce qui démontrait qu'ils avaient été apportés dans le fichier d'AMC Intérim par la démarche de Mme B..

Il est constant que les intérimaires en cause avaient été embauchés par la société Synergie.

Il résulte du constat d'huissier que ces intérimaires ont posé leur candidature auprès de la société Onepi à compter du 31 décembre 2012 et en janvier 2013. Il n'est cependant pas contesté que les contrats auprès de Synergie avaient alors tous pris fin, aucune prolongation de mission par avenant signée par les intérimaires en cause n'étant produite.

Il n'y a donc eu aucun débauchage au détriment de la société Synergie au profit de la société Onépi.

Les faits de concurrence déloyale ne sont donc pas établis s'agissant des six intérimaires.

le détournement de clientèle

Sur le détournement des clients invoqué par la société Synergie, un seul client de la société Synergie a été désigné nommément, la société Structure Bois, de sorte que les actes de détournement qui seraient susceptibles d'être concrètement retenus ne peuvent concerner que cette seule société.

Le tribunal de commerce a relevé que le courant d'affaire entre Synergie et Structure Bois représentait en 2012 la somme de 251 000 euros, que le chiffre d'affaires n'avait pas été renouvelé pour une raison qui 'pouvait résulter' des manœuvres de Mmes B. et Egée G. de sorte qu'il retenait le principe de captation et de détournement de clientèle.

Il appartient cependant à la partie qui se prévaut d'actes de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve et non de seulement les suggérer.

Le responsable de la société Structure Bois, M. Pascal D., a attesté de ce qu'il avait décidé de changer d'agence pour des raisons financières (augmentation des coûts) et décidé de travailler avec une structure plus coopératrice.

Si ce témoignage ne remplit pas toutes les conditions de l'article 202 du Code de procédure civile, la seule omission de la sanction pénale encourue en cas de faux témoignage n'entraîne pas la nullité de l'attestation à défaut de rapporter la preuve d'un grief, lequel n'est pas démontré.

Aucun élément du dossier n'établit que cette société, tiers au litige, délivre une attestation mensongère dans un esprit de collusion avec la société Onepi. Notamment, le témoignage de Mme P., selon laquelle il n'y avait pas eu d'augmentation de tarifs fin 2012 ne peut être déterminant puisqu'elle est salariée de la société Synergie.

Le témoignage de M. D. doit donc être retenu et la société Synergie ne rapporte aucun élément contraire de nature à prouver que ce client aurait été détourné ou capté de manière illicite par son adversaire à l'aide de manœuvres déloyales et n'aurait pas quitté l'agence Synergie en raison du seul jeu normal de la concurrence, quel que soit le volume d'affaires entre les sociétés en 2012.

La preuve d'un détournement de clientèle caractérisant des faits de concurrence déloyale n'est pas rapportée.

les actes de parasitisme

Le parasitisme est en droit constitué lorsqu'une société s'immisce dans le sillage d'une autre pour tirer profit de son savoir-faire et de ses investissements.

La société Synergie met en avant ce savoir-faire et ses investissements et se prétend victime d'actes de parasitisme de son adversaire qui se serait placé dans son sillage et aurait 'dépecé' son fonds de commerce.

Elle ne procède cependant que par affirmations lorsqu'elle met en avant un savoir-faire spécifique (conditions générales de vente, grilles tarifaires, fichiers) et des investissements importants qui auraient été détournés et copiés tandis que la société Onepi justifie pour sa part d'un mode de gestion similaire au sien pour les autres sociétés du groupe Axxis auquel elle appartient.

Aucun acte de parasitisme n'est en conséquence concrètement démontré.

Il découle de tout ce qui précède qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu à l'encontre de la société Onepi.

Le jugement est donc infirmé dans son intégralité et la société Synergie déboutée de ses prétentions.

Sur les dommages intérêts

La preuve d'un préjudice né de l'attitude de la société Synergie et distinct des frais de procédure n'est pas concrètement rapportée et la demande en paiement de dommages intérêts de la société Onepi sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La société Synergie qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens de premières instance et d'appel et l'équité commande de la condamner à payer à la société Onepi la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Montpellier le 12 mars 2014 dans toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Déboute la société Synergie de l'ensemble de ses prétentions. Déboute la société Onepi de sa demande en paiement de dommages intérêts. Condamne la Sa Synergie à payer à la Sas Onepi la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne-la Sa Synergie aux dépens de première instance et d'appel.