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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 3 septembre 2018, n° 17-01714

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

ACVU (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bélières

Conseillers :

MM. Rouger, Muller

Avocat :

Selarl LCM

TGI Toulouse, 17 févr. 2017

17 février 2017

Exposé des faits et procédure

Le 5 septembre 2014 M. Romain P. et Mme Véronique P. se sont portés acquéreurs auprès de M. Stélian R., par l'intermédiaire de l'EURL ACVU, d'un véhicule automobile de marque Opel modèle Astra Tourer CDTI, immatriculé CZ-122-VA mis en circulation le 7 juillet 2011 avec un kilométrage non garanti de 60.448 affiché au compteur, moyennant le prix de 12 140 €.

Le 12 novembre 2014 lors d'une révision de la voiture chez le concessionnaire de la marque pour une reprogrammation du GPS, il est apparu que le kilométrage affiché au compteur n'était pas le kilométrage réel (180 000 environ).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 novembre 2014 les acquéreurs ont sollicité la résolution de la vente.

Une expertise amiable a été réalisée par le cabinet ER Expertise automobiles, mandaté par l'assureur de protection juridique des acheteurs, à laquelle ont été convoqués M. R. et l'EURL ACVU, lequel dans son rapport du 19 janvier 2015 a constaté que plusieurs interventions antérieures mentionnaient des kilométrages largement supérieurs (99 563 le 18/12/2013 et 137 595 le 26/08/2013) de sorte que celui actuellement indiqué par le compteur kilométrique du véhicule était très largement inférieur à celui réellement parcouru.

Par actes du 3 août 2015 et 16 septembre 2015 M. P. et Mme P. ont fait assigner M. R. et l'EURL ACVU devant le tribunal de grande instance de Toulouse en résolution de la vente pour non conformité de la chose délivrée et, à titre subsidiaire, pour dol et en indemnisation.

Par jugement contradictoire du 17 février 2017 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 5 septembre 2014 entre M. R. d'une part et M. P. et Mme P. d'autre part

- condamné M. R. à restituer le prix de 12 140 €

- dit qu'après ce paiement il devra reprendre à ses frais, gardiennage compris, le véhicule en quelque endroit qu'il se trouve

- condamné in solidum M. R. et l'EURL ACVU à payer à M. P. et Mme P. la somme de 1 128,78 € au titre de frais d'entretien et de dépannage outre la somme de 1 000 € à chacun d'eux à titre de dommages et intérêts

- condamné in solidum M. R. et l'EURL ACVU-Auto à payer à chacun de M. P. et Mme P. la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens

- dit que dans les rapports entre eux la charge finale des condamnations in solidum seront supportées par moitié.

Par acte du 20 mars 2017 M. R. a interjeté appel général de la décision et par voie de conclusions l'EURL ACVU-Auto et les consort P.-P. ont formé appel incident.

Prétentions et moyens des parties

M. R. sollicite dans ses dernières conclusions du 4 décembre 2017, au visa des articles 1604, 1142 et 1147 du Code civil, de

A titre principal,

- infirmer le jugement

- dire qu'il n'a pas manqué à son obligation de délivrance

- condamner M. P. et Mme P. à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens

A titre subsidiaire,

- condamner l'EURL ACVU-Auto à le relever indemne de toutes condamnations en principal, intérêts, article 700 du Code de procédure civile et dépens qui seraient prononcées à son encontre

- dire que les demandes de dommages et intérêts ne sont pas fondées

- condamner l'EURL ACVU-Auto à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Il fait valoir qu'il a acquis le véhicule en octobre 2013 auprès d'un particulier qui habitait en Roumanie pour une somme de 15 500 € avec un kilométrage de 29.200 mentionné sur le document administratif, que le 1er juin 2015 il l' a confié dans le cadre d'un contrat de dépôt vente à l'EURL ACVU-Auto en vue de trouver un acquéreur de sorte que ce garagiste aurait du faire tous les contrôles nécessaires.

