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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 juillet 2018, n° 17-13596

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Reder (SAS)

Défendeur :

Cooperative Groupements d'achats des Centres Leclerc , Vignerons Traditions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Renard, Lehmann

TGI Paris, du 16 juin 2017

16 juin 2017

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Reder exerce une activité de vente par correspondance sous le nom commercial L'Homme Moderne.

Elle est notamment titulaire d'une marque française semi-figurative l'homme moderne déposée le 11 septembre 2013, publiée le 4 octobre 2013 et enregistrée sous le n° 134031645 pour désigner divers produits et services en classe 3, 9, 16, 18, 24, 25, 28, 29, 33, 35, 39 et 41, et notamment les : 'vins, , services de vente en détail, en gros, par correspondance et en ligne de supports d'enregistrement numériques, de supports de données numériques, de clés USB, services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins'.

La société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (ci-après le Galec') est la centrale nationale de référencement du Mouvement E. Leclerc, dont l'activité principale consiste à négocier auprès des fournisseurs les conditions d'achat et de commercialisation des produits.

La société Vignerons Traditions expose que ses fondateurs ont souhaité en 1997 allier le vin à des objets ou produits gastronomiques dans des coffrets, et qu'elle a proposé au printemps 2013 une gamme de coffrets de fin d'année à la société Galec, comprenant un coffret Kit du Bistrot, un coffret Kit de Vegas et un coffret Kit L'Homme Moderne, chacun de ces coffrets comportant deux bouteilles de vin de Bordeaux, outre des accessoires.

Ayant constaté par procès-verbaux des 23 et 27 novembre 2013 la commercialisation dans certains centres E. Leclerc, ainsi que la promotion par le Galec sur le site internet www.e-leclerc.com et les catalogues intitulés 'Au Pays de Noël' d'un coffret intitulé 'Kit de L'Homme Moderne' contenant notamment des bouteilles de vin et une clé USB, la société Reder a mis en demeure cette dernière par courrier du 10 décembre 2013 de cesser les actes litigieux avant de faire assigner, selon acte d'huissier du 18 septembre 2014 les sociétés Galec et Vignerons Traditions en contrefaçon de marque.

Par ordonnance du 25 mars 2016, le juge de la mise en état a fait droit à la demande de communication formulée par la société Reder quant au nombre de coffrets commercialisés en exécution du contrat conclu entre les sociétés Galec et Vignerons Traditions et au montant du chiffre d'affaires ainsi réalisé.

Par jugement contradictoire en date du 16 juin 2017, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a':

- rejeté la demande de mise hors de cause de la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc,

- déclaré les sociétés Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc et Vignerons Traditions recevables à agir en nullité de la marque 'L'Homme Moderne' n°13 4'031'645 qui leur est opposée pour les ''vins' et pour les 'services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins et de clés USB' et les services de ''présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail',

- déclaré les sociétés Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc et Vignerons Traditions irrecevables à soulever la nullité de la marque n°13 4'031'645 pour l'ensemble des autres produits et services pour lesquels elle a été enregistrée et qui ne leur sont pas opposés,

- rejeté les demandes de nullité pour fraude et défaut de distinctivité de la marque 'L'Homme Moderne' n°13 4'031'645,

- débouté la société Reder de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Reder à payer à la société Vignerons Traditions la somme de 12 000 euros et à la société Coopérative des Groupements d'Achats des Centres Leclerc la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Reder aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 6 juillet 2017, la société Reder a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2018, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Reder demande à la cour, au visa des articles L. 713-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 1240 du Code civil, 10 bis de la Convention d'Union de Paris ainsi que 31 et suivants du Code de procédure civile, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel partiel à l'encontre du jugement du 16 juin 2017,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable son action dirigée à l'encontre de la société Galec et a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Galec, rejeté les demandes de nullité pour fraude et défaut de distinctivité de la marque 'L'Homme Moderne 'n°134031645 et déclaré irrecevables la société Galec Leclerc et la société Vignerons Traditions à soulever la nullité de ladite marque pour l'ensemble des autres produits et services pour lesquels elle a été enregistrée et qui ne leur sont pas opposés,

