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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 28 août 2018, n° 16-03404

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Willemse France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bonnemaison

Conseillers :

Mmes Bareyt Catry, Grevin

Avocats :

Mes Doyen, Devilleneuve

TGI Amiens, du 29 juin 2016

29 juin 2016

Décision :

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Amiens en date du 29 juin 2016 qui condamne la société Willemse France à verser à Raymond B. la somme de 13 800 € en principal outre une indemnité de procédure de 1 500 € ; Vu les appels interjetés le 11 juillet 2016 enregistrés sous les numéros 16/ 3404 et 16/3450 et la jonction opérée le 5 septembre 2016 ; Vu les conclusions transmises le 7 décembre 2017 par la société Willemse France tendant à voir réformer le jugement déféré, débouter M. B. de toutes ses demandes et le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 € ; Vu les conclusions transmises le 5 décembre 2017 par M. B. tendant à voir confirmer le jugement déféré, écarter les pièces adverses 12,13, 14 et 16 et condamner la société Willemse France au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 € ; Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 18 avril 2018 et les débats du 22 mai 2018 ;

Sur ce

Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que :

- au motif qu'il avait participé à deux loteries publicitaires organisées en 2013 et 2014 par la société Willemse France dont il était client et été rendu destinataire de courriers de cette dernière l'informant qu'il avait gagné, dans l'une, une somme de 7 200 €, dans l'autre, une somme de 6 600 €, M. B. a assigné la société Willemse France au visa de l'article 1371 du Code civil en paiement de ces sommes,

- cette dernière s'y est opposée faisant notamment valoir que les courriers adressés à M. B. étaient dépourvus d'ambiguïté en ce qu'ils laissaient entendre qu'existait un aléa, que plusieurs prix étaient en jeu et l'obtention du premier prix tributaire d'un tirage au sort,

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré qui, au visa des articles L 121-36 et 120-1 du Code de la consommation et 1371 du Code civil, a considéré que les courriers reçus par M. B. étaient rédigés de telle manière que celui-ci de bonne foi pouvait être convaincu de l'obtention du premier prix.

Sur la loterie de 2013

La société Willemse France, critiquant une jurisprudence de la cour de cassation visant à interdire les pratiques promotionnelles telles que les loteries litigieuses, selon elle contraire à la Directive européenne 2005/29/CE s'opposant aux réglementations nationales instaurant une interdiction de principe sans tenir compte des circonstances spécifiques des cas d'espèce, fait valoir que les documents adressés à M. B. (enveloppe, lettre, notification officielle de gain, présentation du 1er prix, bon de participation, règlement) étaient dépourvus d'ambiguïté en ce qu'ils laissaient apparaître l'existence d'un aléa et le paiement du premier prix conditionné par un tirage au sort.

Elle ajoute qu'en exigeant de l'organisateur de loterie qu'il mette tout en œuvre pour que le courrier adressé au consommateur et sa présentation de ne laisser planer aucune ambiguïté le Tribunal est allé " au-delà " des critères de la cour de cassation.

M. B. maintient que l'ensemble des documents adressés par la société Willemse France laissaient entendre, par une mise en page adroite, qu'il avait gagné les sommes réclamées en vertu d'un tirage au sort effectué par huissier de justice sans mettre en évidence, dès la première lecture, l'existence d'un aléa dont il déduit l'obligation pour l'appelante de lui verser le gain annoncé conformément aux dispositions de l'article 1371 du Code civil dans sa version applicable.

La cour rappelle que l'article L. 121-36 du Code de la consommation dans sa version applicable, posait le principe de la licéité des opérations promotionnelles tendant à l'attribution d'un gain par voie de tirage au sort à condition qu'elles ne soient pas déloyales.

Admettre au visa des dispositions de l'article 1371 du Code civil que l'organisateur puisse être condamné à délivrer le prix annoncé dès lors que n'était pas apparente pour le consommateur, dès la première lecture, l'existence d'un aléa, revient à sanctionner le comportement déloyal du professionnel s'efforçant de tromper son interlocuteur sur l'obtention d'un gain substantiel.

Au cas d'espèce, les documents relatifs à la loterie de 2013 font apparaître :

- sur la lettre de notification officielle de gains, la mention :

* au recto : votre numéro a été désigné gagnant, suivie de l'indication dans un bandeau rouge " conformément au règlement pour autant que votre numéro ait été désigné gagnant du premier prix, nous pourrons alors vous annoncer que c'est bien vous qui allez recevoir 7 200 €,

* au verso l'indication : " vous recevrez la somme de 7 200 € en cas de gain du premier prix ", l'extrait de règlement en bas de page rappelant qu'hormis le premier prix de 7 200 €, étaient distribués autant de chèques d'achat de 7,50 € que de participants,

- sur l'enveloppe contenant ce courrier la mention dans un épais bandeau rouge placé au-dessus de l'indication " vous avez gagné 7 200 € " de cette précision " pour autant que votre numéro ait été désigné gagnant ",

- sur un imprimé " Garantie de paiement " dont la société Willemse France produit un extrait intégral (celui-ci comportant au dos la demande de remise de chèque détachée et postée par M. B.), la mention " Je soussigné..., directeur financier...certifie avoir bloqué dans nos services comptables la somme de 7 200 € correspondant au premier prix de notre grand tirage, un chèque de 600 € par mois ou 7 200 € comptant ", le client dont le numéro aura été désigné gagnant du premier prix recevra cette somme à la clôture du jeu.

La cour considère donc, au contraire du premier juge, qu'une simple lecture des documents reçus permettait d'emblée à un consommateur attentif de se convaincre qu'il était certes gagnant (l'extrait de règlement précisant que tous les participants au jeu recevraient un prix) mais que le nom du gagnant du premier prix restait secret et la perception par M. B. du premier prix aléatoire.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le rejet de pièces inutiles à la solution du litige.

Sur la loterie de 2014

Les mêmes observations s'imposent concernant cette loterie, les documents reçus par M. B. étant les mêmes que ceux afférents à la précédente loterie si ce n'est que l'intéressé a également reçu un " extrait du listing officiel des résultats définitifs du 9 janvier 2014 " sur lequel il est indiqué que M. B. a reçu une notification officielle de gain sous la signature du directeur commercial J. confirmant que le 1er prix est remis sous forme d'un chèque 6 600 € en une fois ou de 550 € par mois pendant un an, que grâce à son numéro gagnant M. B. recevra un chèque et qu''en cas de gain du premier prix c'est bien la somme de 6 600 € que je dois vous remettre "

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Déboute M. B. de ses demandes ; Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et dépens.