Il affirme que le compteur a été trafiqué avant qu'il n'acquière lui-même le véhicule et qu'ainsi sa bonne foi ne peut être mise en cause alors qu'il n'a pas la qualité de professionnel.

Il indique qu'il n'a pas assisté à l'expertise amiable car il n'a pas été convoqué à sa véritable adresse.

Il souligne qu'il est mentionné sur la facture de vente et sur la déclaration de cession de la voiture à M. P. et Mme P. que le kilométrage n'est pas garanti, que cette clause est parfaitement opposable et ne peut entraîner la résolution pour non conformité puisque le véhicule est conforme aux caractéristiques convenues, le kilométrage étant exclu du champ contractuel.

Il ajoute que le prix de vente n'était pas de 12 140 € mais de 10 530 €, la différence de 1 610 € correspondant à la commission de l'EURL ACVU-Auto

Subsidiairement, il recherche la responsabilité civile de l'EURL ACVU-Auto pour manquement à son devoir de conseil, pour ne pas avoir attiré son attention sur le fait que la voiture ne pouvait être dans l'état d'usage d'un véhicule qui aurait seulement parcouru 55 000 kilomètres en trois ans, que l'intermédiaire professionnel qui doit connaître la non conformité de la chose commet une faute en n'informant pas les acquéreurs et le vendeur que le kilométrage inscrit sur le compteur est erroné ; il demande sa condamnation à le relever intégralement indemne de toute somme qui pourrait être mise à sa charge comme conséquence de la résolution de la vente et de la restitution du prix ou de tous dommages et intérêts.

Il soutient qu'il n'a pas à assumer le coût de la facture d'entretien et de dépannage de 1 128,79 € en l'absence de lien de causalité démontré avec une supposée faute de sa part et que ces dépenses ne sont pas la conséquence d'un kilométrage erroné mais du simple usage, d'autant qu'elles peuvent trouver leur cause dans un défaut d'utilisation conforme du véhicule par les acquéreurs.

Il conteste devoir indemniser les consorts P.-P. à hauteur d'une somme de 1 000 € en l'absence de préjudice établi, d'autant que le véhicule aujourd'hui en panne subit une décote.

L'EURL ACVU-Auto demande dans ses conclusions du 4 octobre 2017 de

Vu les articles 1604 du Code civil, L 211-4 et suivants du Code de la consommation, 1116 du Code civil, 1382 ancien du Code civil

- réformer le jugement

- débouter M. P. et Mme P. de l'ensemble de leurs demandes à son encontre, n'ayant pas la qualité de vendeur, aucun dol ni aucune faute n'étant établie, en l'absence au surplus de tout lien de causalité entre les préjudices invoqués et son intervention

- débouter M. R. de l'ensemble des demandes formées à son égard

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Elle affirme n'avoir jamais assuré les acquéreurs de la fiabilité du kilométrage ni garanti celui-ci, comme en atteste d'ailleurs la facture émise par ses soins qui exclut expressément toute garantie liée au kilométrage avec la mention " km compteur non garantis " ainsi que la déclaration de cession qui vaut contrat de vente sur laquelle il est expressément indiqué au titre du kilométrage " 60 448 NG " ; elle fait remarquer que si le kilométrage avait été aussi important et déterminant de leur consentement les consorts P.-P. n'auraient pas accepté l'insertion d'une telle clause ; elle en déduit que la non conformité alléguée porte sur un élément exclu du champ contractuel.

Elle souligne, en toute hypothèse, qu'elle a agi comme simple dépositaire et n'a pas la possibilité de garantir le kilométrage du véhicule qui lui est confié, puisqu'elle ne peut le vérifier et qu'elle n'est pas tenue d'une obligation de délivrance conforme.

Elle soutient que le mandat confié comportait deux obligations : conserver le bien et trouver un acquéreur avec lequel le déposant se réservait le soin de passer un contrat de vente, avec rémunération sous la forme d'une commission de vente déduite du prix de cession directement perçu par le vendeur.