- l'infirmer en ce qu'il a l'a déboutée de ses demandes de contrefaçon de la marque 'L'Homme Moderne' n° 134031645 et en concurrence déloyale et parasitaire et l'a condamnée au paiement d'un article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la Société Coopérative Groupement d'Achat des Centres Leclerc ' Galec et la société Vignerons Traditions de leur appel incident et de toutes leurs demandes,

- et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Galec et la société Vignerons Traditions ont commis des actes de contrefaçon de la marque 'L'Homme Moderne' n° 134031645,

- dire et juger que la société Galec et la société Vignerons Traditions ont également commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice,

- faire interdiction à la société Galec et à la société Vignerons Traditions, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, de faire usage du signe 'L'Homme Moderne' pour designer des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque française n° 134031645, l'infraction s'entendant de chaque acte d'usage du signe en cause,

- faire interdiction à la société Galec et à la société Vignerons Traditions, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir, d'utiliser le signe 'L'Homme Moderne' sur tout support et à quelque titre que ce soit pour designer des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque n° 13403164,

- condamner solidairement la société Vignerons Traditions et la société Galec à lui verser une somme de 179 607 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'atteinte portée à ses droits de marque,

- condamner solidairement la société Vignerons Traditions et la société Galec à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Galec à lui payer une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif aux actes de concurrence déloyale commis,

- condamner la société Vignerons Traditions à lui payer à une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif aux actes de concurrence déloyale commis,

- débouter la société Galec et la société Vignerons Traditions de toutes leurs demandes,

- condamner la société Galec et à la société Vignerons Traditions à lui payer chacune, une somme respective de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de première instance et d'appel qui comprendront également les frais et honoraires exposes à l'occasion des constats d'Huissier dont distraction au profit de son conseil dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2017, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Coopérative des Groupements d'Achats des Centres Leclerc demande à la cour de :

- le déclarer recevable et fondée en son appel incident,

Y faisant droit

- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2017 en ses dispositions qui lui sont défavorables,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Reder était irrecevable à agir en contrefaçon et en concurrence déloyale à son encontre faute de qualité à agir, et en tout état de cause, en raison de la nullité pour fraude de la marque 'L'Homme Moderne' n°134021645 du 11 septembre 2013 pour les produits figurant en classes 9, 18, 24, 28, 33 et 35, ainsi qu'en classe 16, exception faite, s'agissant de cette dernière classe, des produits limitativement énumérés dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2014,

- débouter en conséquence la société Reder de toutes ses demandes et confirmer le jugement du 16 juin 2017 en ce qu'il l'a condamnée à lui régler une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Reder à lui régler une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au visa de l'article 1240 du Code civil outre 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a décidé que la société Reder était non fondée en son action en contrefaçon et en concurrence déloyale, l'a déboutée de toutes ses demandes à ce titre et l'a condamnée à régler à la société Galec une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Reder à lui régler une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au visa de l'article 1240 du Code civil outre 15 000 euros de l'article 700 du Code de procédure civile,

Plus subsidiairement :

- dire et juger que cette dernière ne rapporte la preuve d'aucun préjudice et la débouter en conséquence de toutes ses demandes et la condamner à lui régler une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

- la dire et juger fondée en son action en garantie à l'encontre de la société Vignerons Traditions,

- condamner la société Vignerons Traditions à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de l'instance engagée par la société Reder, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec la distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et condamner la société Vignerons Traditions à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2018, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Vignerons Traditions demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 16 juin 2017 en ce qu'il a jugé qu'elle a un intérêt à soulever la nullité de la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645 déposée le 11 septembre 2013 invoquée par la société Reder, et est recevable en ces demandes à ce titre,

- l'infirmer en ce que le tribunal a rejeté ses demandes au titre de la nullité de la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645 déposée le 11 septembre 2013 invoquée par la société Reder,

Statuant à nouveau,

- dire et juger nulle pour dépôt frauduleux la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645 déposée le 11 septembre 2013 invoquée par la société Reder,

- dire et juger nulle pour défaut de distinctivité la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645 déposée le 11 septembre 2013 invoquée par la société Reder,

- infirmer le jugement en ce que le tribunal a jugé recevable la société Reder pour son action en contrefaçon,

- confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a jugé qu'elle ne s'est pas rendue coupable de contrefaçon de la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645 déposée le 11 septembre 2013 par la société Reder, et dès lors débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes à ce titre

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Reder ne justifie d'aucun préjudice de ce chef, n'en démontrant ni le principe, ni la réalité, ni le quantum,

En conséquence,

- débouter la société Reder de l'ensemble de ses demandes du chef de la contrefaçon,

- confirmer le jugement en ce que le tribunal a jugé que son comportement n'était pas constitutif d'une faute de parasitisme, et a dès lors, rejeté les demandes de la société Reder au titre d'un comportement déloyal ou parasitaire,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Reder ne justifie d'aucun préjudice de ce chef, n'en démontrant ni le principe, ni la réalité, ni le quantum,

En conséquence,

- débouter la société Reder de l'ensemble de ses demandes du chef de concurrence déloyale,

- lui donner acte à de ce qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour en ce qui concerne l'appel en garantie du Galec,

- condamner la société Reder à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les condamnations prononcées à ce titre en première instance,

- condamner la société Reder aux entiers dépens, donc ceux de constat d'huissier, et pour ceux devant le Tribunal de céans, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mars 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de mise hors de cause du Galec

Considérant que le Galec conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de mise hors de cause au motif qu'il n'a ni acheté ni revendu les coffrets litigieux, précisant que les magasins Leclerc sont indépendants et qu'ils n'ont aucune obligation de s'approvisionner auprès des fournisseurs qu'il référence ;

Considérant toutefois, qu'il est constant que le Galec a conclu le 6 novembre 2012 un contrat cadre avec la société Vignerons Traditions portant notamment sur les conditions d'achat et de commercialisation de divers produits dont les coffrets litigieux commercialisés en 2013, et que au surplus le Galec est l'éditeur du site e-leclerc.com sur lequel a été dressé le procès-verbal de constat du 23 novembre 2013 ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a dit que ce dernier n'était pas fondé à solliciter sa mise hors de cause, et que au contraire, l'appréciation du bien fondé des demandes formées à son encontre relevait du fond du débat ;

Sur la qualité à agir de la société Reder

Considérant que le Galec conclut par ailleurs à l'irrecevabilité à agir en contrefaçon de marque de la société Reder à son encontre au motif premier qu'un jugement rendu le 6 juin 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris, confirmé par la cour d'appel de Paris par arrêt du 16 mai 2014 sauf en ce qui concerne quelques produits limitativement énumérés en classes 16, 25 et 41, a prononcé la déchéance de la marque semi-figurative 'l'homme moderne'n°1696065 et de la marque verbale "l'homme moderne"n°93492476, et que la marque n°134031 645 du 11 septembre 2013, objet du présent litige, a été déposée afin de renouveler les deux premières marques précitées, et est également et 'expressément' concernée par la déchéance qui a été prononcée ;

Considérant cependant, que la marque semi-figurative n°13 4'031 645, en cause dans le présent litige, a fait l'objet le 11 septembre 2013 d'un nouveau dépôt sous une forme modifiée ou pour d'autres produits et services en même temps que le renouvellement de la marque n°1696065 déposée le 30 septembre 1991 et frappée de déchéance partielle ; qu'elle n'apparaît pas comme étant le renouvellement de la marque verbale n° 93492476 déposée le 17 novembre 1993 et également frappée de déchéance partielle à compter du 25 février 2008 pour certains produits et services ; que la fin de non-recevoir invoquée par le Galec ne peut donc prospérer pour ce premier motif ;

Considérant que le Galec fait encore valoir que l'appellation 'Kit l'homme moderne' contestée, ne figure sur aucun des produits contenus dans le coffret lui-même, de sorte qu'à ce titre également, la société Reder, qui confond le contenu et le contenant, serait irrecevable à agir en contrefaçon à son encontre ;