Elle en conclut qu'elle n'est pas partie au contrat de vente et ne saurait donc restituer le prix qu'elle n'a pas perçu en conséquence de la résolution de celle-ci au titre d'un défaut de conformité qu'elle n'est pas, par ailleurs, tenue de garantir.

Elle fait valoir, également, que le dol ne se présume pas et doit émaner du cocontractant, que celui commis par un tiers n'est pas sanctionné, qu'elle n'a jamais entendu tromper les acquéreurs puisqu'elle n'avait nullement connaissance de l'erreur affectant le kilométrage qui, en outre, n'était pas décelable, d'autant que la voiture était en très bon état, lequel ne paraissait pas incompatible avec le kilométrage figurant au compteur, nombre d'éléments ayant été remplacés.

Elle souligne que M. R. a parcouru 30 000 kilomètres et a du nécessairement le confier à des garages pour son entretien, de sorte qu'il ne pouvait ignorer le défaut de conformité affectant le kilométrage, ce dont il aurait du l'informer car elle ne pouvait elle-même le détecter et s'étonne que, s'il était de bonne foi, il n'ait pas régularisé un appel en cause contre son propre vendeur.

Elle précise que l'expert n'a déduit l'anomalie relative au kilométrage qu'en raison des interventions antérieures effectuées sans procéder à un examen technique intrinsèque du véhicule duquel il aurait conclu que la mécanique était dans un état de vétusté incompatible avec un faible kilométrage tel que celui annoncé, alors que les acquéreurs ont parcouru 8 000 kilomètres avec le véhicule dans des conditions d'utilisation et d'entretien ignorées.

Elle estime qu'en toute hypothèse la résolution de la vente n'est pas justifiée, car en vertu des articles L. 211-9 et 211-10 du Code de la consommation, elle ne peut être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

Elle s'oppose à tout octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1142 du Code civil, n'ayant pas la qualité de co-contractant.

Elle soutient que sa responsabilité ne peut être engagée au plan délictuel en l'absence de lien de causalité entre la demande à son égard et son intervention en tant que simple dépositaire ; elle affirme que la demande à titre de préjudice moral est infondée dans son principe et son montant en l'absence de tout document technique relatif à l'état du véhicule, alors qu'elle n'est pas à l'origine de celui-ci, ni de son kilométrage réel et qu'il en va de même de celle présentée au titre de l'auto radio défectueux dont le montant est exorbitant, au surplus sur la base d'un simple devis et non d'une facture acquittée, alors que cet équipement n'a pas lieu d'être remplacé puisque la résolution ou l'annulation de la vente est, par ailleurs, sollicitée.

Sur l'appel en garantie dirigé à son encontre par le vendeur elle prétend qu'en sa qualité de dépositaire elle n'était tenue à aucune obligation d'information ou de conseil et qu'en toute hypothèse la falsification du compteur n'était pas décelable.

Mme P. et M. P. sollicitent dans leurs conclusions du 16 août 2017 de

A titre principal, confirmer le jugement

A titre subsidiaire,

- déclarer l'EURL ACVU-Auto et M. R. responsables sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour dol

- ordonner la restitution de la somme de 12 140 € versée à l'achat

- ordonner la restitution du véhicule entre les mains de M. R.

En tout état de cause,

- débouter M. R. et l'EURL ACVU-Auto de l'ensemble de leurs demandes

- condamner solidairement l'EURL ACVU-Auto et M. R. à leur payer les sommes de

* 1 128,78 € au titre de frais d'entretien et de dépannage

* 1.324,44 € au titre du remplacement de l'auto radio

* 2 500 € à chacun d'eux à titre de dommages et intérêts

* 1 500 € à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Ils font valoir qu'ils ont eu la volonté d'acheter un véhicule d 'occasion peu kilométré (moins de 80 000) et non un véhicule ayant déjà parcouru 180 000 kilomètres, que l'article L. 211-4 du Code de la consommation prévoit que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité lors de la délivrance, que la vente n'est valablement conclue que si le bien remplit toutes les caractéristiques convenues et attendues.