Que toutefois la comparaison des signes en cause et des produits concernés relève également du fond du débat et ne constitue pas plus une fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir ;

Sur la demande de nullité de la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645

Considérant qu'il a été dit que la société Reder est notamment titulaire d'une marque française semi- figurative l'homme moderne déposée le 11 septembre 2013 et enregistrée sous le n° 134031645 pour désigner divers produits et services en classe 3, 9, 16, 18, 24, 25, 28, 29, 33, 35, 39 et 41, et notamment les 'vins, services de vente en détail, en gros, par correspondance et en ligne de supports d'enregistrement numériques, de supports de données numériques, de clés USB, services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins ' qui sont les seuls produits opposés dans le cadre du présent litige ;

Qu'aux termes du dispositif de ses dernières écritures, le Galec sollicite la nullité de cette marque pour fraude pour les produits des classes 9, 18, 24, 28, 33 et 35, ainsi qu'en classe 16, exception faite, s'agissant de cette dernière classe, des produits limitativement énumérés dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2014 ; que les moyens contenus dans les motifs de ces mêmes écritures ne concernent cependant que la classe 35, sans autre explication, ainsi que la classe 16 pour 'les boites en carton pour la livraison de produits' au motif que le dépôt aurait eu pour but d'échapper à la déchéance d'une marque antérieure 'quasi-identique' et à tout risque de déchéance pour défaut d'exploitation pendant une période de 5 ans, étant ajouté que le dépôt de la marque en classe 33 aurait quant à lui été effectué pour faire obstacle à la commercialisation du coffret incriminé et asseoir une action en contrefaçon ;

Que la société Vignerons Traditions conclut également à la nullité de la marque invoquée pour fraude, celle-ci ayant été déposée selon elle pour contourner les termes des décisions de justice précédentes en vue du présent litige, dès lors que les dépôts antérieurs ne visaient pas les vins et que la marque en cause a été déposée au moment du lancement de son propre produit ; qu'elle ajoute à sa demande un motif de nullité pour défaut de distinctivité ;

Considérant ceci exposé, qu'il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

Que c'est par ailleurs par des motifs exacts et pertinents que s'approprie l'appelante, que le tribunal a dit, qu'en application de l'article 70 du Code de procédure civile, la société Vignerons et le Galec, qui forment une demande reconventionnelle en nullité de la marque opposée au titre de la contrefaçon, sont irrecevables à soulever la nullité de ladite marque pour les produits et services visés au dépôt qui ne leur sont pas opposés ;

Considérant sur la fraude alléguée, qu'il convient de rappeler que le droit des marques est un droit d'occupation ; qu'il a été dit que la marque semi-figurative n°13 4'031 645 a fait l'objet le 11 septembre 2013 d'un dépôt sous une forme modifiée ou pour d'autres produits et services en même temps que le renouvellement de la marque n°1696065 déposée le 30 septembre 1991 et frappée de déchéance à compter du 25 février 2008 pour certains produits et services et qu'elle n'apparaît pas comme étant le renouvellement de la marque verbale n°93492476 déposée le 17 novembre 1993 et également frappée de déchéance à compter du 25 février 2008 pour certains produits et services ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'il ne peut être déduit du jugement du 6 juin 2013 confirmé partiellement par arrêt du 16 mai 2014 et ayant prononcé la déchéance des marques n°1696065 et n°93492476, que la société Reder a procédé au dépôt de la marque contestée pour échapper à la déchéance qui avait été prononcée, ce d'autant que les produits opposés dans le cadre de la présente action en contrefaçon soit les 'vins' et les 'services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins et de clés USB' n'étaient pas visés par les marques précédentes ; qu'il n'est de même nullement établi que le catalogue de la société Vignerons Traditions intitulé 'Coffrets Vins 2013 spécial fin d'année' que la société Reder verse elle-même au débat, a été édité et distribué en août 2013 comme le soutient l'intimée, et en tous cas avant le dépôt de la marque litigieuse intervenue le 11 septembre 2013 ;

Considérant au surplus que la société Reder justifie, par des attestations de son directeur financier des 4 et 5 novembre 2015, de la vente de clés USB et de coffrets de bouteilles de vin et/ou de magnums de champagne sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 ainsi que de l'offre de coffrets contenant une bouteille de vin à ses clients sur la période 2009 à 2012 et produit également des factures de vente de ces produits depuis 2010 ;

Que la société Vignerons Traditions ne peut pas plus se prévaloir de ses relations avec le Galec et/ou de ses échanges avec son imprimeur et en particulier du bon à tirer du coffret 'Kit l'homme moderne' incriminé, dont la date, illisible sur le document est en tous cas incertaine, et dont la société Reder ne pouvait avoir connaissance ;

Qu'enfin il est justifié de l'exploitation de la marque n° 134031645 laquelle au demeurant n'est pas soumise à l'obligation d'usage, du moins au jour de l'assignation pour avoir été déposée le 11 septembre 2013 ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de la marque n°134031645 pour fraude ;

Considérant sur la demande de nullité pour défaut de distinctivité, que la société Vignerons Traditions fait valoir que l'association des deux termes HOMME et MODERNE est banale et que l'expression "l'homme moderne" ainsi constituée désigne communément 'un homme qui cherche à rester jeune en soignant son look et en se mettant à la page des nouvelles technologies' alors que la société Reder exploite la marque pour désigner un catalogue de vente par correspondance destiné aux hommes correspondant à cette description (sic) ;

Considérant toutefois, que pour évocatrice qu'elle soit de l'homme ainsi caractérisé par l'intimée, force est de constater, d'une part que la marque est également constituée d'un élément figuratif, et d'autre part que l'expression "l'homme moderne" composée des termes L'HOMME et MODERNE ne constitue ni la désignation nécessaire des produits et services opposés ni l'une de leurs caractéristiques, de sorte que c'est à bon droit que la tribunal a également rejeté le moyen tiré de la nullité pour défaut de distinctivité de la marque ;

Considérant que la société Vignerons Traditions invoque encore, au soutien de sa demande en nullité de la marque opposée, l'existence d'un droit antérieur sur la dénomination l'HOMME MODERNE du fait de 'négociations portant sur l'opération 'Kit l'Homme MODERNE' ayant débuté dès le début de l'été 2013 et de l'existence d'un bon à tirer conçu avant le dépôt de la marque litigieuse puisqu'il a été validé le jour de celui-ci' ;

Qu'il a été dit toutefois que la société Vignerons Traditions ne pouvait se prévaloir de ses relations avec le Galec et/ou de ses échanges avec son imprimeur et en particulier du bon à tirer du coffret 'Kit l'homme moderne' incriminé, dont la date est incertaine, et dont la société Reder ne pouvait en tout état de cause avoir connaissance ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu'il a été précédemment exposé que la société Reder est titulaire de la marque semi- figurative l'homme moderne déposée le 11 septembre 2013, publiée le 4 octobre 2013 et enregistrée sous le n° 134031645 pour notamment les : 'vins, , services de vente en détail, en gros, par correspondance et en ligne de supports d'enregistrement numériques, de supports de données numériques, de clés USB, services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins' qui sont les seuls opposés en cause d'appel (p3 des dernières écritures de l'appelante, les services de 'présentation de tous produits sur tous moyens de communication pour la vente au détail' n'étant évoqués qu'au titre de son analyse du risque de confusion existant entre les signes) ; que cette marque est ainsi représentée :

Qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal de constat du 23 novembre 2013, des constats d'achat du 27 novembre 2013 et des catalogues Leclerc que :

- le site www.e-leclerc.com proposait à la vente des 'coffrets Collection détente 3 variétés au choix avec accessoires' rassemblant une sélection de vins de Bordeaux ainsi 'qu'une clé USB et ses accessoires', en réalité une souris filaire, un 'hub', une lampe à branchement sur un port USB et une rallonge à branchement sur un port USB, au prix de 29,90 euros

- que ce coffret était présenté sur les catalogues E. Leclerc intitulés 'Au Pays de Noël' au même prix,