Ils soutiennent que la vente d'un véhicule dont le compteur kilométrique a été sciemment modifié constitue une violation de l'obligation de délivrance du vendeur, que cet élément était bien rentré dans le champ contractuel puisque le kilométrage était mentionné sur la déclaration de cession, que cette qualité a été déterminante de leur consentement, que la facture qui mentionne que le kilométrage n'est pas garanti n'est pas revêtue de leur signature.

Subsidiairement, ils fondent leur action sur le dol pour avoir été induits en erreur par M. R. qui, par des manœuvres dolosives, les a conduit à conclure un contrat de vente qu'ils croyaient attractif puisqu'il a mis en place un artifice en divisant par trois le chiffrage du compteur kilométrique de manière à donner au véhicule une valeur bien supérieure à sa valeur réelle ; ils font remarquer, à ce titre, que le véhicule avait parcouru près de 140 000 kilomètres en août 2013 soit un an avant la vente, que M. R. a continué à utiliser la voiture jusqu'à ce qu'il la confie à l'EURL ACVU-Auto en septembre 2014 de sorte que le compteur pouvait alors raisonnablement afficher 180 000 kms, que ce vendeur a donc procédé à une manœuvre dolosive dans le but de réaliser la vente dans des conditions de temps et de financement optimales puisque le mandat de dépôt-vente mentionne un kilométrage réel de 55 000 sans remplir l'espace 'kms non garanti'.

Ils soulignent que, lors de la vente, l'EURL ACVU-Auto leur a affirmé être sûre des kilométrages des voitures qu'elle vendait et en déduisent qu'elle a sciemment tenté de les mette en confiance en arguant de sa probité pour les déterminer à contracter.

Ils estiment que M. R. et l'EURL ACVU-Auto ont tous deux eu l'intention de les tromper sur une qualité déterminante de l'objet de la vente sur laquelle ils avaient au préalable lourdement insisté, que l'artifice mis en place les a induits en erreur et constitue une manœuvre illicite au sens de l'article 1116 du Code civil car, sans elle, ils n'auraient jamais contracté.

Ils indiquent avoir subi un préjudice matériel puisqu'ils ont réalisé un entretien pour un coût de 1 016,48 €, nécessaire pour un véhicule de 180 000 kilomètres mais non pour un véhicule de 60 448 kilomètres, ont du financer un dépannage de 112,30 € puis solliciter amis et famille ou avoir recours au co-voiturage pour les déplacements, pour finalement n'avoir d'autre choix que d'acquérir une nouvelle voiture d'un montant de 7 000 € et de souscrire un crédit à la consommation et subir un préjudice moral important.

Ils sollicitent l'octroi de la somme de 1 128,78 € au titre de leur préjudice matériel et 2 500 € chacun pour leur préjudice moral outre 1 324,44 € au titre de l'auto radio défectueuse.

Motifs de la décision

M. P. et Mme P. agissent devant la cour sur deux fondements, le défaut de conformité et subsidiairement le dol, dont les conditions de mise en œuvre sont spécifiques.

Sur la résolution de la vente pour défaut de conformité

L'action à ce titre ne peut être exercée qu'à l'encontre du vendeur, M. R., à l'exclusion de l'EURL ACVU-Auto qui n'a pas cette qualité, n'étant pas propriétaire du véhicule.

Elle ne peut l'être sur le fondement des articles L. 211-3 à L. 211-14 du Code de la consommation relatifs à la garantie légale de conformité qui n'est applicable qu'aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l'acheteur agissant en qualité de consommateur.

S'agissant d'une cession de véhicule entre deux particuliers que sont M. R. d'une part, et les consorts P.-P. d'autre part, elle est régie par les règles de droit commun.

Aux termes de l'article 1603 du Code civil, les obligations du vendeur ne se limitent pas à la garantie des vices cachés de la chose vendue mais lui imposent également de délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle est destinée.

Le vice s'analyse en une défectuosité, c'est-à-dire une anomalie, une altération, qui nuit au bon fonctionnement de la chose ou à sa solidité ; le défaut de conformité consiste en une différence entre la chose promise au contrat et la chose délivrée.

M. R. a livré le 5 septembre 2014 une voiture qui ne correspondait pas aux caractéristiques portées sur l'acte de cession puisque ce dernier mentionnait un kilométrage au compteur de 60.448 alors que le kilométrage réellement parcouru était près de trois fois supérieur.

La recherche d'historique du véhicule réalisée en novembre 2014 à l'aide du numéro de série par le concessionnaire Opel d'Albi, à qui il avait été confié pour mise à jour du système GPS, a révélé la présence d'interventions techniques réalisées à des dates antérieures soit le 18 février 2013 le remplacement du module de commande de climatisation par le concessionnaire Opel à Erfurt en Allemagne avec facture portant un kilométrage relevé de 99 563 kms puis le 26 août 2013 le remplacement de plaquettes de frein avant par ce même concessionnaire avec facture portant un kilométrage relevé de 137 595.

Ces données techniques confirmées par voie d'expertise amiable ne sont pas discutées.

Elles caractérisent un manquement du vendeur, M. R., à son obligation de délivrance conforme prévue à l'article 1604 du Code civil expressément visé par les acquéreurs, les consorts P.-P., dans leurs conclusions qui est une obligation de résultat, pour laquelle la bonne ou la mauvaise foi du vendeur est sans incidence.

Le certificat de vente dûment signé par les deux parties figurant au bas de la déclaration de cession d'un véhicule contient, certes, l'indication " 60 448 NG " suivie de la précision " Merci d'indiquer le kilométrage total parcouru s'il s'agit d'un véhicule acquis neuf par le vendeur ou dont le kilométrage réel peut être justifié, sinon le kilométrage inscrit au compteur suivi de la mention non garanti " ; la facture de vente remise simultanément mentionnait également " km compteur non garantis 60 448 ".

Cette clause exclusive de responsabilité est en principe valable indépendamment de la qualité des parties aux contrats, particuliers ou professionnels.

Mais elle doit être réputée non écrite en vertu de l'article 1170 du Code civil dès lors qu'elle porte concrètement atteinte à la substance d'une obligation essentielle du débiteur dans le contrat de vente.

En effet, le kilométrage d'un véhicule automobile est une caractéristique fondamentale de la chose vendue qui participe de l'obligation de délivrance du vendeur ; l'importance du kilométrage occulte (180 000), près du triple de celui annoncé au compteur (60 000), pour un véhicule mis en circulation trois ans plus tôt seulement, vient contredire la portée de cette obligation de délivrance et la prive de sa substance.

Dès lors, et conformément à l'article 1184 du Code Civil, la résolution de la vente doit être prononcée et les choses être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient pas existé.

Ainsi, M. R. doit être condamné à rembourser à M. P. et à Mme P. le prix d'achat soit 12 140 € sans être fondé, en raison de l'effet rétroactif de la vente, à obtenir une diminution liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure en résultant.

Les consorts P.-P. ont subi un préjudice moral né des désagréments divers intrinsèquement liés à cette situation, ce qui justifie l'allocation de la somme de 1 000 € à chacun d'eux à titre de dommages et intérêts à ce titre.

Ils ne peuvent, en revanche, solliciter une indemnité au titre du coût du remplacement de l'auto-radio dans la mesure où ils se bornent à présenter un simple devis du 29 juin 2015 d'une validité d'un mois, n'ont pas effectivement fait procéder à cette prestation et ont opté pour la résolution de la vente.