- que le magasin Leclerc situé à [...], offrait à la vente et vendait de tels coffrets,

le tout sous la dénomination suivante :

Que les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que 'sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement', qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon ;

Qu'il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné ;

Que les produits commercialisés et les services fournis sous le signe incriminé sont identiques ou similaires par complémentarité aux produits et aux services visés dans l'enregistrement de la marque l'homme moderne n°134031645 et opposés dans le cadre du présent litige en ce qu'ils visent 'les 'vins, services de vente en détail, en gros, par correspondance et en ligne de supports d'enregistrement numériques, de supports de données numériques, de clés USB, services de vente au détail, en gros, par correspondance et en ligne de vins', le Galec ne pouvant sérieusement soutenir que le produit incriminé est constitué d' un seul coffret, c'est à dire d'un emballage ;

Que l'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Que d'un point de vue visuel, le signe incriminé reprend l'expression 'l'homme moderne', dans une calligraphie certes différente mais tout aussi singulière, en lettres blanches, en majuscules pour la marque et minuscules pour le signe contesté à l'exception des lettres d'attaque L et M et de la lettre H, le tout positionné sur deux lignes mises en exergue sur un cartouche noir entouré d'un liseré rouge dans la marque ; que dans le signe contesté figure au surplus le mot 'Kit' figurant en bleu dans un petit encadré blanc, à gauche du signe ;

Que phonétiquement, les signes se liront et se prononceront "l'homme moderne" qui constitue l'élément verbal de la marque que le consommateur gardera en mémoire ;

Que sur le plan intellectuel, les signes évoquent tous deux un homme moderne ; qu'il a été dit que l'expression "l'homme moderne" présentait un caractère distinctif et arbitraire pour désigner les produits et services opposés ; que le mot 'Kit' n'a quant à lui aucun pouvoir distinctif et ne fait que désigner l'ensemble des produits désignés par l'expression "l'homme moderne";

Considérant qu'il résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits et des services concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune, et le fait que figure également sur le coffret incriminé, en bas à droite la mention 'Classwine by Vignerons Traditions', peu visible, n'étant pas de nature à atténuer ce risque de confusion ;

Que la contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée et le jugement qui en a décidé autrement doit donc être infirmé de ce chef ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'à ce titre la société Reder reproche aux intimées d'avoir proposé à la vente le coffret litigieux avant les fêtes de fin d'année, période au cours de laquelle elle offre elle-même à ses clients des coffrets comprenant notamment des bouteilles de vin, et ce dans le but de se placer dans son sillage ; qu'elle ajoute que la présentation du coffret, la 'signalétique' 'l'homme moderne', présentée selon la même disposition que l'enseigne figurant sur son site internet, pour une même clientèle, selon le même mode de commercialisation sous forme de coffret ainsi que la sélection de vins sont autant d'éléments qui, combinés, constituent des actes de concurrence déloyale ; enfin que l'inclusion de la marque l'homme moderne sur des coffrets de vins dans un catalogue de vente Leclerc de produits de grande consommation diffusé à des milliers d'exemplaires dans la France entière et sur le site internet d'une enseigne de grande distribution telle Leclerc, lui porte préjudice en perturbant sa campagne de communication ;