Ils ne peuvent davantage obtenir le remboursement de la facture d'entretien du 20 avril 2015 ni même la facture de remorquage du 28 août 2015 dans la mesure où la résolution a été prononcée pour non conformité de la chose vendue et non pour vice caché et où le véhicule a été utilisé et a parcouru à la première date près de 8 000 kilomètres depuis l'achat et à la seconde date plus de 17 000 kilomètres depuis l'achat (77 321 kms au compteur au 29/06/2015 selon le dernier document produit en faisant mention).

Au surplus, aucune faute du vendeur n'est démontrée, en l'absence de toute donnée objective venant caractériser sa mauvaise foi ; M. R. justifie avoir acquis le véhicule suivant certificat de cession du 20 octobre 2013 mentionnant un kilométrage à la date de livraison de 29.200 moyennant le prix de 15 500 € de sorte que la falsification du compteur kilométrique est antérieure à sa propre acquisition ; il a parcouru 31 248 kilomètres avec cette voiture avant de la revendre près d'un an plus tard à un prix moindre de 12 140 € avec une garantie contractuelle de trois mois ; ces seules données ne permettent pas de considérer que ce vendeur profane avait connaissance effective du kilométrage réel.

Sur les demandes à l'encontre de l'EURL ACVU-Auto

L'Eul ACVU-Auto était titulaire d'un mandat de dépôt vente consenti par M. R. ; en sa qualité de mandataire du vendeur elle était chargée de proposer à la vente le véhicule en permettant le rapprochement du vendeur et de l'acquéreur.

Si toute faute commise dans l'exécution du contrat est susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard des tiers à ce contrat, aucun manquement de cette société n'est caractérisé.

Son mandat était limité à 'apporter au présent dépôt toutes les diligences requises en vue de la conservation du véhicule dans l'état où il se trouve, conformément à la fiche véhicule établie par lui et à faire le nécessaire en vue de trouver un acquéreur avec lequel le déposant se réserve le soin de passer un contrat de vente.

N'étant pas chargée d'intervenir sur le véhicule, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir décelé un kilométrage occulte qui n'était pas apparent, même pour un professionnel, alors qu'aucune donnée de la cause ne permet de considérer que l'état de la voiture aurait pu le laisser suspecter.

L'expert amiable se borne à déduire ce kilométrage réel de l'accès au logiciel du concessionnaire qui a permis de connaître son historique d'entretien en pays étranger, sans faire la moindre observation sur son aspect notamment mécanique.

Tant l'action directe indemnitaire exercée par les acquéreurs à son encontre que l'action en garantie intentée par le vendeur à son égard pour manquement à ses obligations contractuelles de mandataire ne peuvent, dès lors, prospérer.

Sur les demandes annexes

M. R. qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. P. et Mme P. une indemnité au titre de leur frais irrépétibles exposés devant la cour à hauteur de la somme globale de 1 500 €, complémentaire à celle déjà allouée par le premier juge et de rejeter celle présentée à ce même titre par l'EURL ACVU-Auto.

Par ces motifs, LA COUR, - Confirme le jugement hormis en ses dispositions relatives à l'EURL ACVU-Auto, au montant des dommages et intérêts, aux parties devant supporter la charge de cette indemnisation, des frais irrépétibles et des dépens. Statuant à nouveau sur les points infirmés, - Déboute M. P. et Mme P. de leur action en responsabilité et indemnisation vis à vis de l'EURL ACVU-Auto. - Déboute M. R. de son appel en garantie vis à vis de cette même société. - Condamne M. R. à payer à M. P. et à Mme P. les sommes de * 1 000 € à chacun d'eux au titre du préjudice moral * 1 500 € ensemble sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance. - Déboute M. P. et à Mme P. de toute demande indemnitaire complémentaire. Y ajoutant, - Condamne M. R. à payer à M. P. et à Mme P. la somme globale de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile devant la cour. - Déboute M. R. et l'EURL ACVU-Auto de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en cause d'appel - Condamne M. R. aux entiers dépens d'appel.