Considérant toutefois, que la pratique de la vente en coffret est courante en périodes de fin d'année ; que les coffrets offerts par la société Reder à ses clients pendant cette période, dont les contenus sont au demeurant différents de ceux des coffrets incriminés, ne se confondent pas avec ces derniers ; que l'emballage des coffrets Vignerons Traditions comporte d'autres inscriptions que le signe incriminé et ne se confond pas avec l'enseigne du site internet lhommemoderne.fr constituée de la marque l'homme moderne, certes sans son liseré de couleur, mais avec la mention 'Objets originaux du monde' ; que par ailleurs les investissements allégués, notamment publicitaires, ne sont pas consacrés spécialement aux coffrets de vins mais bien à l'exploitation de la marque l'homme moderne dans son ensemble ; qu'enfin la vente par catalogue de produits de grande consommation tout comme la vente en ligne est une pratique courante et quasi-généralisée que la société Reder ne peut s'approprier pas plus que celle consistant à sélectionner des vins ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la société Reder, qui a pour objet social la vente par correspondance, ne justifiait d'aucun avantage concurrentiel particulier dans la vente de vins et de coffrets de vins sous la marque l'homme moderne, d'aucune notoriété ni d'aucun investissement particulier dans ce domaine ni dans celui des accessoires numériques, pour rejeter les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; que le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il sera fait droit à la demande d'interdiction dans les termes ci-après définis au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que le préjudice de la société Reder est constitué des seules atteintes portées à la marque n°134031645 dont elle est titulaire du fait de sa banalisation, aucun préjudice commercial n'étant établi dès lors qu'elle ne vend pas de coffrets composés de bouteilles de vin et d'accessoires informatiques ; que la cour trouve ainsi en la cause suffisamment d'éléments pour lui allouer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice ;

Sur les responsabilités et l'appel en garantie

Considérant que pour s'exonérer de toute responsabilité dans les actes de contrefaçon ci-dessus caractérisés, le Galec fait valoir qu'il n'a qu'une activité d'intermédiaire entre les internautes et les magasins de l'enseigne Leclerc, qu'il n'a ni acheté ni revendu les coffrets litigieux et que le site internet www.e-leclerc.com n'est édité par lui que pour la seule partie relative aux informations générales sur le mouvement E. Leclerc à l'exclusion des pages personnelles éditées par les différents magasins, qui sont des entités juridiques indépendantes et autonomes ;

Considérant toutefois, que le constat d'huissier du 23 novembre 2013 révèle que le site internet accessible à l'adresse www.e-leclerc.com est édité par le Galec sans distinction entre cette qualité et celle d'hébergeur pour tout ou partie du site ; qu'en cette qualité d'éditeur il est donc responsable des informations que le site contient, ce d'autant qu'il a sélectionné et référencé les produits litigieux et qu'il a conclu le 6 novembre 2012 un contrat cadre avec la société Vignerons Traditions portant notamment sur les conditions d'achat et de commercialisation de divers produits dont les coffrets litigieux commercialisés en 2013 ;

Que la responsabilité du Galec est donc de ce fait engagée mais ce dernier sera cependant garanti par la société Vignerons Tradidions qui ne conteste pas lui devoir sa garantie en application articles 2.1 et 6.11 du contrat cadre du 6 novembre 2012 ;

Sur la demande de dommages-intérêts du Galec pour procédure abusive

Considérant que le Galec qui succombe ne peut voir prospérer sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Vignerons Traditions et le Galec qui succombent seront condamnés aux entiers dépens qui comprendront en outre les frais de constats, et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Considérant enfin, que la société Reder a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt ; que le Galec sera quant à lui débouté de sa demande formée à l'encontre de la société Vignerons traditions sur le même fondement.

Par Ces Motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu entre les parties le 16 juin 2017 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a débouté la société Reder de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement des sommes de 12 000 euros à la société Vignerons Traditions et de 8 000 euros à la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Statuant dans cette limite et y ajoutant, Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les coffrets de vins et accessoires informatiques objets du procès-verbal de constat du 23 novembre 2013 et des constats d'achat du 27 novembre 2013, la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) et la société Vignerons Traditions ont commis des actes de contrefaçon de la marque 'L'Homme Moderne' n°134031645. Fait interdiction à la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) et à la société Vignerons Traditions de poursuivre ces agissements, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée. Condamne in solidum la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) et la société Vignerons Traditions à payer à la société Reder la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait des atteintes portées à la marque dont elle est titulaire. Déboute la société Reder de ses demandes relatives à la concurrence déloyale et parasitaire. Condamne la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) et la société Vignerons Traditions à payer à la société Reder, ensemble, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes. Condamne la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) et la société Vignerons Traditions aux entiers dépens lesquels comprendront également les frais des constats d'huissier des 23 et 27 novembre 2013 et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Dit que la société Vignerons Traditions devra garantir la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc (le Galec) de toutes les condamnations prononcées à son encontre.